Docteur Oscar BAUMANN : né le 25.6.1864 à Vienne, mort en 1899 à Vienne.

 Vie et œuvre de BAUMAM :

 

Docteur en philosophie, Oscar Baumann était aussi géographe qui s’exerça spécialement à l’art de dresser des cartes à l’Institut cartographique de Vienne. Il rêvait d’explorations lointaines en pays inconnus et commença sa vie d’explorateur par un voyage au Monténégro. Il devint ensuite un des plus grands explorateurs de l’Afrique orientale.

Lorsqu’en 1885, le Dr. Lenz fut choisi par la Société de géographie de Vienne pour conduire, par la voie du Congo, une expédition destinée à porter secours à Lupton, Junker, Casati et Emir Pacha personnalités importantes prisonnières du Madhi du Soudan, , Baumann fut heureux de se voir désigné pour accompagner l’explorateur. Il devait spécialement s’occuper du dessin des cartes au cours du voyage. Lenz et Baumann quittèrent Hambourg le 1er Juillet 1885. A la mi-Août, ils arrivèrent à l’embouchure du Congo où ils recrutèrent des porteurs. Baumann et Lenz  prirent le steamer “Stanley” nouvellement construit qui devait relier le Pool aux Falls. Arrivé en cette dernière localité, Baumann fut atteint de fièvre hématurique et ne parvenant pas à se rétablir, il redescendit dans le Bas-Congo. Convalescent il reprit le chemin de l’Europe, s’arrêta à Fernando-Po où il fit des recherches géographiques et botaniques constamment interrompues par des excès de fièvre. Il dut se décider à regagner sa patrie.

En 1888, il fut adjoint à l’éxpédition du Kilimadjaro. Au cours de ce voyage, il fut prisonnier d’un chef arabe et ne fut remis en liberté que moyennant le paiement d’une rançon.

En 1890, il explora, pour le compte de la Société Allemande d’Afrique orientale, la région voisine de Bujumbura, c’est-à-dire toute la partie touchant au nord du lac Tanganyika et au confluent de la Ruzizi. Il évalua à 3.000 m l’altitude du mont Mitumba. Il fit l’étude de l’avant-projet du chemin de fer Tanganyika-Karagwe.

En 1891-1893, il dirigea, pour le compte de la Société Allemande d’Afrique Orientale et du Comité antiesclavagiste allemand, une exploration au pays des Massaï et fit d’importantes découvertes dans la région du lac Victoria entre le 11 et le 15 Septembre 1892 et découvrit les sources de la Kagera (le 19 Septembre 1892), affluent principal du lac Victoria, qu’il soupçonna être la source réelle du Nil. Il rapprochait cette hypothèse de l’importance accordée à cet endroit par les indigènes Barundi qui y pratiquaient un culte de vénération tout particulier.

L’exploration de la région du Nil supérieur est, avec le levé du cours du Congo, l’œuvre capitale de Baumann, celle qui l’a mis le plus en évidence parmi les savants. Ce voyage, en effet, apportait la lumière sur les renseignements vagues de ses prédécesseurs quant aux sources du Nil et démontrait que le grand réservoir de ce fleuve, le lac Victoria,  est entouré à l’est et à l’ouest de hauts plateaux superposés, dominés en plusieurs points par des cimes neigeuses atteignant 5.000 et même 6.000 m d’altitude. En 1896, le gouvernement autrichien nomma Oscar Baumann consul à Zanzibar. C’est là qu’il contracta la maladie dui attrista ses dernières années et à laquelle il succomba. Il mourut à 35 ans, en 1899.

Il a publié un livre dans lequel il parle de son entrée sur la terre rwandaise et son voyage au sud du Rwanda entre le 11 et le 15 Septembre 1892. Ce livre est : Durch Massailand zut- Nilquelle. Berlin 1894.

 Oscar Baumann, Un explorateur européen au Rwanda

Il n’est plus de doute que le Docteur Oscar Baumann est entré au Rwanda et qu’il a exploré le sud de ce pays du 11 au 15 Septembre 1892. Ceci est confirmé par deux sources indépendantes. Il y a d’abord la tradition orale (un récit) recueillie par l’Abbé Kagame et qui lui a été dictée en 1950-1951 par un conteur du nom de Gahiza habitant Gorora dans le Buganza. Sa famille immigrée du Burundi il y a quelques générations, s’était d’abord fixée à la frontière du sud. C’est là qu’elle a appris le passage du Dr Oscar Baumann. Le texte que Gahiza dicta à Kagame est intitulé : Intambara y’Abazungu badutse : Combat contre les Européens arrivés inopinément . Le conteur concluait son récit par :

« C’était sous le règne de Rwabegili ». Il y a ensuite le livre du Dr Oscar Baumann intitulé : Durch Massailand zur Nilquelle. Berlin 1894, PP. 83-86.

