INTRODUCTION

Au Rwanda, l’année 1894 fut marquée, sur le plan des relations avec le monde extérieur, par la rencontre entre le mwami Kigeli IV Rwabugili et l’envoyé de l’empire allemand, le comte von Gôtzen. L’entrée au Rwanda de ce dernier fut comme une suite logique des conclusions de la conférence de Berlin qui s’est déroulée du 15 Novembre 1884 au 26 Février 1885 et des traités passés, après cette Conférence, entre la Grande Bretagne et l’Allemagne en 1886 et 1890. Tous ces traités étaient relatifs aux occupations coloniales nouvelles de ces pays et à leur zone d’influence en Afrique.

 En ce qui concerne la conférence de Berlin, certains auteurs soutiennent qu’elle a partagé l’Afrique :

« Les Européens décidèrent d’établir un règlement international sur le partage des territoires africains ; ce fut le rôle du Congrès de Berlin ».

 D’autres restent catégoriques et affirment que la Conférence de Berlin n’a pas partagé l’Afrique. Dans les faits, cette conférence s’est contentée de toucher, d’ailleurs d’une manière vague, le problème des occupations nouvelles situées sur les côtes, évitant ainsi l’intérieur du continent africain. On dirait donc que les puissances réunies à Berlin n’ont pas été pressées de partager l’Afrique intérieure ; d’où elles ont renoncé à définir d’une façon concrète les concepts d’occupation, de souveraineté et de protectorat, se contentant plutôt de la formule vague “d’existence d’une autorité suffisante”. C’est ce qui ressort du chapitre IV de l’Acte général de la conférence :

 

 Déclaration relative aux conditions essentielles à remplir pour que des occupations nouvelles sur les côtes du continent africain soient considérées comme effectives.

 Article 34 : La puissance qui, dorénavant, prendra possession d’un territoire sur les côtes du continent africain situé en dehors de ses possessions actuelles, ou qui, n’en ayant pas jusque là, viendrait à en acquérir, et de même la Puissance qui y assumera un protectorat, accompagnera l’Acte respectif d’une notification adressée aux autres Puissances signataires du présent Acte, afin de les mettre à même de faire valoir, s’il y a lieu, leurs réclamations.

Article 35 : Les Puissances signataires du présent Acte reconnaissent l’obligation d’assurer, dans les territoires occupés par elles, sur les côtes du Continent africain, l’existence d’une autorité suffisante pour faire respecter les droits acquis et, le cas échéant, la liberté du commerce et du transit dans les conditions ou elle serait stipulée.

 Il appert de ce qui précède que la préoccupation majeure affichée à la Conférence de Berlin ne fut pas de diviser le gros gâteau qu’est l’Afrique. Elle voulait d’une part :

« régler, dans un esprit de bonne entente mutuelle les conditions les plus favorables au développement du commerce et de la civilisation dans certaines régions de l’Afrique, et assurer à tous les peuples (Blancs) les avantages de la libre navigation sur les deux principaux fleuves africains (Niger et Congo) qui se déversent dans l’océan Atlantique ».

Elle voulait d’autre part,

«Prévenir les malentendus et les contestations que pourraient soulever à l’avenir les prises de possessions nouvelles sur les côtes d’Afrique ».

Comme on dit : ce qui n’est pas empêché est admis. Des imprécisions faites sur les territoires coloniaux africains par la Conférence de Berlin qui s’était tenue pourtant suite à l’occupation de l’immense territoire d’Afrique centrale (le Zaïre actuel) par Stanley au service du roi Léopold Il de Belgique, auraient permis aux Puissances colonisatrices de poursuivre leurs plans d’expansion impérialiste et de réaliser leur course au clocher. C’est ce que souligne très bien Ibrahima Baba Kaké en ces termes :

« Après le Congrès de Berlin, loin de s’apaiser, la lutte pour le “partage du gâteau africain” prit un nouvel essor. Les plans qu’avaient jadis établis les puissances pour assurer leur domination sur le continent noir se modifièrent quelque peu, devenant plus concrets : la Grande Bretagne désirait fonder un territoire s’étendant du Cap au Caire ; la bourgeoisie française rivait de créer une “Afrique française” en réunissant les possessions du Soudan occidental à Obok (sur la mer Rouge) ; ainsi que l’Algérie au Bas-Congo ; l’Allemagne visait la liaison avec l’Afrique orientale ; l’Italie, plus faible, cherchait à consolider son influence en Ethiopie et en Afrique du Nord-Est, sur la côte des Somalis ; le Portugal, enfin, n’avait, toujours pas renoncé à unir l’Angola et le Mozambique par l’occupation de la Rhodésie et des abords du lac Nyassa. L’incompatibilité flagrante de ces projets déchaîna les rivalités entre les puissances ».

