En sollicitant un emplacement pour sa Mission à la capitale ou à proximité de la cour royale, Mgr Joseph Hirth voulait d’abord atteindre directement le roi, les grands chefs, bref, l’élite ethnico-politique et sociale. Il pensait qu’après avoir gagné les grands du royaume au christianisme, il étendrait aisément celui-ci dans tout le pays. En effet, les instructions du Cardinal Lavigerie à ses Pères Blancs spécifiaient que dans une “société violente, subdivisée en une multitude de tribus qui vivaient sous un régime patriarcal”, ce qui importait surtout c’était de gagner l’esprit des chefs. De cette façon, on favorisait plus facilement l’avancement de la mission qu’en convertissant des milliers de personnes recrutées parmi le petit peuple car, pensait-on, les chefs convertis devaient entraîner dans leur sillage tous leurs sujets.

Mais, dans la société rwandaise où toute l’organisation et toute la marche des institutions reposaient fondamentalement sur la religion, le plan de Mgr Hirth de se fixer et de construire un temple chrétien dans la capitale du Rwanda présentait très peu de chances d’être accepté par les autorités supérieures du royaume. En effet, comment concevoir, que les détenteurs des règles qui régissaient la marche de la société fussent les premiers à donner l’exemple de l’abandon des us, des coutumes et du culte de leur pays ? Si les grands du pays avaient plié devant la demande des Pères Blancs et avaient accepté la fondation d’une mission à Nyanza, ils auraient fait montre de leur acquiescement à la nouvelle religion et auraient, par ce geste, lancé un appel à toute la nation pour que leurs sujets agissent comme eux. Or ceci aurait signifié la renonciation à leur foi et donc la perte d’une des bases de leur propre pouvoir. Comme on peut le constater, il fallait, et c’était un devoir impérieux pour la cour, refuser la religion des Pères Blancs pour sauvegarder la religion des Rwandais et par glissement, pour maintenir intact le pouvoir religieux du roi sur tout le royaume. Dans ce cas, on se serait attendu à ce que le triumvirat qui détenait en 1900 les rênes du pouvoir à savoir : la reine-mère Nyirayuhi Kanjogera et ses frères Kabare et Ruhinankiko, jetât les missionnaires catholiques non seulement loin de la capitale mais encore en dehors du royaume afin d’éviter que leur religion ne combattît celle des Rwandais et ne sapât la raison d’être du sacré rwandais qui était le grand pilier du pouvoir suprême au Rwanda.

Craignant de s’attirer l’inimitié du pouvoir colonial allemand en repoussant ouvertement les Pères Blancs qu’il avait pris le soin d’introduire à la capitale, la cour décida tout simplement de leur refuser un emplacement à Nyanza, elle se résolut de leur concéder un terrain loin de la capitale. Cette décision paraît lourde de conséquences pour l’avenir de la société et de la culture rwandaise. Elle marque un pas irréversible dans l’implantation au Rwanda des acquis culturels et matériels du peuple européen. En effet, bien que ce pays se trouvait dans la zone d’influence allemande depuis les années 1890, il ne restait pas moins qu’il conservait encore intacte son organisation sociale et politique ainsi que ses richesses culturelles. Les bouleversements sensibles dus à l’expansion coloniale européenne en Afrique noire ne s’enregistraient pas encore ouvertement chez les Rwandais. Ils s’y déclenchèrent ostensiblement à partir de l’établissement des Pères Blancs.

En effet, aussitôt installés au Rwanda, les missionnaires catholiques s’efforcèrent de connaître ce pays et ses hommes : leur mentalité, leurs croyances, leur morale, leurs institutions familiales, leurs lois et les structures de l’autorité. Instruits sur la vie et la société des Rwandais, ils purent se mettre avec beaucoup d’assurance à l’œuvre de l’évangélisation et de “l’occidentalisation” du Rwanda. Les connaissances reçues sur le terrain leur servirent de moyen de transmission des acquis du monde européen : la religion chrétienne, la morale (sociale et matrimoniale), la pensée intellectuelle et philosophique, la technique. De ce fait, ils provoquèrent un mouvement jusqu’alors inédit, celui de la compénétration de deux civilisations sans références communes : la civilisation rwandaise et africaine et la civilisation occidentale.

