Discours Prononcé Par Le Président Kayibanda Le 26 Octobre 1960 Devant l’Assemblée Législative
Messieurs,
Cette journée du 26 octobre restera inscrite dans les annales du peuple rwandais.
Aujourd’hui en effet, un Parlement représentatif et un Gouvernement également représentatif sont mis en place. C’est la démocratie qui a vaincu la féodalité. La féodalité sous quelque figure que ce soit, sous quelque forme que ce puisse être, la féodalité au Rwanda est vaincue définitivement. Elle est abolie définitivement. Nous la rejetons définitivement.
Notre peuple a opté pour la démocratie, pour une démocratie libératrice. Les élections communales ont donné à notre peuple rwandais l’occasion de se prononcer. Chacun d’entre nous a été élu par le peuple. Le peuple a confiance en lui.
Tous les partis démocratiques, notamment le Parmehutu, hautement majoritaire, ont demandé l’installation par la Tutelle d’un gouvernement et d’un parlement provisoire. La Belgique démocratique ne pouvait répondre que par l’affirmative. Ces institutions sont aujourd’hui sur pied.
L’objectif du gouvernement rwandais est très simple : d’abord la pacification du pays. Aussi, au nom du gouvernement, je demande à toute la population, bahutu, batutsi, Batwa, européens et à tous les autres habitants du Rwanda, de contribuer à cette œuvre de pacification dans tes modalités que les réglementations générales territoriales et communales détermineront. De graves sanctions seront décrétées incessamment contre les perturbateurs de l’ordre et de la tranquillité. Au nom du gouvernement, je demande, j’exige de tous les habitants du Rwanda une contribution positive au maintien de l’ordre et de la tranquillité.
Quant à l’économie du pays, un planning national va être établi par les ministères responsables tandis que notre politique immédiate durant les mois à venir visera l’équilibre d’une consommation immédiate.
Pour le développement social, la démocratisation de l’éducation nationale sera, pour notre pays, d’une importance capitale. Aussi mon gouvernement tiendra à ce que le peuple puisse être démocratiquement instruit, éduqué.
En ce qui concerne l’indépendance du pays, ce qui nous intéresse c’est que le jour de l’indépendance soit la consécration d’une situation assise et normale. Un jour qui ne gêne en rien la continuité de l’activité nationale. Aussi faut-il que le travail, les relations, l’amitié continuent dans le Rwanda entre noirs et noirs d’abord et principalement, et entre noirs et blancs qui veulent contribuer à la libération authentique du peuple rwandais.
L’attitude du gouvernement rwandais sera orientée par le respect des droits de l’homme, des droits de la personne, des droits de la famille, le souci de la libération de l’Afrique, le respect des valeurs particulières du peuple rwandais.
La perspective de notre gouvernement n’est pas louche : nous voyons un Rwanda multiracial, où tous les habitants s’entendent, où tous les groupes collaborent où chacun travaille pour lui et pour le bien commun.
Notre perspective est africaine. Nous sommes africains sans que cela puisse nous isoler ou handicaper notre contribution à l’émancipation de l’humanité.
Dans tout cela, il est nécessaire que chacun pour soi et pour tous travaille avec ardeur. L’égoïsme, les idéologies non conformes aux aspirations de notre peuple ou à son vrai bien n’influenceront pas notre gouvernement.
Je voudrais terminer en remerciant solennellement le gouvernement belge de l’action sage et progressive qu’il développe pour l’émancipation de notre peuple. Le Rwanda espère qu’aucune influence n’empêchera le gouvernement belge, représenté ici par Monsieur le Résident Général et par Monsieur le Résident Spécial, de bien achever l’œuvre si magnanimement commencée.
Peuple rwandais, sous l’œil vigilant de la Belgique, sous l’égide de votre gouvernement et de votre parlement, allez de l’avant. L’avenir est à vous.
Kigali, le 26 octobre 1 960 Grégoire KAYIBANDA.
Déclaration Gouvernementale prononcée le 26 octobre 1961 devant l’Assemblée Législative
Monsieur le Président de l’Assemblée Législative, Messieurs les Députés,
Je vous remercie de nouveau de la confiance que vous m’avez témoignée en m’élisant à la Présidence de la République Rwandaise. J’espère que votre choix correspond aux vœux du Peuple Rwandais qui nous a élus.
