Un fait important survint entre le Colloque d’Ostende et le coup d’état du 28 janvier 1961.

Le 15 janvier, rentrant d’Ostende, le résident général Harroy signe, sans avertir au préalable la Commission des Nations Unies, une ordonnance législative (n° 02/16) sur les institutions du Rwanda. Cette ordonnance définissait un régime d’autonomie interne destiné â entrer en vigueur après les élections.

Cependant, le 25 janvier, 13 jours avant la proclamation de la République, le résident général accorde immédiatement le régime d’autonomie interne et en confère les pouvoirs au Conseil et au Gouvernement provisoire du Rwanda.

 

1° Communiqué officiel concernant la réunion de Gitarama (28-1-1961)

Après la décision prise par la Belgique de retarder les élections législatives au Ruanda-Urundi, le ministre de l’Intérieur du Rwanda convoqua tous les bourgmestres et conseillers communaux du pays à une réunion fixée pour le 28 janvier 1961 à Gitarama. Le but de la réunion était, disait la convocation, de prendre certaines mesures dans le domaine de la pacification et du maintien de l’ordre.

La réunion débuta à midi. La quasi-totalité des conseillers était présente. Autour de l’enceinte dans laquelle ceux-ci étaient rassemblés, vingt-cinq mille personnes se pressaient, attirées par le caractère inhabituel de cette réunion.

Le ministre de l’intérieur, M. Jean-Baptiste Rwasibo, organisateur de la réunion, présenta d’abord aux conseillers, parmi lesquels se remarquaient de nombreux conseillers tutsi et européens, le chef du gouvernement provisoire du Rwanda, le président du conseil du Rwanda, les membres du gouvernement et les membres du conseil. S’adressant ensuite aux conseillers communaux et aux bourgmestres, M. Jean-Baptiste Rwasibo les remercie d’avoir participé, depuis octobre 1960, à la pacification du pays. Il leur pose ensuite les questions suivantes :

« Quelle solution sera donnée à la question Kigeri ?

» Par qui ont été élus les conseillers du Rwanda ?

» Quand sortirons-nous du provisoire ? »

« C’est à vous, bourgmestres et conseillers qui représentez la population du Rwanda qu’il appartient de répondre à ces questions. » Le ministre fut vivement applaudi lorsqu’il termina par cette déclaration : « Kalinga, les biru, l’organisation féodale ont rendu la population de ce pays malheureuse. Ces institutions doivent disparaître pour faire place à la démocratie ».

 

  1. Joseph Gitera, président du Conseil du Rwanda, prend la parole. Sous les applaudissements de la foule, il annonce que le Kalinga est supprimé et que le règne de Kigeli a pris fin. Il exhibe alors le drapeau vert, jaune et rouge qui est, dit-il, le symbole du nouveau Rwanda. A 12 h15, M. Joseph Gitera déclare que la forme de gouvernement qui répond le mieux aux aspirations du peuple rwandais est la république. Il termine par le cri de « Vive la République », repris par la foule.
  2. Grégoire Kayibanda, premier ministre du Rwanda, lui succède à la tribune. A l’intention des personnes de l’assemblée qui ne parlent pas le kinyarwanda, il répète en français les principales idées émises par M. Joseph Gitera, soulignant que le Mwami Kigeli et sa lignée sont définitivement exclus de leurs fonctions, que les institutions du Kalinga et des Biru sont abolies définitivement, que le drapeau vert, jaune et rouge est le symbole du nouveau Rwanda et que le Rwanda sera une république.
  3. Jean-Baptiste Rwasibo reprend la parole pour annoncer l’élection du président de la république.

Quatre partis présentent un candidat à la présidence : l’Aprosoma présente M. Joseph Gitera, l’Aredetwa présente M. Laurent Munyankuge, le Parmehutu présente M. Dominique Mbonyumutwa et l’Apadec présente M. Augustin Rugiramasasu.

Chaque candidat est présenté aux conseillers et le vote commence à 12 h55. Quelques membres du parti Rader quittent à ce moment l’enceinte, mais la plupart des élus de ce parti participeront au vote. A 15 h 48, le ministre de l’intérieur donne les résultats du vote :

Sur 3.126 bourgmestres et conseillers que compte le Rwanda, 2.873 ont participé au vote, soit 91,9 %.

Dominique Mbonyumutwa a obtenu 2.391 voix, M. Joseph Gitera 433 voix, M. Laurent Munyankuge 7 voix, M. Augustin Rugiramasasu 6 voix ; il y eut 36 bulletins nuls ; M. Dominique Mbonyumutwa, annonce le ministre de l’intérieur, est donc élu président de la république du Rwanda, ayant obtenu 83,2 % des suffrages exprimés, contre 15 % à M. Joseph Gitera.

Immédiatement après l’annonce de ces résultats, M. Jean-Baptiste Rwasibo déclare que les bourgmestres et conseillers vont procéder à l’élection des membres de l’assemblée législative du Rwanda. Le vote se fera par territoire et les sièges, quarante-quatre au total, seront attribués de la façon suivante : 8 à Astrida ; 5 à Ruhengeri et Kigali; 4 à Gitarama, Nyanza, Kibungu, Byumba et Kisenyi; 3 à Kibuye et Shangugu.

