1. c) Ubucura-bwenge Poème généalogique de la Dynastie
  1. Nous avons donné le texte de ce poème dans Inganji, I, et nous en avons décrit la structure dans la Notion de génération p. 14-27. Son importance repose sur le fait qu’il nous a conservé l’ordre chronologique des monarques Banyiginya et que quicon-que parle de notre Histoire se réfère toujours à ce poème. Dans une Culture sans écriture, en effet, la généalogie doit servir de char-

‘ pente à l’Histoire en permettant de situer dans le passé les différents événernents qui nous ont été transmis par les organes de la tradition.
Le poème généalogique complète heureusement le principe du Bwiru qui établit qu’au régnant doit succéder son fils, de manière qu’il y. ait un seul prince destiné à cette dignité par génération. Le Bwiru qui posait ce principe ne donnait pas la liste généalogique: Le Fonc-onnairelgénéalogiste en chef commandait traditionnellement la localité de Karama près Shyogwe dans le Marangara. C’était à lui que revenait l’honneur d’établir les généalogies paternelle et maternelle de la Reine mère à chaque début de règne et d’ajouter ainsi un nouveau paragraphe audit poème. Nous nous sommes servi du texte dicté par le dernier titulaire appelé Rwanyange fils de Ntiyambeshye.

d)-Ibisigo: Poèmes Dynastiques

  1. C’est le genre littéraire de l’ancien »Rwanda qui véhicule notre Ethno-Histoire avec une autorité irrécusable. Nous avons publié déjà en 1952 dans la Poésie Dynastique au Rwanda l’inventaire des 176 poèmes recueillis, totalisant 22.026 vers, et en 1969, dans notre Introduction aux genres lyriques p. 151-244, nous en avons fait une présentation avec traduction- de morceaux modèles.
    L’importance de ce genre repose d’abord sur son ancienneté rela-tive, puisque les premiers morceaux remontent au règne de Ru-ganzu II Ndoll qui, en accordant la moyenne de 30 à 33 ans à. la durée d’une génération, se situerait autour de 1510-1544. Elle re-pose ensuite sur Je fait de l’invariabilité des poèmes, qui furent transmis dans les termes mêmes de leur composition. Nous ne pouvons pas reprendre ici ce qui a été décrit au sujet de cette inva-riabilité dans les deux ouvrages auxquels nous renvoyons le Lec-
    teur soucieux de vérifier la valeur des preuves. Nous lui signalons également. la Poésie Rwandaise Dynastique source d’Histoire, par
    Cyprien Rugamba, (Mémoire de Licence en Sciences Historiques,
    Faculté de Phil. et Lettres, Université -de Louvain, 1966) surtout
    les Ch. III (la transmission) et W (l’interprétation).

8.J’avais cru que les Aèdes compositeurs disparus, tout était fini, qu’il n’y avait plus de déclamateurs de ces poèmes. Dans la suite -je dus heureusement me détromper : les Rhapsodes ou Déclama-teurs de ces poèmes existent encore nombreux dans le pays. Cela m’a permis, en 1967, d’entrer en campagne pour recommencer l’enregistrement des poèmes dont je possédais le texte depuis 1942- 1956. Il y a des dizaines de déclamateurs dans les anciennes pro-vinces du Bufundu, Nyaruguru et Buyenzi et j’ai été surpris de constater que certains d’entre eux étaient âgés de 25, 30 ans. Ceci m’a prouvé que les Familles d’Aèdes ne maintenaient pas ces poè-mes uniquement pour les avantages qu’elles en retiraient sous l’an-cien régime, mais que leurs enfants les apprenaient gratuitement ..tomme une spécialité de leurs groupes au sein de la Culture Rwa-ndaise.