Permettez-moi maintenant de vous donner l’occasion de confirmer votre choix. Je viens répondre aux vœux du Président de l’Assemblée et de vous tous et vous présenter mon programme ainsi que l’équipe que j’ai choisie pour l’exécuter.
L’action du Gouvernement, la coopération et la collaboration nécessaires de votre honorable Assemblée, unies aux efforts de toutes les forces vives du Pays, feront aboutir le Rwanda à une étape importante du chemin si long du progrès humain.
Pour réaliser cette étape, j’ai choisi une loi que j’appellerai fondamentale et que j’ai recommandée à l’équipe que je vais vous présenter ; j’en recommande également l’application par votre honorable Assemblée à l’occasion de toutes ses délibérations, démarches, prises de position.
Cette loi fondamentale est la primauté des intérêts des masses populaires rwandaises.
C’est cette loi qui guidera le travail de chacun des Ministres et clin inspirera notre programme.
Celui-ci est axé sur trois points principaux :
— l’indépendance réelle du Rwanda,
— le relèvement du standing de vie de la population,
— la liaison de notre pays avec tous les Etats ou organismes étrangers susceptibles de concourir à son progrès intégral.
INDEPENDANCE DU PAYS
Notre but est qu’elle vienne comme un fruit mûr qui se cueille tout naturellement. S’il est vrai que certains problèmes nationaux sont insolubles sans l’indépendance, il en est d’autres qu’il faut résoudre au préalable pour qu’elle puisse être une réalité.
En tout premier lieu ce sera la stabilité de la monnaie; nos relations avec la Banque d’Émission du Rwanda-Burundi se situeront au premier plan de nos préoccupations. Il faudra ensuite que soient définis les organismes de coopération entre la République Rwandaise et le Pays du Burundi.
Il faudra enfin que la période immédiatement avant et après l’indépendance soit la plus paisible possible; il est indispensable, en effet, de protéger la continuité de la vie et du travail dans le Pays.
Nous veillerons aussi à ce que nos relations avec la Belgique sortent de la Tutelle pour se placer sur le plan de l’amitié. Nous espérons que la Belgique sera la première des nations amies du Rwanda.
Fixerons-nous bientôt la date précise de l’indépendance? La réponse définitive appartient à cette honorable Assemblée à laquelle mon Gouvernement fournira tous les éléments nécessaires et des propositions concrètes.
RELEVEMENT DU STANDING DE VIE DES MASSES POPULAIRES
Il ne s’agit pas ici uniquement du standing matériel, mais également de la vie sociale et spirituelle dans la nation.
Aussi, mon Gouvernement, aidé de techniciens, s’efforcera-t-il de mettre sur pied un plan concret, réaliste à longue échéance, consistant d’une part à lever les différents obstacles qui s’opposent au développement national et, d’autre part, à réaliser au fur et à mesure des possibilités un progrès tant matériel que social et spirituel.
C’est dans ce plan de développement harmonisé ou intégral que s’inscriront les réformes de structure socio-politique, celle du régime foncier, celle de l’enseignement. Notre Ministère de l’Agriculture, celui des Finances, Affaires Economiques et Plan, celui de l’Education Nationale, celui des Affaires Sociales, seront les grands artisans du relèvement du standing de vie des populations.
Formation d’ouvriers qualifiés et de cadres socio-techniques, promotion de différentes cultures nouvelles conjointement à l’encouragement à apporter aux cultures traditionnelles, organisation de paysannats et d’un artisanat rationnel, propagande au sujet des idées nouvelles, en vue de rendre la population réceptive aux nouvelles structures et méthodes seront autant de points qui sont inscrits à notre programme.
Nous voulons, moi-même et chacun des Ministres, qu’au terme du mandat que vous nous confierez, la famille rwandaise mange mieux, soit mieux vêtue, soit mieux logée, soit plus instruite, dispose d’une atmosphère plus apte à s’approcher de Dieu, fin naturelle et ultime de l’homme et de la société.
Nous savons que la tâche est dure nous aurons besoin de l’aide de chacun de vous, de chacun des citoyens, de chacune des organisations du Pays.