 1. Save

Le 4 Février 1900 Mgr Hirth qui n’a pas pu obtenir des autorités rwandaises un emplacement à Nyanza quitta la cour en direction du sud, vers la province du Bwanamukali en compagnie de Cyitatire, chef de cette province que la cour avait pris soin de lui donner comme compagnon de route pour lui attribuer le terrain qu’il choisirait. Arrivé sur la colline de Mara, Mgr Hirth décida d’y fixer provisoirement la mission en attendant qu’un autre site plus propice soit trouvé. C’était dans l’après-midi du 4 Février 1900. Dans le choix définitif des sites de mission, les Pères Blancs devaient se conformer le plus possible aux conditions jadis recommandées par le Cardinal Lavigerie à savoir :

  1. la densité des populations qui soient suffisamment bien disposées ;
  2. la salubrité du climat : le site doit être élevé et aéré pour raison de santé et de sécurité ;
  3. la fertilité du sol, car il faut “chercher à s’assurer par tous les moyens la possibilité de vivre sur place.

Trois jours après le départ de Mgr Hirth vers Katoke (il a quitté Mara le 5.2.1900), les Pères Brard et Balthélemy ainsi que le Frère Coadjuteur Anselme se déplacèrent de Mara pour se fixer définitivement sur le plateau de Save. C’était le 8 Février 1900 : “La station reçut le nom de “Markirck” (Eglise de Marie) en souvenir d’un sanctuaire marial qui se trouve en Alsace et qui était cher au Père Barthélemy“.

Le choix de ce site eut pour critère principal la forte densité de sa population ainsi que son aspect physique : Save est un plateau de dimension exceptionnelle, long d’environ onze kilomètres sur environ quinze cent mètres de large et il jouit d’un climat très sain.

La mission de Save n’était qu’un premier jalon, un point de départ du rayonnement spirituel catholique au Rwanda, pays dont la population “très nombreuse” avait frappé l’attention de Mgr Hirth. Il était retourné en Tanzanie (actuelle) déterminé à revenir avec de nouveaux missionnaires :

« C’est le cas où jamais de vous prier, Vénéré Seigneur et Père, de nous envoyer des missionnaires. Tous nos efforts devront se porter sur ce pays ; nous n’avons pas partout deux millions d’habitants réunis sous un chef qui nous reçoit si bien chez lui.  J’ose vous supplier au nom du Sacré Cœur, à qui nous avons voulu donner ce pays au commencement de ce siècle, daigner intervenir pour nous faire envoyer dès cette année le plus de missionnaires possibles pour ce pays, jusqu’à ce que nous ayons occupé les points principaux ; je n’attends que leur arrivée pour y retourner avec eux».

 Ces quelques lignes sont chargées d’une grande signification pour l’avenir de l’église catholique au Rwanda. Elles montrent que Mgr Hirth voulait faire de ce pays le centre d’intérêt de l’activité missionnaire du Vicariat du Nyanza Méridional. Non seulement la “nombreuse population” du Rwanda aiguillonnait son élan apostolique, mais encore, il importait d’y devancer les missionnaires protestants dont on attendait incessamment l’arrivée. C’est pour occuper le plus de terrain possible avant leur venue que Mgr Hirth voulut coûte que coûte multiplier les stations catholiques dans ce pays.