Le vote donne quarante sièges au Parmehutu qui remporte tous les sièges dans neuf des dix territoires ; dans le territoire d’Astrida, quatre sièges vont au Parmehutu et quatre à l’Aprosoma. Les candidats de l’Apadec, de l’Aredetwa et du Rader, ces derniers se présentant comme individuels, n’ont obtenu aucun siège.

Dominique Mbonyumutwa désigne alors M. Grégoire Kayibanda comme formateur du gouvernement. Pendant que celui-ci consulte certaines notabilités, l’assemblée législative qui vient d’être élue se réunit pour élire son président et son vice-président. M. Joseph Gitera est élu président sur proposition du parti Parmehutu, tandis que M. Lazare Mpakanye l’emporte sur M. Alois Munyangaju pour la vice-présidence.

Peu après 19 h 30, M. Grégoire Kayibanda annonce la formation d’un gouvernement composé comme suit :

Premier Ministre et Enseignement : M. Grégoire Kayibanda, avec M. Otto Rusingizandekwe comme secrétaire d’état. Intérieur : M. Jean-Baptiste Rwasibo.

Agriculture : M. Balthazar Bicamumpaka.

Affaires sociales et réfugiés : M. Jacques Hakizumwami.

Affaires Techniques : M. Théodore Sindikubgabo.

Affaires Economiques : M. Callixte Habamenshi.

Finances : M. Gaspard Cyimana.

Justice : M. Anastase Makuza.

Affaires Extérieures : MM. Aloys Munyangaju et Germain Gasingwa.

Défense Nationale : M. Isidore Sebazungu.

Dominique Mbonyumutwa annonce ensuite la création d’une Cour suprême composée de MM. Isidore Nzeyimana, président, Daniel Shamukiga, Claver Ndahayo, Narcisse Sekerere et Franciscus Ackerman.

Il énonce enfin les grands principes qui guideront le nouvel état rwandais. Les voici :

1.Le Rwanda est une république démocratique et souveraine.

2.La nationalité rwandaise sera définie par la loi.

3.Le Rwanda est divisé en dix préfectures divisées en communes.

4.Le Rwanda reconnaît les institutions suivantes :

un président de la république, un gouvernement, une assemblée législative et une cour suprême.

5.Tous les citoyens du Rwanda sont égaux devant la loi, sans distinction de couleur, de race ou de religion.

6.Tous les banyarwanda sans distinction ont accès aux écoles ; mais pourront être fermées ou réquisitionnées les écoles dont le pourcentage de fréquentation ne répondrait pas à la répartition ethnique de la population.

7.Le Rwanda reconnaît la tutelle provisoire de l’organisation des Nations Unies et la Belgique comme puissance administrante.

8.Les décisions concernant l’indépendance devront être prises et soumises à l’assemblée législative et à la Cour suprême.

Le président élu, M. Dominique Mbonyumutwa, termina en déclarant que ces mesures entraient en vigueur le 28 janvier 1961 et que la date du 28 janvier devenait la fête nationale du Rwanda. Il annonça que le lundi 30 janvier 1961 serait jour de congé pour tous les travailleurs du Rwanda.

La journée se termina par une allocution de M. Grégoire Kayibanda qui annonça qu’en date du 25 janvier le gouvernement belge avait accordé l’autonomie au Rwanda. Il prédit des jours difficiles pour les habitants de ce pays à qui il souhaite cependant paix et prospérité.

La réunion se termina vers 21 heures. (Rudipresse n° 209, 4 février 1961)

 

Télégramme adressé au Résident Général et au Résident du Rwanda par le « Congrès National Rwandais et Institutions définitives » 28 janvier 1961

 

Vu attitudes équivoques Belgique-ONU concernant élections législatives Rwanda, suite décisions arbitrairement contraires aux conclusions colloques Kisenyi-Ostende, devant gravité situation et répondant aux vœux majorité populations Rwandaises voir progresser pays dans unité, harmonie et démocratie authentique, prenant courageusement ses graves responsabilités le peuple Ruandais réuni solennellement et librement en congrès national à Gitarama, le vingt-huit janvier de l’an de salut mil neuf cent soixante et un, a décidé et établi solennellement, dans l’intérêt supérieur de la Nation et pour la pacification définitive pays, institutions démocratiques définitives suivantes : abolition forme Mwami de gouvernement et déposition de Kigeri V Ndahindurwa, proclamation solennelle république Rwandaise, élection président de la république, promulgation constitution Rwandaise, formation gouvernement définitif, élection second degré Assemblée législative, création Cour suprême, toutes institutions démocratiques établies selon volonté nation rwandaise librement exprimée par voie mandataires naturels stop.

Heureux collaborer loyalement et amicalement avec Belgique et toutes Nations Libres, Congrès National Rwandais et Institutions démocratiques définitives, invitons Gouvernement belge et tutelle locale prendre loyalement ses responsabilités stop.

Exigeons en conséquence prochaines semaines conférence organisée Belgique-0.N.U.-Rwanda pour traiter problème Indépendance Rwanda stop.

CONGRES NATIONAL RWANDAIS ET INSTITUTIONS DEFINITIVES

Le Président de la République : MBONYUMUTWA

Le Président de la Cour suprême : NZEYIMANA

Le Président de l’Assemblée législative : J. GITERA

Le Premier Ministre : KAYIBANDA

 

Rapport de la Commission de l’O.N.U. sur cet événement

Evénements pendant le séjour de la Commission au Ruanda-Urundi

Lorsque la Commission arriva à Usumbura le samedi 28 janvier, elle était dans l’ignorance complète des événements postérieurs à la Conférence d’Ostende qui avaient eu lieu et qui continuaient à se dérouler dans le Territoire. Elle ne les apprit que plus tard par la presse et la radio.