Nous comptons beaucoup pour cette tâche sur l’aide de la Tutelle encore présente. C’est par référence à ces exigences que nous apprécierons la qualité de chacun des habitants non-rwandais du pays. C’est ici spécialement qu’il faudra prêter attention à la loi que nous avons citée: la primauté des intérêts des masses populaires rwandaises.
LA LAISON DANS L’AMITIE DE NOTRE PAYS AVEC LES ORGANISATIONS SUSCEPTIBLES D’AIDER A NOTRE DEVELOPPEMENT NATIONAL
Mon Gouvernement n’oubliera pas que dans le monde d’aujourd’hui l’isolement équivaut à la mort. Moi-même, assisté du Ministère des Relations Extérieures, ferai tout mon possible pour mettre la République Rwandaise en relations utiles avec des Pays plus développés. J’emploierai à cette tâche toutes les relations que mon modeste passé a pu acquérir.
La plupart des Ministres que je présente aujourd’hui à Votre honorable Assemblée disposent également de relations à l’étranger, particulièrement en Afrique et en Europe; chacun sera soucieux d’exploiter en faveur des populations rwandaises la réalité de la solidarité des Nations. C’est d’ailleurs en prévision de certaines absences justifiées par ces motifs, que je me permettrai de désigner l’un ou l’autre des Ministres chargé de me remplacer durant mes voyages ; ainsi rien ne viendra arrêter l’action du Gouvernement à l’intérieur du Pays, ni handicaper nos courses à l’extérieur pour appeler à notre secours les forces susceptibles de nous aider.
Sur ce chapitre également nous comptons encore sur l’aide efficace de la Tutelle. La Belgique fait partie de l’Organisation des Nations- Unies, de la Communauté Economique Européenne, de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord; ses délégués en ces diverses organisations pourront nous être d’un secours important et nous aider à nous situer à notre propre place.
Nous voulons qu’au terme de cette législature notre Pays ait sa place faite, valable et utile dans le concert des Nations libres, tant de l’Afrique que des autres parties du monde.
PROBLEMES PARTICULIERS
Certains problèmes particuliers préoccupent également le Gouvernement pour lequel je vous demande aujourd’hui la confiance. Tels sont le problème des personnes déplacées, celui de la Garde Nationale, celui du recrutement de techniciens pour le développement national. Je les passe rapidement en revue.
I° — Le problème des réfugiés, que j’appellerai plutôt le problème des personnes déplacées, nous préoccupe vivement.
Je convierai d’abord toute la population à vous tracer une ligne de conduite : le problème est insoluble si l’on continue à se placer dans une perspective « politique ». Je demande, spécialement à l’opposition de ne pas se servir de ces personnes pour défendre l’une ou l’autre politique, souvent d’ailleurs dépassée par les événements de l’histoire nationale. Mon Gouvernement demande que tous se placent dans une vision plus «humaine» et aident le Gouvernement à réduire la faim, le vagabondage, la misère, le fanatisme dont sont malades beaucoup de ces personnes déplacées. Pour celles d’entre elles qui ne pourront pas rejoindre leurs communes d’origine, il faudra trouver des régions saines, aptes au peuplement : nous espérons réaliser cela le plus rapidement possible, afin que ces citoyens puissent retrouver une vie de famille normale.
Nous comptons également sur le bon sens et sur la bonne volonté de chacun de ces concitoyens; qu’ils se rappellent que tout ce que nous ferons sera dans leur intérêt, dans l’intérêt de leurs femmes et de leurs enfants; qu’ils comprennent qu’une certaine sévérité ne peut manquer de la part des Autorités, spécialement de la part du Commissariat aux personnes déplacées, créé pour leur service dans le cadre du Ministère des Affaires Sociales; cette sévérité ne sera qu’en raison du fanatisme stupide qui caractérise certaines de ces personnes.
Chacun des Ministères dans le cadre de ses compétences, contribuera à aider les personnes déplacées à se reclasser et à retrouver une vie normale.
— La formation des forces de la Défense et de l’Ordre.
Nous avons créé un Ministère de la Défense; il n’aura pas encore toutes ses attributions. Vu les compétences que se réserve la Tutelle en cette matière. Néanmoins, cette création était indispensable afin d’assurer le rodage suffisant de fa Garde Nationale avant la levée de l’accord de Tutelle.
