Ce fut le 2 Février 1900 que la cour royale du mwami du Rwanda reçut officiellement le premier contingent d’Européens désireux et décidés de se fixer au milieu de la population rwandaise. Les prêtres de la Société des Missionnaires d’Afrique, appelés couramment Pères Blancs, s’étaient déterminés à prêcher l’Evangile du Christ au Rwanda et à y fonder des postes de missions catholiques.

L’avènement des Pères Blancs qui furent perçus par les Rwandais non pas comme des prêtres qui venaient prêcher la parole de Dieu mais comme des Blancs qui venaient conquérir le pays fut quelque chose d’inouï, d’étrange pour les indigènes. Leur intrusion représentait une menace, leur présence allait déclencher un affrontement global : celui des cultures et des civilisations. Ceci se pose comme une évidence particulière pour le Rwanda parce que les explorations officielles envoyées par l’Allemagne en quête de connaissances profondes sur son territoire colonial n’ont pas été suivies directement par la mise en place d’une structure administrative coloniale et des hommes mandatés pour diriger la colonie, mais ont été succédées immédiatement par l’arrivée et l’installation des prêtres enclins à fonder une Mission dans le pays. Or mieux que les agents officiels de l’administration coloniale européenne, les Pères Blancs allaient jeter les bases profondes de la conquête de tout l’indigène. En effet, en créant une Mission catholique dans le pays, en y prêchant la religion chrétienne et en y répandant l’instruction profane occidentale, les Pères Blancs s’assurèrent indubitablement de la conquête spirituelle et de l’impact juridique et intellectuel au niveau des pensées, des sensibilités et des représentations. Ainsi, les Pères Blancs furent les premiers qui colonisèrent vraiment l’indigène car à partir de l’intérieur ils surent remuer et réarranger ses dispositions du cœur et de l’esprit sans oublier de toucher son corps. Ils se posèrent donc comme les conquérants de tout l’homme rwandais.

C’est peut-être à cause de ce fait, que les Pères Blancs subirent beaucoup de réactions de la part des Rwandais. Ces réactions s’exprimèrent d’abord sous forme d’opposition à travers des attaques qui furent ouvertes chez les populations du nord et du nord-ouest : dans le Bugarura, le Mutera et le Bugoyi, occultes dans les autres régions du pays et chez les dirigeants. Les réactions se manifestèrent ensuite et quelque fois en même temps que les attaques, sous forme d’adhésion timidement faite par des petites gens, pauvres et de basse extraction sociale.

Pourquoi une telle diversité d’attitude parmi la population à l’égard des Pères Blancs? Les Rwandais ne défendaient-ils pas les mêmes intérêts ou n’étaient-ils pas également concernés par l’intrusion et l’installation des prêtres européens dans leurs pays ?

Le fait de n’avoir pas pris une position unanime et nationale à l’endroit des missionnaires catholiques qui étaient considérés, en tant que Blancs, comme des conquérants, atteste que dans la société rwandaise, il y avait des divergences profondes qui frôlaient l’opposition. Mais par ailleurs, la diversité d’attitude parmi la population à l’égard des prêtres permet aussi de mesurer la complexité du phénomène des réactions des indigènes en face de l’expansion coloniale européenne.

 PREMIERES MISSIONS CATHOLIQUES, REACTIONS DES RWANDAIS : 1900-1907

 Pénétration des Pères Blancs au Rwanda

 L’histoire de l’expansion catholique au Rwanda se rattache principalement à l’activité apostolique du Cardinal Lavigerie et de ses Pères Blancs. Ceux-ci, réunis au sein de la Société des Missionnaires d’Afrique fondée à Alger en 1868, avaient pour mission d’apporter l’Evangile et la Civilisation chrétienne à l’Afrique alors inconnue du christianisme. Leur première caravane dirigée vers l’Afrique équatoriale atteignit Zanzibar le 30 Mai 1878. Le 17 Juin de cette même année, les missionnaires entamèrent le voyage vers les régions des Grands Lacs ; ils arrivèrent à Tabora le 12 Septembre 1878. Il faudra attendre 22 ans pour voir les premiers Pères Blancs entrer au Rwanda.