Pour éviter ces rivalités qui pouvaient dégénérer en batailles, certaines puissances colonisatrices conclurent des arrangements particuliers dépassant souvent l’esprit de la Conférence de Berlin en matière d’occupations territoriales nouvelles. C’est ainsi que pour délimiter leurs zones en Afrique orientale intérieure la Grande Bretagne et l’Allemagne durent faire deux traités : un en 1886 et un autre en 1890. Le premier traité concernait la notion de sphère d’influence en Afrique orientale entre les deux pays, tandis que le deuxième traçait la frontière effective entre les deux sphères d’influence. C’est surtout ce dernier qui intéresse le Rwanda quant à ce qui concerne sa frontière avec l’Uganda. Alors que la Conférence de Berlin s’était abstenue de définir avec exactitude le concept d’occupation cherchant par là à empêcher indirectement les partages qui risquaient de s’opérer en se référant uniquement à des cartes sans aucune connaissance préalable du terrain, les deux traités germano-britanniques délimitèrent les zones d’influence et donc les zones d’occupations coloniales nouvelles des deux puissances signataires en consultant la carte de l’Afrique et en recourant à des notions abstraites :

« latitude et longitude, ligne de partage des eaux, cours présumé d’un fleuve  dont on ne connaissait que l’embouchure, populations, quand les ethnies étaient suffisamment stables, groupées, et organisées en Etats, , pour pouvoir former des ensembles conformes aux exigences de la technique et de l’économie modernes».

Ces bases inconcrètes de délimitation introduisirent des confusions et véhiculèrent des faits inexistants qui ne furent levés que longtemps après la signature des traités, grâce à des visites effectuées sur le terrain. D’où, des missions dites d’exploration furent envoyées en Afrique orientale ; d’où des explorateurs vinrent au Rwanda.

 

1 – EXPLORATEURS AU RWANDA

Parlant du premier explorateur européen à être entré au Rwanda, Alexis Kagame dit :

« Ceux qui ont traité de l’événement ont jusqu’ici cru que le Comte (Von Götzen) avait été le premier Européen à fouler le sol du Rwanda. La vérité est qu’il fut simplement le premier reçu à la Cour. Il avait eu un devancier dans la personne du Dr Oscar Baumann ; celui-ci avait séjourné du 11 au 15 Septembre 1892 dans le sud du pays ».

Cet auteur reprend en fait ce qu’il avait avancé le 27.2.1970 dans une conférence donnée à l’I.P.N.-Butare et intitulée : “Le premier Européen au Rwanda”. Il avait montré que jusqu’à cette date les auteurs qui ont travaillé sur l’histoire du Rwanda n’avaient pas été plus informés que les bardes rwandais sur l’entrée du premier Européen au Rwanda. Comme ces bardes ont retenu Von Götzen et l’ont considéré comme premier Européen à avoir pénétré au Rwanda, les auteurs ultérieurs se sont inspirés de leur document oral et ont considéré à leur tour le comte Von Götzen comme premier Européen à être arrivé dans ce pays. Ils n’ont pas poussé leurs investigations au delà du document oral pour remarquer qu’avant Von Götzen d’autres Européens avaient mis leurs pieds sur le sol rwandais. Il a fallu attendre 78 ans après le passage du Dr Oscar Baumann pour consigner l’évènement dans les pages d’histoire du Rwanda.

Ceci offre une occasion de souligner que les premiers écrits sur le Rwanda ont repris souvent textuellement la tradition orale sans aller au-delà et une fois que l’oral était consigné par écrit, il est devenu une vérité sur laquelle on ne revenait plus. Autrement dit, l’oral s’est effacé devant l’écrit et de ce fait c’est ce dernier qui a été considéré comme digne de foi. Quel fétichisme de l’écrit !

En étudiant davantage les explorations européennes au Rwanda, j’ai constaté que le Dr Oscar Baumann n’a pas été non plus le premier à être arrivé sur le sol rwandais. Il y a eu, 16 ans auparavant, un devancier du nom de John Rowlands, dit Henry Morton Stanley. Il a été au Rwanda du 8 au 12 Mars 1876.

 

1.1. – Henry Morton STANLEY : né le 10 Mai 1840 à Denbigh, mort le 5 Mai 1904 à Londres.

 1.1.1. – Vie et œuvre de STANLEY

La vie de John Rowlands Henry Morton Stanley est pleine de péripéties malheureuses et heureuses. Sa naissance et son enfance n’ont été d’aucun éclat. Enfant naturel, Stanley lui-même met une sorte de pudeur à ne parler ni de sa mère, simple servante séduite par un paysan des environs de Denbigh, ni de son père, John Rowlands (un gallois) mort peu après sa naissance et dont la famille l’ignora toujours.

Stanley fut accueilli par son grand-père maternel, qu’il perdit très vite. Il fut alors envoyé au Workhouse de Saint-Asaph, où il passa toute sa jeunesse, de sept à seize ans. Dans cette institution destinée à recueillir les vieillards sans ressources et les enfants abandonnés, renommée cependant par sa discipline de fer et les châtiments corporels pour ainsi dire journaliers, le jeune Rowlands y acquit un rudiment d’instruction, une foi tenace et un sentiment de solidarité avec ses compagnons d’infortune.

