Pour comprendre le mouvement liturgique d’avant le Concile Vatican II au Rwanda-Burundi, il est nécessaire de rappeler très brièvement la situation antérieure, situation que Mgr André Perraudin a trouvée et vécue à son arrivée là-bas. C’était d’ailleurs la situation telle qu’elle se présentait dans presque tous les pays du bassin méditerranéen.

On distinguait la messe basse (la messe lue) et la grand’messe (la messe chantée). Il y avait des messes très solennelles, presque des messes « spectacles », avec diacres et sous-diacres, des servants de messe en grand nombre, messes- « concerts », aussi avec des chorales qui chantaient toutes seules pendant que les fidèles « écoutaient », les messes pontificales en particulier étaient très solennelles : l’évêque s’habillait au trône, ou plutôt on l’habillait comme un prince : bas, chaussures et gants de la couleur liturgique, dalmatiques, chasubles, mitre et crosse…

Les messes « basses » par contre étaient réduites à leur plus simple expression : célébrées rapidement presque « en vitesse », parfois comme une corvée dont on se serait débarrassé. Tout se faisait en latin.

La prédication suivait la messe ainsi que la distribution de la sainte communion ; l’idée courante était que la messe proprement dite commençait à l’offertoire ; la liturgie de la parole n’intéressait pas ou plutôt elle se célébrait en dehors de la messe; c’était plutôt de la catéchisation sans lien avec les lectures liturgiques, faites d’ailleurs en latin. Les premières autorisations de la langue vernaculaire prescrivaient qu’on devait au préalable lire ou chanter les lectures en latin et ensuite seulement les donner en langue vernaculaire.

Malgré cette réglementation qui nous apparaît aujourd’hui terriblement anachronique, le mouvement du renouveau liturgique était lancé au Rwanda-Burundi : on met de la langue vernaculaire partout où c’est possible, on parle de plus en plus de participation active, on fait de gros efforts pour la promouvoir.

Mais on peut dire qu’au Rwanda-Burundi, le renouveau liturgique a vraiment démarré en 1959, avec la visite de Dom Thierry Martens, animateur de la revue Paroisse et Liturgie. Bénédictin de Saint-André à Bruges, il avait entrepris un long périple africain en apôtre du renouveau. Il a donné des conférences qui nous ont beaucoup impressionnés à ce moment-là.

Au cours de cette année 1959, furent lancées des expériences du renouveau liturgique dans un certain nombre de paroisses (Kabgayi, Save, Astrida, Gisagara et Gihindamuyaga), on les appelait « paroisses pilotes ».

Plusieurs documents liturgiques furent élaborés :

—le texte en kinyarwanda d’un schéma de prédications destinées à faire comprendre aux chrétiens le sens de l’assemblée eucharistique ;

—des textes de monitions dans la langue du pays ;

—une traduction en kinyarwanda des épîtres des dimanches du carême ;

—quelques mélodies et textes de chants rwandais.

Toutefois l’acte le plus important relatif au renouveau liturgique au Rwanda-Burundi, avant le Concile Vatican II, fut sans contredit la « rencontre interdiocésaine de pastorale liturgique », qui eut lieu à Ngozi, au Burundi, les 20, 21 et 22 juin 1960. Elle prit l’allure d’un congrès et fut vraiment un point de départ.

Il faut que l’on cite ici les noms des principaux animateurs de cette rencontre, car ils ont vraiment été les pionniers du renouveau liturgique au Rwanda-Burundi: le premier de tous est le Père Xavier Seumois qui deviendra le directeur du Centre liturgique et catéchétique de la conférence épiscopale et le fondateur de l’Institut catéchétique africain. Jamais on ne pourra exagérer son rôle et son influence dans le renouveau liturgique et catéchétique.

Après lui, il faut nommer dom Jean Gualbert Neujan, moine de Gihindamuyaga, monastère fondé par les Bénédictins de Maredsous ; puis les Abbés Mathieu Ngirumpatse du Rwanda et Marc Barengayabo du Burundi et Mère Marie-Damien des Filles de Marie.