Ce Ministère aura à veiller à ce qu’une discipline serrée et un bon esprit règne dans les quelques unités dont nous disposons actuellement. Il veillera à leur entraînement et à pourvoir notre Garde des cadres nécessaires. Il veillera à ce que, très rapidement, des cadres nationaux valables puissent assurer la relève.
Il aura à renforcer l’équipement, celui qui existe n’est pas encore suffisant. Le matériel nécessaire exige des fonds que nous ne pourrons trouver rapidement que dans le cadre de la solidarité des Nations.
L’augmentation du nombre des unités fera l’objet de spéciales préoccupations de la part du Gouvernement.
Les forces de la défense du Territoire et de l’ordre seront l’instrument pacifique, mais efficace pour le maintien de l’ordre et de la discipline dans le pays.
Ces formations constitueront également, au fur et à mesure des possibilités, une école d’entraînement pour les cadres de formation civique et sociale de la Jeunesse Rwandaise.
C’est dans cette double perspective que nous invitons les techniciens actuels à travailler et que le Ministère de la Défense aura à orienter ce secteur de la vie nationale.
— Recrutement des techniciens.
Il y en a déjà un certain nombre sur place, relevant soit des cadres de la Tutelle, soit des organismes privés.
Notre Gouvernement proclame d’ores et déjà et sans arrière pensée que les techniciens qui se trouvent sur place et qui veulent servir le Gouvernement de lu République dans l’esprit de la loi fondamentale qui est la primauté des intérêts de la masse rwandaise, peuvent continuer tranquillement leur travail. Nous insistons : il s’agit des techniciens au vrai sens du terme.
Qu’ils se mettent avec courage au service de la population que nous voulons voir disciplinée et qu’ils contribuent sans nostalgie des facilités ou des privilèges de l’époque féodo-colonialiste, au maintien de cette discipline et au progrès du pays.
Le Gouvernement prendra tous les contacts nécessaires pour étoffer le cadre des techniciens. Ce recrutement tiendra compte des possibilités financières et de la discipline générale que nous voulons voir dans notre pays, de la rapidité de l’exécution du plan de développement.
Et pendant que le Gouvernement s’efforcera de faire former rapidement des techniciens rwandais capables et suffisamment nombreux pour prendre la relève, nous demandons aux techniciens étrangers d’avoir le souci loyal de rendre plus compétents et efficaces les africains qui travaillent à leurs côtés.
APPEL A LA PAIX COMPLETE ET AU TRAVAIL
Vous vous rappelez tous qu’il y a exactement une année quand j’ai pris les rênes du Gouvernement Provisoire en octobre 1960, le premier objectif que j’ai fixé fut celui de la pacification. Chacun des Ministres du Gouvernement d’octobre s’y mit de son mieux, et particulièrement le Ministre de l’Intérieur ; en quelques semaines la paix était revenue sur les collines et même dans les esprits: ce qui permit la réussite du Congrès National de Gitarama.
Cette même tache nous attend ; chacun des Ministres est convaincu que sans la paix rien d’autre n’avance. Nous sommes décidés à n’épargner aucune mesure pour asseoir une tranquillité juste, solide et durable. Je fais un appel solennel aux sentiments humains de chacun d’entre vous, à chacun des citoyens de ce pays, de quelque rang social que ce soit.
La paix a été définie par un grand Africain comme étant la tranquillité de l’ordre. Nous ferons en sorte que chaque personne et chaque chose soit à sa place, la place où chacun se développera le mieux et où il pourra le mieux être utile à ses concitoyens. Nous veillerons à la discipline dans la population; je demande qu’à l’intérieur de vos différents partis le même souci et la même discipline soient au premier plan.
Aux majorités je demande le respect des droits légitimes et légaux des minorités ; aux minorités je demande le bon sens qui sait respecter les droits réels des majorités.
J’espère que les éléments aujourd’hui encore déroutés par les résultats électoraux reviendront au réalisme qu’impose la situation nouvelle et je souhaite de tous mes vœux qu’ils se départissent rapidement des attitudes si pas fondamentalement, du moins apparemment obstructives. Je les invite à la pleine collaboration
Avec le souci de la paix entre les personnes et les groupes, une discipline serrée, avec la préoccupation de la primauté des intérêts des populations, nous vaincrons toutes les difficultés qui ne manqueront pas de se présenter. Attelez-vous tous à la campagne pour la paix!
