L’importance que présentait la vache dans la société indigène du Ruanda-Urundi a été bien mise en lumière par le gouverneur général Pierre RYCKMANS et par le grand juriste belge A. S OHIER.

La vache est l’or vivant du Ruanda-Urundi, la richesse par excellence, celle qui donne considération, puissance, loisirs et « clientèle » dans le sens romain du mot. La vache est en somme une richesse très réelle puisque moyen d’acquérir tout ce qui rend la vie agréable et facile, malgré la valeur intrinsèque très faible de ce bétail.

La vache n’évoque pas un animal, mais la richesse et la puissance du pasteur. On ne peut rien comprendre au Ruanda-Urundi si on ne se pénètre pas de cette idée que la vache y est moins un animal qu’une institution. Que le bétail n’y représente pas un bien d’utilisation, un élément de l’économie, de la viande et du lait, mais est à la fois un signe de richesse, comme l’or chez nous, une preuve des contrats les plus divers, et la charte de nombreuses relations politiques et privées.

De fait, toute la vie des autochtones était placée sous le signe de la vache : en s’abordant, l’on se saluait par le souhait : amashyo (que vous ayez des troupeaux) auquel l’interpellé répondait par : amashongore (je vous réciproque des troupeaux de femelles) ; la journée, certains mois lunaires et saisons, voire les pluies, étaient divisés selon les activités du bétail. Chaque vache porte un nom propre comme un être humain, tous ses produits et sous-produits trouvent un usage dans la vie de l’autochtone ; il en mange toutes les parties. Le lait, consommé caillé, constitue la nourriture quasi exclusive des véritables pasteurs, la peau sert de vêtement aux pauvres et de linceul aux bami, le beurre entre non seulement dans l’alimentation mais trouve encore un emploi comme onguent magique pour la purification des jeunes mariées et des défunts ; l’urine sert à se laver les mains ainsi que les récipients à lait ; enfin, la bouse constitue un mortier trituré sans répugnance et employé pour colmater les paniers à victuailles, en guise de cataplasme sur les plaies, et, une fois séchée, de combustible. On laisse les bonnes reproductrices mourir de vieillesse sans les vendre ni les abattre : n’ababyeyi (ce sont des mères). Il y a vingt ans, il était encore impossible d’acheter des génisses de reproduction contre argent.

Les Batutsi prétendent qu’ils furent les premiers à avoir introduit la vache au Ruanda-Urundi ; toutefois, rien ne permet d’affirmer que ce ruminant n’y existait pas avant leur arrivée qui ne remonte, croit-on qu’à cinq cents ans environ. Au contraire, certaines bêtes de petite taille possédant de courtes cornes, les inkuku, sont désignées par les Batutsi eux-mêmes comme étant propres aux Bahutu ; par ailleurs, il y a lieu de prendre en considération le fait que les bami se rendaient fréquemment opérer des razzias de gros bétail dans ces pays essentiellement bantous comme le Kivu où Bashi et Barega pratiquent l’élevage des bovins. Dans certaines régions du nord-ouest du Ruanda et de la plaine de la Ruzizi, les Bahutu détiennent du bétail en toute propriété au sujet duquel ils ne doivent aucune marque d’allégeance aux Batutsi : le mwami Musinga lui-même, déclarait qu’il ne pouvait toucher à ce bétail dénommé ingabo ou imbata (de guhata: faire des efforts). A l’heure actuelle, des contrats spéciaux, ugushega, pour la cession onéreuse de bétail, s’opèrent toujours entre les Bantous congolais d’une part, et les BanyarwandaBarundi d’autre part, occupant les rives de la Ruzizi.

On peut logiquement croire que la vache qui existait depuis des temps immémoriaux dans la vallée du Nil, soit parvenue à s’infiltrer jusqu’aux sources de ce fleuve et ce, dans toute la région des grands lacs africains, bien avant l’arrivée des pasteurs batutsi. La linguistique vient singulièrement renforcer cette hypothèse : la vache s’intitule inka en langue bantoue du RuandaUrundi ; or elle se nommait ka en égyptien et ko en copte ; par ailleurs nous savons que les Batutsi ne firent qu’emprunter le langage des autochtones.

Si l’on tient compte d ’une part, de ce que le bœuf à grandes cornes possédait la prédominance au Sahara du Ve millénaire au milieu du II I e avant notre ère, que, d ’autre part, ce bovin existait en Egypte dès l’entrée de ce pays dans l’histoire au IVe millénaire, que les Égyptiens auraient pénétré jusqu’en Uganda et au Karagwe, pays voisins du Ruanda-Urundi ; qu’enfin, le même bovin existe en Afrique du Sud chez les Hottentots et que ceux-ci parlent un langage le plus proche de celui des proto-abyssins Kouchites, il faut admettre que le Continent africain connut la vache à longues cornes partout où sa nature en permettait l’élevage.

Il semble certain que les Égyptiens pénétrèrent profondément à l’intérieur de l’Afrique non nilotique, de bonne heure : on retrouva à Mulongo sur le Lualaba (Congo belge) une statuette d ’Osiris datant du V IIIe s. av. J. C, une autre statuette d ’Osiris avec cartouche de Thotmès III (1450 av. J.-C.) fut retrouvée au sud du Zambèze (*) et enfin des monnaies égyptiennes du X e s. av. J.-C . furent trouvées à Madagascar. Un moine égyptien, Co s m a s, décrivit en 547, le commerce de bœufs fait de son temps avec les régions équatoriales (4). La tradition orale de l’Urundi veut qu’une première vague de bantous Barega s’y introduisit venant de l’Ouest avec du gros bétail, qu’ils logeaient dans des cavernes Nyabarega que l’on peut encore voir au Banga, à Kanyinya, etc. où ils creusèrent des auges dans le roc.

Par ailleurs, il est communément admis que l’invasion de l’Afrique par des éleveurs d’origine asiatique s’effectua vague après vague.

Quoi qu’il en soit, il semble hors de doute qu’une introduction massive du bétail à longues cornes fut le fait des Batutsi-Bahima.

A en croire la légende, l’origine de la vache au Ruanda, serait divine : elle tomba du ciel au Mubari (Ruanda) sur l’ordre de Dieu (Imana) en compagnie des trois premiers Batutsi, enfants de Gasani : les deux frères Kigwa, Mututsi, et leur sœur Nyampundu.

De ce ruminant de valeur, l’immigrant en fit son instrument de domination. Comme l’écrit SANDRART : « pour céder l’usufruit de la vache, le mututsi sut tenir la dragée haute et exiger préalablement de celui qui la convoitait, une servilité à toute épreuve ». Cette servilité se concrétisa dans le contrat de servage pastoral : ubuhake au Ruanda, ubugabire en Urundi ; contrat que nous examinerons en détails par la suite, et dans lequel l’asservi volontaire devient, corps et âme, l’homme lige du Mututsi qui prendra le nom de shebuja : protecteur (littéralement, le «père serviteur»). Ce contrat étendit ses ramifications jusqu’aux coins les plus reculés des ressorts occupés par les pasteurs. Eu égard à la similitude que le système présente avec l’institution de la clientèle de l’époque romaine, on donne fréquemment le nom de patron au donateur et celui de client au donataire. Certains, comme le chanoine de LACGER, l’ont même comparé au régime féodal.

Le contrat de servage pastoral joua jusqu’en ces derniers temps un rôle politique et social de tout premier plan dans l’administration coutumière du Ruanda-Urundi ; c’est grâce à lui que l’immigrant mututsi put tenir fermement en mains une population dix fois plus nombreuse. Cette réussite extraordinaire peut s’expliquer d’une part par la diplomatie, le doigté politique, la haute taille et la belle prestance du pasteur mututsi, d’autre part eu égard aux besoins impérieux en lait qu’éprouvaient les agriculteurs bantous pour nourrir leur nombreuse progéniture ; par la recherche de l’ostentation, étant donné que la vache consacrait l’expression éminente de la richesse, et enfin par le besoin de se trouver bien en cour auprès de l’envahisseur.

Ainsi donc, le contrat de servage pastoral amena sous la dépendance des Batutsi, des Bahutu qui jusque là ne connaissaient d’autre autorité que celle de leurs patriarches claniques abahinza ; cette autorité devint méconnue à tel point qu’elle disparut de l’intérieur du pays et ne se retrouve plus que dans le nord-ouest du Ruanda. Du même coup, toute l’organisation foncière qui se trouvait entre les mains de ces Bahinza s’effrita et disparut également, recueillie par les Batutsi qui, à la propriété terrienne étendue des clans primitifs, substituèrent le régime de la petite concession héréditaire individuelle mais révocable qui s’intitule isambo (Ruanda) et itongo (Urundi), et que l’agriculteur dut désormais quémander au pasteur contre l’octroi de prestations vivrières et en travail. Par ailleurs, les Batutsi s’accaparèrent de vastes terres arables qu’ils immobilisèrent au titre de pacages pour leur bétail.

Rétrogradation de l’importance de la vache.

Avec l’arrivée des Européens au Ruanda-Urundi, un revirement profond se produisit dans l’esprit de la clientèle. Les nouveaux maîtres de l’heure n’accordaient plus à la vache la prééminence qu’elle avait détenue jusque là, ils voyaient en elle un pauvre animal étique, producteur de viande coriace, d’un demi à un litre et demi de lait seulement par jour, et surtout une cause directe des famines par l’overstocking qu’il présente dans presque tout le pays. De plus, outre une justice objective, le nouveau pouvoir amenait avec lui des conceptions totalement différentes de la richesse : agriculture industrielle de rapport, emploi de main-d’œuvre rémunérée, élevage du porc sujet à de gros rendements, exploitations minières, métiers divers ; et, une valeur inconnue jusqu’alors : l’argent qui même détenu par petites quantités permettait de s’offrir différents articles de consommation.

Pour lutter contre les famines, il fallut empiéter sur les pâturages en les emblavant de manioc et de patates douces, il fallut mettre en valeur les bas-fonds qui jusque là étaient intégralement réservés au pacage de saison sèche. L’agriculture reprit sa prééminence : la houe repoussa la vache.

De plus, pour aborder les maîtres de l’heure, il n’était plus nécessaire de marquer une dévotion spéciale au gros bétail.

Les Missionnaires apportèrent des conceptions absolument révolutionnaires quant aux valeurs morales et quant au sentiment de la dignité et de la liberté individuelle s’attachant à toute personne humaine. Un sentiment d’indépendance naquit bientôt dans le cœur de la clientèle.

Lorsque l ’Administration belge, à partir de 1925 spécialement, provoqua l’occupation par les Batutsi des provinces bahutu du Mulera, du Bushiru, du Bukunzi et du Busozo au Ruanda, le pasteur n’y parvint plus à appâter l’agriculteur par le servage pastoral ; il dut compter de plus en plus non seulement sur son prestige personnel pour obtenir l’obéissance des administrés, mais encore sur ses qualités d’autorité et de conscience professionnelle pour demeurer en fonctions.

Les clients s’engagèrent par milliers au service des Européens tandis que d’autres émigraient temporairement à la recherche d’argent dans les territoires britanniques, privant ainsi leurs patrons des prestations auxquelles ils avaient droit. La nécessité d’intensifier sur place les efforts déployés contre les famines rendit de plus en plus rares les rencontres des clients et des patrons séparés par de longues distances. En 1941, lors d’une réunion plénière du Conseil du Mwami à Nyanza, les patrons se plaignirent de la tiédeur manifestée par leurs clients en matière de prestations.