2. – Zaza

L’année 1900 n’était pas encore achevée que Mgr Firth reparut au Rwanda accompagné de trois Pères Blancs : Pouget, Zoumbiehl et Weckerlé ainsi que du Frère Alfred. Entré cette fois-ci par l’est, il ne chercha pas à atteindre la cour pour solliciter vainement encore la création d’une mission à Nyanza. Il s’arrêta dans le Gisaka qu’il avait traversé déjà au lendemain de son voyage au Bwanamukali où fut fondée la station de Save. Comme il avait trouvé cette région très habitée, il avait déjà décidé d’y créer une mission. C’est pourquoi il avait écrit aux Pères qu’il avait laissés à Mara en leur faisant part de sa décision et en demandant au Père Barthélemy de le joindre quand il sera de retour à la pointe sud-est du lac Muhazi. Ils s’y rencontrèrent le 27 Octobre 1900. “Ils entreprirent aussitôt l’exploration de la région en vue de trouver un site idéal. Le choix se porta finalement sur la colline de Zaza, une grande plaine en pente douce au bord du lac Mugesera. C’est là que fut fondée, le 1er Novembre 1900, la deuxième station catholique au Rwanda. Le choix de Zaza paraît très judicieux : la mission devait faire la liaison avec Katoke vers Bukumbi, deux missions catholiques fondées en Tanzanie (actuelle). De plus, de Zaza, on pouvait facilement atteindre Save qui allait désormais faire une liaison entre les missions du Rwanda et celles du Burundi.

3. – Nyundo

Après avoir occupé ce point stratégique de l’est, les missionnaires demandèrent à Nyanza l’autorisation de fonder d’autres missions. Leur dévolu était désormais jeté sur des régions les plus populeuses du Rwanda, telles que le Bugoyi, le Mulera et le Kinyaga. Il leur fut d’abord permis d’occuper le Bugoyi, ce qui répondait au souhait très pressé de Mgr Hirth. Pour lui, il fallait occuper vite cette région à cause de deux raisons principales :

« La première est liée au conflit frontalier opposant les allemands à I’E.I.C. : la région concernée faisait partie du territoire encore contesté. D’après les informations qu’il avait recueillies, Mgr Hirth estimait que la partie susceptible de revenir définitivement à l’E.I.C. pourrait s’étendre davantage à l’est, ce qui entraînerait la perte d’une population considérable. Il importait donc au Vicaire apostolique d’essayer d’englober au plus tôt toute cette région dans son territoire ecclésiastique en y créant un poste d’occupation. La deuxième cause de cette course à l’occupation du Bugoyi est intimement liée à la première et, plus générale, a trait à un double projet du gouvernement : celui-ci entendait fonder au Rwanda des stations coloniales et favoriser l’implantation du commerce dans ce pays, ce qui pour Mgr Hirth signifiait la pénétration de l’Islam dont il redoutait l’influence. Il fallait donc précéder dans cette région peuplée les musulmans qui pouvaient s’installer à Gisenyi. Ainsi la fondation de Nyundo dans le Bugoyi est liée aux rivalités coloniales et religieuses».

 Après avoir exploré la région en vue de trouver un site approprié, le choix fut fixé sur l’éperon de la colline de Nyundo en face duquel s’étend à perte de vue la plaine populeuse et verdoyante du Bugoyi. C’est là que fut créée la troisième mission catholique du Rwanda par les Pères Barthélemy, Classe et Weckerlé. C’était le 4 Avril 1901.

4 – Rwaza

Au mois d’Août 1903, Mgr Hirth qui partait de Nyundo où il était venu en visite, explora les régions du Mulera, Bukamba, Bugarura près des lacs Bulera et Ruhondo, Rugezi et Buberuka. Il se rendit compte que cette contrée était très habitée et se décida d’y placer une station de mission. Arrivé à Marienberg (à Kashozi, près de Bukoba) où il avait transféré sa résidence dès Avril 1901,Mgr Hirth envoya à Rwaza quatre missionnaires : les Pères Classe, Cunrath et Dufays ainsi que le Frère Herménégilde.

Le 20 Novembre 1903, la caravane campa à Kiruri au bord sud-est du Ruhondo. De là, les missionnaires cherchèrent un site convenable à mission. “Le 26 du même mois, tentes et bagages furent transportés sur Kabushinge, un éperon de Rwaza, choisi comme emplacement définitif.

5. – Mibilizi

Directement après la fondation de Rwaza, les Pères Blancs créèrent la mission de Mibilizi, sur la colline du même nom, le Décembre 1903. Ils furent envoyés comme premiers occupants : les Pères Zumbiehl et Verfurth.

Ainsi, dans un espace de quatre années seulement, le Rwanda se trouva circonscrit par cinq “bastions spirituels : deux au nord, deux a sud et un à l’est. Les hautes montagnes et les lacs splendides, les voie d’accès vers Bujumbura et vers Mwanza et Bukoba étaient tous occupés par une quinzaine d’apôtres de la religion et de la civilisation chrétiennes.

