La Politique Du Pouvoir Tutélaire Au Rwanda de 1960 (II)
Discours du Résident Général du Rwanda-Burundi prononcé à l’intention des membres de la Mission de visite de l’O.N.U. Usumbura, 3 mars 1960.
Je m’incline, au nom du Gouvernement et en notre nom à tous, devant la mémoire des victimes qui ont payé de leur vie ces égarements meurtriers.
J’adresse aussi une pensée compatissante et une promesse de continuation d’assistance à tous ceux qui ont souffert dans leur personne, dans leur famille, dans leurs biens.
Excellence, Messieurs, je m’efforcerai maintenant de décrire devant vous la ligne de conduite que la Belgique a suivie dans le passé à l’égard du problème fondamental politico-social du Ruanda, de préciser et d’expliquer l’attitude qu’elle a adoptée immédiatement avant, pendant et depuis les événements de novembre, de définir enfin la politique qu’elle va suivre dans ce domaine pour rester en conformité avec le contenu de la déclaration gouvernementale du 10 novembre 1959.
Pour évoquer le passé lointain, replaçons-nous, par un effort d’imagination, dans les conditions qui prévalaient lorsque Richard Kandt, premier Résident allemand du Ruanda, écrivait déjà : « Notre intérêt politique et colonial exige le soutien du Roi et le maintien de la domination tutsi, qui va de pair avec une forte dépendance de la grande masse du Ruanda.
Compte tenu de la connaissance du pays et du caractère du peuple, cette situation peut être conciliée avec les impératifs humanitaires qui demandent la suppression des abus du pouvoir et de l’arbitraire vis-à-vis de la population soumise ».
Les premières autorités belges du Ruanda, devant les famines, la maladie, la dispersion des populations, l’absence de routes, adoptèrent une position identique. Elles s’adressèrent, avec son aide, au plus pressé, c’est-à-dire à la mise en place d’une première structure d’administration coloniale, à l’intensification et la rationalisation de l’agriculture, à la lutte sanitaire, à l’ouverture des premières écoles ; la masse ne bénéficia pas de la même formation et resta dans la même dépendance. Mais les autorités, dans la certitude qu’une autre formule n’eût pas permis le redressement matériel qui survint peu après les années 30, gardaient l’espoir que — comme l’écrivait Kandt — « cette situation » pouvait être conciliée avec les impératifs humanitaires qui « demandent la suppression des abus de pouvoir et de l’arbitraire vis-à-vis de la population soumise ».
Cet espoir, a priori, n’était et n’est pas chimérique, si la classe dominante, en effet, pouvait être consciente du cours réel de l’histoire et aussi des concessions que requiert son intérêt, on peut parfaitement concevoir qu’il en résulte une évolution qui ne comporte aucune révolution.
C’est la voie que des générations de Résidents et d’Administrateurs ont patiemment essayé de faire suivre par les élites dominantes du Rwanda, gardant, accrochée au cœur, l’espérance de les voir spontanément adapter leur ordre ancien aux impératifs modernes issus de l’éveil du peuple et de la démocratie en marche.
C’est l’idée qu’exprimait aussi la Mission de visite de 1957 lorsque, paragraphe 45 de son Rapport, elle écrivait : Ceci marquera dans une large mesure la fin du danger de « l’exploitation des cultivateurs bantous par les pasteurs » hamites, mais posera d’autres problèmes tout aussi angoissants. Les Bami sauront-ils transformer assez rapidement leur régime pour reprendre une image naïve, inexacte, mais suggestive, empruntée à d’autres civilisations une monarchie de droit divin en monarchie constitutionnelle ?
Les chefs et autres aristocrates tutsi de la vieille génération sauront-ils faire en temps opportun leur nuit du 4 août ?
Questions auxquelles il est difficile de répondre avec assurance, mais le pronostic n’est pas défavorable, car une certaine compréhension des nécessités de l’évolution semble déjà pénétrer les couches dirigeantes de la population du Ruanda-Urundi. La mise au point du Conseil supérieur du Ruanda pourrait indiquer au moins autant la conscience de l’inéluctabilité d’une modification profonde de la société du pays, qu’un désir de provoquer une course de vitesse pour affermir par une autonomie prématurée les prérogatives chancelantes d’une classe dominante.
Et c’est ainsi, que pendant de longues années, Belges et Tutsi collaborèrent à la grande tâche commune : le mieux-être du Rwanda, tâche dans laquelle pendant longtemps rien d’essentiel ne vint les diviser.
L’ordre ancien n’était apparemment pas menacé. Et de leur côté les autorités belges voyaient le peuple incontestablement progresser, se mieux nourrir et vêtir, être mieux soigné, modestement. Elles espéraient que rien ne viendrait contrarier ces progrès parce que, le moment venu, la classe dominante aurait compris que son intérêt même correspondait à l’acceptation d’un ordre politique-social renouvelé où l’aristocratie pourrait se distinguer dans de nouveaux domaines.
Certains indices, d’ailleurs, permettaient de le croire. Depuis longtemps, des voix se sont élevées dans les rangs des Tutsi pour formuler explicitement la thèse que je viens d’évoquer. L’idée n’était donc pas sotte, que la caste dominante tout entière pût un jour se rallier à cette politique réaliste.
Dès la dernière guerre, d’autre part, l’entourage du Mwami Mutara avait paru favorable à des concessions au bénéfice du peuple qui commençait à s’éveiller. La suppression de l’ubuhake en 1954 peut être interprétée dans le même sens. Sans risque d’être taxé d’aveuglement, on pourrait donc admettre qu’en 1955 encore, l’administration belge, travaillant de concert avec un cadre tutsi intelligent, était en droit de croire que les premières concessions faites par la caste dominante allaient être suivies de beaucoup d’autres. Par ailleurs, les leaders de cette caste, avec à leur tête le Mwami Mutara, pouvaient encore s’imaginer qu’il était matériellement possible de laisser venir au Ruanda un ordre politique-social nouveau, démocratique par sa forme et son fond, mais qui leur maintiendrait une position prééminente en compensation de la perte des avantages féodaux que leur avait assurés l’ordre ancien.
J’ai la conviction que, sauf quelques divergences d’optique, tout naturelles entre des yeux ruandais et belges observant le même phénomène, les positions relatives étaient telles au début de 1959, lorsque les événements commencèrent à accélérer leur cours.
Et voilà qu’aujourd’hui l’administration vient — à titre intérimaire, et j’insiste sur ce mot — de substituer des Hutu à des Tutsi titulaires de commandements après qu’un mouvement populaire les eût écartés de force.
Cela a surpris ou déçu beaucoup d’observateurs au Ruanda et au dehors, comme une volte-face injustifiée, presque une trahison.
Cette attitude n’est pourtant pas l’expression d’une versatilité soudaine. Elle est le logique aboutissement d’une évolution qui semble avoir, d’une part amené les responsables de Nyanza à abandonner la politique de concessions un instant entrevue, tandis que, de son côté, l’autorité belge voyait s’effriter son espoir de voir la classe dominante tutsi admettre l’émancipation réelle du peuple basée sur la triple nécessité de l’enrichissement des paysans, de la démocratisation des institutions et de la sévère répression des abus du genre de ceux qu’avait révélés un procès retentissant en 1954.