Les temps où l’on pouvait dire « Ntakirut’inka » : « rien ne surpasse la vache », étaient révolus et l’on ne peut donc admettre que le buhake n’avait pas jadis (avant 1952) l’importance qu’il aurait acquise depuis les trente dernières années (2). C’est l’inverse qui est vrai.

Politique poursuivie par l’administration européenne.

La ligne de conduite tracée en la matière, tant par l’autorité européenne que par l’autorité indigène, se trouve reproduite dans le Plan décennal du RuandaUrundi ; nous ne pourrions mieux faire que de l’inscrire ci-après.

« L’ubuhake au sein d’une société féodale issue de lui, emprisonne, de génération en génération, les hommes et le bétail.

» Cependant, de multiples indices prouvent qu’une évolution lente est amorcée qui modifie de plus en plus profondément les rapports économiques et sociaux entre les classes de la population et dépouille peu à peu les anciens contrats de leur justification politique.

» Cette évolution, déjà discernable il y a plus de vingt ans, ne fit que s’accentuer ensuite, au point d’aboutir, en 1945, à la proposition formulée par les autorités coutumières elles-mêmes, de supprimer les contrats d’ubuhake, proposition qui ne parut pas immédiatement réalisable à l’époque. Dès 1916 cependant, sous l’impulsion de l’Administration belge, une enquête fut minutieusement organisée dans les milieux indigènes les plus compétents pour formuler des avis sur cette délicate question. Elle aboutit au vœu quasi unanime de supprimer les institutions coutumières « qui ne sont qu’une forme déguisée d’esclavage ».

» La conclusion évidente de cette consultation est que la convention de cheptel à bail a perdu, pour les éléments influents et progressistes de la génération indigène d’aujourd’hui, sa signification originelle et que les abus auxquels elle conduit sont l’une des entraves les plus puissantes à la rénovation économique et sociale. » L’élimination progressive de l’ubuhake est le premier objectif que s’assigne le Plan décennal en vue d’assurer la résorption de l’excédent du cheptel.

» Cette mesure qui, sur le plan psychologique, entraînera une modification profonde de la mentalité de l’indigène, aboutira à la propriété individuelle du bétail. Ainsi, se trouvera réalisé le progrès social le plus marquant qui aura été accompli depuis le début de l’Administration belge : la rupture de liens surannés dont le réseau enchevêtré faisait obstacle, dans tous les domaines, à l’action civilisatrice.

» Les ajustements que provoqueront les innombrables partages issus de la suppression du cheptel à bail normaliseront la situation dans l’ensemble du pays. Par manque d’espace, de pâturages et de domesticité, ceux à qui échoiront des bêtes nouvelles seront contraintes de se défaire de la partie la moins intéressante de leurs troupeaux et la vendront.

» La réforme sera minutieusement préparée avec la collaboration des autorités indigènes. Elle ne sera appliquée qu’avec une extrême prudence afin de conjurer les répercussions néfastes qu’elle pourrait entraîner sur la cohésion sociale ».

Cette tendance nouvelle a été exposée et justifiée en 1952 dans plusieurs circulaires des bami. Bien qu’aucun ordre formel n’ait été donné en la matière, ces circulaires indiquent néanmoins une tendance politique certaine dont la réalisation sera poursuivie avec ténacité mais aussi sans céder à des instances impatientes. Le mwami du Ruanda écrivit ce qui suit à ses chefs :

« Définissons encore une fois ces buts avec précision :

» 1) Par un partage judicieux et équitable du bétail entre « maître » et « clients », partage dont les règles vous seront communiquées plus tard mais en temps opportun, établir la propriété individuelle du bétail. Après ce partage, impliquant la rupture du contrat, les deux parties n’auront plus d’obligations réciproques, et la détention du bétail vaudra titre de propriété ;

» 2) Après le partage, réaliser la liberté individuelle, c’est-à-dire permettre aux Banyarwanda de se livrer au travail de leur choix, sans être tenus au respect des prestations en travail qui résultent d’un contrat d’ubuhake conclu par leurs ancêtres ;

» 3) Créer la liberté des opérations commerciales, quiconque possédant du bétail pouvant dorénavant, après rupture de l’ubuhake, vendre celui-ci comme il l’entend, sans devoir attendre l’autorisation d’un maître ;

» 4) Permettre ainsi l’éclosion des initiatives individuelles, initiatives qui porteront sûrement sur l’élimination des vaches improductives et sur la sélection du bétail de rapport.

»  Avantages de la suppression dns le domaine économique et social.

» 1) Établir la -propriété individuelle du bétail. » Par un partage judicieux et équitable du bétail entre shebuja et mugaragu, partage dont les règles seront communiquées plus tard, mais en temps opportun, la propriété individuelle du bétail sera établie. Après ce partage, impliquant la rupture du contrat, les deux parties n’auront plus d’obligations réciproques, et la détention du bétail vaudra titre de propriété.

» 2) Réaliser la liberté individuelle. » Après le partage, tous les Banyarwanda pourront se livrer au travail de leur choix, sans être tenus au respect des prestations en travail, qui résultent d’un contrat d’ubuhake conclu par leurs ancêtres.

» 3) Créer la liberté des opérations commerciales. » Quiconque possède du bétail pourra dorénavant, après rupture de l’ubuhake, vendre ses vaches comme il l’entend, sans devoir attendre l’autorisation d’un maître.

» 4) Permettre l’éclosion des initiatives individuelles. » Initiatives qui porteront sûrement sur l’élimination des vaches improductives et sur la sélection de rapport ».Propriété du gros bétail.

Bien que le droit coutumier du Ruanda-Urundi connaisse certaines formes de l’appropriation individuelle du gros bétail : imbata, impahano, etc., en définitive sa propriété revient aux bami. La jurisprudence est constante à ce sujet : les bovins, faisant partie d’une succession en déshérence ne relevant pas d’un patron, reviennent d’office au mwami du de cujus. D’où l’adage kinyarwanda : « uhaha, ahahira Umwami » : celui qui se procure (du bétail par ses propres moyens), le procure au mwami.

Comme en matière foncière, ce droit de propriété du gros bétail de la part des bami ne correspond toutefois pas à la conception du droit romain : « Usus, fructus, abusus ». Les bami ne sont que les dépositaires, au nom de leurs ancêtres, véritables propriétaires, des bovins de leur pays respectif ; s’ils peuvent user et faire fructifier le cheptel, ils ne peuvent pas en abuser en le faisant disparaître notamment. De là s’explique le fait qu’il y a vingt ans encore, il était impossible d’acheter ni une génisse, ni une vache reproductrice, ni une bête inyambo. De là s’explique également le fait que l’on n’abattait pas les bêtes qui s’étaient montrées prolifiques. Le rôle des bami, en cette matière consistait essentiellement à mettre du bétail à la disposition de leurs administrés.

Contrat de servage pastoral (U buhake : R u. — U bugabire : U r.).

  1. Définition.

Le contrat de servage pastoral est une convention synallagmatique librement consentie entre deux personnes : la première appelée patron (shebuja) donne à la seconde appelée client (umugaragu : Ru. — umugabire: Ur.) une ou plusieurs têtes de gros bétail; le client se charge de soigner ce bétail en bon père de famille et de fournir au patron les prestations déterminées par le contrat ou prévues par la coutume.

Forme.

Le contrat peut être conclu verbalement ; dans ce cas, un ou plusieurs témoins assistent chacun des contractants lors de la remise de la tête de bétail. Il a été conseillé aux indigènes de faire enregistrer leurs contrats au greffe de la juridiction indigène de la chefferie du patron.

Durée. Le contrat n’est pas à temps, il n’est éteint qu’avec la mort du bétail reçu, à moins que le client n ’ait de bonnes raisons d ’espérer recevoir une ou plusieurs bêtes de remplacement. Les engagements contractés passent aux héritiers tant du client que du patron. Si le client venait à décéder sans laisser de successeur, son bétail serait repris par son patron. Il peut toujours être résilié soit par consentement mutuel, soit par volonté unilatérale.

Vocabulaire.

Kugaba (Ur.) : disposer de, donner, distribuer (s. e. du bétail).

Guhaka (Ru.) : vient de guha (donner) — inka (vache) ? ou de la forme neutre en ka du verbe guha : donner, d’où guhaka : être donné ?

De toute façon, le sens usuel tant de kugaba que de guhaka est identique : donner du bétail à un client pour le dominer, en être maître, le gouverner.

Guhakwa (Ru.) : action de solliciter le bétail de clientèle ; par extension, faire la cour.

Ubugabire (Ur.) — Ubuhake (Ru.) : dérivés respectivement de kugaba et de guhaka, servent à désigner l’état en général des clients qui ont reçu du bétail, et, partant, le contrat de clientèle.

Shebuja (Ru. et Ur.) de she ou se: le père et de buja: le service, litt. le père serviteur ; en fait : le protecteur, le patron, le maître, le chef.

Umugabire (Ur.) — Umugaragu (Ru.), de kugaba. Client qui a reçu une ou plusieurs têtes de gros bétail.

Ingabane (Ru.) ; Ingabirano — Ingabire (Ur.) : vache concédée dans le contrat de clientèle.

Igiti: 1ère vache reçue. D’igiti: le bois, car elle servira, comme les pieux d’une hutte, à édifier l’édifice sur lequel sera développé tout le contrat entre le client et son patron.

Impetano, de guheta (se dit des bœufs qui boivent deux fois) : seconde vache remise au client.

  1. Buts recherchés par les parties contractantes.

1) Par le client.

Les buts varient évidemment avec la situation sociale des intéressés :

Obtenir un protecteur capable de le mettre à l’abri de la vindicte des autorités indigènes inférieures, de leurs vexations et surtout de leurs exactions. Mettre le bétail obtenu par des efforts personnels à l’abri des convoitises diverses en y incorporant, comme sauvegarde, celui obtenu d ’une personne influente ;

Accéder à ce qui était considéré précédemment comme la représentation la plus éminente de la richesse dans ce pays : la vache ;

Faire figure de grand, en imposer, par ses relations sociales avec les maîtres du pays ;

Obtenir éventuellement une charge politique de chef, sous-chef ou de représentant de ceux-ci ;

Obtenir une source de nourriture pour soi-même et ses enfants ; on sait en effet que la nourriture des Batutsi même pauvres, se composait exclusivement de laitages ;

Vivre d’une condition serve au profit d ’un maître qui fournira le logement, la nourriture, le vêtement et éventuellement l’impôt.

2) Par le patron.

Asseoir convenablement son autorité : le système du servage pastoral fut le moyen par excellence, inventé par les Batutsi pour le maintien et la sauvegarde de leur ascendant et de leur autorité politique : la durée indéfinie des engagements maintenait à tous les degrés de la hiérarchie sociale, un souci constant d ’obéissance à ceux qui dominent ; la spoliation pure et simple pallie, par un procédé expéditif, le danger d ’une ascension trop brutale ou l’éclosion d ’une puissance susceptible de porter ombrage à l’autorité, tandis que l’intrigue et la délation, favorisées par le système, maintenaient la rivalité des petits et l’omnipotence des grands ;

Recueillir une main-d’œuvre serve ;

Placer son bétail en garde car, une fois devenu trop nombreux, par suite du croît notamment, le patron se fut trouvé dans l’impossibilité matérielle de le surveiller lui-même ;

Aider de pauvres Batutsi acculés à la ruine et à la famine.

Catégories de patrons et de clients.