Les sujets traités y furent nombreux : la vraie nature de la liturgie, la liturgie de la Parole, le problème des traductions, le problème des chants avec présentation de certains d’entre eux dont les auteurs sont bien connus au Rwanda et au Burundi : les Abbés Gaspard Mudashimwa, Mathias Gahinda, Marc Barengayabo, le Père Declerq, l’Abbé Eustache Byusa qui composa les premiers chants de l’ordinaire de la messe en kinyarwanda, le Père Boutry, initiateur des «fiches de chants » et du groupe des « Petits Chanteurs à la Croix de Bois ».

À cette première réunion des résolutions importantes furent prises :

— création de commissions diocésaines et interdiocésaine ;

—création dans chaque paroisse d’un conseil liturgique ;

— préparation de catéchèses liturgiques pour le clergé et les communautés religieuses ;

—préparation de catéchèses pour les fidèles, sur la messe et le cycle liturgique ;

—mise sur pied d’une équipe pour préparer une édition des lectures liturgiques, des commentaires et des chants ;

—création et formation d’équipes liturgiques paroissiales et communautaires ;

—invitation à la collaboration entre les paroisses et les communautés religieuses.

Cette rencontre-congrès de Ngozi marqua vraiment le départ officiel du renouveau liturgique au Rwanda et au Burundi : les rapports et les comptes rendus des échanges furent publiés en une brochure en juillet 1960: elle comprenait 121 pages.  De ce congrès Mgr André Perraudin était le responsable officiel, au nom de la conférence épiscopale du Rwanda-Burundi, la COREB. Une seconde brochure vit aussi le jour; elle émanait de ce même congrès; elle s’intitulait : La pastorale de la messe et comprenait 286 pages. Dès 1959, la COREB mit sur pied le « Centre de Pastorale Liturgique et Catéchétique » qui fonctionnait encore au moment de la guerre de 1990. C’est le Père Seumois qui en fut l’artisan providentiel ; ce centre a joué un rôle déterminant dans le développement du renouveau liturgique et catéchétique.

Le 13 octobre 1961, les Évêques du Rwanda-Burundi adressaient à leurs fidèles une lettre pastorale sur la participation active des fidèles à la sainte messe Ku buryo abakristu bagomba guturana misa n’umusaseridoti.

En résumé, on peut dire qu’à la veille du Concile Vatican II, une activité liturgique intense a marqué les diocèses et les communautés chrétiennes. Un des grands problèmes qui subsistait encore était celui de l’emploi de la langue vernaculaire, dans la célébration de la messe en particulier ; en 1961, au nom de la COREB, Mgr Andr2 Perraudin est allé lui-même à Rome pour solliciter des indults. L’indult fut accordé : on pouvait désormais dire et chanter en kinyarwanda le Kyrie, le Gloria, le Credo, le Sanctus et l’Agnus Dei. Pour d’autres parties de la messe, les lectures entres autres, on était encore tenu à doubler la lecture en langue vernaculaire par une lecture en latin. Quant au canon de la messe, il était encore intouchable.

Au Concile et après le Concile Vatican II

Au Rwanda et au Burundi, le renouveau liturgique devait tenir une place de choix dans la pastorale ; c’est d’ailleurs ce que demandait explicitement le Concile. Le premier schéma examiné par les Pères Conciliaires fut celui de la Liturgie, ce fut aussi le premier approuvé par eux quasi à l’unanimité : 2162 placet ; 46 non placet; la promulgation en fut faite par Paul VI avec la signature de tous les Pères du Concile, le 4 décembre 1963.

À cette occasion, Paul VI avait souligné l’importance primordiale de cette première « constitution » qu’il promulguait. Il disait que « c’était le premier sujet examiné, et le premier aussi, en un certain sens, par sa valeur intrinsèque et pour son importance dans la vie de l’Église.»