Le jour même de l’arrivée de la Commission, tous les bourgmestres et conseillers communaux du Rwanda se réunissaient à Gitarama sur convocation du Ministre de l’intérieur du gouvernement provisoire. D’après cette convocation, le but de la réunion était de prendre certaines mesures dans le domaine de la pacification et du maintien de l’ordre, vu la situation tendue à la suite de la nouvelle concernant le renvoi des élections. En fait, comme les événements devaient le démontrer, le but véritable de la réunion était de déclarer la République du Rwanda et mettre ainsi l’Autorité administrante et les Nations Unies devant un fait accompli.

Le jour suivant, le 29 janvier, le Résident général recevait un télégramme émanant des dirigeants des nouvelles institutions du Rwanda. Il contenait la notification des événements qui s’étaient déroulés à Gitarama. Ces actes, expliquait le télégramme, étaient justifiés par l’attitude équivoque de la Belgique et de l’Organisation des Nations Unies au sujet des élections législatives, et par les décisions arbitraires prises contrairement aux conclusions des colloques de Kisenyi et d’Ostende. Les signataires ajoutaient qu’ils seraient heureux de collaborer loyalement et amicalement avec la Belgique et toutes les nations libres et demandaient au Gouvernement belge et à la tutelle locale de prendre loyalement leurs responsabilités.

Enfin, ils souhaitaient la convocation, le plus rapidement possible, d’une conférence réunissant la Belgique, l’O.N.U. et le Rwanda pour traiter du problème de l’indépendance du pays.

Les événements de Gitarama au Rwanda constituaient un coup d’Etat, un geste d’insubordination vis-à-vis de l’Administration. Le Résident général estimait que cette action avait été inspirée partiellement par le sentiment qu’avaient les dirigeants politiques d’avoir été trahis par l’Autorité administrante, par la conviction que l’O.N.U. leur était hostile et par la crainte de voir les désordres de la République voisine du Congo s’étendre au Rwanda. Le Résident général déclara qu’il avait eu à choisir entre, d’une part, l’usage de la force pour réprimer le nouveau régime, ce qui était inconcevable et au demeurant impossible eu égard aux forces armées métropolitaines très réduites dont il disposait, et d’autre part la possibilité de conseiller au Gouvernement belge de négocier avec les nouvelles autorités. Tout en qualifiant d’illégale l’action des bourgmestres et des conseillers communaux du Rwanda, il fit remarquer que cette action était conforme aux dispositions du décret intérimaire du 25 décembre 1959 qui avait à l’époque prévu des élections législatives au second degré ; de plus, il lui semblait que les nouvelles autorités, tout en se trouvant dans l’illégalité, étaient soucieuses de vouloir agir dans les limites des Ordonnances des 15 et 25 janvier 1961. Il ajouta qu’il était sans contact avec ces nouvelles autorités et que la situation avait été exposée au Gouvernement belge à Bruxelles dont il attendait les instructions.

Au cours d’une nouvelle réunion avec le Résident général, le 1er février, la Commission reçut une copie du communiqué officiel définissant l’attitude du Gouvernement belge envers les événements de Gitarama. Partant du point de vue que ces événements étaient une réaction des autorités autochtones, appuyées par la grande masse de la population, à la décision du Gouvernement belge de surseoir aux élections, celui-ci estimait qu’elle n’avait pas à s’opposer par la force à l’expression générale d’une volonté paisiblement exprimée, sous peine de courir le risque de provoquer des désordres dont les conséquences auraient été désastreuses pour le pays. Le Gouvernement belge était disposé à discuter avec le nouveau gouvernement, mais il précisait qu’en tout état de cause la Belgique conservait l’autorité qui lui appartenait en sa qualité de Puissance administrante et continuerait à assumer en conséquence les responsabilités qui en découlaient envers l’O.N.U.

Le communiqué continuait en ces termes :

« Les principes avancés par la réunion de Gitarama devront être examinés par le Gouvernement belge responsable qui, en accord avec les représentants, d’une part, de l’Organisation des Nations Unies et, d’autre part, des populations ruandaises intéressées, s’efforcera à bref délai de rechercher des solutions qui soient de nature à maintenir la paix et favoriser l’accession du Rwanda à l’indépendance conformément au vœu de ses habitants. Des leaders politiques du Rwanda présents à Gitarama ont d’ailleurs demandé qu’une réunion groupant les représentants du Rwanda, de la Belgique et de l’Organisation des Nations Unies ait lieu prochainement. Enfin, l’évolution actuelle de la situation politique au Rwanda n’exclut pas des élections générales. »

Au cours des discussions qui suivirent, le Résident général réitéra qu’il n’avait toujours pas de contact avec le nouveau gouvernement et que l’administration de tutelle se bornait à expédier les affaires courantes.

Le même jour, 1er février, la nouvelle Assemblée législative du Rwanda tint sa réunion inaugurale à Kigali, au cours de laquelle la Constitution de la République ruandaise fut lue et signée.