C’est surtout après le voyage que le comte von Gôtzen effectua dans ce pays en 1894 que Monseigneur Joseph Hirth, auquel étaient confiés les intérêts spirituels du Vicariat du Nyanza Méridional dans lequel était compris le Rwanda, jeta un regard décidé sur les populations de ce pays exagérément évaluées par l’explorateur à approximativement deux millions ‘d’habitants. Le livre de von Götzen, Durch Africa von Ost nach West. Resultate und Begebenheiten einer Reise von der Deutsch-Ostrafrikanisclien Küste bis zu Kongomiindung in den Jahren 1893-1894,

Berlin, Dietrich Reimer, 1899, apporta au prélat quantité de détails sur le Rwanda, complétant ainsi les informations qu’il détenait, grâce à la mission de Katoke, fondée le 12 Novembre 1897 à proximité est de ce pays.

En Novembre 1899, Mgr. Hirth partit de Katoke à destination du Rwanda accompagné du Père Brard, du Père Balthélémy, du Frère Anselme et des porteurs noirs. Au lieu d’entrer au Rwanda par l’est en traversant directement la rivière Akagera, la caravane s’engagea dans un immense détour : elle passa par l’Uswi, l’Usumbiro, pour déboucher à Bujumbura au Burundi. De là, elle prit la vallée de la Ruzizi et arriva au Rwanda par le sud-ouest. Une question se pose de savoir pourquoi Mgr Hirth et ses compagnons de route ont préféré le chemin le plus long alors qu’ils savaient déjà de par leurs informateurs que la voie de l’est, celle de Rusumo par exemple, était la plus directe et donc la plus courte. Il semble que la raison profonde de ce détour est que Mgr Hirth voulait obtenir du pouvoir colonial allemand établi à Usumbura (actuellement Bujumbura) l’autorisation d’entrer au Rwanda et d’y fonder sa Mission. Mais à ce moment, le représentant de l’Allemagne, le Capitaine Bethe était au Rwanda, à Shangi sur les bords du lac Kivu. Les missionnaires durent l’y rejoindre ; ils y arrivèrent le 18 Janvier 1900. Ils lui firent part de leur détermination de se porter auprès du roi du Rwanda et de leur désir de fonder leur première Mission à la cour royale ou aux environs.

L’officier allemand acquiesça aux projets de Mgr Hirth et pour lui faciliter l’introduction à la capitale qui se trouvait à Nyanza, il lui fit escorter par deux de ses soldats et lui donna son propre interprète auquel il chargea de présenter les missionnaires aux hautes autorités rwandaises comme étant les protégés de l’Empire allemand.

L’attitude du Capitaine Bethe à l’égard des Pères Blancs se pose comme un début d’une longue collaboration qui se manifesta au Rwanda entre le pouvoir colonial et l’église catholique. Elle paraît être d’une importance capitale dans l’histoire des missionnaires catholiques dans ce pays. En effet, que se serait-il passé si les Pères Blancs n’avaient pas été introduits à la cour par la puissance coloniale allemande ? Ils auraient été peut être refusés. Mais comme ils étaient avec les hommes de Bethe, un officier connu à la cour comme étant le représentant de l’Allemagne, les autorités de Nyanza comprirent sans ambages qu’elles se trouvaient en face des hommes des Allemands, qu’elles devaient donc les recevoir et les traiter en “amis” faute de quoi elles pouvaient s’attirer des ennuis de la part des “officiers blancs” dont l’arme à feu avait consacré la supériorité militaire.

  Accueil des Pères Blancs à Nyanza la capitale du royaume  du Rwanda

Les missionnaires arrivèrent à Nyanza en pleine journée du 2 Février 1900. Comme la cour, avait été avertie de l’arrivée des Pères Blancs par des hommes rapides que la Capitaine Bethe avait dépêchés à Nyanza, les habitants de la capitale et des environs s’étaient préparés pour accueillir ces nouveaux étrangers. Les uns, la masse populaire surtout, voulaient assouvir leur curiosité de voir le Muzungu : Blanc ; les autres, la cour spécialement, voulaient connaître l’objet profond de la venue de ces Blancs que l’autorité coloniale allemande avait pris soin d’annoncer alors qu’habituellement les Blancs entraient au Rwanda et y sortaient sans être aussi signalés aux hautes autorités rwandaises. Pour qui veut obtenir un renseignement profitable, les règles du bon protocole d’accueil s’imposent. Aussi, la cour s’empressa-t-elle, aussitôt que les missionnaires parurent à Nyanza de les convier chez le roi et de leur témoigner, durant tout leur séjour, des égards de grande hospitalité. L’atmosphère d’accueil qui prévalut à Nyanza est pittoresquement décrite par Mgr Hirth lui-même en ces termes :