Il s’échappa toutefois du Workhouse à la suite d’une scène où il a rendu coup pour coup à un maître particulièrement cruel. Il est alors mis sur la rue, sans un emploi si bien qu’il fut obligé de s’embarquer à Liverpool comme mousse à bord du long-courrier américain « Windermere ». Il y fut si maltraité que, arrivé à la Nouvelle-Orléans, il déserta et erra à travers les rues. Il s’adressa un jour, dans un entrepôt, à un inconnu qui, heureusement, était un brave homme, qui le prit en pitié et le fit engager comme commis dans un comptoir de denrées coloniales.

C’est là, pour notre orphelin, le premier sourire de la fortune. Il inspira confiance à ses nouveaux patrons. Il s’attacha à son bienfaiteur, celui qui l’a tiré de la misère et l’a aidé de parfaire son éducation. Le nom de cet homme providentiel est STANLEY. Devenu en quelque sorte son fils adoptif, John Rowlands s’appela désormais Henry Morton Stanley et adopta la nationalité américaine, mais sans consécration officielle. Vers la fin de 1860 son père adoptif fut appelé pour affaires à La Havane. Il devait y mourir peu après, tandis que notre futur héros reprenait son existence errante.

En 1861, il s’enrôla dans l’armée du pays de Dixie, c’est-à-dire le Sud esclavagiste. Le 6 avril 1862, il fut fait prisonnier et ne sera libéré, après maladie, que le 22 Juin 1862. Sorti de la prison, il tenta divers moyens d’existence ; il s’engagea, en Août 1864, dans la marine de guerre nordiste (la guerre de sécession durait toujours), en comptant sur sa bonne étoile qui jusqu’ici l’a toujours tiré d’embarras. Là, il se distingua : son nom fut mis en vedette dans les gazettes. En avril 1865, lorsque la guerre prit fin, il alla chercher des impressions nouvelles dans l’Ouest, où le gouvernement fédéral menait alors la lutte contre les Indiens.

 A vingt-sept ans il aborda sa nouvelle carrière, celle de journaliste, en suivant l’expédition du Général Hancock contre les Comanches et en accompagnant ensuite une commission envoyée chez les Indiens pour négocier la paix. Il raconta les péripéties de ces deux missions dans des lettres adressées au “Missouri Democrat” et en fit plus tard, en 1895, un des sujets de son ouvrage : My early travels and adventures. , D’autres journaux sollicitèrent ses chroniques et les payèrent bien. Il ‘ s’agit de:

– New-York Herald

– New-York Tribune

-New-York Times

-Chicago Republican

-Cincinnati Commercial

Stanley s’acquitta très bien de ses engagements car il passait pour infatigable et ce qu’il disait plaisait aux lecteurs. C’est alors qu’à nouveau la chance intervint dans sa vie : il a attiré l’attention de Gordon Bennett, le tout-puissant propriétaire et manager du “New-York Herald”. Le 19 Janvier 1868, au cours d’une entrevue mémorable, il parvint à décider ce magnat de la presse à l’envoyer, correspondant de guerre, suivre la campagne des Anglais contre le négus d’Abyssinie, Theodoros. Au cours de cette mission, il se tailla une réputation extraordinaire en faisant parvenir à Londres, longtemps avant ses confrères anglais, la nouvelle de la chute de Magdala. Ce qui fit de Stanley, jusque là presque inconnu, le roi des reporters de l’époque.

Le 16 Octobre 1869, alors qu’il se trouvait à Madrid, il reçut un télégramme signé James Gordon Bennett junior, directeur du “New-York Herald” avec les mots suivants :

“Rendez-vous à Paris ; affaire importante”.

Il s’y précipita et arrivé là, il apprit qu’il s’agissait d’aller en Afrique centrale trouver le docteur Livingstone, dont on était sans nouvelles depuis longtemps et dont la disparition mettait en émoi les admirateurs du célèbre explorateur, particulièrement nombreux en Europe et en Amérique.

Stanley qui n’avait pas encore une expérience de l’Afrique tropicale n’hésita pas une seconde. On mit à sa disposition des fonds illimités. Il débarqua à Zanzibar en Janvier 1871. Il pénétra en Afrique et se dirigea vers Udjjii sur le lac Tanganyika où, d’après une information reçue des esclavagistes arabes, se trouvait Livingstone. C’est le 10 Novembre 1871 qu’il fit son entrée en cette localité après un voyage qui avait duré près de 10 mois. Livingstone l’y attendait, ayant été prévenu de son arrivée.

Stanley profita de son séjour à Udjiji pour explorer, en compagnie de Livingstone, la partie nord du lac Tanganyika. Il recueillit des indigènes les premières indications que le monde occidental possède sur l’existence du lac Kivu et sur les provinces voisines du Burundi et du Rwanda. Il pénétra dans l’estuaire de la Ruzizi et se rendit compte qu’il s’agit d’un affluent et non d’un effluent du lac Tanganyika comme l’avait cru Burton au cours de son voyage antérieur de 13 ans à celui de Stanley et de Livingstone. Stanley quitta (à Udjiji) le docteur Livingstone le 27 Décembre 1871 et arriva en Europe le 6 Mai 1872. Le “New-York Herald” fit écho très retentissant à ses hauts faits ; ce qui lui attira une opposition très farouche des Britanniques qui avaient préparé de leur côté, à grands frais, une expédition de secours vers Livingstone, laquelle ne dépassa pas Zanzibar.