Il paraissait évident à la Commission que les événements des derniers jours avaient radicalement modifié la situation, telle qu’elle se présentait lors de l’adoption par l’Assemblée générale des résolutions 1579 (XV) et 1580 (XV), et qu’elle se devait d’éviter qu’aucun de ses actes ne fût interprété comme une reconnaissance de facto des nouveaux Gouvernements du Rwanda et du Burundi, avant que l’Assemblée générale n’eût elle-même apprécié les événements.

La Commission, par conséquent, ne prit pas l’initiative de contacts officiels avec lesdits gouvernements.

La Commission a appris par un communiqué officiel de presse reçu à New York que M. Joseph Gitera Habyarimana avait, par un télégramme daté du 16 février 1961, annoncé sa démission de Président et de membre de l’Assemblée législative du Rwanda et qu’il avait également annoncé la dissolution du parti Aprosoma dont il était le fondateur. Cette dissolution n’avait pas été acceptée par les membres du comité directeur du parti, mais elle avait été une nouvelle fois confirmée par M. Gitera. La veille de sa démission, M. Gitera créait un nouveau parti, le « Parti national ruandais — Aprobami », intitulé aussi « Association des partis monarchistes ruandais, hutu, tutsi et twa, autour d’un père commun ». Les statuts de ce nouveau parti se réfèrent à la constitution, le 25 janvier 1961, d’un parti monarchiste hutu. M. Gitera s’y attribue le titre de Mwami des Hutu.

(Document des Nations Unies, A/4706)

 

Allocution de M. Munyangaju

 Le 29 janvier à Kigali, M. Munyangaju, attaché aux Relations extérieures du Rwanda, prononce l’allocution suivante :

LES BANYARWANDA PROCLAMENT LA REPUBLIQUE (Extraits)

Le 28 janvier 1961, le peuple ruandais a pris des décisions capitales dont nous voudrions vous exposer la signification.

En juillet 1959, des élections communales furent organisées. Celles-ci ont donné aux partis démocratiques — Parmehutu et Aprosoma — une écrasante majorité.

L’autorité administrante — la Belgique — qui, durant de longues années, avait gouverné le pays par le seul truchement de la caste féodale Tutsi, fut obligée d’associer les représentants des partis démocratiques à l’exercice du pouvoir et cela dans la proportion même de leur importance numérique.

La révolution ruandaise eût ainsi pris fin et nous aurions pu préparer notre indépendance dans l’ordre et le calme. Cependant, des événements extérieurs sont venus troubler la réalisation de ce souhait.

D’une part, l’O.N.U. a accordé un crédit abusif aux dépositions des représentants de l’Unar, mettant ainsi en cause tous les efforts réalisés jusqu’à présent. La récente Assemblée Générale des Nations Unies a, en effet, adopté une série de résolutions qui ont pour effet de rendre à la féodalité la place qu’elle ne mérite pas à l’intérieur de notre pays. L’O.N.U. a certes le devoir de veiller à ce que la puissance administrante prépare et accélère notre émancipation, mais le soutien qu’elle a manifestement donné à une fraction en dédaignant les avis des représentants de la grande majorité de la population constitue un déviationnisme dans sa noble mission. Aussi, le crédit de l’O.N.U. auprès de la population ruandaise ne peut que diminuer.

D’autre part, à notre frontière, dans les régions congolaises du Kivu et de la Province Orientale, un régime de terreur et d’anarchie est établi. Il consacre, à nos yeux, la naissance d’un gouvernement soviétisé destructeur de toute liberté, de toute dignité humaine et des vraies valeurs africaines. De nombreux leaders politiques congolais ont péri dans les conditions les plus affreuses, d’autres sont dans les prisons et y subissent des peines indignes de l’humanité. Ainsi les valeurs pour lesquelles tant d’hommes de toute race et de toute couleur ont lutté, sont foulées aux pieds de quelques « gribouilleurs de papiers » qui ont su se mettre à la tête de quelques bandes armées. En face de cette subversion, notre devoir est de rester vigilants et notre pays doit devenir le bastion le plus avancé de la lutte en Afrique contre le communisme.

Nous savons que les leaders de l’Unar fondent leurs espoirs sur le triomphe du régime moscovite dans ces régions voisines. Déjà, il y a quelques jours, des soldats congolais, agissant à l’instigation de quelques émigrés féodaux, ont tenté d’envahir notre territoire. Des jeunes gens de l’Unar se forment dans les rangs des soldats lumumbistes. Nous pourrions citer d’autres faits pour prouver que l’Unar est l’instrument de Moscou au Ruanda.

Dans ce contexte international si troublé, il importe donc que des institutions définitives créent au Ruanda un climat stabilisé et d’ordre. Il était, dès lors, indispensable que nous sortions du provisoire que l’autorité administrante établit en octobre 1960. L’O.N.U., en décidant de retarder les élections législatives au lieu de les placer en janvier 1961 comme le peuple le demandait, a singulièrement compliqué notre situation et augmenté les risques de désordres et de subversion. Aussi avons-nous décidé de prendre sans retard nos responsabilités.