« 2 Février – C’est la Ste Vierge qui a voulu que la mission se fondit aujourd’hui. Merci à cette bonne mère la gardienne et la patronne de toutes les stations fondées dans ce Vicariat. Nous faisons 7 km pour arriver sur le mamelon même qui porte les huttes royales. A 200 m de celles-ci nous plantons nos tentes. Il y a près d’un millier de personnes qui se pressent autour de nous pour venir voir les Blancs, car on n’en a vu qu’une fois ou deux par ici depuis une année. Chacun tient en main sa grande lance de 2,50m, mais c’est uniquement parce que c’est l’habitude du pays.

Nos tentes ne sont pas plantées que déjà le roi nous fait dire qu’il a grande envie de nous voir au plus tôt. Mais nous renvoyons au soir ; il faut bien se restaurer d’abord un peu, et puis surtout faire toilette, et la faire faire à tous nos gens qui en ont ramassé de la boue tout le long de la route !

Les tentes sont ajustées avec le plus grand soin aujourd’hui, l’herbe enlevée sur une bonne distance tout autour, c’est ainsi que le veut l’étiquette. Malgré notre pauvreté il faut donner bonne opinion de nous, si possible. Les nègres grands et petits, vous jugent d’après votre appareil extérieur, II faudrait voir de quelle pompe les rois cherchent à s’entourer !

Deux fois encore le roi nous fait inviter. A 4 heures nous nous rendons chez lui tous quatre, avec tous nos gens, ce qui fait une suite encore assez piètre. A l’entrée de sa grande cour, et dans la cour même tous les gens du roi sont ramassés, il y en a quelques centaines. II y a là aussi un introducteur, il est long de près de deux mètre, cela promet.

Il n’y a qu’une case sur cette cour ; à l’intérieur, et contre l’angle même de la porte d’entrée se trouve accroupi sa Majesté le Kigeri, qui porte nom , Iyuhi, du dehors personne ne peut le voir, son rang l’exige ainsi. Tout autour du roi se pressent les hauts personnages.

Nous avons eu soin de faire suivre nos chaises, afin de n’être pas obligés de nous mettre par terre. Nous nous plaçons en face du Kigeri qui fait bonne contenance, mais dont cependant on ne voit guère les traits de la figure. On voit mieux tout le reste de son corps qu’il prend beaucoup moins soin de cacher. A titre de roi, il tient absolument à garder le costume national qui est des plus primitifs. Autour des reins, il porte une toute petite peau, pas large du tout, qui est serrée autour du corps à chaque extrémité par un paquet de lanières de cuir recouvertes encore de tout leur poil ; ces paquets doivent retomber de chaque côté des cuisses quand ce personnage est debout, mais assis, l’un retombe entre les deux jambes, l’autre est ramené également entre les deux jambes en guise de queue. Sur les épaules encore une toute petite peau. Ce qui distingue les rois, c’est que ces peaux qui servent de pagne et de manteau proviennent surtout des bêtes rares en ce pays, on ne pouvait pas distinguer ici si c’était peau de lion ou peau de léopard, parce que le poil est toujours tourné en dedans. Tout le tour du mantelet est bordé d’une fine lanière ou bande de peau de chèvre à très longs poils et très soyeux. A chaque pied, le roi a une centaine de bracelets en simple fil de fer.