A partir de 1956, les conceptions des fonctionnaires belges et de certains cadres coutumiers commencèrent progressivement à diverger, pour une série de raisons.
D’abord les griefs des Hutu en matière foncière, dans certaines régions surpeuplées surtout, devinrent de plus en plus véhéments. Il est extrêmement probable qu’avec plus de compréhension de la part de la classe dirigeante, les troubles en territoire de Ruhengeri, par exemple, auraient pu être évités.
D’autres éléments furent la prise de conscience du menu peuple ruandais, traduite par l’apparition de porte-parole, la constitution de deux partis solidement charpentés, la publication de nombreux écrits dont le « Manifeste des Bahutu » de 1957. Les mouvements hutu purent s’exprimer dans des journaux de large diffusion locale. Cet essor populaire rencontrera de la sympathie dans de nombreux milieux d’Afrique et de Belgique. L’action parallèle de l’Eglise catholique prônant plus de justice sociale entretenait un courant de même sens que celui des revendications populaires. Même les représentants de l’administration, nonobstant leur caractère obligatoirement neutre en cas d’éventuel conflit social, se sentaient individuellement enclins, parce que Belges, et donc démocrates, à sympathiser avec ces efforts populaires auxquels personne ne pouvait trouver à redire. Dans toutes ses recommandations, dans les rapports de toutes ses missions de visite, l’O.N.U. n’avait d’ailleurs jamais conclu autrement. La conviction de toutes parts prenait ainsi corps que non seulement de jure, ce qu’ils avaient déjà, mais encore de facto, ce qui leur manquait alors presque totalement, les Hutu devaient avoir largement accès aux fonctions publiques, aux conseils politiques et à l’enseignement moyen et supérieur, devaient être mis à l’abri des discriminations dont ils souffraient gravement en matière de justice et d’application de la coutume, de contributions aux charges publiques, de possession et exploitation des terres agricoles et pastorales.
Mais c’était tout l’ordre ancien qui se voyait, en fait, mis en question.
Devant cette lame de fond, la réaction des Tutsi fut, sommairement décrite, de trois formes. Le groupe à tendance démocratique y vit la confirmation de sa vision des choses. Mais divers facteurs, dont l’opposition indéniable de Nyanza, l’incitèrent ou le contraignirent à rester sur la réserve. Sa position fut toutefois sans équivoque et axée vers une politique de souplesse dont l’adoption généralisée eut beaucoup de mécomptes qu’il fallut déplorer par la suite.
L’interprétation que je vais maintenant m’appliquer à vous formuler de ce que fut, selon moi, le comportement d’une deuxième fraction du groupe tutsi en face de la marée hutu des années 1958, va m’attirer incontestablement des reproches et des dénégations. Et, telle ma prise de position de décembre 1958 à l’égard du problème tutsi-hutu, elle exigera autant de prudence et de franchise dans mon exposé qu’elle demandera de sens des nuances de la part de ceux qui l’entendront ou la liront. Cette minute de vérité est cependant indispensable.
De l’observation des faits et de l’accumulation des témoignages, nous sommes progressivement parvenus à la conviction qu’un nombre croissant de dirigeants et élites tutsi s’étaient ralliés à la thèse, que l’émancipation populaire était pour eux inacceptable.
Le fond de leur pensée était-il que les premiers pas déjà effectués dans le sens de cette émancipation avaient fait la preuve que l’ordre ancien n’était viable que dans sa totalité ? Croyaient-ils que la stricte forme cohérente, d’ailleurs en son temps remarquable, que cet ordre revêtait jadis, devait absolument être préservée ? S’imaginaient-ils qu’il fallait donc à tout prix s’arrêter sur la voie des concessions en faveur du peuple, mais, au contraire, pour que l’oligarchie au pouvoir puisse ressaisir les prérogatives qui commençaient à lui échapper, amorcer un retour en arrière avec pour objectif final, une restauration maximum de l’ordre ancien ?
Ou encore estimaient-ils sincèrement, et moins égoïstement, que la forme d’émancipation politique qui pointait pour le peuple allait en fait être incapable d’assurer le bonheur de ce dernier, qu’il fallait au contraire, dans la ligne des quatre conclusions du théoricien de leur groupe, l’abbé Janvier Mulenzi, dans la ligne aussi des thèses qui tout au long du XIX e siècle, servirent à combattre en Europe les premières revendications de la classe ouvrière, retarder des réformes que leurs bénéficiaires eussent été encore incapables de digérer ?
Leur durcissement à l’égard de l’évolution, que visiblement encourageaient et souhaitaient les autorités belges, provient-il en ordre principal, de leur répugnance pour une démocratisation d’allure, à leurs yeux, trop nettement occidentale et partant, inadaptable au Rwanda ?
Quoi qu’il en soit, et quel qu’en ait été le mobile profond, variable vraisemblablement, le groupe moteur de Nyanza s’orienta incontestablement en 1957 et 1958 dans le sens d’une opposition simultanée à la politique générale de l’administration belge et aux revendications des mouvements hutu.
Enfin, je dois parler de la position du troisième des groupes de Tutsi, que je distinguais en face de l’évolution des dernières années : c’est la masse, au début majoritaire, des dirigeants et notables qui gardaient encore l’ancienne vision des choses, qui souhaitaient poursuivre leur confiante collaboration avec les administrateurs et techniciens belges, dont le désintéressement et le dévouement au bien public au Ruanda continuaient à leur apparaître évidents. Peu à peu, ils sentirent le doute et le trouble pénétrer dans leur esprit, déchirés entre leur loyauté envers le Mwami et leur conscience professionnelle, entre leur plus ou moins intime conviction que les vues de Nyanza étaient justes et leur compréhensible et légitime désir de poursuivre une collaboration constructive et confiante avec les autorités belges.
A l’annonce de la venue, en avril dernier, du Groupe de travail présidé par Monsieur le Ministre De Schrijver, Nyanza arrête définitivement sa ligne de conduite, traduite dans le document remis au Groupe. Elle peut se résumer en deux branches : acceptation d’un régime démocratique se traduisant par la mise en élection des mandats des chefs et sous-chefs, mais, en regard, autonomie en 1960.
A première vue, le schéma se défend sans peine. Puisque le préalable de la démocratisation aurait été acquis sans restriction ni réserve, le désir d’une indépendance rapide, logique dans le cadre de l’Afrique contemporaine, avait toutes valables raisons de s’exprimer conjointement.
Nombreux toutefois, furent ceux que cette prise de position fit raisonner différemment.
Ne vous laissez pas tromper, imploraient les porte-parole des mouvements populaires et progressistes, la manœuvre est trop claire : un corps électoral inexpérimenté, encore davantage accessible aux consignes du sous-chef qu’à la faible propagande de nos partis pratiquement démunis de moyens d’action va, grâce à quelque démagogie et quelque intimidation, réélire la quasi-totalité des cadres tutsi, et les premières élections seront aussi les dernières.
L’autonomie, l’indépendance demandées signifieront, de la part de l’ancienne oligarchie, une rapide et énergique reprise en main politico-sociale, c’est-à-dire la fin, sitôt après sa naissance, de la démocratie que la Belgique avait voulu, en accord avec les recommandations des Nations
Unies, instaurer dans le pays.