Après avoir appris la mort de Livingstone survenue le 4 Mai 1873, Stanley se sentit indiqué pour reprendre la tâche du disparu et pour résoudre le problème qui le préoccupait aux derniers temps de sa vie : le cours du grand fleuve qu’il avait entrevu à Nyangwe : le Congo. Il accumula toute la documentation possible sur ce sujet passionnant et chercha les moyens de réaliser son rêve. Le 14 Juin 1874, il parvint à décider M. Edward Lawson, propriétaire du “Daily Telegraph” et Gordon Bennett du “New-York Herald” à le laisser partir.

En Septembre 1874, Stanley arriva à Zanzibar pour y recruter les éléments de son expédition. Il était accompagné de trois blancs : Fr. Barker et les deux frères Pocock. Il gagna Bagamoyo avec un équipement pesant 8 tonnes et comprenant un bateau démontable, le Lady Alice. Au départ de Bagamoyo, la caravane comptait 356 hommes dont plusieurs des fidèles de Livingstone. Le 27 Février 1875, ils parvinrent sur le lac Victoria après 104 jours de marche. Le “Lady Alice” fut mis à l’eau et quelques hommes s’y embarquèrent avec Stanley. D’autres, sous la conduite de Barker et Pocock longèrent à petites étapes le lac Victoria.

La caravane déboucha chez Mtesa, souverain du royaume du Buganda. Le séjour chez Mtesa permit à Stanley de faire de nombreuses et curieuses observations sur la mentalité et les mœurs de la population autochtone. Il espérait, grâce à l’aide du monarque du Buganda, pousser jusqu’aux lacs Albert et Edouard, qui n’avaient été vus encore par aucun Européen. Il n’y parvint pas.

Après le lac Victoria, l’objectif suivant fut le lac Tanganyika. Stanley y arriva péniblement en empruntant la vallée souvent marécageuse.

C’est au cours de cette étape, qu’il visita le lac lhema situé sur le territoire rwandais. Il fut le premier Européen à mettre son pied au Rwanda.

Après le lac lhema, l’explorateur poursuivit son voyage vers le lac Tanganyika. A la fin du mois de Juillet 1876, il s’engagea sur la route de Nyangwe ; il parvint en cette localité au mois d’Octobre 1876. Là, il rencontra Tippo-Tip, un jeune chef arabe, qui l’aida en lui fournissant des hommes. Cependant, Henry Morton Stanley les licencièrent tous après le 15 Décembre 1876 car ils ne savaient pas résister aux assauts meurtriers des tribus riveraines du fleuve Congo que l’explorateur suivait

Vers l’océan Atlantique. Le 9 Août 1877, soit 999 jours exactement après son départ de Zanzibar, ayant traversé l’Afrique d’est en ouest et descendu jusqu’à son embouchure le cours du fleuve Congo, Stanley arriva  à Borna. Il avalt perdu en cours de route ses trois compagnons anglais et de 356 hommes partis de Zanzibar, il en ramenait 115.

Son odyssée restera comme une des plus grandes leçons d’énergie humaine que puissent recevoir les générations futures. Les mille péripéties de sa route, ont été racontées en un maître-livre, publié en deux volumes, sous le titre : Througt the dark continent, traduit en français, sous l’appellation identique : A travers le continent mystérieux.

Pour ramener à Zanzibar les hommes qu’il y avait engagés, Stanley s’embarqua sur le “Kabinda” pour Saint-Paul de Luanda, puis sur l’ « Industry » pour Zanzibar. De Zanzibar il partit pour l’Europe ; il arriva à Londres en Janvier 1878.

Ce voyage n’était pas le dernier que Stanley effectua en Afrique. En Août 1878, il eut à Paris une entrevue avec les délégués du roi Léopold II de Belgique qui voulait l’engager comme fondé de pouvoir en Afrique du “Comité d’Etudes du Haut-Congo” qui se substituait à I’ “Association Internationale Africaine”.

Après les préparatifs minutieux, Stanley partit pour l’Afrique équatoriale, II arriva à l’embouchure du Congo le 17 Août 1879. Il resta en Afrique jusqu’au 15 Juillet 1882. Il y revint le 30 Décembre 1882 pour y travailler pour le compte du “Comité d’Etudes du Haut-Congo” jusqu’au 10 Juin 1885, date de son embarquement pour un retour en Europe qu’il avait tout lieu de croire définitif.

Mais en 1887, Stanley fut désigné par un Comité anglais pour aller au secours d’un gouverneur d’origine allemande du nom de Edouard Schnitzer, dit Emin Pacha retenu au Soudan par le Madhi. Stanley remplit bien sa mission qui, toutefois, coûta de nombreuses vies humaines et une somme de 625.000 F belges, énorme pour cette époque ! Cependant, Emin Pacha ne voulut pas rentrer en Angleterre ; il préféra entrer au service de Wissmann pour servir l’influence allemande aux lieux mêmes d’où Stanley venait de le retirer.