Le 28 janvier, un Congrès national a réuni à Gitarama tous les élus communaux du Ruanda. Ce congrès a décidé l’instauration d’un régime républicain et a proclamé la déchéance du Mwami Kigeri. Ce dernier fut, au cours de son bref règne, l’instrument docile de quelques réactionnaires attardés. A aucun moment, il ne voulut comprendre qu’il devait y avoir du changement et fut compromis dans l’assassinat des dirigeants des partis populaires. Aux beaux jours de la gloire de Lumumba, Kigeri V est allé à Léopoldville demander une assistance militaire pour chasser les Blancs du Ruanda-Urundi et écraser les mouvements démocratiques. Depuis lors, Kigeri vit à l’étranger et avec l’Unar s’est placé à la merci des puissances communistes pour son propre malheur et celui de son peuple.

C’est pour ce motif que le Congrès National de Gitarama (Ruanda) a élu un Président de la République, M. Mbonyumutwa, et une Assemblée législative. Un nouveau gouvernement a été également formé pour exercer les pouvoirs d’autonomie que la Belgique vient de nous accorder. Le Chef de ce gouvernement est M. Kayibanda Grégoire.

Ces décisions témoignent de notre volonté de sauver le Ruanda des influences si pernicieuses qui ont replongé le Congo dans une effroyable barbarie.

L’Afrique est engagée, en ce moment, dans une périlleuse aventure dont le dénouement intéresse directement le monde entier. Bien que le Ruanda soit encore sous le régime de tutelle, nous croyons que, dès à présent, notre mission est de lutter de toutes nos forces pour que l’Afrique n’arbore jamais la faucille et le marteau et pour que le monde reste libre. Notre peuple a choisi sa voie en refusant les régimes de contrainte politique et entend se défendre contre les régimes de contrainte spirituelle.

Nous savons que nous connaîtrons des heures difficiles. Une tâche écrasante nous attend à l’intérieur du pays. Nous devons lutter contre le sous-développement, car l’émancipation de la misère reste la seule manière efficace de s’opposer à l’idéologie communiste. Mais les difficultés sont faites pour être surmontées par la volonté, la persévérance et l’énergie de l’homme. C’est pour cela que le peuple, en ce jour du 28 janvier, s’est donné une équipe forte et homogène, de manière à mieux lutter contre l’ennemi numéro 1 : le communisme en Afrique.

Si le Ruanda compte beaucoup sur la clarté de vue de ses nouveaux chefs, sur l’adhésion de la Nation, sur le dynamisme nouveau insufflé à la population par les notions de liberté, égalité et dignité humaine, chaque habitant de ce pays est convaincu que le Ruanda obtiendra dans cette noble lutte la compréhension et la sympathie agissante des peuples libres.

 

Constitution de la République Rwandaise

PREAMBULE

Nous, membres de l’Assemblée législative et du Gouvernement autonome rwandais, avec les chefs des communes et les conseillers communaux, élus directement par notre peuple, réunis librement en congrès national constituant, en vue de libérer définitivement les habitants du Rwanda et de doter notre pays d’un régime réellement démocratique, en vue de pacifier les populations, en vue de former une union nationale plus parfaite, d’établir la justice et le respect de la personne humaine dans notre pays, en vue d’assurer la tranquillité domestique, en vue de libérer le peuple du joug féodal et colonial, de développer la prospérité générale, d’assurer à nous-mêmes et nos générations futures la prospérité et les bienfaits de la liberté, en vue de rendre efficaces nos décisions et déclarations faites en date du 28 janvier 1961, en vue d’assurer la coopération authentique de notre pays avec les autres peuples d’Afrique et du monde,

ORDONNONS, ETABLISSONS ET PROCLAMONS la Constitution rwandaise présente :

Chapitre I. — Généralités

Art. 1. — Le Rwanda est une république démocratique et souveraine.

Art. 2. — La nationalité rwandaise est définie par la loi.

Art. 3. — La république rwandaise est constituée de dix préfectures dotées chacune de la personnalité civile. Chaque préfecture est divisée en communes dotées chacune de la personnalité civile.

Seule une loi peut modifier les limites des préfectures et des communes.

Chapitre II. — Bases de la société

Art. 4. — La famille, dans trois éléments constitutifs, l’homme, la femme et les enfants, est la base de la société rwandaise.

Art. 5. — L’économie est organisée suivant des plans conformes aux principes de la justice sociale, de la promotion de la famille, du développement de la productivité du pays, et du relèvement du standard de vie des individus.

Art. 6. — La propriété privée est inviolable. La propriété privée ne peut être expropriée si ce n’est pour l’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité et conformément à la loi.

Art. 7. — La justice sociale est la base de l’imposition et de la taxation publique.

Art. 8. — Toute activité et propagande communistes sont interdites.

Chapitre III.Droits et obligations

Art. 9. — Tous les citoyens rwandais sont égaux devant la loi, sans discrimination de race, de clan, de couleur ou de religion.

Art. 10. — Aucune peine ne peut être imposée qu’en vertu d’une loi écrite. Chaque personne est individuellement responsable, sauf les cas prévus par la loi.

Art. 11. — L’extradition des réfugiés politiques n’est autorisée que dans les limites prévues par la loi.

Art. 12. — Les libertés fondamentales telles que prévues dans la Déclaration des Droits de l’homme sont garanties à tous les citoyens sauf les exceptions à réglementer par la loi.

Art. 13. — Le service militaire est obligatoire à tout élément mâle entre l’âge de 18 et 21 ans, sauf sursis et autres exceptions à réglementer par la loi. Il est orienté essentiellement vers l’éducation de la jeunesse.