Ce tableau se pose comme le résultat d’une situation de fait. Ne voulant pas refuser ouvertement l’emplacement aux Pères Blancs, les autorités supérieures de Nyanza leur cédèrent successivement des terrains dans le Bwanamukali (mission de Save), dans le Gisaka (mission de Zaza), dans le Bugoyi (mission de Nyundo), dans le Mulera (mission de Rwaza) et dans le Kinyaga (mission de Mibilizi), régions dont les populations étaient reconnues farouchement opposées à toute pénétration des étrangers. A Nyanza, on espérait ainsi voir les missionnaires obligés de se retirer du Rwanda sans emporter une haine contre les autorités indigènes. Cette attitude de la cour témoigne d’un plan bien monté pour s’opposer malignement mais efficacement à l’installation des Pères Blancs. Malheureusement pour la cour, heureusement pour les missionnaires, ce plan a échoué car dans un délai de quatre ans, les Pères Blancs ont fondé cinq missions à partir desquelles ils purent étendre leur influence.

Si nous considérons l’emplacement des cinq premières missions, nous constatons que les Pères Blancs jouissaient d’une situation plus consolante que celle que leur avait destinée la cour. En effet, loin de celle-ci, ils avaient les mains libres et ils étaient à l’abri du regard épieur du roi et des grands du royaume. De plus, à partir de ces stations, ils pouvaient diriger leur action apostolique à partir de la périphérie vers le centre, touchant ainsi, sinon toute la population, du moins la plupart des Rwandais.

Compte tenu de ces faits, nous pouvons dire actuellement que ce fut une erreur de calcul de la part de la cour que d’avoir envoyé les missionnaires dans les régions frontalières et peu soumises au pouvoir central. Nyanza n’a envisagé qu’un seul côté de la médaille : l’échec des Pères Blancs. Il ne s’est guère préoccupé du cas contraire, à savoir la réussite de ces derniers. Pourtant, il aurait dû se dire qu’une fois les provinces périphériques converties, il ne resterait aux Pères Blancs qu’à s’étendre aisément sur le reste du pays dont les habitants étaient reconnus dociles. Se rendant compte de l’erreur commise, la cour chercha à refuser, mais vainement, aux Pères Blancs un terrain au centre du royaume où, après la périphérie, ils voulaient fonder absolument une mission. Ce fut le cas de la mission de Kabgayi.

 6. – Kabgayi

 Bien que depuis 1900, la cour avait refusé aux Pères Blancs de s’installer dans le Nduga ou dans le Marangara, Mgr Hirth n’avait jamais abandonné son projet de fixer un foyer d’apostolat direct en plein milieu du royaume. Les missionnaires de Save avaient reçu la consigne de rester l’œil aux aguets et de sauter, dans le but visé, sur toute occasion opportune qui se présenterait. La première parut s’offrir lorsqu’en 1902, ils furent avisés par le Résident intérimaire, von Beringe qui était sur le point de se rendre de Bujumbura à Nyanza, qu’il aimerait leur rendre visite. Ils n’attendirent pas sa venue à Save, mais expédièrent le Père Smoor à Nyanza pour lui transmettre le désir de leur supérieur, Mgr Hirth, de fonder une mission à la cour ou dans les environs. Mais cette requête fut considérée par von Beringe comme non avenue: « Musinga, disait-il, serait capable de déménager et de porter ailleurs ses pénates, si l’on voulait l’obliger à accepter le voisinage d’un temple chrétien. Quant à l’installer en pays mututsi, l’idée en est prématurée. Les nobles ne sont pas près de se convertir et il ne faut pas les heurter ».