9.Dans l’ancienne province du Rukoma, j’eus la chance de retrouver deux Aèdes qui m’avaient dicté leurs morceaux en 1942. Il en fut de même d’un autre qui habite à Gisozi, localité en face Kigali. Ces trois-là étaient précieux au plus haut point : comparée à la plus ancienne, la nouvelle déclamation qu’ils faisaient devait dé-montrer dans quelle mesure, après plus de 25 ans, les poèmes pou-vaient avoir été conservés tels quels dans la même tête, ou dans quelle mesure des variantes pouvaient s’y être glissées.
J’avais également pris la dictée d’un poème dicté par le nommé Nyecura, fils de Byagasani, qui

habitait à Rwamiko dans l’ancien-ne province du Mara.ngara. Il mourut en 1943. Durant ma campa-gne de 1967, je découvris’ dans le Bufundu un déclamateur appelé Rwabigwi, auquel le même Nyecura avait enseigné ledit poème à la Cour de Nyanza, avant 1925_ J’en pris donc de nouveau le tex-. te,. en vue de le comparer au premier : a) pour relever les varian-tes pouvant exister entre le répétiteur et son élève ; b) voir la fidé-lité du texte après un laps de temps d’environ 50 ans dans la tête d’un déclamateur.
Au cours de la même .campagne, au sujet de tel ou tel poème en plusieurs textes dictés séparément, je fis la généalogie de. transmis- sion. Chaque déclamateur me .disait le nom de son répétiteur et parfois celui qui l’avait•enseigné à ce dernier. Il s’avéra que, en

dehors de trois frères, habitant à Giseke dans le Nyaruguru, qui avaient tout appris de leur père, les autres avaient retenu le même

morceau des répétiteurs différents.

Nous nous promettons de publier ces résultats dès que nous aurons le temps de mettre au point l’édition du Corpus complet de la Poé-sie Dynastique. On verra alors que l’invariabilité des Bisigo est une réalité qui s’impose.

  1. Disons en attendant que les Aèdes compositeurs, qui ne faisaient pas de l’Histoire, — office réservé alors aux compositeurs des ei-tekerezo, — ont mieux servi les futurs historiens du Rwanda. Ils nous ont signalé des événements importants et nombreux en exal-tant les monarques de leurs temps respectifs, d’une génération à l’autre, et nous tenons les poèmes dans les termes mêmes de leur composition. Comme genre poétique, certes, les Bisigo doivent être d’abord soumis à leurs propres principes d’interprétation. Il est des événements de leur passé à tux qu’ils reprenaient. Les 176 recueillis, entiers ou fragmentaires, couvrent une période de 13 générations des monarques Rwandais, de Ruganzu II Ndoli à Mu-tara III Rudahigwa. Avant Ruganzu II Ndoli, leurs traditions ne reprennent que 6 générations, de Ruganzu I Bwimba à Ndahiro II Cyamatare. En toute hypothèse, ils sont très rapprochés des tra-ditions antérieures à eux qu’ils ont puisés soit aux Ibinyeto (forme antérieure des Bisigo) soit aux lbitekerezo. En les figeant dans des textes invariables, ils nous ont certifié que de leurs temps ces tra-ditions étaient déjà en cours. Et ceci est très important, car nous ne nous trouvons plus en face de traditions sans témoins de contrôle.
  • 11. Nous sommes convaincus que la connaissance des Bisigo est indis-pensable pour une Histoire du Rwanda de niveau scientifique. Nous nous en sommes servi comme trame de tout notre récit, lors même que nous ne nous y référons pas explicitement. On notera, en effet, que les points en apparence empruntés au genre ibiitekere- zo, n’ont été choisis qu’en raison de leur confirmation par l’un ou l’autre poème dynastique, lorsqu’ils n’étaient pas déjà en relation avec le Code ésotérique, ou avec un tabou limitatif de liberté chez les intéressés.

Si nous avions eu le temps de publier le Corpus des Bisigo, nous aurions constamment renvoyé le Lecteur aux passages justificatifs. Les choses étant ce qu’elles sont, nous nous sommes contenté de citer le titre des poèmes, en regrettant que le Lecteur n ‘ait pu disposer du texte que nous lui signalons.