C’est sur ce mode que s’affronteraient, parfois véhémentement, les thèses en présence lorsque mourut inopinément, le 25 juillet dernier, le Mwami Charles Mutara Rudahigwa, dont je salue ici la mémoire, dont je rappelle la puissante personnalité et avec lequel, je tiens à le répéter encore, malgré les points de vue qui, souvent, nous opposèrent, j’entretenais des rapports personnels dont je n’évoque pas sans tristesse la brutale interruption.
Par le décret de 1952, la Belgique avait misé sur la possibilité d’une émancipation populaire progressive mais réelle avec la collaboration de la caste dirigeante.
Elle a dû progressivement abandonner cet espoir. Et j’avais moi-même peu à peu modifié les convictions qui avaient servi de base à ma déclaration du 2 décembre 1958 : comme je m’étais
appliqué à le souligner. Mais il avait aussi une base politico-sociale, et l’administration allait avoir à en tenir compte.
Les événements du deuxième semestre 1959 devaient bientôt y apporter ce que je considère comme une irréfutable confirmation.
Je ne m’appesantirai pas sur les causes directes, ni sur les détails, de ces événements, laissant ce soin aux historiens et, avant eux, à la Commission spécialement envoyée sur place par le Ministre, à la Mission de visite de l’O.N.U. aussi, le cas échéant.
Je m’attache ici à expliquer et non à justifier des attitudes de l’Administration belge et il me suffit d’évoquer quelques faits précis avec l’interprétation que le gouvernement leur a donnée.
Un de ces faits est la désignation du Mwami Kigeri qui a inspiré les commentaires les plus contradictoires. La dernière désignation coutumière remontant au siècle dernier et l’enjeu étant d’importance, il ne faut pas s’étonner si des tendances divergentes s’affrontèrent à son propos, au sein même des groupes sociaux principaux du Rwanda. Mais le 28 juillet, le gouvernement préféra une solution immédiate à un chaos politique certain, d’autant plus qu’il ne tenait pas à laisser mettre en cause l’institution monarchique même.
Les semaines qui suivirent, de nombreuses rumeurs furent propagées dans le pays : des dirigeants utilisant leur situation officielle, cherchaient incontestablement à nuire à l’Administration belge dans l’esprit des habitants des collines. La mort du Mwami Mutara était imputée aux Européens tandis que la désignation du Mwami Kigeri était représentée comme une défaite pour les partis hutu et un triomphe de la caste dominante.
Au mois d’août fut alors créé un parti politique, l’U.N.A.R., qui allait bientôt dans le pays occuper la vedette.
Des débats passionnés se poursuivent à son propos. J’énoncerai seulement quelques conclusions que l’administration considère maintenant comme acquises au sujet des buts et des agissements des premiers dirigeants de ce parti.
Tenons-nous-en d’abord à un exposé chronologique.
Il y eut premièrement une période de démarrage du parti U.N.A.R. en septembre, où des réunions publiques entendirent développer des thèses selon lesquelles l’administration belge avait délibérément freiné l’essor économique du Rwanda et organisé la division des Banyarwanda, afin de pouvoir prolonger sa présence dans le pays. On y réclamait l’autonomie en 1960 et l’indépendance en 1962.
En septembre et octobre — nos informations sont trop concordantes pour que nous en doutions — le nouveau parti, fort de compter dans ses rangs des chefs et sous-chefs capables au nom de l’Etat de circuler en voiture, d’imprimer, de convoquer et même d’ordonner, développa sur les collines une vaste campagne de propagande fondée, notamment, sur
un slogan : « Qui n’est pas membre de l’U.N.A.R. est un ennemi du « Mwami », campagne qui est la cause la plus apparente de l’inquiétude qui se transforma en réaction violente des Hutu.
C’est en octobre encore, que se situe l’épisode des sanctions édictées contre trois chefs à qui il était reproché d’avoir pris la parole et apporté la caution de leur présence à des réunions publiques, où était prise à partie l’administration à laquelle ils étaient eux-mêmes rattachés.
Un ultime effort de conciliation n’eut pas de résultats, puisque les intéressés n’ont pas rempli les conditions qui m’auraient permis de revenir en partie sur ces sanctions.
Vinrent alors les trois phases violentes, pour la description et l’interprétation desquelles la parole est à la justice et aux éventuelles commissions d’enquête.
Fin octobre, des dirigeants et des membres influents des partis, autres que l’U.N.A.R. furent, de la part d’inconnus, l’objet de menaces, de sévices personnels, d’attaques contre leurs biens.
Début novembre vint alors l’explosion du Ndiza et la flambée des incendies. Au cours de cette flambée, que les délais nécessaires pour rassembler des effectifs suffisants de la Force Publique ne permirent malheureusement pas d’étouffer dès ses premières manifestations, des groupes de Hutu incendiaires se heurtèrent par endroits à des défenses locales organisées par des Tutsi et, principalement en territoire de Kibuye et Kisenyi, il en résulta de nombreux morts.
Enfin, dès le 5 novembre, des dirigeants de l’U.N.A.R., siégeant en permanence à l’Ibgami autour du Mwami, invoquant le fait que jusqu’alors, les cases des Tutsi avaient été incendiées sans que l’autorité belge ait réussi à l’empêcher, demandèrent en commun avec le Mwami,
l’autorisation de faire rétablir l’ordre par des troupes armées de Banyarwanda levées pour la circonstance.
Cette autorisation fut évidemment refusée. L’état d’exception fut proclamé et les renforts militaires affluèrent, ce qui devait permettre, en quelques jours, de mettre fin à tous les troubles de quelque origine qu’ils fussent.
Mais, entre-temps, s’ouvrait la troisième phase des violences où furent assassinées plusieurs notabilités politiques hutu.
Ce fut une série d’actions délibérément organisées et non plus une explosion de violences collectives.
Des détachements, utilisant des pygmées et des paysans encore liés par leur assujettissement traditionnel, furent envoyés en expédition, devant arrêter ou exterminer des personnes nommément désignées comme les ennemis à éliminer et qui étaient toujours des personnes connues pour leur adhésion à des idées de réforme. Certaines victimes avaient été prévenues par leurs futurs agresseurs du sort qui les attendait; d’autres furent torturées.
Ici encore, il semble bien que la réaction ait voulu saisir une occasion de frapper un grand coup pour impressionner le menu peuple et neutraliser les mouvements hostiles à la politique de leur parti, en tentant de les décapiter de leurs représentants et de leurs porte-parole les plus valables.
Ce plan a échoué.
Décidés dans la conviction de l’impunité, les promoteurs de ce plan se sont vus mater en quelques jours par l’intervention remarquablement rapide de la Force Publique sous les ordres du Colonel BEM G. Logiest auquel un hommage et un remerciement sont ici publiquement adressés.
Et les paysans, dont on eût pu attendre une attitude craintive de bouche cousue, comme le passé du Rwanda en fournit maints exemples, s’enhardirent bientôt à parler et les témoignages abondent, qui font apparaître au grand jour les modalités des crimes commis, les responsabilités, les intentions mêmes.