Ceci n’était que partie remise car en 1904, les missionnaires revinrent à la charge. A cette époque, la cour venait de se rendre clairement compte que les Pères Blancs avaient réussi, bon gré malgré les difficultés, à évoluer partout où ils s’étaient installés. Pour le roi, c’était une situation très préoccupante. C’est ce qui ressort de cette réponse que Musinga, par l’intermédiaire de Kabare et Rwidegembya, fit aux missionnaires qui venaient solliciter un emplacement dans le Nduga : « J’ai donné à Monseigneur Hirth : Issavi dans le Bwanamukali, Nsaza dan le Kissaka, Nyundo dans le Bugoye, Rwaza dans le Mulera, Mibilizi dans le Kinyaga. C’est assez, je neveux pas lui donner tout mon pays, précisément il ne me reste plus que le Nduga ; je ne veux pas que les européens viennent s’y installer »

 Ici le roi ne cache pas la peur qu’il avait de perdre son pays en faveur des Européens, représentés dans ces circonstances par Mgr Joseph Hirth.

Le 27 Décembre 1904, le Vicaire apostolique se rendit à la cour en compagnie du Père Lecoindre et du Frère Pancrace pour demander personnellement un terrain à Musinga. Celui-ci, sur conseils des grands chefs tels Kabare, Rwidegembya, Nturo et Ruhararamanzi répondit négativement et catégoriquement à la sollicitation de Mgr Hirth. Désolé, celui-ci opta pour une autre voie : il saisit de l’affaire le nouveau Résident de Bujumbura, le Capitaine von Grawert qui envoya le lieutenant von Nordeck avec une double mission : arrêter deux marchands malhonnêtes et armés de fusils qui troublaient les Rwandais en leur pillant les peaux et les vaches et arracher à Musinga un consentement pour la création d’une mission dans le Nduga ou le Marangara. Après avoir pris les deux marchands répondant successivement aux noms de Schindelar et de Prétorius, le lieutenant von Nordeck se rendit à la cour pour aviser le roi que les Pères Blancs cherchaient à s’installer dans le Marangara. Ne comprenant pas les raisons de l’intervention de l’officier allemand, Musinga qui, en moins d’un an, avait refusé carrément à deux reprises la requête des missionnaires, répondit avec indignation: “les Bafransa ont déjà 5 stations ; ils sont partout ; où irai-je”.

Il ne fait plus de doute : le roi manifestait ostensiblement la crainte de se voir dépouiller de son pays et de son pouvoir en faveur des Pères Blancs en particulier, des Européens en général. Pour avoir gain de cause le lieutenant von Nordeck menaça de relâcher les deux marchands et de leur accorder “toute liberté d’accaparer le bétail à volonté, si la propriété demandée par les missionnaires n’était pas accordée” ; il ajouta :

« Je viens de te rendre 2.000 bœufs, tu ne peux refuser ». Et Musinga, acculé, de répondre par ces deux mots swahili désormais historiques : « Ndio Bwana » «oui, j’y consens, Monsieur ». Ce consentement forcé du 6 Février 1 905 présageait bien d’autres !

Le 12 Février 1905, Mgr Hirth et le lieutenant von Nordeck se rencontrèrent à Gahogo en face de la colline de Kabgayi. Le lendemain, à l’absence d’un représentant de la cour, ils délimitèrent ensemble le terrain : « L’officier investit le vicariat de la propriété entière et totale de la colline, d’une contenance d’environ cent vingt hectares. Il la déclara “terrain, de la Couronne”, propriété de l’Empire, “vu qu’elle ne porte que peu d’habitants”. (…) Le Père Lecoindre, chargé de la fondation, fut installé d’office au nom du Résident par le lieutenant, qui lui laissa deux askaris pour monter la garde auprès de son campement, au cas où il serait molesté par les batutsi députés».

Le Père Lecoindre resta peu de jours à Kabgayi. Il dut quitter les lieux suite à la peur de la révolte “Maji Maji” qui venait d’éclater dans le sud et le sud-est de l’Afrique Orientale Allemande et dont on craignait l’expansion jusqu’au Rwanda. Ce n’est qu’après s’être assuré que cette révolte n’aurait pas beaucoup d’effets sur les populations du Rwanda que Mgr Hirth ordonna au Père Lecoindre et au Frère Fulgence d’occuper définitivement le poste de Kabgayi. Ces missionnaires y arrivèrent le 9 Mai 1906, date considérée comme celle de la fondation effective de Kabagayi, sixième mission catholique du Rwanda.