Le n° 7 de la constitution sur la liturgie Sacrosanctum Concilium affirme, et ces paroles devraient être inscrites en lettres d’or au début de tous les traités de liturgie :

« Pour l’accomplissement d’une si grande œuvre (l’oeuvre du Salut) le Christ est toujours là auprès de son Église, surtout dans les actions liturgiques… Par la suite, toute célébration liturgique, en tant qu’œuvre du Christ prêtre et de Son Corps qu’est l’Église, est l’action sacrée par excellence dont nulle autre action de l’Eglise ne peut atteindre l’efficacité au même titre et au même degré».

Durant le Concile déjà, la conférence épiscopale du Rwanda-Burundi (COREB) et l’assemblée épiscopale de chacun de ces deux pays ont fait de gros efforts pour faire connaître et mettre en pratique la constitution Sacrosanctum Concilium sur la Sainte Liturgie : voici d’ailleurs les Acta Liturgica de la Conférence épiscopale.

Le 19 mars 1964 : première lettre pastorale des évêques du Rwanda-Burundi sur la liturgie : description de la liturgie de la messe, liturgie parole de Dieu, liturgie passage du Seigneur, liturgie assemblée de l’Église. Des résolutions concrètes: mettre Dieu à la première place, écouter sa parole, participer à la messe, sommet de notre foi, sanctification du dimanche, jour du Seigneur, mémorial de la Passion et de la Résurrection; attention aux temps liturgiques :

—le 20 mars 1964 : institution de la Commission interdiocésaine de liturgie.

—le 29 juillet 1964 : publication de la première ordonnance liturgique des évêques du Rwanda suite à la promulgation de la constitution Sacrosanctum Concilium le 4 décembre 1963.

—en 1965 : deuxième lettre pastorale sur la liturgie suite à la publication par Rome de l’Instruction pour l’exécution de la constitution liturgique du 26 septembre 1964.

—17 février 1965 : deuxième ordonnance de la COREB avec un Directoire sur la manière de célébrer la Messe à partir du 7 mars 1965 suite à plusieurs instructions romaines.

Du 19 au 22 juillet 1965 : réunion importante de la COREB pour l’approbation des deux versions du Missel, version Bigirumwami, version Kagame.

 Les « Actes de la Conférence épiscopale » :

-troisième ordonnance de la COREB du 19 avril 1966 ; demande de plusieurs indults relatifs à la liturgie;

—le 17 février 1967: ordonnance de la COREB relative aux ministres laïcs de la sainte communion;

—le 18 février 1967: lettre pastorale des évêques sur la dévotion eucharistique;

—le 13 octobre 1967: reconnaissance par Rome de la traduction en kinyarwanda de la première prière eucharistique (Canon romain).

—11 juillet 1970: quatrième ordonnance des évêques sur la liturgie,

—du 3 au 5 mars 1975: réunion à Remera-Christus de la commission interdiocésaine de liturgie (42 pages de rapports).

 

  1. Les interventions ou Acta de chaque évêque dans son diocèse ainsi que des prêtres dans les paroisses et des réunions liturgiques : elles furent nombreuses : la liturgie était à la une de la pastorale.
  2. Il faut signaler ici les travaux nombreux et importants de la traduction en kinyarwanda des livres liturgiques, traductions provisoires, ad experimentum, et la publication des fiches de chants, par les soins surtout du Père Pierre Boutry.
  3. Enfin les grandes décisions de la C.EP.R

—en 1981: création d’une commission spéciale pour la traduction intégrale du Missel Romain: ce travail est achevé et le missel est répandu partout comme seule édition autorisée, promulgation en date du 1er avril 1992;

—en 1983: création de la sous-commission pour la traduction intégrale de la Bible d’où seront extraits les nouveaux lectionnaires. Cette traduction a été achevée et la Bibiliya Ntagatifu imprimée et répandue partout. Date d’approbation : 25 avril 1990 ;