 Mais ce qui donne le cachet à sa Majesté c’est son grand bonnet. Il y en a qui le trouvent très joli, on peut aussi le trouver très ridicule, c’est trop long de vous le décrire en détail. Pour en avoir une petite idée, prenez un tuyau de poile d’environ 0m20 de haut, sur le dessus, à jour, ajoutez encore de longs poils fins de 0m15 encore. Sur le tour d’en bas qui s’applique sur la tête, enlevez le rebord de nos chapeaux et suspendez à la place sur tout le tour de longues lanières de 0m25 qui retombent sur toute la figure et tout le tour de la tête. Toutes ces lanières sont recouvertes de perles fines, blanches et rouges, et le bout des lanières est terminé par une boule allongée comme on voit quelques signets de missels. Toute la coiffure est ornée au reste de broderies de perles de couleur. Pour que toutes ces lanières permettent de voir la figure, il faut que Sa Majesté tienne ordinairement la tête toute rejetée en arrière.

 Iyuhi est comme tous ceux de la haute classe de ce pays ; de taille très long, de figure assez semblable à un abyssin ou à un arabe, beau nez qui le distingue du vulgaire des nègres.

 Pendant toute la séance, 1/2 heure environ, il a été assez aimable pour nous ; nous lui avons dès l’abord expliqué notre venue dans le pays et notre intention de bâtir dans les environs, pour apprendre à connaître son peuple qui nous intéressait beaucoup. Nous étions chaudement recommandé déjà par le capitaine Bethe, qui était venu jadis voir Iyuhi avec près de 150 fusils et un canon marin ; ce qui a di faire plus d’effets sur le chef que notre pauvreté !… Enfin tout allait pour le mieux, et nous levâmes la séance en remerciant du fond du cœur la puissante Mère pour la bonne journée.

Nous étions à peine rentrés sous la tente qu’arriva un cadeau de 35 chèvres avec autant de paquets environ de bananes, patates, bois etc… Nous envoyâmes remercier et fîmes entendre au roi qu’il conviendrait à sa Majesté de nous faire aussi visite à son tour.

Le soir arrivé, le monde n’avait diminué autour du chef ; on dit que dans les grandes circonstances iI fait coucher plusieurs centaines de jeunes gens dans sa cour, c’est censé sa garde…

3 Février – Dès 5h du matin la musique de la veille recommence sur le même ton pendant toute une heure. Nous envoyons saluer le roi, et celui-ci annonce sa visite pour la matinée.

 Vers 11h son monde est réuni de tous les villages environnants, et un moment après on dirait une fourmilière qui avance sur nous. A vingt pas de ma tente le maître des cérémonies armé de sa longue lance fait faire un grand demi cercle à tout son monde sur le devant de la tente ; ce monde là parait exercé, un geste leur suffit, le Kigeri se trouve au milieu du demi cercle. Le P. Brard fait l’office d’introducteur. Sa Majesté avance gravement; la poignée de main est connue déjà. Un petit siège le suit, et lui est présenté, c’est mieux que s’il avait fallu lui passer un de nos pliants qui nous serait resté joliment beurré, car peut être n’ai je pas ajouté ce détail, le chef est toujours beurré, quoique assez légèrement. Le roi nous offre d’abord une belle vache à lait avec son veau, celle-ci ne fait pas mauvaise figure dans le demi-cercle et surtout ne parait nullement effrayée. Sur un geste, celui qui est chargé de l’emmener, la fait suivre en l’appelant par son nom, et le suit comme un petit mouton. On cause de choses d’Europe surtout, des merveilles que créent les blancs, mais cela offre peu d’intérêt à ce chef qui n’a qu’une ambition, celle de garder son pays et son trône. II confirme ce qu’il n’avait promis hier que vaguement, et là dessus nous exhibons aussi notre cadeau. Un grand miroir à cadre d’or, ne fait nul effet, couteaux, ciseaux, rasoirs non plus, cela passe tout de suite à l’entourage. Une grosse boite de belles perles de toute grosseur et de toute couleur fait déjà plus d’effets. Mais enfin plusieurs paquets d’étoffes choisies, achèvent surtout de dérider notre visiteur, il y a surtout une belle couverture, imitation soie qui semble faire son compte. Le grand demi-cercle ne garde plus l’étiquette et se brise malgré les efforts du maître des cérémonies, tout le monde afflue sur la tente d’où sortent des morceaux d’étoffes dépliées. De fait, il y en a bien deux charges dont on a essayé de faire le plus de paquets possibles : c’est la mode du pays toujours.