Rentré en Angleterre, Stanley fut accueilli avec enthousiasme. Il se lia d’amitié avec une famille d’un gros propriétaire foncier du nom de Tennant. Stanley avait été séduit par Miss Dorothy Tennant qu’il épousa le 12 Juillet 1890 dans la cathédrale de Westminster à la grande satisfaction de la reine d’Angleterre et du peuple anglais.

En 1897, Stanley accomplit son dernier grand voyage en Afrique du Sud où il avait été invité à l’inauguration du chemin de fer de Bulawayo qui devait atteindre le Congo quelques années plus tard.

En 1899, il reçut une suprême récompense de sa patrie enfin reconnaissante : la reine Victoria lui conféra la Grand Croix de l’ordre du Bain avec le droit au titre de Sir.

En 1898, il acheta le domaine de Furze Hill, dans le Surrey. Fidèlement attaché à Lady Stanley et à un jeune garçon, Denzil Morton Stanley, enfant qu’il avait adopté, Stanley passa ses derniers jours heureux. Il mourut le 10 Mai 1904, après s’être posé sans conteste comme le plus grand explorateur des temps modernes. Il a écrit plusieurs ouvrages dont les plus célèbres sont :

– A travers le continent mystérieux. Paris, Hachette 2 vol. 1879

– Comment j’ai retrouvé Livingstone. Paris, Hachette, 1884.

– Dans les ténèbres de l’Afrique. Recherche, délivrance et retraite d’Emin Pacha. Paris, Hachette, 1890.

Avec cet exposé sur Stanley, on aura compris qu’il n’est ni facile ni aisé de parler en quelques pages de la vie et de l’œuvre intense de l’homme qui est souvent sorti de l’embarras grâce à une étoile providentielle qui lui a toujours montré le bon chemin.

1.1.2. – Henry Morton Stanley, premier Européen au Rwanda

Il y a lieu de se demander d’abord pourquoi la littérature historique, pourtant abondante sur le Rwanda, ne mentionne pas Henry Morton Stanley parmi les explorateurs européens qui ont touché le Rwanda avant 1900. Serait-ce parce que la terre qu’il a visitée, à savoir l’île Ihema et “la côte du Mouvari ou Rouanda qui commence à l’extrémité sud du lac” lhema est considérée par certains auteurs  comme appartenant à une principauté indépendante, le Mubali, qui ne sera rattachée définitivement au royaume du Rwanda qu’en 1924 ? Ou serait-ce parce que les historiens qui se sont penchés sur l’histoire du Rwanda ont souvent puisé leur information dans la tradition orale, laquelle ne parle pas de Stanley ? Ou enfin, serait-ce parce que le livre de Stanley, A travers le Continent mystérieux, Paris, Hachette, 1879, n’a pas été exploité par les historiens de l’histoire du Rwanda ?

La réponse à la première question est négative parce que chaque fois qu’il s’agit de l’étude de l’histoire du Rwanda, celui-ci est considéré dans ses limites actuelles, d’où le Mubali, situé dans l’actuel Parc National de la Kagera, n’échappe pas à cette approche globale. De plus, nous apprenons que la petite principauté du Mubali, située à l’est du Mutara a été conquise par le monarque du Rwanda Kigeli III Ndabarasa (+1708 -1741 qui s’est emparé à la fois de la reine mère Nyirabiyoro, de

Son fils, le roi Biyoro et du tambour-emblème de leur dynastie. L’acquisition de ce tambour-emblème par le roi du Rwanda signifie “de facto” et “de jure” que la principauté du Mubali devenait possession ou terre rwandaise. A l’heure actuelle il n’existe pas une donnée fiable qui permet de dire qu’après Kigeli III Ndabarasa, le Mubali s’est détaché du Rwanda. C’est seulement dans le cadre des traités coloniaux relatifs aux frontières des pays colonisés qu’on voit la partie orientale du royaume du

Rwanda, dans laquelle se trouve le Mubali, réapparaître dans les documents :

«Dans l’immédiat après-guerre, les Anglais s’entendirent avec les Belges pour démembrer à nouveau le Rwanda, en lui amputant d’un territoire d’environ 5.000 km²: le Gisaka dans sa totalité, le Buganza au Sud et au Nord du lac Muhazi, le Mutara et une partie du Ndorwa.

Les Anglais voulaient cette zone en vue de leur ligne ferrée qu’ils projetaient de construire, allant du Cap au Caire. L’accord du démembrement fut signé le 30 Mai 1919, par le Ministre Orts pour la Belgique et Lord Milner pour l’Angleterre. Par la décision du 21 Août de la même année, le Conseil suprême des Alliés approuva l’accord intervenu».

Après protestation du Rwanda représenté en cette matière par le Père Classe, alors Vicaire Général de Mgr Hirth, l’accord belgo-britannique fut modifié en 1923.