—en 1985: institution d’un groupe de travail pour préparer les textes des célébrations dominicales en l’absence du prêtre : directeur et principal auteur, le Père Wenceslas de Renesse. Ces textes ont été imprimés en 7 volumes et répandus partout. Un travail très important, monumental même, a été réalisé par les soins du Père W. de Renesse, à savoir l’élaboration pour les trois années liturgiques A, B et C, ainsi que pour les jours de fêtes, de toute une série de volumes contenant les célébrations dominicales en l’absence du prêtre : il faudrait faire une étude à ce propos, mais on peut bien affirmer que ces célébrations atteignent des chrétiens et des catéchumènes. Le titre commun de ces volumes est celui de Umuhimbazo (célébration).

— les traductions liturgiques continuent en 1988: approbation du pontifical des ordinations et des ministères.

Il reste à reprendre les traductions provisoires des rites sacramentels, sauf celui de la confirmation qui a été approuvé. Les événements tragiques de 1994 ont arrêté la publication du Lectionnaire qui était déjà prêt, ainsi que la traduction des textes conciliaires déjà commencée : les manuscrits sont soit dispersés, soit détruits.

Perspectives

L’animation et la formation liturgique. Absorbé par le travail immense des traductions liturgiques, les commissions liturgiques n’ont pas pu assurer, comme on l’aurait désiré, l’animation dans les diocèses et les paroisses. Dans ce domaine un travail immense reste à faire.

Le renouveau liturgique devra se poursuivre, sous des formes nouvelles sans doute ; ce sera davantage une liturgie dans la vie : que le Seigneur inspire les nouveaux responsables des commissions liturgiques et leur fasse découvrir les chemins adaptés aux temps actuels de la pastorale au Rwanda. De toutes manières en tous cas, il faudra que la sainte liturgie continue à être « la source et le sommet de la vie chrétienne », comme l’a si bien proclamé le Concile Vatican II.

La participation active des fidèles à la Liturgie, soit dans l’administration des sacrements, soit dans l’offrande du saint sacrifice de la messe, a été le «leitmotiv » de tout le renouveau liturgique et le fondement de la constitution conciliaire sur la liturgie (Sacrosanctum Concilium n° 14). Cette participation active de tout le peuple est ce qu’on doit viser de toutes ses forces dans la restauration et la mise en valeur de la liturgie : qu’on renonce une fois pour toutes aux messes « concerts » ainsi qu’aux messes « spectacles » qui sont menées par de petits groupes, alors que l’assemblée des fidèles reste passive et muette… c’est une grave déviation qu’il faut à tout prix éviter.

Pour obtenir une participation active et vraiment fonctionnelle de la liturgie, il est absolument indispensable que les pasteurs soient profondément imprégnés de l’esprit et de la force liturgique, ce qui les rendra capables d’enseigner le renouveau liturgique. Il est donc nécessaire qu’on pourvoie à la formation liturgique du clergé, et cela dès le séminaire.

La revalorisation de l’homélie est un point extrêmement important du renouveau liturgique, à la messe bien sûr, mais aussi dans l’administration des autres sacrements : tous les sacrements, depuis le Concile, sont célébrés pour ainsi dire « dans la Parole de Dieu » – «Le Christ est là présent dans sa Parole car c’est lui qui parle, tandis qu’on lit, dans l’Église, les Saintes Écritures » (Sacrosanctum concilium n° 7). L’homélie ne peut être valablement revalorisée que si les prêtres s’attachent sérieusement à la lecture spirituelle et à l’étude assidue de l’Écriture Sainte, car l’ignorance des Écritures, c’est « l’ignorance du Christ » (Dei Verbum n° 25).