Ces deux sources ont été étudiées par l’Abbé Kagame lors de la conférence qu’il a donnée à l’IPN en 1970. Les deux textes reproduits ci-après montrent l’identité des faits et concluent tous à l’arrivée de Baumann au Rwanda sous le règne de Kigeli IV Rwabugili.

– Traduction du récit dicté par Gahiza à Alexis Kagame en 1950 – 1951 (traduction faite par Alexis Kagame)

« Il y eut un Européen qui arriva du Bukako (région) du Burundi ; il traversa (La kanyaru) par le gué du Muhozi et il arriva dans le Ndara. Il avait trois vaches zébus qui, sans avoir des veaux, donnaient du lait. Il vint passer la nuit à Lyamugabo. II descendit par Mushongi et par Murama, et les gens vinrent le considérer. Cet Européen était avec des soldats et des porteurs de charges ; il était porté par un âne. Lorsque quelqu’un aidait les porteurs, on lui donnait un pagne.

Ils traversèrent la Kabogobogo et atteignirent Gikore ; lorsqu’ils arrivèrent dans la (combe) Janja près Rusagara, alors les guerriers Abasasa et les Abaranga-myambi allèrent attendre l’Européen aux Twicarabami près Nyaruteja, avec les Interana-macumu et les Amaliza. L’Européen avait des soldats qui marchaient à l’avant garde, les porteurs venant après eux ; suivaient encore d’autres soldats, venait ensuite l’Européen sur son âne et derrière lui d’autres soldats qui formaient I’arrière-garde.

Les (guerriers) Interana-macumu, les Abaranga-myambi, les Amaliza et les Abassasa attaquèrent les soldats de l’avant-garde à coups de lance et de flèches. Entre les soldats  et les porteurs (d’une part) et l’Européen (d’autre part), il y avait un intervalle.

Alors les (assaillants) les refoulèrent et les porteurs jetèrent bas leurs charges ; il y eut de la confusion indescriptible dans la fuite.

 

Ceux qui formaient l’arrière-garde se  hâtèrent pour leur porter secours et croisèrent ceux qui fuyaient dans la confusion. Les soldats tirèrent sur les (assaillants) et ceux-ci furent aux abois. Comme les (soldats) les serraient de près, ils recoururent  aux cris par lesquels on appelle les chiens. Comme ils arrivaient un peu plus loin, on leur conseilla de se coucher à terre, disant que qui veut éviter les fusils se couche à terre. Ayant vu qu’ils s’étaient couchés à terre, les soldats tirèrent sur eux, en visant tantôt les fesses, et tantôt la région des côtes. Les survivants coururent à toutes jambes et s’enfuirent. Les Barundi, eux aussi, attendaient l’Européen et se trouvaient au delà, sur le gué du Gisenyi. Ayant vu que les Rwandais avaient été battus ; les Barundi n’osèrent pas attaquer.

L’Européen traversa (La Kanyaru) par ce gué de Gisenyi et s’en alla. Le combat se termina ainsi. C’était sous le règne de Rwabugili.

 – Traduction du récit d’Oscar Baumann (traduction faite par Alexis Kagame) :

« Au matin du 11 Septembre (1892), nous traversâmes l’Akanyaru. Quittant Intaganda, nous passâmes d’abord par une presqu’île montagneuse, aux petits villages, qui s’étend jusqu’au marais de papyrus. Puis nous descendîmes une pente brusque vers l’Akanyaru et nous nous trouvâmes au bord du fleuve sur un sol noir et sec, plein de racines et riches en papyrus de 2 à 3 m. Nous ne réussîmes pas à passer à gué, le premier bras (fleuve) qui avait à peu près 10 m de profondeur. Sur la rive gauche, en territoire rwandais, personne ne se montrait et, avec mon équipe, je commençai à chercher une pirogue le long de la rive.

Alors, de l’autre côté dans les roseaux, plusieurs Wanyarwanda apparurent armés de lances et de machettes. les Warundi leur annonçaient la visite du Mwesi et demandaient de déposer les lances. Ils obéirent tout de suite, après que le chef eut poussé un cri perçant, 50 hommes apparurent et, sans appel, ils commencèrent à travailler avec zèle. On apporta deux grandes pirogues qui avaient été cachées dans les roseaux et, en employant des rames taillées en creux, la caravane se mit en marche. D’autres tressaient de longues cordes de papyrus qu’ils tendaient au dessus du fleuve en y fixant des paquets de papyrus comme des bûcherons.