En effet :

« Les gouvernements belge et britannique ne tardèrent pas à ce (sic) préoccuper de cette situation et à se rendre compte qu’une révision du tracé des frontières s’imposait. Aussi conclurent-ils un nouvel accord, en vertu duquel ils demandèrent conjointement à la Société des Nations d’étendre le mandat belge au Kisaka et aux régions avoisinantes situées à l’ouest de la Kagera. Le Conseil de la Société des Nations fit droit à leur demande par sa décision du 31 Août 1923 ».

Cet accord fut ratifié par le gouvernement belge en même temps qu’il approuvait le mandat belge sur le Ruanda-Urundi par la loi du 20 Octobre 1924.

Il est donc clair qu’en 1923 et 1924, il n’a pas été question d’attribuer au Rwanda un nouveau territoire mais de lui retourner la partie dont il avait été amputé en 1919. D’où on n’aurait pas omis Stanley de la liste des explorateurs du Rwanda en alléguant que le lac Ihema et le Mubali n’appartenaient pas au Rwanda en 1876.

Il y a lieu de penser plutôt que Henry Morton Stanley n’a pas été considéré comme premier Européen à être venu au Rwanda parce que d’une part il n’y a pas une source orale officielle qui en parle et on sait déjà l’influence que la tradition orale a exercé sur les écrits faits sur le Rwanda. D’autre part, Stanley n’a pas été cité comme premier Européen à avoir exploré le Rwanda parce que, semble-t-il, son livre : A travers le continent mystérieux, n’a pas été à la portée du grand public. Il n’a donc pas été exploité par ceux qui ont écrit sur l’histoire du Rwanda contemporain.

Maintenant, qu’est-ce qui permet d’affirmer que c’est Stanley (et non Oscar Baumann) qui a été le premier Européen à être parvenu au Rwanda ?

La réponse à cette question se trouve dans le livre de l’explorateur : A travers le continent mystérieux, vol. 1. pp. 440-444. Il est utile de reproduire ici, in extenso, le texte qui atteste le passage de Stanley dans la partie sud-est du Rwanda :

« – Le Karagoué est un noble pays, répondis-je, ses montagnes sont hautes (et ses vallées profondes. Sa grande rivière est belle et ses lacs sont charmants. Le Karagoué est plus riche en bétail que l’Ouganda, à part I’Ouddou et le Koki, et le gibier y abonde.

Mais l’Ouganda est une belle et riche contrée ; ses plantations de bananiers sont des forêts ; il n’est pas un homme qui ait à craindre d’y mourir de faim et Mtéça est bon – et bon aussi est le père Roumanika ajoutai-je en souriant.

– L’entendez-vous, Arabes ? Ne parle-t-il pas bien ? Oui, le Karagoué est beau, reprit-il avec un soupir de satisfaction. Stammli, apportez votre bateau et mettez-le sur le Rouérou (le lac) ; vous pourrez remonter la rivière jusqu’au Kichakka, et redescendre jusqu’au  Moronngo (aux chutes), où l’eau se jette contre un grand rocher, saute par-dessus et va, ensuite, rejoindre le Nianndja de l’Ouganda. Vraiment, ma rivière est une grande rivière ; c’est la mère de la, rivière du Djinndja (les chutes Ripon). Vous verrez tout mon pays ; et quand vous aurez fini d’examiner la rivière, je vous armerai à voir quelque chose de plus : les sources chaudes de Mtagala. »

Le 6 Mars, le bateau, remonté au village de Kazinnga, fut lancé par Frank sur le Windermere, le Rouérou de Roumanika  et le lendemain, je me rendis  au bord de l’eau, accompagné du roi qui venait en grande cérémonie.

Une demi-douzaine de lourds anneaux de cuivre brillant lui ornaient les jambes, des bracelets du même métal lui entouraient les poignets, un manteau de flanelle cramoisie lui tombait des épaules. Sa canne avait sept pieds de long, ses pas étaient d’un mètre. II était suivi de tambours et de fifres, exécutant une musique barbare. Cinquante hommes armés de lances; ses fils, ses parents, des gens de l’Ouganda, de l’Ousouii, du Rouannda, de l’Ounyoro, de l’Ounyamouési, des Arabes et des Vouangouana formaient son cortège.

Quatre canots, montés par des Vouanyammbou (des indigènes), étaient là, prêts à lutter de vitesse avec le Lady Alice, dont Frank commandait l’équipage. Nous allâmes nous asseoir sur les pentes herbues de Kazinnga pour jouir du spectacle; j’avais recommandé à mes hommes de faire tous leurs efforts pour soutenir l’honneur des Enfants de l’Océan, et ne pas permettre aux Enfants du Lac de l’emporter sur nous. Une régate au Karagoué, pour spectateurs, douze cents gentlemen indigènes, échelonnés sur les pentes herbues de Kazinga, une fête internationale au bord du Rouérou – Afrique et Europe ! Roumanika était dans son élément ; toutes ses fibres tressaillaient de joie. Ses fils, assis autour de lui, le regardaient et reflétaient le ravissement paternel. La foule prenait part à la satisfaction générale.