Avec la campagne pour la paix, mon Gouvernement poursuivra la campagne pour le travail.
Sous le Gouvernement des Commissaires Belges, installés depuis le 4 août 1961 par la Puissance Administrante avec l’avis de la Commission des Nations-Unies pour prendre temporairement la place de mon Gouvernement mis en vacance durant la période préparatoire aux consultations populaires, nous avons eu tous l’occasion de soulever l’enthousiasme des populations. Après la remise reprise qui se fera au cours des prochains jours entre mon Gouvernement et les Commissaires européens, auxquels, au passage, j’exprime ma sincère gratitude pour les efforts déployés durant plus de deux mois dans leurs différentes tâches, je me ferai un devoir, assisté des Ministres, d’orienter l’enthousiasme du peuple rwandais vers le travail.
Nos activités des derniers mois qui ont soulevé un grand enthousiasme dans le peuple, étaient orientées vers les élections, vers les techniques électorales.
Nous orienterons maintenant nos activités et cet enthousiasme vers le travail: vers l’agriculture, l’amélioration de l’habitat, l’augmentation des routes communales, le développement du mouvement coopératif, la rationalisation de l’élevage et tant d’autres activités très concrètes visant à améliorer le standing de vie des citoyens.
Le régime présidentiel que votre honorable Assemblée vient d’Instituer selon les vœux des électeurs est certainement apte à reconvertir l’enthousiasme électoral en un effort national plus pratique et immédiatement plus utile au progrès du pays.
Nous convions chaque membre de cette Assemblée, chaque autorité préfectorale et communale, chaque groupe, chaque citoyen, à aider le Gouvernement, à contribuer à cette orientation de l’enthousiasme national.
Agents de la Tutelle, le travail n’est pas terminé ; il doit être dégagé des servitudes féodo-colonialistes, il doit répondre aux besoins des populations dans la liberté et l’action organisée et suivie.
Autorités rwandaises, le temps n’est plus aux meetings électoraux, il s’agit d’aider vos ressortissants à améliorer leurs conditions de vie.
Mon Gouvernement qui avoue à l’avance ne rien pouvoir sans votre concours discipliné, vous invite à soutenir l’enthousiasme des populations en l’orientant, calmement, durement et suivant un programme fixé en fonction des besoins locaux ou régionaux, vers le travail, vers des points concrets destinés à rehausser le standing de vie général.
Votre activité à tous, chacun à la place qui lui revient selon une saine démocratie, votre discipline, votre préoccupation efficace du développement social et économique du pays, encouragera l’engagement de capitaux dont notre pays a besoin.
Messieurs les Députés, j’aurais pu abréger cette déclaration en vous disant que tout ce que j’avais à vous dire se trouve résumé dans le manifeste-programme du (MDR) Parmehutu, qui est démocratique et qui est représenté par la majorité de votre Assemblée Législative. Je tiens cependant à préciser ici que mon Gouvernement recevra volontiers les propositions des minorités de l’opposition, pour autant que ces propositions soient constructives et contribuent au progrès équilibré du pays. Je saisis donc cette occasion pour inviter les minorités à ne pas perturber l’ordre public, à rechercher le bien commun et le bien de leurs familles.
En terminant, je voudrais m’adresser spécialement à vous, Messieurs les Députés. Je désire vous répéter ce que mon Gouvernement attend essentiellement de vous.
En bref : c’est qu’au cours de vos débats, le souci de la promotion des masses populaires qui vous ont élus, soit votre règle fondamentale.
Refusez-vous aux pressions qui peuvent, pour des raisons multiples, vous amener à l’incohérence; vous savez à quoi l’on aboutit dans l’incohérence. Qu’on n’essaye pas de vous influencer pour vous dresser les uns contre les autres et vous conduire à des choses qui n’intéressent ni vos partis, ni votre pays. Restez unis autour de vos programmes et dans la volonté de la primauté de l’intérêt vrai du peuple.