En novembre 1959, un objectif fut poursuivi, qui ressemblait fort au rétablissement de l’ordre ancien, en complète opposition avec les revendications formulées par les Hutu, avec la ligne tracée par les Tutsi progressistes, avec le programme de démocratisation, maintenant encore précisé par la récente déclaration du gouvernement.
Dans ce but, deux thèses étaient soutenues : qui n’est pas U.N.A.R. est contre le Mwami, l’administration belge a failli à sa tâche. A l’appui de cette dernière proposition, les argumentations les plus invraisemblables étaient avancées, allant jusqu’à nier la réalité de l’assistance financière annuelle de la Belgique, la pauvreté des ressources du pays, le caractère marginal des exploitations minières, d’autres évidences encore.
Forte de ses moyens d’action sur les collines, l’U.N.A.R. y développait une propagande intense, d’ailleurs toujours au nom du Mwami y assurant son emprise par démagogie et intimidation en vue des prochaines élections, cherchant à y discréditer les autorités belges et tous les Banyarwanda restés fidèles à l’administration.
Une tactique de sabotage se manifesta par endroits, tactique dont l’origine n’est pas récente, d’ailleurs ; une campagne, criminelle par les torts qu’elle cause et causera aux populations, fait échec à l’action antituberculeuse de Cemubac dans le nord-est du Rwanda, et contrarie de nombreuses opérations de vaccination du service médical.
En 1956, chaque habitant du pays a pu disposer comme vivres d’appoint de 81 kgs de farine de manioc ; cette quantité tombera à 10 kgs en 1961 suite aux mots d’ordre d’inertie qui circulèrent en 1959 parmi les cultivateurs.
Le dénigrement des entreprises essentielles de l’autorité tutélaire, ‘comme les paysannats, les boisements, les parcs nationaux, la défense de la forêt de crête, la lutte antiérosive même, localement poursuit le double but de d’abord réduire les bienfaits matériels apportés au peuple par la présence belge, afin de détacher ce peuple de son tuteur, et ensuite de dégoûter les Belges de poursuivre leurs efforts, ce qui les amènerait à se réjouir presque d’avoir à interrompre leur présence au Rwanda dans un avenir rapproché.
Enfin, plus généralement, nous avons dû constater que des éléments conservateurs essaient de faire passer les événements sanglants de novembre 1959 pour un élan de libération nationale alors qu’ils furent seulement une jacquerie populaire suivie d’une tentative de répression à caractère réactionnaire.
Deux questions méritent encore quelques développements, avant que je n’en vienne aux conclusions de ce chapitre essentiel de mon exposé.
Ce sont les problèmes des autorités intérimaires et des réfugiés, au sujet desquels les détracteurs de l’administration ont délibérément utilisé les termes : nomination, déportation, camps de concentration.
De véritable jacqueries, en territoire de Ruhengeri et dans quelques chefferies voisines de ce territoire, chassèrent les Tutsi, qu’ils fussent ou non titulaires d’un commandement politique, des terres qu’ils occupaient, tandis que leurs habitations étaient incendiées.
En période politiquement neutre, ces faits n’eussent relevé que du droit civil, du droit pénal et du droit administratif ordinaire.
L’administration a jugé devoir considérer les faits en cause sous un angle différent, malgré les reproches des uns et en provoquant à son corps défendant, l’inquiétude des autres.
Elle ne pouvait rétablir manu militari des centaines de Tutsi dans leurs terres et des dizaines de sous-chefs et chefs dans leur commandement alors que des milliers de paysans, après avoir procédé aux expulsions, manifestaient visiblement l’intention farouche de s’opposer à des réinstallations.
D’ailleurs, là où elle eût réussi des réimpositions locales au prix d’un violent mécontentement populaire, elle aurait laissé les réinstallés dans un état de déséquilibre politico-social, par rapport à leur entourage qui eût pour eux rapidement repris une allure de danger.
Il était impossible de ne pas tenir compte d’un état de fait né, elle en est convaincue, des profondeurs même de la volonté populaire. Elle considéra donc les commandements abandonnés comme des commandements au moins temporairement vacants. Et elle prit corollairement le parti de considérer les victimes des expulsions comme des citoyens touchés par une forme particulière de calamité publique au profit desquels des mesures d’assistance d’exception pouvaient être prises à charge du Trésor.
Une première mesure d’urgence consista à pourvoir de titulaires provisoires les commandements vacants en fait.
L’administration y veilla sans attendre. Elle a répété et je répète encore qu’il ne s’agit pas de nominations définitives, mais uniquement de mise en place d’intérimaires, dont le sort sera remis en jeu, lors des élections d’abord et pour les chefs lors de la réforme générale en cours.
Certaines voix ont exprimé de l’inquiétude parce que ces désignations d’intérimaires se sont faites, pratiquement en tenant toujours compte de la prédominance raciale dans les circonscriptions dont ces intérimaires devenaient les titulaires. Il fut reproché au procédé de favoriser l’antagonisme des deux races et de porter les germes de troubles futurs.
L’administration a estimé ne pouvoir opérer autrement dans l’actuelle fermentation des esprits. En région à forte influence tutsi, un intérimaire hutu imposé par les autorités territoriales eût été dans l’impossibilité matérielle d’exercer son mandat qui, de surcroît, eût encore présenté pour lui la complication d’être un noviciat. En zone homogène hutu, où un vent de jacquerie venait précisément de souffler, la règle suivie de sonder la préférence des habitants conduisit tout naturellement à des choix d’intérimaires hutu.
11 faut donc compter sur le jeu libre des institutions démocratiques pour rétablir, le calme une fois revenu dans les esprits et, si possible, dans les cœurs, le panachage souhaitable pour préserver l’harmonieuse inter-racialité politique du Rwanda.
Mais en attendant les prochaines élections, la méthode qui vient d’être suivie présente au moins un avantage éclatant. Elle permet, sans engager l’avenir, puisque les élections pourront toujours redresser les choix malencontreux, de donner à quelque deux cents Hutu commandement politique.
Il restait, d’autre part, à s’occuper des Tutsi chassés de leurs terres, ruinés par l’incendie de leurs demeures et le pillage de leurs biens meubles.
Les premiers jours, il fallut les abriter et les nourrir. Des missions religieuses, qu’elles soient ici remerciées, et des centres officiels fournirent ces abris. L’état procura des vivres, des couvertures, des soins.
Et puisque la réintégration de ces malheureux s’avérait impossible, un vaste centre d’accueil devait être créé en dehors des régions qui venaient d’être troublées, afin de faire cesser la promiscuité et l’oisiveté qui pesaient sur les réfugiés, entassés dans les missions et les postes de territoire.
Ce centre fut fixé à Nyamata, exactement à vingt kilomètres à vol d’oiseau au sud de Kigali.
Cette simple précision géographique et la proximité du chef-lieu de Résidence suffit à réduire à néant quelques-unes des sottises et méchancetés qui furent répandues à son propos par des propagandistes dont maintenant l’étiquetage devient aisé ; les mots bagne, enfer à tsé-tsé, désert, repaire de lions furent utilisés pour caractériser ce versant de la vallée de l’Akanyaru relevant géographiquement beaucoup plus du Mayaga que du Bagesera où un camp d’hébergement, tout temporaire d’ailleurs, fut, à grands frais, et avec beaucoup de soins et de précautions, édifié par une équipe dynamique et enthousiaste qui a droit à nos plus vifs éloges.