Il n’existait aucun empêchement à devenir patron ou client ; pour les premiers, il suffisait de posséder du bétail, et pour les seconds, le désir d’en être pourvu.

Mwami, chefs, sous-chefs, grands ou petits éleveurs de bétail, tous pouvaient acquérir la qualité de patron.

Toutes les classes sociales indistinctement constituent la clientèle.

Parmi celle-ci il convient néanmoins d’établir les catégories suivantes :

1° Le personnel domestique du mwami, des chefs, des sous-chefs et des riches ;

2° Les courtisans ordinaires (abishikira en Urundi, de kwishikira: se permettre d ’aborder un grand sans intermédiaire) qui commençaient par offrir des cadeaux : bière, pioches, voire bétail, au patron envisagé.

  1. a) Bahutu qui se livreront spécialement à des travaux manuels au profit de leur maître ;
  2. b) Batutsi qui recherchent soit une charge ou un appui politique (ce sont les abambali), soit une aide en bétail pour se nourrir de lait.

Les clients sub 1° et 2° — a) sont essentiellement de condition serve, c’est principalement parmi leur bétail que le maître, en Urundi, pratiquera le prélèvement ukwokoza.

Au Ruanda, on divise encore la clientèle en

1° lmpamakwica : clients directs du mwami et sous sa seule juridiction ;

2° lngabo: reçus du mwami, d’amis ou de succession ;

3° Ingarigari : dotés directement du bétail de propriété privée d ’une personne ;

4° Abagaragu d’enfants mineurs et de femmes.

La courtisanerie préliminaire

(Ubuhange : Ru. — Kurarira : Ur.).

Définition.

Cette première phase consiste de la part d’une personne qui désire devenir client, à se présenter au patron envisagé et à lui faire la cour dans le but d’obtenir de lui, la concession d’une ou de plusieurs têtes de gros bétail.

Qui l’entame?

C’est toujours la personne de condition inférieure au patron qui provoque la procédure en courtisanerie.

Comment ?

La cour sera empreinte non seulement de flatterie mais de matérialisme : elle va se concrétiser en ordre principal, autour d’une substance que l’on absorbera en commun : la bière, afin de se trouver dans une communion de sentiments.

Le candidat fait avertir le patron envisagé par les soins d’une tierce personne intime du maître. C’est l’ukugeza: l’essai. De part et d’autre, il y a consultation chez les devins, et sacrifices aux ancêtres sur le point de savoir s’il échait réellement de s’engager dans les liens d’un contrat éventuel.

Le moyen le plus sûr — mais pas toujours possible — pour se mettre en évidence, c’est de parvenir à capter quelque intérêt de la femme du maître laquelle procédera à l’introduction.

Une fois introduit, le candidat porte le nom d’umuhange (courtisan qui n ’a pas encore reçu de bétail, vient du verbe guhanga: susciter pour la première fois), et sa courtisanerie celui d’ubuhange. Il devra se charger avec empressement de toutes les petites corvées et redoubler les marques extérieures de serviabilité et de sincère attachement. L’umuhange pauvre est nourri, logé et vêtu par le maître. S’il est propriétaire d’une bananeraie, il viendra porteur de deux cruches de bière et se fera annoncer en priant le maître de bien vouloir les accepter. Il tient la pipe du patron, l’allume, la lui passe ; s’il est Muhutu.il cultive, porte des charges ou des personnes, et joue le rôle de sentinelle.

Chez les candidats batutsi, on y met moins de forme attendu que les relations s’élaborent entre frères de race.

Pour se faire client, le Mututsi se rend accompagné d’un porteur d’une cruche d’hydromel ; il arrive même qu’il s’amène avec une génisse. Il tâche de profiter de toutes les occasions, fort habilement, pour intéresser le maître et le flatter dans tous ses caprices et vanités. Ainsi, il acquiert vite une certaine estime qui ne fera qu’augmenter graduellement par des relations très soutenues où la bière constituera toujours l’élément de base.

Durée.

La cour préliminaire dure de quelques mois à deux ans parfois. Le maître sollicité est seul juge sans appel du point de savoir :

  1. i) S’il convient de concéder du bétail ;
  2. ii) Quand il échait de le faire.

A supposer que le maître pour un motif quelconque refusât de concéder la tête de bétail souhaitée, le récipiendaire pourrait-il introduire une action en remboursement de ses cadeaux, ses fournitures de bière et de travail, du temps qu’il a employé ? Non, la coutume ne prévoit absolument rien à ce sujet : conjoncture que le candidat n’ignorait nullement en entamant la procédure en courtisanerie.

Remise de la vache.

Si le patron trouve le client et sa courtisanerie à son goût, il lui confie un beau jour la phrase tant attendue : « dès maintenant, vous avez ma promesse (s. e. de recevoir une tête de bétail) ».

La remise qui consiste le plus souvent en une première génisse, s’opère en plein jour et en présence d’amis, ceux-ci seront en effet appelés à jouer le rôle de témoins lors de contestations éventuelles. D’umuhange, l’aspirant est devenu client. Il saisit une branche du ficus umuvumu et quelques touffes d ’herbe fraîche qu’il présente, des deux mains selon les exigences des règles de politesse, à son bienfaiteur, lui souhaitant prospérité, lui exprimant ses remercîments et disant, tandis qu’il claque les mains l’une contre l’autre : Uragahor’ugaba : «que vous puissiez toujours donner», Uragahoran’Imana : « Soyez toujours avec Dieu ».

Droits et devoirs du client. Droits.

1° Le client peut disposer, en bon père de famille, par vente, abattage, donation et legs, du bétail qu’il a reçu ainsi que de son croît ; toutefois, pour l’aliéner, le consentement préalable du patron est toujours requis. En conséquence, le client pourra éliminer les bêtes stériles, difformes, vieilles, malades, excédentaires ainsi que les taurillons de boucherie. Au moyen du bétail reçu, il pourra de son côté, affermir sa position sociale : se créer une clientèle personnelle, doter ses fils et ses filles, donner des vaches en gages, à titre d’amitié, de condoléances, etc. ;

2° Il peut employer librement les produits et les sousproduits du bétail : manger la viande des taurillons issus du croît, des bêtes stériles qu’il abat, disposer du lait, du beurre, de la peau et du fumier ;

3° Il a droit à l’hospitalité, à l’aide matérielle de son patron ;

4° Il peut le requérir en qualité de défenseur lors d’un procès ou d ’une difficulté quelconque. Devoirs moraux ou courtisanerie contractuelle.

(Ubuhake — Ubugabire).

1° La courtisanerie gufat’igihe (Ru.) — gushengera (Ur.) : saisir le moment, l’opportunité. Le client doit, à des intervalles que la coutume ne détermine pas, faire la cour à son patron ; celle-ci consiste à se rendre auprès de lui afin de lui causer, de le distraire, d’effectuer sa louange. En principe, le client ne s’amènera jamais les mains vides. D’autre part, s’il est Muhutu, c’est à ce moment qu’il accomplira les diverses prestations en travail qui lui incombent. Dès que ses fils seront en âge de le faire, et spécialement l’héritier au droit d’aînesse, il ne manquera pas de les envoyer à leur tour auprès du patron. Rassemblés auprès du mwami, ces jeunes gens constituaient précédemment, le corps des pages intore (les choisis, s. e. l’élite) qui recevaient une éducation sportive, militaire et chorégraphique tout en étant initiés à la dialectique des palabres sans fin, et aux arcanes des règles du droit coutumier.

Auparavant, les grands chefs de province passaient pour ainsi dire toute leur vie à faire leur cour au mwami. Aussi fut-il décidé par l’Administration européenne, afin de rendre ces autorités à leur commandement effectif, qu’à partir du 1er janvier 1932, les chefs ne se rendraient plus que durant quinze jours par an, chez le mwami ; en fait, cette obligation est elle-même tombée en désuétude à l’heure actuelle.

2° L’accompagnement : guherekeza (Ru.) — kugendanira (Ur.). Le client qui fait la cour doit suivre son patron lors de ses déplacements. En 1934, le chef Rwagataraka arrivait au bureau du territoire de Kamembe accompagné de trente à quarante suivants. En promenade, le client parlera d’une façon amusante (kuganira) à son patron, il portera son bâton, sa pipe, allumera celle-ci puis la lui passera, tiendra son mouchoir ou son parapluie, tirera sa bicyclette dans les montées, la retiendra dans les descentes, etc.

3° L’espionnage : gutata. Il est fatal que dans une société où chacun tient à être au mieux en cour auprès de son patron en le flattant d’une part et en diminuant d’autre part les mérites de ses concurrents, l’espionnage, la délation et l ’intrigue fussent devenus de pratique courante chez les courtisans. Aussi, ceux-ci seront-ils toujours à l’affût de tous les potins qui circulent au sujet de leur patron, qu’ils puisent leur origine chez le mwami, les Européens, les ennemis ou les amis de l’intéressé. Dans cet ordre d’idées, le client se montrera d’une veulerie peu ordinaire, ne reculant devant aucun expédient pour satisfaire la curiosité toujours en éveil de son maître. C’est un phénomène courant que de voir des chefs corrompre des commis aux écritures afin de recevoir tous renseignements, et, au besoin, des copies entières de documents secrets : la vache achète presque infailliblement les consciences.

4° Devoir de concours et de complicité en matière d’infractions.

Si le patron l’exigeait, le client ne pourrait lui refuser son concours dans l’exécution d’infractions de droit commun. En pareille occurrence, eu égard à la mentalité particulièrement servile de la clientèle, il faut considérer sa responsabilité comme fortement diminuée et parfois même complètement annihilée sous la pression d’une volonté à laquelle il n’est pas possible de résister sous peine d’encourir la spoliation. Le droit coutumier était bien au courant de semblables complicités car il prévoyait l’octroi de vaches de récompense (imihigointegano) aux clients qui avaient fait montre d’un dévouement à toute épreuve en débarrassant leur patron d’un ennemi dangereux ou gênant. Le client n’hésitera pas à plaider coupable en justice en lieu et place de son patron.

5° Si le client doit prendre part aux joies du maître il a également l’obligation morale de s’associer à ses malheurs et à ses traverses ; il fournira des prestations en nature que nous examinerons plus loin. Lors du décès du patron, le client, s’il le peut, devra aide et en tous cas protection à la veuve et aux orphelins ; éventuellement s’il est désigné à cet effet, il remplira les fonctions d’exécuteur testamentaire.

6° En toute occasion, le client doit prendre la défense de son patron auprès de tiers et des juridictions, toute trahison, toute félonie de sa part serait sanctionnée de la résiliation du contrat et par la reprise intégrale — kunyaga — du bétail qu’il détenait. Demander son témoignage contre le patron, serait aller au devant d ’un échec certain, car le client est vendu corps et âme à son maître.

7° Éventuellement, le client mututsi ou muhutu anobli devra aider son patron dans ses charges politiques et le remplacer momentanément, au pied levé, s’il échait, ce qui constitue l’ultime honneur qui puisse lui être dévolu.

Devoirs matériels.

Prestations en travail obligatoires.

Les quatre premiers points ci-dessous concernent spécialement les clients bahutu, les Batutsi les faisant exécuter par des remplaçants ou, eu égard à leur haute extraction, en étant même totalement exemptés. La seule rémunération pouvant éventuellement récompenser le prestataire est un peu de bière.

1° Cultiver — guhinga — ou fournir un remplaçant : gutanga umukozi (Ru. et Ur.) — gutanga ikivi (Ur.) au profit du patron ou de celui que le patron désignerait pour être aidé.