Que nul ne laisse jouer ses ambitions personnelles, car au lieu de chercher dans l’union l’intérêt de votre peuple, vous perdriez votre temps à lutter contre vous-mêmes. Le jeu des ambitions égoïstes doit être dominé par la vision du vrai bien commun.
Pour ce qui me concerne vous me connaissez, ne soyez pas embarrassé de moi ; si vous estimez que pour le bien du pays, Kayibanda doit être remplacé, n’hésitez pas. Ne vous divisez pas à cause de ma personne. Je vais plus loin : ne vous divisez pas au sujet de la confiance à donner à mon Gouvernement. Il y a longtemps que nous sommes vos leaders; si aujourd’hui, demain ou plus tard, vous estimez que nous avons dévié et qu’il soit trop tard ou inutile de nous corriger, signifiez-le nous.
Notre objectif est le développement intégral de notre société rwandaise. Nous sommes convaincus et vous l’êtes vous-mêmes qu’il n’y a pas de développement réussi sans autorité politique ferme, sans prise de conscience des masses, sans adaptation aux conditions géographiques, sans désintéressement des chefs et des fonctionnaires, sans le sacrifice et sans le travail acharné de chaque citoyen:
Nous vous souhaitons à vous mêmes ces mêmes sentiments et cette même disponibilité pour le bien ; nous voulons que ce soit là le signe fondamental de ce que notre unique objectif est la libération de notre peuple et la promotion de ses vrais intérêts.
Monsieur le Président de l’Assemblée Législative.
Messieurs les Députés,
Quand il y a quelques heures, vous m’avez chargé de constituer et de vous présenter l’équipe gouvernementale qui exécutera, sous ma responsabilité, les lois que votre honorable Assemblée donnera à la République Rwandaise, je me suis immédiatement mis à l’œuvre pour achever les dernières consultations. Je me crois en mesure de vous en donner les résultats pratiques et donc de vous faire connaître mes collaborateurs directs pour l’exécution du programme que je viens de vous exposer.
Nous mettons en place 11 ministères. Leurs attributions sont déterminées par la législation relative à la décentralisation qui s’est fortement développée depuis une année que je suis le chef du Gouvernement Rwandais.
Ces attributions s’élargiront à mesure qu’augmentera l’autonomie, laquelle sera couronnée par l’indépendance.
Je vous énumère les divers ministères que j’ai créés en vous indiquant leur dénomination officielle en kinyarwanda.
1 — Ministère des Finances, des Affaires Economiques et du Plan, Ministeri y’lmali n’Ubukungu n’Ubworozi na plan y’ubuku. ngubw’igihugu, Gaspard Cyimana.
2 — Ministère de l’Agriculture et du Paysannat. Ministeri y’Ubuhinzi n’Ubworozi na Peyizana, Barthazar Bicamumpaka.
3 — Ministère des Travaux Publics. Ministeri y’lmilimo y’lgihugu, Théodore Sindikubwabo.
4 — Ministère de l’Intérieur et de la Fonction Publique. Ministeri y’Ubutegetsi n’Abakozi ba Leta, Lazare Mpakaniye.
5 – Ministère de l’Education Nationale. Ministeri y’Uburezi bw’Amashuli. Jean-Baptiste Rwasibo.
6 — Ministère des Affaires Sociales. Ministeri y’Ubufatanye bw’Abaturage, Thaddée Bagaragaza.
7 — Ministère de l’Information, des Postes et Télécommunications. Ministeri y’Amatangazo ya Leta n’amaposta, Callixte Habamenshi.
8 — Ministère de la Justice. Ministeri y’Inkiko, Anastase Makuza.
9 — Ministère de la Santé Publique. Ministeri y’Ubuvuzi, Germain Gasingwa.
10 — Ministère des Relations Extérieures. Ministeri y’Ububanyi bw’Amahanga, Otto Rusingizandekwe.
11 — Ministère de la Garde Nationale. Ministeri y’Ingabo z’lgihugu, Calliope Mulindahabi.
Vous venez d’entendre l’exposé des divers points du programme du gouvernement; vous connaissez maintenant les Ministres qui assisteront la Présidence de la République pour la réalisation de ce programme. Monsieur le Président de l’Assemblée Législative, Messieurs les Députés, il ne me reste qu’a demander votre confiance.
Kigali, le26 octobre 1961
Grégoire KAYIBANDA.