Le mot déportation fut encore employé pour qualifier le transport gratuit en camions par l’Administration vers ces abris où ils attendaient des vivres et du travail, des réfugiés qui en manifestaient spontanément le désir.
Enfin, je terminerai en précisant que, troisième phase de l’opération, reclassement de ces réfugiés, des dispositions sont en cours d’exécution depuis deux mois déjà pour ouvrir, l’une en bordure de l’Akanyaru, l’autre dans le Rweya au nord-est du lac Mohasi, deux aires de peuplement qui ne sont pas le fruit d’un choix hâtif mais correspondent à des zones qui avaient, avant les événements de novembre, été retenues dans le programme financé par le Marché Commun. Dans ces zones, des facilités spéciales d’établissement leur seront assurées, tandis que se poursuivront, dans leurs chefferies d’origine, la récupération de leur bétail volé et la cession, sous contrôle officiel, des terres et récoltes qu’ils y ont abandonnées, et que se préparent les dossiers de constatation des dommages qu’ils ont subis, à propos desquels le futur Conseil du pays du Ruanda aura dès sa création à fixer des principes prévoyant l’éventualité et les limites de leur indemnisation.
Cette longue analyse du passé éloigné et récent visait à m’amener à des conclusions qu’il m’est maintenant possible de formuler.
Au Rwanda, dans l’exécution de la tâche qu’elle accomplit en vertu de l’accord international de Tutelle, la Belgique a trouvé sur son chemin une opposition déterminée des forces réactionnaires.
Le 10 novembre 1959 d’autre part, la Belgique a parlé, sans équivoque possible. Elle instaurera la démocratie, puis se retirera, sa tâche accomplie.
Cette ligne de conduite, à propos de laquelle elle est convaincue d’obtenir le plein appui et assentiment de l’O.N.U., elle entend la suivre avec fermeté.
Je pourrais ici reprendre sans hésiter une citation empruntée à M. Julius Nyerere :
La liberté signifie le droit pour chaque individu de réélire ou de remplacer régulièrement, par l’entremise des urnes et sans aucune crainte, le Gouvernement de son pays. Cette liberté inclut évidemment pour le Gouvernement le droit de gouverner sans crainte d’être remplacé au pouvoir par d’autres « moyens que les urnes ».
C’est ce que la Belgique veut, comme elle veut davantage de justice sociale, ce qui est inséparable d’une résorption progressive des monopoles politiques actuels.
Elle va donc en poursuivre la réalisation sans dévier de la ligne tracée par la déclaration du 10 novembre dernier, sans nouvelle mansuétude désormais, reconnue superflue pour ceux qui s’y opposeraient.
A l’U.N.A.R. de 1960 s’adresse tout particulièrement ce solennel avertissement, qui n’est pourtant pas une menace. Si ce parti veut véritablement observer les promesses que contiennent ses proclamations, s’il veut accepter de propager ses idées sans recourir à l’intimidation, il conservera une place dans l’éventail des partis du Rwanda.
Ceci étant nettement dit, la Belgique se déclare résolument hostile à tout programme de partage du pays entre communautés raciales, au prix d’impensables déplacements de population.
De même, elle met en garde tous ceux qui s’attachent à entretenir la haine et à préconiser le recours à de nouvelles violences au lieu d’attendre les prochaines élections, qui devraient permettre enfin les solutions pacifiques.
L’heure de la réconciliation entre Banyarwanda doit sonner rapidement.
Et avec la réconciliation, la Belgique demande aussi, avec insistance et même anxiété, que vienne rapidement le retour de l’ardeur au travail. La démocratie doit être matériellement viable, fondée sur une économie et sur finances publiques suffisantes. Cette vérité est si évidente que je ne m’y attarderai pas longuement. Je conjure seulement les Banyarwanda de mettre fin eux-mêmes et au plus vite aux sabotages qui compromettent non seulement leur économie, mais même leur santé et leur subsistance primordiale. Je demande aux autorités politiques, titulaires ou intérimaires, de considérer la splendide mission qu’ils peuvent remplir en réalisant chez eux la parfaite union de la technique européenne et du travail de leurs administrés.
Et maintenant, avant d’aborder un tout autre propos, je voudrais encore énoncer un encouragement à l’adresse des Tutsi.
Je leur demande très simplement leur collaboration dans l’édification du Rwanda de demain, en leur assurant que leur place y est avantageusement marquée, car dans une démocratie les citoyens occupent la place que leur valent leurs mérites.
Que les Tutsi chassent donc la crainte de leur cœur. De minorité dominante, ils ne deviendront pas une minorité qui devra demander protection. Dans le Rwanda de demain, il n’y aura plus d’opprimés, si tout le monde se convainc de la nécessité d’y jouer franchement le jeu de la démocratie.
L’examen des situations politiques nées de l’histoire du Burundi, fait apparaître que les contingences s’y présentent dans l’ensemble, fort différemment du Rwanda, même si la prémisse d’inégalité y a aussi existé et y existe encore, permettant localement des abus dont la disparition doit nécessairement être obtenue.
Dans la stratification sociale, le rôle de premier plan joué par les baganwa permet de considérer que ce groupe constitue à lui seul une donnée essentielle supplémentaire du problème, brouillant la dualité tranchée qui est par endroits si funeste au Rwanda créant parmi les Tutsi des différenciations, parfois même fluctuantes, d’appartenances ou d’alliances qui rendent beaucoup plus improbable qu’au Ruanda un cloisonnement horizontal entre Tutsi et Hutu.
LE PROBLEME DES ELECTIONS
La Mission de visite du conseil de tutelle de l’ 0.N.U. termina ses travaux le 31 mars. Un communiqué, publié le jour même, exprima le souhait que les élections communales soient reportées après une conférence de la Table Ronde.
Cette prise de position marquait le début de la tension entre la Puissance tutélaire belge et le Conseil de tutelle de l’ 0.N.U.
1° Lettre du Résident Général au Ministre concernant la mission de visite de l’O.N.U. Usumbura, le 27 mars 1960.
Monsieur le Ministre,
Ce document sera dépassé lorsqu’il sera entre vos mains. Je le rédige néanmoins pour ce que les militaires dénomment l’historique de la campagne.
Aucune réponse utilisable n’ayant pu nous parvenir de votre part avant la réunion qui nous mit en présence ce matin, le Ministre Scheyven, la Mission de Visite, mes collaborateurs et moi, cette séance dut se terminer sans conclusion quant au souhait de plus en plus net de la Mission de pouvoir, avant son départ, faire une déclaration actant que la Belgique a l’intention de consulter rapidement les populations autrement que par le mécanisme du décret intérimaire.
Je passe sur les détails, mais voici en gros la situation actuelle :
- a) Les axes de ma lettre griffonnée jeudi en Cessna restent valables.