2° Construire l’habitation du maître et les kraals pour son bétail ainsi que collaborer aux réparations consécutives : kwubak’inkike (Ru.), kwubak’ikimano c’urugo (Ur.).

Puisque les clients doivent construire pour leur patron et que le mwami est le patron de tous les chefs et souschefs, ces derniers doivent coopérer gratuitement à la construction des kraals du bétail royal. Il s’ensuit que, partout où se trouve ce bétail, la construction des kraals incombe aux chefs et aux sous-chefs. A présent, cette charge est inscrite au budget de la caisse administrative du pays.

3° Assurer la surveillance nocturne en veillant sur le repos du patron, de sa famille et sur ses bovins : kurarira: veiller sur, pour ; qu’il ne faut pas confondre avec kuryama : se coucher au lit et gusinzira : dormir.

4° Porter (guheka : Ru. — kurerura: Ur.) le patron, les membres de sa famille ou leurs charges en cas de voyage, notamment vers un centre d’hospitalisation.

5° Être dépêché, envoyé (gutumwa) pour effectuer n’importe quelle commission, même à longue distance.

6° Contribuer à la garde des troupeaux du patron aux pâturages (kuragira), à moins qu’il ne déléguer l’un de ses fils dans cette fonction, ce qui est le plus souvent le cas, dès le plus jeune âge.

7° Jadis, accompagner et défendre le patron dans les expéditions guerrières (gutabara). Prestations en nature obligatoires.

Pourvoir au prélèvement : ukwokoza (Urundi).

Cette coutume ne se pratique qu’en Urundi seulement.

Définition.

Prélèvement d’une ou de plusieurs têtes de bétail sur le croît du bétail concédé.

Vocabulaire.

Ukwokoza (litt. prélever, retirer ce qui a été mis au feu), prélèvement du bétail par le patron. Ukwokora : remise du bétail par le client. Inyokorano : vache prélevée. Buts de l’ukwokoza.

  1. i) Affermir l’autorité du patron ;
  2. ii) Étoffer ses troupeaux en prélevant l’intérêt du capital « bétail » investi chez ses clients.

Qui pratique l’ukwokoza et sur quels clients? i) En principe, ni le mwami ni les grands chefs abaganwa ne pratiquent Y ukwokoza ;

  1. ii) L’ukwokoza a lieu uniquement chez les clients de condition serve considérés parfois comme de simples gardiens du bétail concédé dont le seul profit réside dans l’obtention du lait, du beurre et du fumier ;

iii) Le tuteur ne peut jamais le pratiquer à son profit sur le bétail hérité par son pupille.

Quand et combien de fois?

L’ukwokoza ne porte jamais, en principe, sur le premier veau, rarement sur le second, mais sur les veaux puînés, voire sur le croît du croît. On peut pratiquer l’ukwokoza plusieurs fois sur le croît d’une même tête de bétail, ainsi que sur tout le bétail donné ; c’est une question de mesure laissée à l’appréciation ou à l’arbitraire du patron. Dans certaines régions, il est de coutume de prélever la première génisse et de laisser tous les autres veaux au client. Il semble qu’en fait, le shebuja ne prélève qu’une génisse sur tout le croît de la vache qu’il a concédée. L’ukwokoza met-il fin au contrat de clientèle? La réponse à cette question est négative. Ce ne sont que les abus commis en la matière par les patrons qui pourraient déclencher une procédure en résolution de contrat.

Fournir l’indemano (Ruanda).

De kurema (créer) ou umunani (la part) et, s’il est client direct du mwami, le bétail y ’i bgami. L’indemano n’existe qu’au Ruanda. Ce bétail sert à constituer la dotation des fils du patron, lors de leur installation en ménage. Tandis que le maître prélève sur son cheptel personnel inyarulembo la dotation de son premier fils, celle concernant les autres enfants doit être fournie par la clientèle.

Le taux du prélèvement en question a été fixé, pour le Ruanda, à partir du 1-1-1942, comme suit : Une génisse pour un troupeau de 14 à 19 bêtes ; Un veau femelle » » » 8 à 13 bêtes ; Un taurillon » » » moins de 8 bêtes.

Subir la revue Umurundo et pourvoir aux prélèvements éventuels consécutifs.

  1. (Ruanda).

Définition :

Droit du patron de passer en revue le bétail détenu par son client et d’y effectuer éventuellement des prélèvements ; cette coutume n’existe qu’au Ruanda.

Vocabulaire.

Umurundo — du verbe kurunda: rassembler — rassemblement.

Intore — du verbe gutora: choisir — bête de choix.

Ugutora: prélèvement.

Impishanyo: bétail dissimulé lors d’un murundo.

Buts de l’umurundo.

  1. i) Asseoir l’autorité du patron tout spécialement s’il vient de succéder au chef de famille, ou s’il est devenu l’un de ses héritiers ;
  2. ii) Effectuer un contrôle général du bétail sur lequel le patron possède juridiction ;

iii) Procéder à des prélèvements éventuels pour la constitution de nouveaux troupeaux.

Quand et sur qui se pratique l’umurundo?

  1. i) Quand un chef succédait à un autre chef démis avec perte de ses clients d’origine politique, ou quand le mwami remet certains de ses clients personnels résidant dans une circonscription déterminée à un chef récemment investi, voire à un courtisan quelconque mais umugaragu mukuru: client en chef.
  2. ii) A la mort d’un patron, mais une fois seulement durant leur vie :
  3. a) Ses successeurs ont le droit de pratiquer l’umurundo sur le bétail des clients qu’ils héritent.
  4. b) Le successeur au droit d ’aînesse, nouveau chef de famille, détient le pouvoir d ’effectuer l’umurundo avec prélèvement de bétail non seulement sur les clients qui lui sont dévolus, mais également sur le bétail personnel, de tous les membres de la famille qui lui sont désormais subordonnés : frères, oncles ; et sur le bétail de clientèle détenu par les oncles ; non point sur le bétail de clientèle des frères car ceux-ci, en vertu du a), y auront déjà prélevé des intore.

Conditions du prélèvement.

Le nombre de têtes de bétail détenues par le client est pris en considération dans son ensemble, exception faite des bovins grevés de droits au profit de tiers.

  1. Sur un troupeau de trois b êtes e t m oins : un taurillon il.
  2. » » » » cinq à six bêtes : un veau femelle.

III. » » » » sep t à neuf bêtes : une génisse

  1. » » » » d ix b êtes et plus : une vache par échelon de d ix bêtes.

Règles présidant à la pratique de l’umurundo.

L’autorisation de pratiquer l’umurundo doit être sollicitée au mwami ou au patron dont dépend le requérant ; la demande est toujours examinée par l’Administration européenne afin d’éviter toute source d’abus.

Le requérant doit fournir la liste complète des personnes et du bétail sur lesquels portera l’umurundo. Les clients doivent être avisés suffisamment à temps. Ils doivent exhiber tout le bétail qu’ils détiennent, même personnel, en gardiennage, etc., ainsi que celui de leurs clients.

Si, pour une raison quelconque tout le bétail ne peut être présenté, les manquants doivent être signalés spontanément par le client, avant la présentation.

Le patron, pour faire le prélèvement, prend comme base le total de toutes les vaches possédées par le client. Sur ce total, il fait le prélèvement coutumier sans distinction aucune, qu’il s’agisse de vaches provenant du contrat d’ubuhake ou personnelles. Ce droit est basé sur l’adage munyarwanda « Uhaha, ahahira shebuja » : celui qui acquiert du bétail, le fait au profit de son shebuja. Il sous-entend que sans la première mise du patron, le client se serait trouvé dans l’impossibilité matérielle de réaliser l’acquisition d’autre bétail. Par ailleurs, le client a profité entre-temps non seulement du lait, mais également des veaux issus du croît. Cette mesure sauvegarde les intérêts du patron en cas de mauvaise foi du client ; en effet, si celui-ci ne tenant plus ses engagements venait à substituer du bétail de propriété personnelle à celui du contrat, la ruse serait sans utilité.

Le patron doit s’abstenir de prélever du bétail grevé de droits de tiers : provenant d’autres patrons, détenu en copropriété : imfatane; en gages: ingwate ; en gardiennage, prêt ou dépôt : indagizo, intizo ; reçu en qualité de gages matrimoniaux : inkwano, mais pour autant que le client n’ait pas constitué la dot indongoranyo de sa fille avec du bétail relevant du maître.

Les indigènes disposant de bétail ingaligali se composant de bêtes d’acquisition strictement personnelle : impahano, ibihembo, umuheto, ingororano, à l’exclusion de toutes bêtes tirant leur origine d’un contrat de servage pastoral, échappent évidemment à l’umurundo et aux prélèvements consécutifs. En pareille occurrence, et en cas de succession en déshérence, ce bétail revient de droit au mwami en vertu de l’adage : uhaha ahahira umwami.

Pouvoirs de l’exécuteur testamentaire et du tuteur.

Aucune règle coutumière ne leur permet de pratiquer l’umurundo à leur profit, du bétail dont ils assurent la curatelle.

Les chefs d’armée avaient le pouvoir d’effectuer l’umurundo avec prélèvement de génisses intorano,  parmi les troupeaux dépendant de son armée. Le chef d’armée ne pouvait procéder à cette revue suivie de prélèvements à son entrée en charge que si son prédécesseur ne l’avait pas effectuée depuis un certain nombre d’années que la coutume ne précise pas.

A l’avènement du mwami, les armées devaient effectuer l’umurundo sur le bétail dépendant d’elles avec prélèvement d’intorano à son profit ; hors ce cas, le mwami n’effectuait jamais l’umurundo.

A l’aide du bétail prélevé, le mwami constituait des troupeaux destinés à installer ses frères lors de leur mariage, soit à entretenir les résidences royales ou les chefs-lieux des districts civils.

Prestations accidentelles.

En bétail.

1° Concourir à repeupler le bétail du patron s’il a souffert d’une épizootie, de mortalités excessives causées notamment par la foudre, s’il a diminué à la suite de vol, de pillage, etc. Les bovins de compensation ainsi fournis, s’intitulent inshumbushanyo (Ru.) et inshumbusho ou imvyukirizanyo (Ur.).

2° Au Ruanda, lors du passage du patron, le client doit contribuer à son ravitaillement en lui prêtant du bétail laitier : injyishywa, inkuke, intarama, imbyukuruke, voire de boucherie : izimano. En ce qui concerne les inkuke fournies précédemment au mwami, il fut décidé que cette prestation serait définitivement supprimée à partir du 1-1-1932. Les grands chefs du Ruanda ont, pour la dernière fois en 1931, fourni des vaches inkuke au mwami Mutara-Rudahigwa en rachat définitif de cette contribution. En Urundi, la fourniture de lait ne se concevait même pas pour le muganwa de passage, mais on lui fournissait du bétail de boucherie izimano.

3° Si le patron est éprouvé par la perte d ’un proche parent, le client lui offrira une vache de condoléance : inka y ’indorano ou y ’amalira (des pleurs) (Ru.) — y’ugusuhuza (réconforter) (Ur.).

4° Lors d’une naissance dans la famille du patron, le client lui fournira, selon ses moyens, une vache igihembo (Ru.) — inyibarutso (Ur.).

5° S’il a éprouvé lui-même la mort de son père, le client, héritier au droit d’aînesse, doit se présenter immédiatement auprès du shebuja afin de lui annoncer la nouvelle, et lui présenter une vache de faire-part : inka y’ukubika (Ru. et Ur.), en vue de demander la reconduction des relations contractuelles antérieures.