Adaptation et inculturation de la sainte liturgie: ce point très important, envisagé par la constitution Sacrosanctum

Concilium a été fort souligné au congrès liturgique de 1984. Voici un extrait de l’intervention du représentant du Rwanda-Burundi-Zaïre (Monseigneur M. Sandu Tsinda Huta, évêque de Kenge, président de la commission épiscopale de l’évangélisation) :

« L’objectif étant pour nos Églises d’africaniser le christianisme, nos Épiscopats sont convaincus qu’ils n’auront pas réellement christianisé la vie africaine, aussi longtemps que ses valeurs culturelles et religieuses n’auront pas été intégrées dans le culte chrétien où les fidèles africains pourront exprimer leurs richesses spirituelles et sentiront vibrer leur âme religieuse. »

La catéchèse

Parmi ces spécialistes de la catéchèse le premier incontestablement fut encore le Père Xavier Seumois; avec lui, on doit signaler le Père Jean Van der Meersch et plusieurs autres dont le Père René Duchamps surtout pour la catéchèse catéchuménale, et le Père Xavier Seumois pour la catéchèse scolaire.

En effet, au Rwanda, les deux branches de la catéchèse, la catéchèse catéchuménale et la catéchèse scolaire, revêtaient toutes les deux une importance capitale.

 Le catéchuménat

Dans toutes les missions confiées aux Pères Blancs, le catéchuménat des adultes fut dès le début, de par la volonté du cardinal Lavigerie, très bien structuré. Le Rwanda entra sans peine dans le mouvement !

Dès 1908, Monseigneur Hirth, Vicaire apostolique du Nyanza méridional dont faisait partie le Rwanda, donnait à ses missionnaires le Directoire pour le catéchuménat, à l’usage des Missionnaires du Nyanza méridional. Le catéchuménat dure 4 ans.

Monseigneur Classe et la 1ère  édition des statuts synodaux de Kabgayi de 1930 «plaident pour une catéchèse plus biblique ». En 1935, paraît un Catéchisme expliqué (Gatikisimu isobanuye) en 2 volumes attribué au Père Alexandre Arnoux.

La consigne en tout cas était on ne peut plus claire : « le premier devoir d’état des missionnaires est l’organisation et la direction du catéchuménat » (statuts synodaux 1ère édition : 1930 n° 4).

Cette période toutefois fut marquée par des événements qui énervèrent quelque peu la rigueur du catéchuménat — ce fut l’époque qu’on a appelée la « tornade du Saint Esprit »: les masses se ruaient vers l’Église catholique; on fut dépassé et la qualité du catéchuménat s’en ressentit; il y eut aussi une terrible famine qui décima la population du Rwanda, on a parlé de 300 000 morts de faim ; il y eut enfin la guerre de 1939-1945…

C’est à Monseigneur Déprimoz qu’on doit une vigoureuse reprise en mains du catéchuménat : ce fut, je crois qu’on peut le dire, son œuvre principale : il suffit de consulter les statuts synodaux de 1950 pour s’en convaincre, et auparavant les réunions pré-synodales de septembre 1945.

Durant cette période plusieurs instruments furent publiés :

—Le deuxième catéchisme rwandais de 1946, très classique: vérités à croire, commandements à observer, sacrements à recevoir; très peu biblique.

— le deuxième catéchisme expliqué en 3 volumes.

—Le manuel du chrétien imbonera rugo y’abakristu du Père Léon Delmas en 1949.

Dans cet esprit, les programmes du catéchuménat furent renouvelés. Il y eut les programmes du Père Duchamps (1961), très bibliques. Il y eut ensuite, sous la direction du centre catéchétique de la conférence épiscopale, la publication des 4 volumes du catéchuménat encore en usage actuellement : Abahamagarwa (les appelés), Abemera (les croyants), Abategurwa (ceux qui se préparent) et Abatowe (les élus). Mon rôle était surtout d’encouragement et de participation aux organes de décision.