- b) La Mission a seulement durci sa position : elle semblait jeudi admettre, à contrecœur, l’idée d’une sorte de Table Ronde après les élections communales et avant le deuxième degré du décret intérimaire. Aujourd’hui elle est plus formelle : il ne faut pas d’élections, même uniquement communales, avant une Table Ronde, ces élections devant être dangereuses, contestées, sources de reproche à la Belgique, etc.;
- c) Il est certain que, si la Belgique ne permet pas une déclaration cette semaine, la Mission imputera à ce refus la responsabilité de tous les incidents, troubles, désagréments, etc., des mois à venir. Son rapport mettra ce refus en épingle. Il sortira probablement en outre divers éléments déplaisants pour la Belgique relevés au cours de son voyage et que sinon elle eût peut-être passés sous silence. La menace à peine voilée nous en a été exprimée par M. K. Edmonds ;
- d) Il en est de même de l’organisation d’élections en juin-juillet au niveau communal. Si de telles élections ont lieu et donnent naissance à quelques troubles pendant la campagne électorale ou pendant les opérations (et des partis les susciteraient, rien que dans ce but…) ces troubles nous seraient véhémentement reprochés à New York, bien au-delà de leur signification réelle ;
- e) Cette argumentation semble avoir frappé le Ministre Scheyven qui, au moment de son départ, paraissait enclin à dire : « Suivons les recommandations de la Mission, acceptons une Table Ronde avant toute élection, disons-le tout de suite, sinon notre position à l’O.N.U. sera toujours difficile à défendre » ;
- f) A cette thèse, incontestablement pertinente, s’en oppose une autre, non moins solide. C’est celle de mes collaborateurs, œuvrant sur le terrain, qui ont déjà beaucoup travaillé, négocié, préparé pour les élections de juin (Ruanda) ou juillet-août (Urundi).
Ils craignent, avec moi, que le menu peuple, s’il ne peut élire ses dirigeants locaux, et ce à peu près au moment où on lui a promis qu’il pourrait le faire, sera : 1° déçu profondément ; 2° peut-être lésé. Dans cet esprit, il y a des arguments militant en faveur de ma proposition ancienne : élections communales, puis Table Ronde.
J’ai eu ce matin un contact téléphonique avec M. Piron à Léopoldville. J’ai cru comprendre de ce qu’il me disait (transmission très brouillée) :
1° un télégramme était parti à notre adresse ;
2° la Belgique ne rejette pas le principe d’une sorte de Table Ronde ;
3° avant d’en décider, elle veut connaître :
- a) les réactions locales après le départ de la Mission ;
- b) les réactions de la Mission elle-même après ce départ.
J’attends maintenant, avec anxiété, l’arrivée de ce télégramme, en soulignant que je serai fort embarrassé, entre l’impatience et les désirs précis de la Mission et les avis de M. Scheyven à leur propos, d’une part, et les instantes instructions reçues de Bruxelles, de l’autre, si ce télégramme confirme que réellement la Belgique ne veut rien dire avant de s’être fait une opinion a propos d’attitudes qui ne peuvent se développer qu’après que la Mission ait quitté Usumbura.
En effet, l’attitude de la Mission variera du tout au tout, selon qu’elle aura pu ou non avant son départ du Ruanda-Urundi faire avec notre accord la déclaration qu’elle voudrait faire et dont elle a besoin pour assurer sa propre position à l’égard de l’Organisation des Nations Unies.
Je termine par deux remarques :
- a) Si la Mission quitte Usumbura sans avoir fait de déclaration d’accord avec nous, il est possible qu’elle en fasse une — le cas échéant désagréable à notre égard à Dar-es-Salaam, où elle se rend la semaine prochaine. Et tout le bénéfice de cette déclaration serait alors inscrit à l’actif des réfugiés Unar vivant au Tanganyika ;
- b) Il semble a priori qu’il faille écarter pour le Ruanda-Urundi l’emploi du terme « Table Ronde » afin d’empêcher l’inévitable association d’idées que la réunion projetée sera la répétition de la Table Ronde du Congo, identique à celle-ci dans sa composition, sa procédure, son objet, son déroulement et son aboutissement. De même, il faut réfléchir à la position des autorités belges du Ruanda-Urundi à l’égard de cette session, à l’écart de laquelle elles ne peuvent être tenues, si on doit ultérieurement leur demander d’administrer encore efficacement le pays pendant une période relativement longue.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments de haute considération et de toujours entier dévouement.
Le Résident Général, (sé) Jean-Paul HARROY.
2° Communiqué de la Mission de l’O.N.U. (extraits)
La Mission de visite a entendu les opinions des représentants des partis politiques du Ruanda et de l’Urundi et de nombreuses personnalités et individus. Elle a aussi eu des consultations avec les représentants de l’Administration locale.
La Mission de visite a appris avec satisfaction que le Gouvernement belge a décidé de convoquer, probablement en Belgique, une réunion sur le Ruanda et l’Urundi à laquelle participeront des représentants des populations. La Mission de visite espère que cette réunion permettra aux délégués du Ruanda et de l’Urundi de faire un large tour d’horizon avec l’avenir du Ruanda et de l’Urundi et de proposer des solutions aux problèmes de l’avenir de ces pays. Elle estime que cette réunion devrait étudier également les questions qui se poseront pour le Ruanda-Urundi du fait de l’indépendance du Congo.
La Mission de visite approuve cette initiative et espère sincèrement que la réunion envisagée fera sortir le Ruanda de l’atmosphère d’agitation, de peur et de tension qui y a régné au cours des derniers mois et qu’elle ouvrira la voie à une réconciliation nationale. Elle espère également que cette réunion apaisera les tensions qui se manifestent en Urundi.
La Mission de visite a appris que le Gouvernement belge a l’intention de convoquer cette réunion en août prochain. Elle espère toutefois que le Gouvernement belge réexaminera cette décision et sera en mesure d’avancer la réunion projetée parce qu’elle estime qu’il est de la plus grande importance que cette réunion se tienne le plus tôt possible.
La Mission de visite a été informée que les préparatifs pour l’organisation de cette réunion, la composition des délégations et l’ordre du jour seront discutés sans retard en consultation avec les représentants des partis politiques et les dirigeants et personnalités des pays.
La Mission de visite recommandera à la Belgique et à l’O.N.U. que des observateurs des Nations Unies assistent à cette réunion.
La Mission de visite note que les élections communales prévues pour juin et juillet seront reportées à une date aussi rapprochée que possible après la réunion projetée.
La Mission de visite recommandera à la Belgique et à l’Assemblée Générale des Nations Unies que des élections au suffrage universel direct en vue de la constitution d’assemblées nationales pour le Ruanda et l’Urundi aient lieu au début de 1961 et qu’elles soient supervisées par les Nations Unies. Elle espère que la réunion projetée pour le mois d’août prendra cette recommandation en considération et étudiera également la possibilité de constituer une Communauté du Ruanda-Urundi.
La Mission de visite espère que les assemblées issues de ces élections pourront élaborer une constitution établissant des institutions démocratiques.
La Mission de visite espère que la Belgique sera en mesure de demander que l’Assemblée Générale des Nations Unies qui se tiendra en 1961 discute de la question de l’indépendance du Ruanda-Urundi.
La Mission de visite recommandera à la Belgique et à l’Organisation des Nations Unies qu’une mission des Nations Unies soit, envoyée le plus rapidement possible au Ruanda-Urundi pour aider l’administration dans le développement du Territoire.