6° A l’occasion d’une faute grave qu’il aurait commise, le client remettra à son patron, une vache de réparation impongano (Ru. et Ur.), et igipfukamunwa (Ur.) afin d’éviter d’être puni, d’être spolié ou d’être traduit en Justice ; c’est l’amende transactionnelle.

7° Lors de la prise de commandement au titre de chef de famille de l’héritier au droit d’aînesse, fils du patron, le client devra lui remettre une vache en cadeau d’avènement : indabulirano (Ru.), selon l’importance du bétail q u ’il détient de son père.

  1. Prestations diverses.

Le devoir moral de prendre part aux peines du patron et de sa famille, entraîne les charges matérielles suivantes :

S’abstenir de travailler durant toute la période du deuil qui les frappe (ukwirabura) et devoir de porter, précédemment, l’habit de circonstance umwando (Ru.).

Participer aux cérémonies rituelles clôturant le deuil (ukwera), y apporter de la bière et boire le lait kumarirwa: en Urundi 1 ’umugabire devait porter l’imarirano à cette occasion : habit ou bracelet. L’indifférence du client en pareille occurrence pourrait entraîner la résiliation du contrat car « qui ne participe pas à la peine de la famille (du patron), n’a pas le droit de partager ses joies ».

Cadeaux d’hommage :

Ituro — amaturo (Ru.) — Ishikanwa (U r.).

Lorsque le client viendra faire sa cour, il ne s’amènera jamais les mains vides, mais prendra soin de se faire accompagner d’une cruche de bière s’il est Muhutu, d’hydromel s’il est Mututsi, voire à l’heure actuelle, de bière de fabrication européenne. Il apportera quelques feuilles de tabac et, s’il cultive, un panier d’éleusine, de sorgho ou de haricots. Entre riches, les cadeaux consistent bien souvent en génisses ou taurillons. Si le maître se trouve dans le besoin, le client lui devra l’hospitalité ou lui prêter sa maison, de l’argent, des vivres ; précédemment, il y avait parfois prêt de femme.

Droits et devoirs du patron.

  1. Droits.

1° Le patron a droit, de la part de son client, à tous les devoirs moraux et matériels décrits ci-avant. Il détient le pouvoir d’en sanctionner la méconnaissance soit lui-même, soit par l’intermédiaire des juridictions indigènes, par la spoliation ukunyaga qui pouvait être complète dans l’ancien droit coutumier, c’est-àdire porter également sur le bétail propre au client : impahano et imbata; exiger la restitution de son bétail, provoquer le prononcé d’amendes compensatoires ibyiru et de dommages-intérêts.

2° Le patron détient le pouvoir de pardonner, à cette occasion, et en signe tangible de sa mansuétude, il remet à son client une vache de pardon, d’oubli, inka y ’umuliro (litt. du feu, s. e. d ’effacement des fautes antérieures).

Devoirs moraux du patron.

1° Prendre la défense de son client en toute occasion et spécialement en matière de contestation où le gros bétail est en jeu. Ce devoir de protection tire sa source dans la puissance, l’influence du patron, et dans la nécessité qu’il éprouve de défendre le bien qu’il a concédé.

2° Mettre son client à l’abri des convoitises malhonnêtes, des tentatives de spoliation injustifiées et de l’abus de corvées que chefs et sous-chefs feraient peser sur lui.

3° Il prendra part aux événements heureux et malheureux atteignant son client.

4° Il servira éventuellement d’exécuteur testamentaire et de tuteur dans la succession de son client.

Devoirs matériels obligatoires.

Remettre au client, lors de la conclusion du contrat, au moins une tête de gros bétail apte à la reproduction. Le contrat serait nul de plein droit si cette condition n’était pas remplie.

Devoirs accidentels.

1° Loger le client de condition serve, le nourrir, le vêtir et payer ses impôts éventuellement.

2° Lui avancer les gages matrimoniaux nécessaires pour se marier. Il arrive que ce soit le patron qui cherche lui-même une femme pour son client.

3° Lui fournir du bétail de compensation ou de remplacement, inshumbushanyo (Ru.) — inshumbusho, imvyukinzanyo (Ur.), en cas de mortalités excessives dans son cheptel.

4° Lui faire don d’une vache ingororano pour le remercier de services exceptionnels qu’il aurait rendus : travail, abattage d ’un grand fauve, et, précédemment, actes de bravoure à la guerre.

5° Lui remettre une tête de bétail de condoléances indorano (Ru.), y ’ugusuhuza (Ur.), à l’occasion du décès de l’un de ses proches.

6° Porter un repas et de la bière aux membres de la famille du client qui vient de décéder, prendre le deuil : gusiba (Ru.) — kugandara (Ur.) avec eux selon le rituel coutumier ; donner des habits neufs à la veuve et aux orphelins, selon ses moyens. Il paiera éventuellement les dettes de son client défunt et exécutera les engagements qu’il avait conclus.

Le contrat de clientèle

devant le droit coutumier successoral.

La dévolution des clients et des patrons suit celle du bétail qui les concerne ; les règles présidant à cette matière sont exposée

Résolution du contrat. 184. Aux torts d’une partie ou des deux. Ce cas se présentera lorsque le patron abuse des prestations qu’il peut exiger, ou que le client néglige de remplir ses devoirs soit en tout, soit en partie. Le tribunal tentera d’abord d’opérer une réconciliation des parties.

Nous n’envisagerons pas ici les sanctions pénales qui pourraient être infligées à l’un ou l’autre des contractants, mais uniquement la répercussion de la résolution du contrat sur le partage du bétail.

Ce partage portera sur tout le bétail détenu par le client, exception faite de celui grevé de droits de tiers, il faut se référer en cette matière aux commentaires émis lors de l’examen de l’umurundo.

Dans les cas les plus graves, le tribunal pourrait ordonner la restitution au patron, de tout le bétail détenu par le client. Mais la tendance, depuis plusieurs années, est d’abandonner semblable sentence excessive qui aujourd’hui n’est plus guère admissible en droit eu égard aux soins, de garde notamment, que le client a dû consacrer au bétail concédé.

Si les torts sont partagés mais pèsent en défaveur du patron, celui-ci recevra un tiers du bétail et de son croît tandis que le reste demeurera au titre de pleine propriété au client.

Si c’est le client qui est principalement en tort le patron recevra les deux tiers du bétail et le client un tiers seulement.

Il est certain que si les torts étaient réciproques, le tribunal pourrait prononcer le partage du bétail à parts égales.

A l’amiable.

Cette modalité de résolution, à l’ordre du jour, constitue la résultante de la politique tracée en matière d’abolition du servage pastoral.

Usant de ses pouvoirs législatifs, le Mwami du Ruanda vient de prendre sur la matière un arrêté n° 1 du 1er avril 1954.

Le partage ne peut s’effectuer que de l’accord des deux parties contractantes ; toutefois, à titre d’essai, et pour le seul territoire de Nyanza, il a été admis que le partage pourrait être entamé à la demande d’une seule des parties.

Le partage doit être opéré dans les proportions suivantes : un tiers du bétail attribué au patron, les deux autres tiers demeurant au client. S’il avait été procédé antérieurement à l’umurundo, les proportions seraient respectivement d’un quart pour le patron et de trois quarts pour le client.

Lorsqu’aucune distinction n’a été établie auparavant entre le bétail de propriété personnelle détenu par le client : imbata, impahano ou ingabo, et les bêtes qu’il a reçues en ubuhake, le partage portera sur l’ensemble de son cheptel. Dans le cas contraire, le bétail imbata, impahano et ingabo échappera au partage.

S’il est judiciairement prouvé qu’un client a dissimulé du bétail en vue de le faire échapper au partage, la part du patron sera calculée sur l’effectif réel de tout son cheptel. Si le client a vendu du bétail avant le partage, sans autorisation du patron, il lui remettra la partie du prix correspondant aux taux fixés ci-dessus pour le partage.

Les partages doivent être enregistrés devant l’office notarial de la circonscription.

En Urundi, les tribunaux ne manqueront pas de tenir compte du fait que le client a remis à son patron Y’inyokorano pour chacune des vaches qu’il a reçues ; dans ce cas ils pourraient aller jusqu’à prononcer la résolution du contrat d’ubugabire sans restitution compensatoire supplémentaire de bétail.

  1. Répression des manquements aux devoirs.

Bien que le contrat de servage pastoral fut un contrat privé, la société indigène y accordait une telle importance, eu égard à sa répercussion sur la stabilité des institutions politiques et familiales, qu’elle considérait que toute infraction aux devoirs qu’il édictait devait être réprimée de sanctions pénales. L’examen de ces infractions avait lieu soit entre les parties intéressées soit devant les notables indigènes, les chefs ou le mwami. Actuellement cet examen relève de la compétence des tribunaux indigènes et ceux-ci prononcent des sanctions pénales — en servitude pénale, amende, contrainte par corps — et civiles : dommages-intérêts, restitutions.

Dans l’ancien droit coutumier, les sanctions comprenaient :

1° Icyiru (Ru.) — Ingorore (Ur.) : l’amende compensatoire ;

2° Indihano: la restitution ;

3° Imperekeza : les dommages-intérêts ;

4° Ugushingana (Ru.) — Kunyaga (Ur.) : la saisie conservatoire du bétail litigieux par voie de justice ;

5° Ukwunura — Inka y ’inyunyu: bétail saisi. La saisie partielle précède et sert d’avertissement avant la spoliation. Si le client faisait preuve d’amendement et présentait des excuses (kwitara), le patron lui restituait le bétail saisi, en tout ou en partie, celle demeurant en la possession du maître prenant le nom d’icyiru ; cette restitution s’intitule gukomorera ;

6° Kunyaga — Inka ÿinyagano : vache confisquée. Confiscation ou spoliation de tout le bétail, même personnel, du client en cas de méconnaissance totale de ses devoirs.

Notons que le patron pouvait revenir sur sa décision et qu’en signe de pardon, i] accordait au client repentant une première vache de reconduction contractuelle : inka y ’umuliro : la vache du feu.

B. Contrat de concession de bétail: Ubugwate (Ru.) — Ukugwatiriza (U r.).

Définition.

Contrat par lequel un pasteur confie à titre temporaire, une vache apte à reproduire, à une personne, contre cession d ’un taurillon ou d ’autres valeurs versées à titre définitif ainsi que contre remise de tous les produits du croît à l’exception de la première génisse à naître qui appartient en pleine propriété au donataire lequel restitue alors la vache au donateur, mettant ainsi fin au contrat.

Vocabulaire.

Kugwatiriza : remettre contre garantie.

Inganzwa: taurillon, etc. remis contre concession de la vache.

Ingwate: vache engagée.

Umukangara (Ru.) — Inyana (Ur.) : génisse définitivement acquise par le donataire.

Kwishura : action de restituer la vache engagée au donateur.

Je donne à X un taurillon ; X me remet, en prêt, une vache. Le taurillon peut être remplacé actuellement par une somme d’argent ; soit par du petit bétail ou des vivres, en temps de disette ou de famine. Chaque fois que la vache vêlera chez moi un taurillon, je porterai celui-ci à X auquel il appartiendra en toute propriété. Si la vache vêle une première génisse, chez moi, celleci me demeurera acquise ; une fois sevrée, je restituerai alors à X sa tête de bétail et le contrat sera terminé.