Art. 14. — La scolarité est obligatoire pour tous les enfants âgés de six à quinze ans, habitant dans un rayon de six kilomètres d’une école. Jusqu’à cet âge, l’écolage est gratuit.

Chapitre IV. — Système de gouvernement

Art. 15. — La séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire est consacrée et réglementée par la présente constitution.

Art. 16. — La République rwandaise est dirigée par les institutions supérieures suivantes :

1.Le Président de la République qui est chef suprême de l’Etat ;

2.Le gouvernement est dirigé par un Premier Ministre ;

3.L’Assemblée législative dirigée par un précepteur du Conseil et un vice-précepteur élus en son sein ;

4.La Cour suprême dirigée par un président de la Cour suprême.

Art. 17. — Le Président de la République est élu à la majorité simple par le congrès national.

Le précepteur de l’Assemblée législative et le vice-précepteur sont élus à la majorité simple par l’Assemblée législative en sa première séance.

Le Premier Ministre est désigné par le Président de la République.

Le Président de la Cour suprême est nommé par le Président de la République sur présentation d’une liste de deux candidats désignés par l’Assemblée législative et le gouvernement réunis en commun.

Art. 18. — Avant d’entrer en fonction comme parlementaire, comme ministre, comme magistrat supérieur, comme chef de l’Etat, le citoyen doit prêter publiquement le serment suivant : « Au nom de Dieu tout-puissant, je jure à la nation rwandaise de garder la fidélité à la République rwandaise et à son régime, de promouvoir les intérêts du peuple rwandais dans le respect de la présente Constitution et des lois ».

Le Président de la République prête le serment entre les mains du Président de la Cour suprême, les ministres, les parlementaires et les membres de la Cour suprême entre les mains du Président de la République ou de son délégué, et en la séance initiale de l’Assemblée législative.

 

Chapitre V. Dispositions provisoires

Art. a.La République rwandaise reconnaît la tutelle provisoire de l’Organisation des Nations Unies assumée par la Belgique comme Puissance administrante et exercée conformément à la Charte des Nations Unies, à l’Accord de tutelle, à la Déclaration des droits de l’homme et, à partir de cette date, à la présente Constitution.

Art. b.La tutelle exerce son office par un droit de supervision, de veto, d’assistance technique et financière, tels que réglés par la présente Constitution et par les lois négociées de commun accord.

Art. c. — Toute nomination et mutation des fonctionnaires de la tutelle ne pourront plus se faire qu’après négociations entre le chef responsable de la tutelle et le Premier Ministre.

Art. d.Les décisions relatives à l’indépendance de la République rwandaise devront être soumises à l’Assemblée législative et agréées par la Cour suprême.

Chapitre VI. Le chef de l’Etat

Art. 19.Le Président de la République est le chef suprême du pays.

Art. 20.Le Président de la République rwandaise est élu tous les cinq ans par le congrès national : parlementaires, bourgmestres et conseillers communaux sont de droit membres du congrès national.

Art. 21.L’élection du Président de la République est dirigée par le Président de la Cour suprême dans les limites prévues par la loi.

Art. 22. — Tous les citoyens rwandais, mâles, âgés d’au moins de trente-cinq ans et élus conseillers communaux peuvent prétendre, conformément à la loi, à la présidence de la République.

Art. 23. — Le Président de la République ne peut, durant son mandat, exercer une profession commerciale, financière, industrielle, ne peut acquérir ou abandonner une propriété appartenant à l’Etat, ni échanger une propriété qui lui appartienne contre une propriété de l’Etat.

Art. 24. — Le Président de la République peut adresser des messages à la nation, revêtus du contreseing du Président du Conseil des ministres.

Chapitre VII. Le pouvoir exécutif

Art. 25. — Le pouvoir exécutif appartient éminemment au Président de la République. Le Président de la République jouit des pouvoirs d’agréer, d’initiative des lois, de sanction et de proclamation que lui reconnaît cet acte constitutionnel, et il exerce ces pouvoirs dans les limites que prescrit la présente Constitution.

Si le Président de la République oppose un veto suspensi à une loi votée par l’Assemblée législative, il doit, dans un délai de 15 jours, la renvoyer devant l’Assemblée pour une seconde lecture.

Si la loi renvoyée à l’Assemblée législative dans le délai prescrit est votée, en seconde lecture, par une majorité des deux tiers des membres présents, elle revêt force de loi et doit être promulguée.

Art. 26. — En cas d’indignité du chef de la République, sa déchéance est prononcée par la Cour suprême après consultation de l’Assemblée législative et du gouvernement réunis ensemble et à huis clos.

Art. 27. — En cas d’interruption du mandat présidentiel, les pouvoirs du Président sont assumés et exercés par le Conseil des ministres sous la responsabilité du Premier Ministre.

Art. 28. — Le Premier Ministre est nommé par le Président de la République. Les ministres sont nommés par le Président de la République sur présentation du Premier Ministre.

Art. 29. — Chaque ministre supervise l’activité de son département et fait exécuter les réglementations présidentielles et les lois.

Art. 30. — Les ministres ne peuvent, durant leur mandat, exercer une activité commerciale, financière, industrielle, ils ne peuvent, durant leur mandat, acquérir ou abandonner une propriété appartenant à l’Etat, ni échanger une propriété qui leur appartienne contre une propriété de l’Etat.