La Mission de visite fait appel à toutes les populations du Ruanda et de l’Urundi et à leurs dirigeants pour que la paix, le calme et l’ordre soient préservés dans le Territoire, et qu’ils collaborent à cet effet avec les autorités belges. Il serait difficile pour le Ruanda-Urundi de préparer l’avenir du Territoire avec succès si les populations ne faisaient preuve de calme, de sang-froid et d’ardeur au travail.
La Mission de visite est convaincue que le Ruanda et l’Urundi, sous l’égide de la Belgique et de l’Organisation des Nations Unies, sauront s’assurer un avenir commun, pacifique et prospère où tous les éléments de la population, sans distinction d’aucune sorte, pourront librement contribuer au bien-être de leur pays. Elle espère également que dans un avenir proche, le Ruanda-Urundi prendra sa place parmi les nations libres d’Afrique.
La Mission de visite ne saurait terminer sans rendre hommage à l’administration belge pour la contribution qu’elle a apportée au développement du Territoire sous tutelle. Ce qui reste à faire pour assurer au Ruanda-Urundi un avenir heureux et prospère est encore considérable, mais la Mission de visite est persuadée que les Banyarwanda et les Barundi, leurs Bami et leurs dirigeants politiques ainsi que les autres éléments de la population auront la volonté et la capacité de travailler ensemble pour surmonter toutes leurs difficultés. Usumbura, le 31 mars 1960. (Publié dans « Temps Nouveaux d’Afrique », 10 avril 1960.)
3° Télégramme du Ministre Scheyven au Ministre De Schrijver
27 mars 1960.
Ai eu longue conversation ce matin 27 mars avec Commission visite O.N.U.
Tous membres unanimes déconseillent nettement tenir élections communales car :
1° provoqueront certainement troubles graves ; 2° à cause de l’atmosphère actuelle, ne permettront pas consultation valable. Ils déconseillent fortement et unanimement O.N.U. superviser pareilles élections.
Conseillent réunir Bruxelles conférence politique dont seule annonce provoquerait, selon leurs informations, choc psychologique populations. Hautement souhaitable.
Ai fait observer que :
1° je parlais à titre strictement personnel n’engageant en rien gouvernement ;
2° remise élections me paraissait regrettable car pas en arrière dans politique gouvernement annoncée et dans voie démocratique pays ;
3° risquait désappointement dans certaines parties population ;
4° sans élections préalables désignation délégations conférence Bruxelles serait fortement arbitraire et pourrait nous être reprochée.
5° conférence organisée sans plan préétabli pourrait échouer et augmenter chaos ;
6° pareille conférence pourrait débuter dans optique Table Ronde politique congolaise, suscitant espoir indépendance immédiate sans démocratisation préalable.
Imprudemment Commission avoir rejeté toutes ces argumentations, faisant notamment valoir que :
1° désignation délégués certes difficile, mais néanmoins possible ;
2° O.N.U. pourrait déléguer observateur pour exercer rôle conciliateur;
3° rapport Commission visite pourrait aider établissement programme et formules compromis ;
4° crainte indépendance trop rapide inexistante, car rapport Commission recommanderait indépendance dans environ deux ans, permettant démocratisation nécessaire et que d’ailleurs toutes recommandations conférence Bruxelles devraient être soumises assemblée générale au plus tard automne prochain.
Harroy me fait savoir votre communication téléphonique de ce matin selon laquelle vous recommanderiez ne prendre aucune décision avant de connaître :
1° réaction populations après départ Commission visite ;
2° le texte du rapport lui-même.
Me permets vous faire remarquer respectueusement cette solution me paraît peu heureuse car :
1° En ces moments difficiles ne pas décider est toujours mauvaise solution.
2° Populations ne pouvant rester longtemps sans connaître notre décision, ou bien élections, ou bien conférence.
- Nous avons demandé avis Commission visite et nous devons dès lors dans toute mesure possible, accepter ses recommandations.
- Nous ne pouvons en aucune façon prendre risque organiser élections contre avis formel Commission visite. Si troubles graves toujours possibles et même probables se produisaient, nous risquerions susciter contre nous graves réactions O.N.U. et opinion internationale.
- Pas impossible cet expédient conférence Bruxelles pourrait aboutir certains résultats.
En conclusion, je me range formule compromis me proposée tantôt par Harroy, à savoir, annoncer élections seront retardées et se tiendraient à une date précise aussitôt après conférence Bruxelles.
Indispensable que vous câbliez de toute urgence instructions Harroy, car Commission quitte Usumbura jeudi.
4° Lettre du Résident Général au Ministre concernant les observateurs de l’O.N.U. aux élections communales Usumbura, 28 mars 1960.
Monsieur le Ministre,
Je réponds rapidement à votre lettre du 21 mars — sans référence — dont nous avons délibéré le contenu avec Monsieur le Ministre Scheyven samedi soir, 26 mars.
La réponse à la question de Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères ne semble pas soulever d’hésitation car :
1° la Mission de visite ne recommandera jamais qu’il y ait des observateurs O.N.U. à nos élections communales de juin ;
2° cette Mission recommande même avec force que ces élections n’aient pas lieu dans le cadre de la procédure organisée par le décret intérimaire du 25 décembre 1959, mais soient reportées jusqu’à ce qu’ait pu se tenir à Bruxelles une « Table Ronde », où serait discutée l’évolution politique ultérieure du Ruanda-Urundi.
Il n’y a donc plus lieu d’insister à New York, en défendant notre demande du 26 février 1960, en l’appuyant d’éléments nouveaux.
Le dilemme qui se pose est donc seulement : faisons-nous les élections de juin (vous me fixerez sur ce point incessamment selon d’autres correspondances) ou renonçons-nous à ces élections ? En cas de renonciation, il faut en aviser l’O.N.U. et notre demande du 26 février tombe d’elle-même. En cas de maintien, ou bien nous laissons les choses suivre leur cours et nous attendons le refus du Conseil de Tutelle (ce qui nous laisse le bénéfice d’avoir demandé) ou bien nous retirons notre demande, comme semblait y être enclin M. Scheyven, pour éviter le désagrément d’un refus.
En cas de maintien des élections de juin, vous me demandez encore si l’envoi est souhaitable au Ruanda-Urundi d’une mission de magistrats et hauts fonctionnaires belges, comme le Gouvernement l’a fait au Congo en décembre dernier. Notre réponse unanime — M. Scheyven compris — est affirmative.
Enfin, à titre strictement confidentiel, je réponds à votre question « serait-il possible d’expliquer à l’opinion publique le « refus du Conseil de Tutelle d’envoyer des observateurs en juin au Ruanda-Urundi » en vous confiant que les quatre partis du Ruanda ont tenu une réunion commune le 23 mars à Kigali sous la présidence du Résident spécial, réunion dont vous trouverez le procès-verbal de conclusion sous ce pli et où vous lirez que, questionnés sur l’importance de la présence d’observateurs O.N.U. aux élections de juin, les délégués ont répondu (je cite le procès-verbal) :
Aprosoma : les observateurs O.N.U. ne sont pas nécessaires ;
Rader : l’intervention de l’O.N.U. serait de pure forme. On peut s’en passer totalement ;
Parmehutu : la supervision de l’O.N.U. est sans importance ;
Unar : j’aurais souhaité la supervision de l’O.N.U., mais je crains qu’elle ne soit impossible.