Il paraît que le roi ne peut rien garder pour lui, il doit tout distribuer à tous ces courtisans, ou plutôt aux grands du pays, et de fait le soir nous voyons pas mal de nos couleurs sur le dos des heureux du jour. C’est avec ce système que le Kigeri tient tout son monde ; on a intérêt à lui faire la cour.

Après une bonne heure le roi nous quitte. Nous apprenons bien vite qu’il a été content de son cadeau. Après une demi heure à peine, arrivent 70 chèvres et une 20e de paquets de bois et de nourriture, cinq cruches de pombe et deux jarres de beurre, mais du beurre pétri à l’urine, c’est la mode du pays. Le P. Balthélemy à titre de nouveau, essaye une tartine, mais ne va pas plus loin, ce beurre au moins sera précieux pour nos lampes ; les Pères étaient embarrassés sur le chapitre de l’éclairage.

Depuis deux jours, menace de pluie et même pluie ; cela achèvera de nous faire bien voir dans tout le pays, on dira que la pluie est venue au moins à notre occasion et la pluie est une bénédiction chez tous les nègres. Le roi qui nous en a parlé, ne croit pas qu’elle puisse tomber sans qu’on fasse ce qu’ils appellent “des remèdes”.

Dans la soirée nous voyons de plus près la capitale, elle n’a guère plus d’un millier de personnes ; c’est un campement plutôt. Le roi n’a que 6 grandes huttes, chacune avec cour de 25 à 30 mètres, entourée de palissades ; la hutte peut avoir de 8 à 10 m de diamètre ; la paille du toit va jusqu’à terre. Ce doit être vite construit quand on change de place.

4 Février – Vers 9h le roi nous donne des porteurs pour porter nos chargés à l’endroit que nous désignerons ; il a désigné aussi un chef pour installer les missionnaires.

Au moment du départ, il nous fait cadeau encore d’une petite dent d’éléphant de 20 livres environ. Tout ce que nous avons reçu de lui depuis deux jours nous paie un peu le cadeau que nous lui avons fait. En plus que Dieu bénisse la nouvelle fondation

Nos tentes pliées, nous allons faire nos adieux au Kigeri que nous trouvons dans sa hutte dans la posture d’hier. J’aurais pu mentionner deux énormes cornes de vache disposées symétriquement à l’entrée et toutes bourrées de remèdes à l’effet sans doute de protéger le roi.

Nous levons le camp cette fois, le cœur considérablement soulagé. Nous touchons au terme de ce long voyage.

Une foule considérable et sympathique nous suit pendant longtemps. Pauvres gens ! Nous comptons revenir bientôt au milieu de vous, vous apprendre ce que la prudence ne nous a pas permis de vous dire encore aujourd’hui. Ce sera alors mieux que des perles et des étoffes, ce sera la bonne nouvelle.

Si Dieu nous prête vie»

D’après ce texte, Mgr Hirth a profité des bonnes dispositions apparentes de la cour pour libérer la parole attendue en annonçant délicatement l’objet de sa visite au Rwanda : « bâtir dans les environs pour apprendre à connaître » le peuple rwandais. Il aurait également déclaré à cette occasion :

« Je viens en pacifique et je viens au Rwanda pour y demeurer et y mourir. Je demande donc un terrain pour l’établissement définitif de la Mission».

L’arrivée des Pères Blancs fut directement perçue à la cour comme tout à fait différente de celle des explorateurs qui semblaient passer et repasser sans indiquer clairement le pourquoi de leur mouvement. Elle différait également, aux yeux des indigènes, de celle des officiers allemands qui jusqu’à ce moment s’étaient contentés, par occasion, d’étaler leur puissance militaire sans pour autant manifester leur désir de se fixer définitivement sur le territoire rwandais. Les Pères Blancs qui exprimèrent leur intention ferme de demeurer au Rwanda furent considérés comme de “véritables colons” qui venaient occuper le sol rwandais au détriment du Rwandais. Et comme tout Blanc était connu détenteur de l’arme à feu, ils furent sentis comme des personnes susceptibles d’enlever le pouvoir aux autorités indigènes, y compris le roi. Ce serait pourquoi, semble-t-il leur souhait de s’établir d’abord à la capitale a été rejeté et qu’ils-ont été contraints d’aller bâtir dans les régions périphériques du royaume.