Au signal donné, les indigènes, debout dans leurs canots et stimulés par les cris de leurs compatriotes, manœuvraient leurs longues pagaies avec toute l’énergie dont ils étaient capables ; tandis que mes Vouangouana, excités par leurs camarades restés sur le rivage, faisaient voler notre bateau.

La course ne dura pas longtemps ; elle s’arrêta à la pointe de Kannkorogo et n’était guère que d’un demi-mille. La vitesse fut à peu près égale des deux parts. Peu de chose que cette course, mais le plaisir fut immense.

Le lendemain, je commençai la circumnavigation du Windermere. Pendant la saison pluvieuse, ce lac a huit milles de longueur, sur deux et demi de large ; sa direction est nord et sud.

Il est entouré de montagnes herbeuses, qui s’élèvent à une hauteur de douze à quinze pieds au-dessus de la surface, et renferme Kannkorogo ; île qui est placée à mi-chemin entre le mont Issossi et  l’extrémité méridionale du lac.

Trois sondages, effectués sur des points différents, m’ont donné quarante-huit, quarante-quatre et quarante-cinq pieds de profondeur.

Le sol des rives est fortement coloré par l’oxyde de fer, et, en dehors des alentours des villages ne produit que des euphorbes, des gomiers épineux, des acacias et des aloès.

Le 9, passant devant l’île de Kannkorogo, et prenant un canal de cinq cents à huit cents yards de large, nous nous dirigeâmes vers la Kaghéra, où nous eûmes à lutter contre un courant de deux nœuds et demi à l’heure.

La largeur de la rivière en cet endroit variait de cinquante à cent yards (de 45 à 91 mètres). La moyenne de dix sondages faits ce jour-là, 9 Mars, fut de cinquante-deux pieds au milieu du chenal, et de neuf au bord des papyrus, qui s’élevaient comme un bois touffu au-dessus de nos têtes. De temps à autre, nous croisions des passées d’hippopotames, formant de chaque côté au milieu des roseaux, des criques d’une centaine de pieds de longueur. Nous nous arrêtâmes pendant quelques instants à Kagayyo, sur la rive gauche, pour regarder le paysage ; car du milieu de la rivière on ne voyait que le ciel, le haut des monts et les papyrus qui nous enfermaient. Je découvris alors, pour la première fois, le véritable caractère de ce que j’avais pris pour une vallée, quand je l’avais vu du sommet de la montagne qui se trouve entre Kafouro et le village de Roumanika.

Tout l’espace qui me semblait être la vallée de la Kaghéra, espace compris entre les montagnes du Mouvari et celles du Karagoué, est appelé Innghési par les indigènes. Il est complètement occupé par la rivière, par le founzo ou fourré de papyrus, et par les Rouérous (les lacs) qui sont au nombre de dix-sept en comptant le Windermere ; sa plus grande largeur, de la base d’une chaîne à l’autre, est de neuf milles. Sa partie la plus étroite, n’a guère qu’un mille de large. Depuis les chutes de Moronngo, situées dans l’Ihouannda et qui le bornent au nord, jusqu’à l’Ouhimmba, qui le limite au sud, l’innghézi a une superficie d’environ trois cent cinquante milles (906 kilomètres) carrés. Ses papyrus couvrent de neuf à quatorze pieds d’eau. Chacun de ses lacs a une profondeur de vingt à soixante-cinq pieds, et sont tous reliés entre eux, ainsi qu’avec la rivière, sous le tapis flottant. Vers cinq heures du soir, le bateau fut amené contre les papyrus, et nous prîmes nos dispositions pour la nuit ; les Vouanyammbou firent de même. Nous étions à peu près à trois milles au nord de Kizinnga.

Mes gens abattirent quelques-uns des papyrus les plus desséchés, en coupèrent les têtes, qui sont en forme de balais, et étendirent leurs nattes sur cette litière, espérant y passer une bonne nuit. Ils allumèrent leurs feux entre trois tiges qui soutenaient leurs marmites. L’idée n’était pas fort heureuse, les types ayant besoin d’être souvent remplacées ; à la fin cependant, les bananes furent suffisamment cuites. Mais la nuit arriva, des nuées de moustiques d’une voracité extraordinaire assaillirent mes hommes ; et, pendant une heure ou deux, on n’entendit que des plaintes de ne pas pouvoir dormir, mêlées au fricfrac incessant des têtes de papyrus qui servaient de chasse-mouche. Mes gens commencèrent alors à sentir l’humidité, puis le contact de l’eau : peu à peu leurs litières enfonçaient sous les herbes ; et finalement, ils furent contraints de se réfugier dans la barque où ils passèrent le nuit la plus misérable ; car les moustiques pullulaient et ne cessèrent jusqu’au matin de les attaquer avec l’obstination particulière à ces vampires toujours affamés.