La restitution de la vache à X s’opère lorsque le bétail est rassemblé à l’heure du midi à l’abreuvoir au moment du gushoka, en présence de témoins. Pour marquer que Y’umnkangara (nom de la génisse dont je deviens propriétaire) reste chez moi, X me donne une branche de mulehe, de muvumu, d’umukobge ou d’umutobotobo : lors d’une palabre éventuelle, la présentation de cette branche sera une preuve de l’achèvement régulier du contrat.

Si la première génisse venait à disparaître alors que la vache est encore chez moi, lorsqu’elle vêlera une seconde génisse, celle-ci me restera et je restituerai à X sa tête de bétail de façon à terminer le contrat.

La génisse dont je dispose m’appartient alors en toute propriété (c’est donc un bien impahano, puis imbata).

Au cas où je transgresse la coutume en mettant l’un des taurillons nés de la vache à X au cours du contrat, en ingwate chez Y ; de droit, la génisse qui naîtra de la vache que Y m’a prêtée, reviendra à X.

Bien souvent d’ailleurs, le contrat ne s’étend que sur 2 vêlages, après quoi la vache retourne à X.

Si la vache meurt au cours du contrat, je dispose de sa viande à mon profit, j’annonce sa mort à X ; si un veau (femelle ou mâle) est né auparavant, il revient d’office à X, ce dernier prend un bâton à l’aide duquel il frappe symboliquement l’une des cornes de la vache morte, cette cérémonie s ’appelle : gukoma kw’ihembe, elle se pratique en présence de témoins ; X signifie par ce geste que la mort de la vache marque l’achèvement régulier du contrat et qu’éventuellement un veau dont elle était mère, lui a été remis. Toutefois si X est pauvre, il pourra reprendre la viande de la bête morte et me laisser le veau, si celui-ci est une génisse.

Du lait dans cette coutume.

Lorsque la vache a vêlé, X m’apporte de la bière pour me demander du lait, si je suis d’accord, le lait reviendra alternativement à X durant trois jours, et à moi durant trois jours également ; ou bien s’il échait, ce lait ira 4 jours chez X et 5 jours chez moi. Si X désire obtenir tout le lait de la vache ingwate, il me remettra une bête qui en donne moins, appelée pour la circonstance ingenzura et qui sera reprise par X lorsque la génisse umukangara me restera acquise.

En Urundi, l’ingwate désigne parfois le bétail mis en garantie chez autrui, en couverture d’un emprunt ou d’une dette de quelque nature qu’elle soit. Les produits du bétail ingwate appartiennent alors au dépositaire ; mais le bétail ainsi que son croît devront être restitué, entièrement lors du remboursement de la dette

C. Contrat de cession de bétail Ugushega.

Définition.

Contrat par lequel le donateur après avoir effectué un pacte de sang avec le donataire, remet à celui-ci, à titre définitif, contre payement en nature ou en espèces, et à charge de quelques prestations en travail, une vache apte à reproduire. Tous les produits du croît appartiennent au donataire, à l’exception de la génisse (ou d’une valeur de remplacement) issue du troisième vêlage, qui revient d’office au donateur, mettant fin au contrat.

Vocabulaire.

Ugushega : fait de passer ce contrat (de gushega : solliciter).

Ishega: vache cédée par le donateur.

Bulonde (Kivu) (de Kurondoka: accroître) ou inyiturano (R.-U.) (de kwitura: remercier) : génisse du troisième vêlage remise par le donataire au donateur en apurement du contrat.

Ce contrat, originaire du Bushi (Kivu), qui n’existe au Ruanda-Urundi que dans la vallée et la plaine de la Ruzizi, est pratiqué entre Bahutu des deux régions. Il s’accompagne d’un pacte de sang qui en forme d’ailleurs la principale caractéristique ; dans l’esprit du contrat, ce pacte en garantit l’inviolabilité des clauses. La pratique, toutefois, nous a démontré que 50 % des palabres de gros bétail aux frontières, concernaient ce contrat.

Le contrat est amorcé par de nombreuses libations et visites.

1) Pacte de sang (Kunywana).

2) Cession du bétail.

Le Mushi remet, à titre définitif, une génisse ou une vache ishega au Munyarwanda, celui-ci lui donne 5 chèvres et 1 taurillon, ou 2 taurillons, voire un seul, et, actuellement, ce qui est le plus fréquent, de l’a rgent.

Cette génisse ou vache donnée par le Mushin, contrairement à ce qui se passe dans le contrat ingwate est destinée à demeurer définitivement entre les mains du Munyarwanda ; la génisse du troisième vêlage revenant au Mushi.

Très souvent mais non obligatoirement, le donataire vient se fixer auprès du donateur. Il aide ce dernier dans les travaux, envoie ses enfants cultiver pour lui et garder son bétail, et lui remet des cadeaux, notamment en bière.

3) Du lait dans cette coutume. Le lait demeure au Munyarwanda.

4) De la destination du croît.

Le Munyarwanda doit avertir le Mushi de la naissance des veaux; il lui apporte de la bière à cette occasion. Afin de garder de bonnes relations avec le Mushi, il ira jusqu’à lui donner, à cette occasion, un mouton ou une chèvre, en cadeau.

Il arrive également que le Munyarwanda ne remette pas immédiatement au Mushi la génisse du croît : il la place en ingwate chez un Munyarwanda et attend d’avoir une génisse issue de ce système pour opérer la restitution coutumière au Mushi.

 

De la mort de la vache au cours du contrat.

  1. i) Il est d’obligation pour le Munyarwanda de notifier d’urgence cette mort au Mushi, sous peine de procès. Le Mushi a droit à l’entièreté, sinon en partie, de la viande et à la peau de la vache crevée, ainsi qu’à une cruche de bière.
  2. ii) La vache crève sans avoir vêlé : le Mushi n’a droit qu’à ce qui est décrit ci-dessus.

iii) La vache crève après avoir vêlé 1 ou 2 génisses : outre ce qui est décrit ci-dessus, le Mushi a droit à une génisse.

  1. iv) La vache crève après avoir vêlé 1 ou 2 taurillons : si le Mushi refuse le produit de la vente de la viande, ou cette viande, le Munyarwanda lui sera redevable d’une génisse. Toutefois, le Mushi sans prétendre à une génisse, peut avoir droit à un taurillon. Parfois, il remet une nouvelle vache au Munyarwanda et celui-ci, de son côté, met un taurillon en ingwate, il aura de cette façon à remettre plus tard 2 génisses au total, au Mushi. v) La vache crève après avoir vêlé 1 génisse et 1 taurillon : outre ce qui a été dit au point i), le Mushi a droit à la génisse.
  2. Dénominations juridiques diverses du gros bétail.

Acquisition du gros bétail par le contrat de mariage.

INKWANO (R u. et Ur.) : Vache donnée en qualité de titre matrimonial pour acquérir femme. Elle devient la propriété de la famille qui la reçoit. Le mwami du Ruanda a interdit aux shebuja de s’en emparer en cas de procès si elle provient d’un de leurs clients, ils ne peuvent jeter leur dévolu que sur la bête indongoranyo détenue par le mari.

INDONGORANYO (Ru) — INDONGORANYWA (Ur.) de kurongoranya: aider à entrer en ménage. Vache remise par la famille de la mariée au jeune ménage en qualité de dot. Lorsque le mariage est rompu et qu’inkwano et indongoranyo ont été versés, il n’y a jamais lieu à procès en restitution car chacune des parties demeure en possession de son acquisition.

IREMBO (Ru. et Ur.) d’irembo : entrée de l’enceinte chez les Batutsi ; d’où le sens : vache d’entrée en ménage, du fait que la nouvelle mariée la reçoit de ses parents alors qu’elle pénètre pour la première fois dans le kraal conjugal. En réalité, cette vache est l’une des deux qui constituèrent le titre matrimonial inkwano (‘j.

IBIBERO (Ru), d’ibibero: les genoux. Vache donnée par le beau-père à sa bru lors du mariage, du fait que l’on dépose symboliquement le hamac contenant la mariée sur ses genoux tandis qu’elle pénètre pour la première fois dans le kraal conjugal.

URUGORI, icyari (R u .) — URUTEZO (U r.) d’urugori: couronne de fécondité portée par les femmes. I c y a r i, d’umwari: la jeune mariée. Vache donnée par les parents ou par les beaux-parents au mari, chez les Batutsi, lors de la naissance du premier garçon, afin de pourvoir à sa subsistance. Si la vache n’est que prêtée pour son lait, elle prend le nom inyibarutso (du verbe kwibaruka: accoucher).

UMUGONGO (Ur.) d ’Umugongo : le dos. Cadeau remis par le père du mari à la m ère de sa belle-fille du fait qu’elle a porté celle-ci su r le dos durant l’enfance, s. e. qu’elle l’a élevée. Impororo (Ur.) du verbe guhorora: donner pour réjouir. Vache donnée par le beau-père ou par le mari à la jeune mariée lors de son entrée en ménage pour l’habituer, la contenter.

IBINTU (R u.) ibintu : les objets. Les beaux parents n’ayant pas fourni tous les éléments nécessaires à l’installation du jeune ménage, les compensent par la remise d’un taurillon.

IGIHEMBO (Ru et Ur.) de guhemba: rémunérer, payer, récompenser. Vache de « rachat » d’un enfant illégitime : une génisse pour une fille, un taurillon pour un garçon. Ne constitue jamais un titre matrimonial de nature à légitimer l’union entre deux conjoints. Vache remise par le mari à sa femme lors de l’accouchement.

Acquisition de gros bétail à titre onéreux.

IMPAHANO (Ru.) de guhaha: travailler pour trouver des biens, échanger. V ache appartenant en to u te propriété à un indigène et provenant soit d’un achat, d’une génisse résultat du contrat ingwate pour autant que le taurillon de base fut lui-même impahano, d u contrat ugushega, d’une remise à l’occasion du contrat de mariage, soit de tout autre don pour autant qu’il ne fut pas grevé de droits au profit de tiers.

IMBATA (Ru) de kubata: coller à. Les vaches impahano prennent le titre d’imbata lorsqu’elles passent aux héritiers. Ni les shebuja ni les chefs ne possèdent, en principe, de juridiction sur ce bétail. En cas de succession en déshérence, il revenait au mwami.

UKUGURA (Ru. et Ur.) de kugura: acheter. La vente doit toujours être opérée devant témoins en vue de parer aux contestations ultérieures.

INTUNDANO (Ru. et Ur.) de gutunda: vendre. Vache destinée à la vente et détenue notamment par des trafiquants ambulants.

INGURANO ou INKUNGURANO (Ru.) — ukuguza, ukugereka (Ur.) de kugura : acheter. Vache acquise par voie d’échange soit contre une autre tête de gros bétail de qualité inférieure à laquelle on ajoute des biens, soit contre du petit bétail, ou des vivres. Juridiquement parlant, ingurano était le prix de rachat, de libération d’un prévenu en état de détention, prix payé par sa famille ou par ses alliés.

Acquisition de gros bétail.

à titre de salaire.

IGIHEMBO (Ru. et Ur.) de guhemba: rémunérer. Vache remise en paiement pour rémunérer un travail de deux années consécutives.

IMPIGU (Ru.) de guhiga: promettre en faisant un vœu, une prière. — IVYERU (Ur.) de kwera : rendre propice — INTASURO (Ur.) : premières pluies, s. e. de récompense. Vache remise à un médecin-devin en payement de ses honoraires ou pour le remercier de la guérison obtenue par son art. U m UMUTURUMBUKO (Ru.) d e guturumbuka, partir à l’improviste — INTASURO (Ur.). Vache remise à un consécrateur du culte de Ryangombe-Kiranga pour le payer de ses bons offices lors de l’initiation à cette secte.