Art. 31.Nul ne peut être ministre s’il est parent ou membre de la famille du Premier Ministre ou du Président de la République.

Art. 32.Le Conseil des ministres se réunit sur convocation du Premier Ministre ou sur l’ordre du Président de la République. Tous les projets de loi émanant de l’exécutif sont examinés en Conseil des ministres.

Art. 33.Le Président de la République est le chef suprême de la garde nationale.

Art. 34.Le Président de la République conclut les traités, et les communique à l’Assemblée pour ratification.

Toutefois, les traités de paix, les traités d’alliance, les traités commerciaux, tous traités pouvant entraîner des modifications de frontières du territoire national ou affectant les droits de souveraineté ainsi que ceux comportant des implications budgétaires non prévues au budget n’acquièrent force de loi qu’après ratification par l’Assemblée législative.

Art. 35.Le Président de la République nomme les préfets et les bourgmestres sur proposition du Ministère de l’intérieur faite après consultation des citoyens intéressés. Il nomme aussi les membres de la Cour suprême, sur présentation du Président de la Cour et après consultation de l’Assemblée législative.

Chapitre VIII. — Le pouvoir législatif

Art. 36.Le pouvoir législatif appartient collectivement à l’assemblée législative et au Président de la République conformément à la présente Constitution. Le nombre des membres de l’Assemblée législative est déterminé par un décret présidentiel. Ils sont toujours élus au suffrage universel, direct, hormis l’Assemblée du congrès national constituant.

Art. 37.L’Assemblée législative ne peut tenir ses réunions qu’à la capitale, sauf cas de force majeure prévus par la loi.

Art. 38.Le Président de la République convoque et inaugure et clôture chaque session de l’Assemblée législative. En cas d’absence ou d’empêchement, cet office est rempli par le Président du Conseil des ministres.

Art. 39. — Les séances de l’Assemblée législative sont publiques. Toutefois, le huis clos peut être prononcé par le précepteur de l’Assemblée à la majorité des deux tiers.

Art. 40. — L’Assemblée législative exerce le contrôle sur les vetos du pouvoir exécutif de la manière prescrite par la présente Constitution.

Art. 41. — Pour être député à l’Assemblée, il faut être âgé d’au moins 25 ans et remplir toutes les conditions prévues par la loi électorale.

Art. 42. Les réunions de l’Assemblée législative sans convocation ni ordre du jour, ou tenues en dehors de ses sessions, sont nulles et non avenues.

Art. 43. Avant d’exercer leurs fonctions, les membres de l’Assemblée législative doivent faire le serment constitutionnel prévu.

Art. 44. L’Assemblée législative arrête son règlement intérieur.

Art. 45. L’Assemblée législative peut interpeller un ministre ou lui poser des questions. L’interpellation ne peut être discutée que sept jours au moins après sa présentation, hormis les cas d’urgence et avec le consentement du ministre intéressé.

Art. 46. Aucune imposition ne peut être établie, modifiée ou abolie que par une loi. Nul ne peut en être exempté que dans les cas prévus par la loi. Aucune autre taxe ou autre imposition ne peut être imposée si ce n’est dans les limites définies par la loi.

Art. 47. — La loi détermine les règles fondamentales de la perception des recettes publiques et la manière d’effectuer les dépenses.

Art. 48. Le gouvernement ne peut contracter un emprunt ni assumer l’engagement de projets susceptibles de constituer une charge au Trésor public au-delà d’une ou de plusieurs années sans le consentement préalable de l’Assemblée législative.

Art. 49. Aucun monopole ne peut être accordé que par une loi et pour une durée déterminée.

Art. 50. — La loi prescrit la manière de la préparation du budget national ainsi que sa présentation devant l’Assemblée législative.

Art. 51. Le projet du budget général de la République doit être soumis à l’Assemblée législative pour examen et approbation, trois mois au moins avant la fin de l’année budgétaire.

Chaque section du budget doit être votée séparément. L’Assemblée législative ne peut introduire d’amendements dans le projet budgétaire qu’avec l’accord du gouvernement. En cas de désaccord, la Cour suprême décide.

Art. 52. Tout transfert de fonds d’une section du budget à une autre, toute dépense pour laquelle aucune provision n’est faite ou dépassant les allocations budgétaires doivent être préalablement approuvés par l’Assemblée législative.

Art. 53. Les prévisions relatives au budget de la République sont applicables aux budgets indépendants en annexes.

Art. 54. — La loi détermine les règles relatives aux budgets d’autres institutions publiques.

Art. 55. — La loi budgétaire a une durée d’une année. L’exercice budgétaire commence le premier janvier et expire le 31 décembre.

Art. 56. Durant la session, aucun député ne peut être l’objet d’une poursuite judiciaire sans l’autorisation de l’Assemblée législative, sauf dans les cas de flagrant délit.

En tout état de cause, l’objet est de la compétence de la Cour suprême.

Art. 57. Aucun député ne peut être privé de son mandat que sur décision d’une majorité des deux tiers de l’Assemblée législative et sur proposition de vingt membres et à huis clos.

Art. 58. Le Président de la République a le droit de dissoudre l’Assemblée législative. Dans ce cas, une nouvelle assemblée doit être élue et convoquée dans les six jours suivant les élections.