Le lendemain, vers midi, nous découvrîmes un canal étroit et sinueux qui nous conduisit à un lac allongé, ressemblant à une rivière. Sortis de ce lac, dont la longueur était de cinq milles, nous suivîmes un autre canal pareil au précédent ; et, poussant nos bateaux à la perche, nous gagnâmes l’Ile d’Ounyamoubi, riche en bétail.

D’une crête s’élevant à peu près à cinquante pieds au dessus de l’Innghézi, je calculai que nous nous trouvions à environ quatre mille du Kichakka et à pareille distance, droit à l’Est, d’une pointe de terre projetée par le Mouvari.

 Le lendemain, nous remontâmes la Kaghéra sur une longueur d’une dizaine de mille ; puis nous redescendîmes, et une course de quatorze milles nous fit gagner le lac d’Ihéma, nappe d’eau d’environ cinquante milles carrés, oui le camp fut dressé dans une île du même nom, située à un mille environ du Mouvari.

Là, il nous fut dit par les indigènes que le Mouta Nzighé n’était qu’à onze jours de marche de la côte du Mouvari. Mes informateurs ajoutèrent qu’ils étaient fréquemment visités par les Vouanya-rouannda, qui venaient leur demander du poisson en échange de lait et de légumes. Ils me dirent aussi que le Mouoronngo, nommé par d’autres Nahouaronngo, prend sa source dans les montagnes de l’Oufoumbiro, passe au cœur du Rouannda et se jette dans la Khagéra, au sud-ouest 1/4 ouest d’Ihéma. Enfin ils me parlèrent du lac nommé Akanyarou, lac très grand, dont on ne peut faire le tour qu’en trois journées de rame, et qui est placé entre le Rouannada, l’Ouhha et l’Ouroundi. Au milieu de ce lac est une île où, toujours d’après les mêmes renseignements, les canots venant de l’Ouhha ont l’habitude de passer la nuit et d’où, le lendemain, ils gagnent le Rouannda au milieu du jour.

C’étaient de braves gens que ces insulaires d’Ihéma, des gens sociables et gais ; mais malheureusement sujets à deux horribles maladies : la lèpre et l’éléphantiasis. Leur île est formée d’un schiste revêtu d’une couche d’alluvion peu épaisse. L’eau du lac d’Ihéma est douce, agréable au goût ; et, comme toutes les eaux du bassin de l’Alexandra, elle se distingue par sa couleur ferrugineuse, d’un brun terne.

 Le lendemain, ayant quitté l’île lhéma, nous longeâmes la côte du Mouvari ou Rouannda qui commence à l’extrémité sud du lac ; un petit village était près de la rive, nous essayâmes d’atterrir ; aussitôt les indigènes nous montrèrent les dents avec une colère de chien hargneux, et bandèrent leurs arcs d’une façon menaçante, ce qui, en notre qualité d’hôtes de Roumanika, nous obligea de nous éloigner et d’abandonner ces gens à leur féroce exclusivisme.

Revenus à la Kaghéra, nous la descendîmes ; et à sept heures du soir nous rentrions dans notre petit campement de Kazinnga, à l’extrémité sud du Windermere.

Le 11, descendant toujours la Kaghéra, nous arrivâmes à Ougoï ; puis dans la soirée du 12, nous revînmes à notre camp du Windermere ».

 Ce texte montre que Henry Morton Stanley est entré dans le royaume du Karagwe où il a été reçu par le Mukama Rumanyika I Rugororoka rwa Kakindo qui se trouvait dans sa capitale de Bweranyange. C’était le 5 Mars 1876.

Dès le lendemain, 6 Mars 1876, le Lady Alice fut mis sur le lac Windermere, ainsi appelé par Speke qui fut le premier européen à avoir visité le Karagwe (Novembre 18611 Ce lac est connu chez Rumanyika sous le nom de Lweru Rwebishonga, Iweru étant le vocable utilisé pour signifier le lac. Ainsi on dira Lweru Victoria, Lweru Rufunjo.

 Quand on examine la carte du royaume du Karagwe avant 1900 on constate que Lweru Rwebishonga, le Windermene est le même que le lac que les Rwandais appellent Ihema. C’est ce lac, qui devait sans doute être plus étendu qu’aujourd’hui que Stanley a exploré du 8 au 12 Mars 1876. Le texte montre d’ailleurs clairement que Stanley n’a pas quitté les eaux du Lweru Rwebishonga mais qu’il a plutôt exploré  ses différents bras et les îles. C’est durant cette exploration qu’il parvint dans l’île Ihema située dans le lac Windermere ou Lweru Rwebishonga que les insulaires appelaient quant à eux : Ihema.

Il y passa la nuit; le lendemain, quand il essaya de débarquer sur la rive gauche, il fut repoussé par les indigènes riverains menaçants de leurs arcs bandés. Ainsi, bien qu’il ait exploré une partie du territoire rwandais, le lac et l’île Ihema, Stanley quitta, le 12 Mars 1876, la région de la Kagera sans être entré en contact immédiat et effectif avec la population rwandaise de la terre ferme. Ce serait peut être pourquoi son passage n’a pas été connu ni du grand public rwandais ni des bardes de la cour du Rwanda.