Acquisition du gros bétail à titre gratuit.

INDUNDU (Ru.) de kurundura : donner sans condition. Vache remise sans condition, contrairement à celles faisant l’objet des contrats synallagmatiques.

IGISARURO (Ru. et Ur.) de gusasira : étendre pour. Vache remise à une femme en remercîments de ses faveurs. Désigne également la vache qui était donnée entre amis après un échange momentané des femmes (guhan’ingo).

INGORORANO (R u.) de kugororera: récompenser pour

— IMPERA (Ur.) de guhera : récompenser pour. Vache donnée à un client par son shebuja pour le récompenser de services rendus, notamment pour acte de bravoure à la guerre avant l’occupation européenne.

UBUMANZI (Ru.). Vache remise par le mwami à l’un de ses guerriers blessé en rase campagne, à l’occasion d’un acte de bravoure exceptionnel.

UBUNTU ou INEZA (Ru. et Ur.) d’ubuntu: l’amitié. Vache donnée en témoignage d’amitié ; généralement ce don est précédé de l’envoi de cadeaux de la part de celui qui la reçoit.

INYITURANO (Ru. et Ur.) de kwitura : payer une dette de reconnaissance. Vache ou génisse qu’il convient d’offrir à celui qui a donné une vache ubuntu. Le refus de verser y’inyiturano peut entraîner l’ouverture d’un procès.

INYITUZWA (R u. et Ur.) du verbe kwitura: offrir. Vache offerte en reconnaissance à celui de qui on a reçu un cadeau d’amitié.

UMULIRO (Ru.) litt. le feu. Vache de pardon, pour remettre les fautes passées, donnée à celui qui fut pillé complètement par le mwami ou p a r son shebuja. La réception de cette vache permettait de rallumer le foyer pastoral igicaniro du centre d u kraal.

UKUBIKA (Ru.) — IMBITSO (U r.) de kubika: annoncer un décès. Vache de faire-part donnée par un nouveau chef de famille au patron de celle-ci, en lui annonçant la mort de son père ; dans le but de se faire reconnaître en qualité d’héritier et d’être aidé lors du partage de la succession ainsi qu’à toute autre occasion. Lors de l’an ­ nonce du décès au mwami, le présent est composé d’une génisse et d’un taurillon.

INDORANO (Ru. et Ur.) de kurora : voir, regarder, aller visiter un malheureux. Vache de condoléances donnée en signe de reconduction des relations sociales par un mugaragu, un shebuja ou un ami à une personne qui vient de perdre son père, et qui lui remit y’ukubika. Est synonyme de amalira: pleurs.

IMPONGANO ou IMIRINDI (R u. et Ur.) litt. : réparation, expiation, pénitence. Kurinda: prendre garde à. Vache donnée à une personne afin d’éviter qu’elle n ’aille porter plainte contre le donateur au sujet d ’une faute qu’il a commise.

INDEMANO (Ru. et Ur.) de kurema: créer. Troupeau constitué de génisses fournies par y’inyarulembo du patron mwami ou shebuja afin de constituer un troupeau en faveur d’une personne, fils, parent ou client qu’ils désirent doter ou honorer. L’action de rassembler du bétail à cette fin s’intitule kumulika (litt. : s’éclairer, s. e. pour faire le choix). Le bétail reçu dans ces conditions par un fils qui se marie, s’intitule umunani (voir plus loin).

IKIRAGO (R u. et Ur.) litt. la natte : Vache donnée à un frère de sang à l’issue de la cérémonie qui consacra le pacte.

IMIHIGO (Ru. et Ur.) de guhiga: effectuer u n pari guerrier, ou INTEGANO (R u. et Ur.) de gutega: piéger. Vache remise à un mercenaire qui « débarrassa » le donateur d’un ennemi gênant ou dangereux. Concerne également la vache engagée lors d’un pari.

IZIMANO (Ru.) — INZIMANO (Ur.) de kuzimana: donner des vivres à un hôte. Bovin de boucherie remis à un chef ou à un patron de passage, pour sa nourriture et celle de sa suite.

INTAHIRA (R u.) de gutahira, s’en aller. Vache dont le propriétaire a la jouissance complète et dont il ne subit aucune servitude de la part du chef du fait de sa possession. Intahira est synonyme d’inyarulembo.

Acquisition de gros bétail par la voie familiale.

AMENYO (R u. et Ur.) litt. les dents. Vache donnée par un père à son enfant lors de l’apparition des premières dents.

IGISAGE (R u . et Ur.) litt. les longs cheveux d’enfants. Vache donnée par un père à son enfant lors de la coupe des longs cheveux vers l’âge de 10 à 12 ans.

UMUNANI (R u . e t U r .).

1° Vaches données par un père à son fils pour l’aider à entrer en ménage, et qui seront considérées comme faisant partie intégrante de son héritage ; dans ce cas, elles s’appellent également indemano de kurema : créer.

2° Vaches obtenues par les héritiers lors du partage d’une succession.

3° Vaches de dommages-intérêts en justice.

INGALIGALI (Ru. et Ur.). Vaches à l’umunani provenant des biens personnels du père et indépendantes de la juridiction familiale. Par extension, elles comprennent des vaches imbata, etc., obtenues par des efforts personnels. Les femmes n’ont pas juridiction sur ce bétail.

Acquisition de gros bétail par la voie judiciaire.

INCACYUHO (Ru. et Ur.) de guca: couper, passer. Vache qui était versée à titre de dommages-intérêts par un voleur de gros bétail pour réparer les dégâts qu’il avait commis par effraction à l’enceinte du kraal lors du vol.

ICYIRU (Ru.) litt. amende. — INGORORE (Ur.) de kugorora: rendre droit. Vache d’amende compensatoire, ou de dommages-intérêts.

INDIHANO (Ru. et Ur.) de kuriha : restituer, rembourser. Vache de restitution dans un procès-civil.

INGURANO (Ru. et Ur.) de kugura: payer. Vache de dommages-intérêts qu’un voleur en état d’arrestation lors d ’une infraction flagrante ou réputée flagrante, devait restituer à sa victime. Voir aussi sous n° 191.

INSHINGANO (Ru.) de gushinga: se porter garant. — INYUGARIZWA (Ur.) du verbe : kwugarura : renfermer pour. Vache faisant l’objet d’une tentative de détournement frauduleux de la part du client et mise sous saisie conservatoire ugushingana par la juridiction compétente agissant à la requête du patron.

IMIRINDI (R u . et Ur.) de mirindi, bruit des pas d ’un coureur. Vache d’amende qui était imposée à un guerrier qui avait fui à l ’occasion d ’une bataille décisive ou lorsque son chef lui avait ordonné de ne pas reculer.

UKWUNGA (Ru.) de kwunga: renouer. Vache donnée par un ami en réparation d’une faute qu’il avait commise à l’égard de son ami.

UKWIMENJURA (Ur.) kumenja: se souiller. Vache d’amende pour avoir prononcé, devant un tribunal, un faux serment sur le mwami.

URUGUMA (Ur.) du verbe gukomereka : être blessé. Vache d’amende pour blessures causées.

IMANZA (Ur.) — UKWUNGA (Ru.). Vache d’amende infligée à celui qui avait intenté une action téméraire et vexatoire.

UKWATIRA (Ur.) du verbe kwatira: investir. Vache remise à un chef murundi pour devenir assesseur umushingantahe.

Acquisition de gros bétail par la voie de redevances.

INYAGISANZE (Ru. et Ur.) litt. vache qui paît dans des pâturages toujours verts. Vache de redevance remise par le propriétaire d’un troupeau au détenteur d’un pâturage.

INGORORE Y’UMUSHIKIRO (Ur.) (terme dérivé d’ishiku: terre en friche). Redevance due par les éleveurs lors de l’avènement d’un chef, en rapport avec les terres de pacage et de culture qu’ils détenaient.

INGORORE Y’UBWISHIKIRA (Ur.) (d’ishiku — lopin de terre reçu en friche). Redevance due au chef pour l’octroi d’une terre en friche ; son payement mettait le redevable à l’abri des corvées et tributs exigés par le souschef icariho.

INGORORE Y’ABACIKIRE (Ur.) (de gucika: fuir, émigrer). Redevance due éventuellement par les éleveurs ayant immigré dans une chefferie.

INGORORE Y’IBUGA (du plateau s. e. herbeux) y ’u b w a t – si (de l’herbe de pacage) y ’umusozi (de la colline s. e. herbeuse) (Ur.). Redevance due pour la jouissance d’un pâturage à titre exclusif.

INGORORE Y’ITONGO (Ur.) (ferme). Redevance due pour l’octroi d’une terre arable et de résidence.

INGORORE Y’UMUKWIRIKIZO (Ur.) (d e gukurikira: suivre, venir en second lieu). Redevance due par un éleveur, au mwami, ou au chef afin d ’obtenir la faveur de paître son bétail, en second tour, dans les pâturages ivyanya qui étaient réservés à ces autorités .

INGORORE Y’IBISHAKARA (Ur.). Redevance due par un éleveur pour paître son bétail dans les éteules de sorgho ou de maïs des cultivateurs, réservées au mwami ou au chef local.

GUKURA UBWATSI (R u. et Ur.). Litt. enlever l’herbe. Vache de gratitude octroyée par un sous-chef devenu riche en reconnaissance des terres et du bétail qu’il a reçus de son patron. Elle ne se livre qu’une fois dans la vie du donateur.

IMPONOKE (Ru. et Ur.) de guhonoka: guérir. Vaches exigées par les chefs soit lors de leur avènement, soit pour combler les vides créés dans leurs troupeaux par les épizooties.

IBWAMI (Ru.) de mwami : roi. Vache que les clients directs du mwami doivent lui remettre pour doter, installer ses frères et sœurs.

On appelait encore vaches du mwami (synonyme d’inaliénables) celles reçues soit en cadeau, soit comme prix de bravoure à la guerre, soit comme part de butin.

INTURANO (Ru.) de gutura: offrir un présent — INGORORE (Ur.) de kugorora: rendre droit. Vaches que les administrés devaient donner aux chefs en matière d’impôt.

INZITO (Ru.) de kuzitura: délier une bête. Vache offerte annuellement au chef de phratrie umukuru w’ umuryango, par l’un des membres des familles subordonnées à son autorité. Cette prestation s’opère par roulement entre les familles.

INDWANYI (R u .). Bétail de boucherie qui était prélevé parmi les troupeaux des armées du pays pour le ravitaillement en viande du mwami et de son personnel.

INTORE (R u.) de gutora : choisir ; ce sont les élues. Vaches prélevées par le shebuja dans les troupeaux dépendant de lui, à l’occasion d’une revue umurundo.

Vache demandée anciennement soit par le mwami soit par le chef selon le cas, au père du page-milicien intore au moment de son recrutement.

IMINYAGO (Ru. et Ur.) de kunyaga: spolier, piller. Vaches provenant jadis de razzias guerrières et que le chef ou le mwami prélevaient sur le butin conquis par les ingabo, ou provenant d’une destitution complète de bétail opérée par un shebuja sur son client.