Art. 59. En cas de vote de méfiance contre un ministre, il doit présenter sa démission au Président de la République.

Une motion de censure d’un ministre ne peut être soumise à l’Assemblée législative, qu’après avoir adressé une interpellation à l’intéressé. Une telle motion doit être proposée par vingt membres de l’Assemblée. La décision ne peut être prise que trois jours après la date de la présentation de la motion.

Art. 60. — Aucun membre de l’Assemblée législative ne peut, durant la période de son mandat, acquérir, louer ou abandonner une propriété de l’Etat, ou abandonner, vendre ou changer contre une partie de la propriété de l’Etat.

Chapitre IX. — Le pouvoir judiciaire

Art. 61. — Le pouvoir judiciaire appartient à la Cour suprême de la République.

Art. 62. — La Cour suprême est constituée par cinq membres dont le Président est désigné par le Président de la République, conformément aux termes de cette Constitution.

Art. 63.Outre la supervision, en dernier ressort, des cours et tribunaux, la Cour suprême statue sur la constitutionnalité des lois de la République rwandaise, les différends entre l’Etat et les particuliers, les différends entre l’Assemblée législative et le Gouvernement de la République rwandaise, et a seule compétence pour juger le Président de la République, les membres du gouvernement et du Parlement.

Art. 64. — Les juges sont indépendants. Dans l’exercice de leurs fonctions, ils ne sont soumis qu’à la loi dans les limites de la présente Constitution.

Art. 65 — Les nominations, les mutations et l’inamovibilité ainsi que leurs statut et traitement seront déterminés par une loi.

Art. 66.Seules les suivantes juridictions sont consacrées par la présente Constitution : le tribunal de canton, le tribunal de première instance, la Cour d’appel et la Cour suprême.

Le nombre et l’organisation des cours et tribunaux seront déterminés par une loi.

Art. 67. — Les séances des cours et tribunaux sont publiques sauf huis clos prononcé par la Cour dans l’intérêt de l’ordre public et des bonnes mœurs.

Art. 68. — Les décisions des cours et tribunaux sont prononcées et exécutées au nom de la République.

Chapitre X. — Règles générales

Art. 69. — La loi détermine le drapeau national et les réglementations y afférentes.

Art. 70. — La loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a aucun effet rétroactif.

Art. 71. — Toute loi doit être publiée dans le journal officiel de la République dans les deux semaines de sa promulgation et ne peut avoir force de loi que dix jours après sa publication.

Tout acte du gouvernement doit être publié dans le journal officiel de la République dans les sept jours de son existence et a immédiatement force de loi.

Toutefois, ces délais peuvent être allongés ou écourtés s’il en est ainsi prévu dans la loi ou dans l’acte.

Art. 72. — Quiconque n’est pas né d’un père rwandais ne peut prétendre aux droits politiques reconnus aux Rwandais qu’après obtention de la nationalité rwandaise sur décision de la Cour suprême.

Art. 73. — Le domicile est inviolable.

Art. 74. — Le mariage civil et le mariage religieux sont reconnus par la Constitution.

Toutefois, l’enregistrement du mariage d’un adepte d’une religion ne peut être accepté que sur production d’une attestation de l’autorité religieuse compétente.

Art. 75. — La Constitution de la République rwandaise condamne le divorce. Seule la séparation de corps peut être prononcée par le tribunal de première instance sur diligence du ministère public.

Art. 76.La polygamie est définitivement abolie.

Art. 77. — La forme Mwami du gouvernement est définitivement abolie.

Art. 78. — La Constitution reconnaît l’enseignement officiel et l’enseignement libre.

La subsidiation des écoles est faite proportionnellement au nombre d’élèves. La loi règle les autres dispositions concernant l’instruction nationale.

Art. 79. — La présente Constitution est adoptée par le congrès national agissant en lieu et place du peuple rwandais et entre en vigueur le premier du mois de février de l’an du salut mil neuf cent soixante et un.

Art. 80.La devise de la République rwandaise est « Liberté, Coopération, Progrès ».

Fait à Gitararna, le vingt-huit janvier mil neuf cent soixante et un.

Au nom du peuple rwandais :

Jos. Habyarimana Gitera, Précepteur de l’Assemblée législative, Mbonyumutwa Dominique, Président de la République,

Kayibanda Grégoire, Président du Conseil des Ministres,

Nzeyimana Isidore, Président de la Cour suprême.

Les préfets :

Niyonzima M., Préfet de Gitarama,

Bashakira B., Préfet de Byumba,

Sagahutu J., Préfet de Nyanza,

Habyarimana J.-B., Préfet d’Astrida,

Nkundabagenzi B., Préfet de Shangugu.

Kalinijabo Ch., Préfet de Kigali,

Mpakaniye L., Préfet de Ruhengeri,

Babonampoze A., Préfet de Kisenyi,

Gasuhuke Ph., Préfet de Kibungu,

Kanyandekwe, Préfet de Kibuye.

Les Leaders des partis

Bicanumpaka B. Byungura Ch. Mpamo Ez. Kalima V. Ndayambaje A. Gasingwa G. Sebazungu ls. Mbarubukeye A. Rugira A. Ndahayo C. Mulindahabi C. Sekerere N. Banzi W. Cyimana G. Sindikubwabo Th. L’avocat général de la République rwandaise

RWASIBO J.-B.