Ces citations — qui répondent aussi au 1 er alinéa de la page 2 de votre lettre, —vous indiquent qu’il ne serait pas très difficile de faire accepter par l’opinion publique un refus du Conseil de Tutelle d’envoyer des observateurs à nos élections de juin.
Enfin, relisant votre lettre, je réponds encore que, s’il le fallait, nous trouverions bien les cinq millions pour payer la venue d’une troupe d’observateurs internationaux, mais que la question, au stade actuel, ne me paraît pas se poser.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments de haute considération et de toujours entier dévouement. Le Résident Général, Jean-Paul HARROY.
5° Lettre du Résident Général au Ministre concernant les réactions de la Mission de visite de l’O.N.U. Usumbura, 31 mars 1960.
Monsieur le Ministre,
Voici une relation succincte des événements de ces deux derniers jours : mardi 29 et mercredi 30 mars 1960.
Hier, la Mission, que j’ai rencontrée en un déjeuner très simple à la Résidence (eux quatre, M. Rapoport, ma femme et moi), manifestait une impatience croissante à connaître votre décision. M. Loufti, en aparté, m’a longuement exposé un désir de collaboration — méconnu — de la part du Mwami Kigeri (N.B. : le jour même, ce dernier aurait dit à son frère : d’abord, avant tout, faire la guerre aux Belges, et nous en débarrasser…).
Le soir, votre câble est arrivé. Il fut décodé sur-le-champ. A 8.00 heures, ce matin, nous en délibérions entre nous, longuement, avec les Résidents, préparant la présentation que j’allais en faire à 11.00 heures à la Mission de visite. Bien sûr, des aspects de la nouvelle situation qui se dessine suscitaient l’une ou l’autre inquiétude chez les Résidents, un facteur favorable au Ruanda pouvant être défavorable en Urundi et réciproquement. Mais dans l’ensemble, la formule n’a pas paru inacceptable.
A 11.00 heures, d’accord avec mes collaborateurs, j’ai cru bien faire en lisant votre télégramme in extenso à la Mission. Puis je l’ai commenté comme suit :
1° « forme particulière de consultation » indique que le Ministre, comme nous, évite a priori le terme « Table Ronde » ;
2°. Il faut comprendre que le calendrier « problème d’Afrique » du gouvernement belge est entièrement occupé jusque fin juillet par la question Congo et qu’avant août, une réunion Ruanda-Urundi ne peut être raisonnablement envisagée ;
3° II faut retarder les élections communales à septembre pour le Ruanda et octobre pour l’Urundi, continuer leur préparation, surtout ne pas laisser croire qu’elles sont reportées sine die;
4° Le choix des délégués sera ardu. La Belgique, après avoir épuisé toutes les possibilités de persuasion et discussion, devra peut-être trancher ;
5° La Mission, dans ses déclarations ou commentaires, devrait si possible :
- a) formuler immédiatement un avis favorable quant à la manière dont la Belgique s’acquitte de sa tâche de Puissance Administrante, ce pour couper les ailes aux propagandes : l’O.N.U. va chasser les Belges, etc. ;
- b) signaler qu’elle est à la base d’une formule qui a abouti à un décalage de la date des élections communales et à la recherche d’un timing et d’une procédure identiques pour le Ruanda et pour l’Urundi;
- c) faire comprendre qu’elle ne préconise pas des observateurs O.N.U. aux élections communales de septembre-octobre ;
- d) insister à un moment donné sur sa conclusion : démocratisation d’abord, indépendance ensuite.
Pendant cette lecture et ces commentaires, MM. Sears et Edmonds multipliaient assez curieusement les dénégations. Leur première réaction fut : « août est trop tard.
Notre but est d’apaiser la terrible tension relevée dans le pays, au Ruanda surtout. Le gouvernement belge, en proposant août, en évoquant la réaction probable de son Parlement, méconnaît ce danger redoutable, que notre intention était d’atténuer rapidement en annonçant une Table Ronde très prochaine… ».
Puis, après avoir conféré entre eux pendant une demi-heure, les membres devinrent beaucoup plus compréhensifs à la nouvelle, semble-t-il, que notre intention était d’annoncer immédiatement une réunion quelque part « forme particulière de consultation avant élections » et de commencer sans retard à préparer cette réunion, en discutant localement de la composition des délégations et de celle de l’ordre du jour.
Après quoi, la Mission énuméra huit points qu’elle songe à énoncer dans sa déclaration de demain et manifesta son intention d’en informer d’abord les délégués des partis, ceux du Ruanda cet après-midi, ceux de l’Urundi demain matin. A ma demande, il fut décidé de faire une première rédaction de ces huit points, afin que des contestations ne surviennent pas par la suite, des dirigeants de partis venant nous affirmer que « La Mission a dit que la Belgique avait promis »…
A 15.00 heures, MM. Mason, Sears et Rapoport m’ont montré un brouillon qui, amendé sur des détails à ma demande, est devenu le texte ci-contre.
Je répète, c’est ce qu’ils lisent en ce moment, pour sonder leur avis, aux dirigeants des partis banyarwanda avec lesquels ils siègent et qu’ils liront demain matin aux Barundi. Après quoi, sera en fonction de ces consultations officieuses, rédigé le texte final que fera la Mission avant son départ. Je serai évidemment consulté avant sa publication.
Derniers détails : M. Sears m’a redit il y a un instant, avant d’aller à sa réunion Ruanda : c’est dommage, nous voulions faire tomber la tension par une réunion rapidement organisée. Avec la date d’août vous courez de terribles risques. N’iriez-vous pas à Bruxelles avant notre arrivée là-bas fin avril, pour essayer d’obtenir quand même une réunion en juin, voire fin mai ?
L’argument qui fut longuement développé alors, tant par M. Rapoport que par M. Sears, fut le suivant : « Devant le Conseil de Tutelle, en juin, vous serez très forts si vous avez, déjà, une conclusion constructive obtenue à votre réunion de consultation qui aurait eu lieu auparavant. Tandis que si cette réunion a lieu en août, c’est-à-dire après la session du Conseil de Tutelle, vous irez à cette réunion d’août avec la peut-être « terrible hypothèque des conclusions du Conseil de Tutelle, où les thèses les plus étonnantes pourront être défendues et, qui sait, adoptées ? »
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments de haute considération et de toujours entier dévouement.
Le Résident Général, Jean-Paul HARROY.
- S. Aux dernières nouvelles, les Ruandais ont très mal réagi à la présentation du texte ci-contre : ce qu’ils veulent, c’est très vite, aller à Bruxelles, trancher leurs questions brûlantes : Hutu-Tutsi et Kigeri, referendum et élections communales. Comme on pouvait le craindre, l’action de la Mission de Visite aura probablement fait quelques dégâts mais, rappelons-le, le but poursuivi en ce moment, c’est de ne pas nous faire trop déchirer dans le rapport de la Mission et au Conseil de Tutelle, par les membres de la Mission, en juin.