Ainsi un pont était construit très rapidement, et les porteurs, de même que les vaches et les ânes traversèrent sans être mouillés.

Ainsi se faisait, notre arrivée au Rwanda, cependant quand notre équipe des Warundi essaya d’y entrer également, les indigènes l’en empêchèrent ; et moi-même, content de me séparer de cette compagnie agitée, je les renvoyai en leur rappelant mon autorité d’un Mwezi. Ils restèrent en arrière et longtemps encore nous entendîmes leur “gansa, gansa Mwezi” Encore une fois nous traversâmes un deuxième bras du fleuve par un pont, puis nous quittâmes les papyrus et suivîmes la route d’une colline raide.

Ici aussi se trouvait une foule de gens ; on dansait et criait de joie, et les femmes, dont plusieurs d’une vraie beauté, nous saluaient les bras ouverts et elles entonnaient des chansons mélodieuses en secouant leurs branches de feuillages. Cependant, ce n’était plus ce fanatisme presque fou d’Urundi ; ici je n’étais plus Mwezi , j’étais tout au plus potentat étranger à qui on accordait une attention plus ou moins de politesse. Nous campâmes en haut d’une colline dans un beau village Mundabi, riche en bananiers et en huttes confortables. Là se présentèrent plusieurs chefs, représentants du roi Kigere,  dont les visages montraient le type d’Abyssinie.

Même quant à l’approvisionnement, il y avait des différences entre l’Urundi et le Rwanda : on apportait assez de nourriture, mais en même temps on attendait des cadeaux qu’on leur donnait en retour.

Pour deux jours nous restâmes à Mundabi et j’essayais d’obtenir des informations sur un lac qui serait au Rwanda ; mais la réponse du peuple même était négative. Les indigènes dansaient plus souvent.

Le 14 Septembre, nous traversâmes un large paysage de collines et vallées vertes, dont le Sud-Ouest montrait de hautes montagnes.

Partout on voyait de petits ruisseaux clairs qui arrosaient les champs par des fossés. Après tout, les cultures et les villages du Rwanda étaient en meilleur état qu’en Urundi, ce qui provient certainement de la paix du pays, dont l’Urundi, quoiqu’il s’agisse de la même race, manquait. Il y avait de même beaucoup de vaches ornées de cornes énormes.

Partout on nous offrait un aimable accueil ; les femmes chantaient et les chefs nous présentaient les houes ornées de feuillages, signe de paix. Partout on rencontrait des Watussi qui frappaient par leur constitution fine du corps et leur type européen. Plusieurs étaient clairs ; peut-être que de là provient la légende du nègre blanc. Ils étaient plus distants que les autres et déclaraient sans cesse, avant que nous nous approchions de la frontière, qu’ils nous faudrait demander la permission de Kigere pour quitter le pays. Ce qui me frappait : on ne connaissait pas les fusils ; c’est pourquoi les indigènes avaient l’impression que nous n’étions pas armés.

Le lendemain matin, nous traversâmes plusieurs villages, étant salués toujours avec la même joie, puis nous nous dirigeâmes vers la pente de l’Akanyaru qui fait ici également la frontière d’Urundi. Grâce à ce vaste paysage d’herbes, je pouvais observer la caravane entière, quand soudain je remarquai que I’ avant-garde était attaquée par à peu près trente indigènes armés d’arcs.

C’était des Watussi qui demandaient à Mkamba de ne pas quitter le Rwanda avant d’obtenir la permission de Kigere. Mkamba ne les prenait pas au sérieux : il ne pouvait pas s’imaginer que trente hommes iraient arrêter toute une caravane ; aussi continua-t-il son chemin. Mais les guerriers étaient répartis le long de la route et lâchement nous criblaient de flèches. Bien sûr il a suffi de tirer quelques coups de fusils et ils se sont enfuis, poursuivis par nos Massai qui s’étaient armés de longues lances. Une fois cet incident passé, le village suivant nous saluait comme d’habitude avec des cris de joie et des chansons. Des pentes nous menaient à l’Akanyaru, dans les ravins entourés d’acacias et de feuillages, les eaux bruissaient.

Ansi se montrait ici le courant de l’Akanyaru fleuve rapide et serpenté qui poursuivait ici sa route vers le Nord6est. Pendant que nous passions à gué le fleuve, on voyait de l’autre côté la foule de gens qui se rassemblait : on entendait le « gansa mwami ».

On criait de joie, on dansait, on battait des mains et on sautait comme des fous. Bref nous étions de nouveau en Urundi ».