Classe dominante.

Elle comprend les bami, les chefs et les sous-chefs nommés selon les règles coutumières et investis par l’Administration européenne. Ils sont aidés des conseils de sous-chefferie, de territoire, de chefferie et du pays ; ils ont sous leurs ordres directs des capitas, des moniteurs, des greffiers, des juges, des cantonniers, des policiers, des porteurs de communications, etc.

La classe dominante est essentiellement composée de Batutsi politiques et de quelques Bahutu, voire même de Batwa anoblis comme les Baskyete. En fait, c’est une noblesse composée notamment de princes de sang royal comme les Baganwa et les Bafasoni en Urundi, de descendants directs d’anciens bami au Ruanda, et d’hommes liges des bami. Au sein de cette noblesse, on range les familles en très bonnes, bonnes et en moins bonnes. Les purs pasteurs bahima ne fournissent pas de candidats aux charges politiques.

Campagnards.

i) Les éleveurs batutsi : grands, moyens ou pauvres, ces derniers devant bien souvent pratiquer l’agriculture pour subvenir à leur subsistance ou des professions telles que clercs et commerçants. Ils sont redevables de l’usage des pâturages à la classe dominante.

ii) Les agriculteurs bahutu dont l’état social est relativement comparable à celui des roturiers de l’époque féodale européenne : ils obtiennent, des autorités indigènes, leur terrain sous forme de concession héréditaire, charge de leur remettre des redevances annuelles en travail et en produits des prémices agricoles, redevances qui sont actuellement rachetées intégralement en argent. L’activité des Bahutu est mixte : elle comporte non seulement l’agriculture, mais aussi l’élevage du gros bétail si possible, et en tous cas du petit bétail : chèvres, moutons, porcs et volaille.

On compte également, parmi ces Bahutu, des artisans : menuisiers, forgerons, passeurs d’eau, pêcheurs, potiers, ainsi que quelques commerçants et clercs. Ce sont eux qui fournissent la masse des travailleurs allant prester leurs services non seulement aux entreprises européennes de l’intérieur ou de l’extérieur du pays, mais également chez leurs propres congénères.

iii) Les pygmoïdes batwa parmi lesquels il convient de distinguer :

a) Les chasseurs et apiculteurs installés au pied des volcans, près de la forêt ;

b) Les bâtards pratiquant la poterie et en ordre subsidiaire l’agriculture dans les milieux bahutu, pour leur propre compte. C’est la classe des parias honnis des Bahutu et des Batutsi.

c) On trouve enfin des Batutsi pauvres, des Bahutu et des Batwa vivant d’une condition serve auprès de grands Batutsi et de Bahutu anoblis, auxquels ils fournissent la domesticité : serviteurs, abaja et abajakazi, gardiens de bétail et suivants quémandant une sinécure

Citadins.

Leur classement est d’abord d’ordre juridique. Ils comprennent des Batutsi originairement pauvres et des Bahutu groupés dans des cités extra-coutumières sises à proximité immédiate des agglomérations européennes constituées autour des centres d ’État, d’entreprises minières, ou de centres commerciaux isolés à l’intérieur du pays.

Certaines de ces agglomérations ont reçu un statut légal soit sous la dénomination de centre extra-coutumier soit sous celle de cité indigène ; elles possèdent leurs propres chefs et leurs juridictions totalement indépendants des organisations coutumières.

Parmi les citadins, l’on distingue plusieurs classes :

i. Une bourgeoisie autochtone : clercs, commis, assistants médicaux et vétérinaires, infirmiers, instituteurs ; et des artisans : chauffeurs, bouchers, boulangers et hôteliers, commerçants installés à leur propre compte ;

ii.  Un prolétariat comprenant des serviteurs et des travailleurs au service d’Européens, d’Asiatiques et de leurs propres congénères ;

iii. Des oisifs, parmi lesquels il convient de signaler spécialement les islamisés qui s’intitulent Baswahili.

Les clergés indigènes.

Les clergés catholique et protestant sont en pleine voie de réalisation. Chez les catholiques on compte un évêque, des abbés, des frères, des sœurs, et de nombreux assistants tels que moniteurs, instituteurs, catéchistes, chefs de conseils de chrétiens : abakuru b’inama. Chez les protestants, on compte quelques pasteurs et des assistants comme ci-dessus.

Associations secrètes.

La plus importante, celle qui se retrouve partout tant au Ruanda qu’en Urundi, est l’association religieuse hiérarchisée pour le culte aux divinités chthoniennes syncrétisées sous Ryangombe (Ru.) — Kiranga (Ur.).

En ordre subsidiaire, vient celle pour le culte manistique à Nyabingi que l’on rencontre dans le nord-ouest du Ruanda.

Enfin, tendant à disparaître car peu à peu la mort crée des vides irremplaçables dans ses rangs, l’association des biru, gardiens officiels du Code ésotérique de la Cour ; les ensevelisseurs royaux et les gardiens des tombeaux dynastiques.