IINDABURANO (Ru.) — I n g o r o r e (Ur.) de kurabukira: payer un cadeau d’avènement. Vache donnée à un sous-chef, à un chef, voire au mwami, lors de leur prise de commandement. L ’Administration en a interdit l’exigence au Ruanda dès 1924. Elle devenait la propriété personnelle de l’autorité qui la percevait. Concerne également, la vache remise par les clients au nouveau chef de famille qui, par héritage, devient leur shebuja.

IMANA (Ru. et Ur.) d ’Imana : Dieu. Taurillon qui était prélevé par des experts en la matière (abatora) et destiné au mwami en vue de la divination par aruspicine.

IBINIHA (R u .) — I n g u m b a (Ur.). Vaches stériles qui étaient prélevées dans le même but.

Acquisition de gros bétail par la violence et par la ruse.

INYIBANO (Ru. et Ur.) de kwiba : voler. Vache obtenue par soustraction frauduleuse.

AMAHUGU (Ru. et Ur.) de guhuguza : enlever de force, tromper. Vache obtenue par ruse. On l’intitule encore IMPUGUZANYO.

UMUHETO (R u . e t U r.) lit t . l ’arc. Vache obtenue précédemment en temps de guere par les armées. Umuheto dans ce cas est synonyme d’imbata et d’ingabo.

 

ISASU (Ru. et Ur.) litt. de la cartouche. Vaches données par les Européens, au début de l’occupation, à certains indigènes pour les récompenser de services rendus.

Acquisition de gros bétail par prêt gardienne et dépôt.

En matière mobilière, les indigènes ne connaissaient pas la location telle que nous la concevons, il s’agissait toujours d’un prêt momentané contre rémunération.

UMUGOGORO (R u  e t U r.) de kuruha : fatiguer, ennuyer. Vache qui faisait partie de troupeaux constitués par réquisition pour la distribution payante du lait ; elles occasionnaient des ennuis à leurs tenanciers privés de leurs produits.

INDAGIZO (R u. et Ur.) de kuragiza: faire paître. Vache mise en garde chez autrui. Lorsqu’elle vêlera, le dépositaire aura droit au lait durant quinze jours ; il devra donner une houe et de la bière au déposant et lui réserver le lait durant les quinze autres jours, chaque mois. Ce terme s’applique également à des troupeaux entiers mis en dépôt ; dans ce cas, le propriétaire donne un cadeau au sous-chef chez lequel se trouve le troupeau. Selon l’importance du cheptel, cette redevance (uburagize) consistera en un taurillon, en une génisse ou les deux.

INTIZO (R u.) — UGUTIZA (U r.) de gutiza: prêter. C’est un simple prêt opéré par un riche propriétaire à un ami pauvre afin de lui venir en aide, pour qu’il ait le lait dont ses enfants ont besoin. L’ugutiza n’entraîne pour le dépositaire que l’obligation de restitution ; à titre de reconnaissance il offrira de la bière à son bienfaiteur et travaillera parfois pour lui. Vache remise gratuitement en prêt à un ami, un shebuja, un chef dont le troupeau vient d’être décimé par une épizootie, voire par une razzia ; afin de lui procurer le lait nécessaire à son ravitaillement. Cette bête retournera ensuite chez son propriétaire dès qu’elle aura terminé sa lactation.

L’ugutiza concerne également le taureau qui est prêté afin de faire saillie.

INJISHYWA (R u .) — INGISHYWA (Ur.) de kugisha : faire paître au loin. Vaches laitières qu’un Mututsi en voyage emploie pour son ravitaillement en lait ; elles sont prélevées dans les troupeaux de ses clients et elles y font retour une fois le voyage terminé.

INKUKE (R u .) de gukuka: sortir de, s’en aller. Vaches fournies par des clients, grands propriétaires de bétail à leur patron et tout spécialement au mwami pour le ravitaillement en lait de leur maison. Elles étaient rendues au prestataire dès qu’elles étaient taries. Cette prestation était demandée en ordre principal aux armées. Ce terme en Urundi se rapportait aux vaches propres des chefs et du mwami.

INTARAMA (R u.) de gutarama: faire la cour, le soir. Coutume selon laquelle les vaches sont mises à la disposition du mwami de passage pour son ravitaillement en lait, elles retournent, le soi-même, chez leur propriétaire.

IMBYUKURUKE (Ru. e t Ur.) de kubyukuruka: défiler devant u n hôte de m arque à son lever. Vache traite une seule fois e t un matin, au profit d’un chef, d’un shebuja de passage, par son client, en signe de reconnaissance.

Copropriété.

IMFATANE (R u ) de gufatana : se prendre l ’u n l ’a u tr e — ISANGI (Ur.) d e gusangira: posséder en commun. Vaches possédées en copropriété par deux ou plusieurs personnes à la fois. Elles proviennent d’un héritage ou d’un achat. 200. Dénominations diverses.

INYARUREMBO (R u  et Ur.) d’irembo: le kraal chez les Batutsi. Bétail conservé à proximité immédiate de son habitation, par un riche Mututsi, pour ses besoins personnels. Impishanyo (R u  et Ur.) du verbe guhisha : cacher. Bétail frauduleusement celé lors d’une revue ou d’une résiliation de contrat, afin d’éviter sa restitution au shebuja légitime.

IBIGARAMA (Ru) du verbe kugarama: être médiocre, intermédiaire — ou Is a n g a (R u ) du verbe gusanga: trouver. D’après la tradition ce serait le mwami mythique Gihanga qui aurait trouvé les vaches portant ce nom et les aurait emmenées au Ruanda. Vaches des troupeaux du mwami et des Batutsi de haute extraction ; elles sont grandes et possèdent des cornes en forme d’énorme lyre. Elles se situent entre les inyambo et les inkuku.

INYAMBO (R u  et Ur.). Vaches de haute sélection, faisant partie des troupeaux, qualifiés erronément sacrés, du mwami ou de très grands chefs. Sveltes, aux jambes fines et élancées, elles possèdent des cornes fines, très longues, relevées vers le ciel en forme de lyre, leur poil est toujours luisant et leur queue touffue, la robe est uniforme pour toutes les bêtes d’un même troupeau, la démarche de ces bêtes est majestueuse et dandinante. Les troupeaux d’inyambo constituent de véritables monuments historiques : un événement d’importance venait-il illustrer le règne d’un mwami, aussitôt devant la cour, le mwami, pasteur suprême du bétail, opérait parmi les inyambo déjà existantes un choix de bêtes avec lesquelles il créait un troupeau nouveau auquel il donnait un nom approprié et pour la présentation duquel il fixait le cérémonial. On ne pouvait abattre ces vaches, ni les vendre ; on ne peut en consommer la chair. Mortes, elles sont enterrées. Elles ne servaient pas aux sacrifices.

MABARA (R u ). Vaches de couleurs différentes placées sur le même pied que les inyambo.

INGABE (Ur.) d’Umugabe : le roi. Bétail sacré se composant de deux taureaux Muhabura et Semasaka, bêtes à robe noire tâchetée de blanc. Ils jouaient un rôle lors de l’avènement du mwami. Semasaka, comme son nom l’indique, intervenait à l’occasion de la fête rituelle — muganuro — concernant les prémices du sorgho .

ISUGI (Ru. et Ur.). Vache dont tous les veaux sont encore en vie.

INSHIRABWIKO, INGUMA , IMPAGARIKA, INTAMBA, INTANGARE (Ur.). Noms appliqués à des vaches présentant certaines particularités de détail insuffisantes toutefois pour les classer en races spéciales.

INKUNGU (R u et Ur.). Bêtes sans cornes ou à cornes flottantes de la taille des ibigarama.

INKUKU (R u). Bêtes de petite taille et aux cornes peu proéminentes, elles constituent le plus souvent le cheptel de la clientèle et tout spécialement des Bahutu.

Les troupeaux des armées du Ruanda.

L’organisation pastorale du Ruanda était calquée sur celle des armées : toutes les vaches que possédaient les membres d’une armée sociale formaient ensemble les troupeaux de l’armée. Les vaches détenues par les membres d’une armée, par le fait du contrat de servage pastoral, relevaient du chef militaire non point des usufruitiers, mais du chef militaire des suzerains donateurs. Cette organisation est tombée aujourd’hui en désuétude. La vache que le mugaragu possédait en propriété personnelle (inka y’umwami) appartenait à son armée féodale. La vache détenue par l’ubuhake (inka y’ubugaragu) relevait de l’armée du shebuja.

Organisation d’un troupeau d’armée.

Chaque troupeau d’armée avait un chef, umutware w’inka, — et un nom propre, donné par le roi ou un grand chef. Chaque troupeau se composait de soustroupeaux. Chaque sous-troupeau avait son pasteur officiel, umutahira, — et son nom propre, donné par l’umutware w’inka.

Le sous-troupeau (35 à 45 vaches) se composait :

  1. a) D’une «reine» indatwa, — la plus belle vache;
  2. b) Des 5 à 6 très belles vaches : umutwe, la « tête » ;
  3. c) Du reste du troupeau : ibigarama, — les moins élégantes.

Ainsi, par exemple le troupeau Akaganda, «la petite gerbe », était composé de plusieurs petits troupeaux, dont le célèbre Izamuje, « les sveltes ». Le plus long poème pastoral du Ruanda est consacré à ce troupeau ; il fut composé par y’umwisi (poète pastoral) Ndangamira, et comprend 25 chants, totalisant 1.378 vers. La reine des Izamuje, y’Indatwa s’appelait Inka y a Biramba. Elle est louée dans 7 chants (355 vers).

Troupeau d’armée officielle — Vaches affiliées à l’armée.

Une armée comportait des troupeaux officiels ou troupeaux publics, et des vaches affiliées à cette armée.

1° Les troupeaux officiels.

Chaque armée possédait ses troupeaux officiels. Ils se trouvaient sous la juridiction du chef de l’armée, et comprenaient :

  1. a) Les troupeaux appartenant au roi ou à la dynastie. C’est-à-dire les troupeaux, propriété personnelle du roi, provenant de l’indabukirano, ou du butin de guerre, inka z’ umuheto.

De certaines expéditions, le roi se réservait tout le butin, pour pouvoir en apanager ses propres résidences, ses fils et ses frères. Les troupeaux de Ta dynastie sont ceux que le roi a hérités de ses prédécesseurs. Ces troupeaux étaient confiés à certains chefs d’armée, qui les géraient en qualité d ’« intendants du roi ».

  1. b) Les troupeaux personnels du chef d’armée.

Ces troupeaux provenaient aussi de l’indabukirano et du butin des razzias. Ces troupeaux du roi et ceux des chefs d’armée, que ceux-ci gardaient chez eux, inka unyarulembo, constituaient le troupeau de l’armée au sens strict.

La plupart de ces armées possédaient des troupeaux d’inyambo (vaches à très longues cornes), appartenant au roi ou au chef de l’armée. Il y avait cependant des armées qui n’avaient pas de troupeaux d’inyambo.

Les autres troupeaux officiels étaient les mabara, (robes variées), très belles vaches, mais de race com­mune, que l’on groupait ordinairement en troupeaux de même couleur.

2°) Les vaches affiliées à l’armée.

Ce sont les vaches qui n’étaient pas nécessairement groupées en troupeaux. Elles n’étaient pas chez le chef d’armée, mais chaque propriétaire les gardait chez lui. Ce sont :

  1. a) Les vaches, propriété personnelle des guerriers de l’armée, vaches qu’ils ont reçues comme part du butin de guerre, ou en récompense.
  2. b) Les vaches, propriété personnelle des autres membres de l’armée.