 La catéchèse scolaire

Le problème de la formation chrétienne et par conséquent de la catéchèse dans les écoles était énorme. Il fallait à la base former les éducateurs, les enseignants. Le catéchisme faisait partie du programme scolaire, mais les enseignants n’étaient pas tous préparés ni disposés à donner cette catéchèse. À plusieurs reprises on s’est même demandé s’il ne valait pas mieux donner la catéchèse en dehors du programme scolaire… mais les évêques tinrent bon ; il fallait conserver dans le programme l’enseignement religieux, pour toutes sortes de raisons, la principale étant que toutes les écoles dirigées par les diocèses étaient confessionnelles. Cependant une solution fut finalement trouvée pour concilier les deux tendances ; on institua une catéchèse extrascolaire pour les enfants devant se préparer au baptême, à la première communion et à la confirmation. Cette solution fut très bénéfique et il faut certainement la conserver.

On s’est rendu compte très tôt aussi de la nécessité absolue de composer des manuels du maître pour l’enseignement religieux : ce fut un immense chantier que dirigea d’abord le Père Seumois au centre catéchétique de la conférence épiscopale : des manuels furent produits pour toutes les années de l’enseignement primaire. Le centre disposait à cet effet de plusieurs équipes de rédacteurs et rédactrices. Ces premiers manuels durent être revus et simplifiés lorsque le gouvernement décida de diminuer le nombre d’heures consacrées à l’enseignement religieux dans les écoles.

Le Père Seumois, éprouvé dans sa santé, dut renoncer à diriger le centre catéchétique. On a pu en confier la direction à Sœur Agathe, des Soeurs de Saint-François, qui travaillait dans une de ces équipes de rédacteurs : sœur Agathe s’était spécialisée dans la catéchèse à l’Institut Catholique de Paris. C’est ainsi que finalement le centre catéchétique put produire les 6 manuels du maître pour l’enseignement religieux au primaire et les 3 manuels du maître pour l’enseignement religieux dans les 3 premières années du secondaire et dans les CERAI (Centre d’Enseignement Rural et Artisanal Intégré). Tous ces manuels en kinyarwanda, bien sûr.

Pour les trois années supérieures du secondaire, le centre prépara des fiches en français donnant des schémas de leçons et des références aux auteurs à consulter. On tient à faire mémoire ici de Mademoiselle Winifrida Mukamana qui a beaucoup travaillé à l’élaboration des manuels de catéchèse et qui fut assassinée au Centre-Christus le lendemain de l’assassinat du Président Habyarimana le 7 avril 1994. Mademoiselle Winifrida Mukamana était membre de l’institut «Vita et Pax ».

Mais il fallait diffuser à travers tout le pays ces manuels du maître, il fallait aussi les expliquer : ce fut le travail des visiteurs diocésains.

Pour les enfants non scolarisés, baptisés et catéchumènes, les manuels Mbise incuti (Je vous appelle mes amis) préparés par les soins du Père Jean Van der Meersch ont rendu de grands services : ils étaient très appréciés par les prêtres rwandais.

Le troisième catéchisme : il fallait un nouveau catéchisme pour répondre à l’aggiornamento de l’Église ; dès février 1965, la conférence épiscopale chargea le centre catéchétique de Butare de cet aggiornamento. Il y eut de nombreuses collaborations : visiteurs diocésains, consultations d’abbés rwandais, consultation de tout le clergé sur l’avant-projet, révision approfondie par les visiteurs diocésains et des membres de la commission liturgique et catéchétique, contrôle et amendement par la commission théologique, approbation finale par la conférence épiscopale le 10 juillet 1970. Le but était de faire passer toutes les richesses de Vatican II dans un langage simple, d’inspiration biblique, dans la catéchèse des enfants et des adultes baptisés et dans les catéchuménats.

Le catéchisme de 1971 a été réédité à des centaines de milliers d’exemplaires. À l’usage, on a jugé opportun d’y introduire quelques amendements mineurs. C’est vraiment un livre de base : tous les écoliers baptisés et catéchumènes ainsi que tous les catéchumènes adultes doivent se le procurer au cours de leur formation religieuse.