Mwami.

Les codes ésotériques ubwiru des dynasties du Ruanda et de l’Urundi ne nous sont pas connus, nous savons que ceux du Ruanda contiennent :

1) Irage ry’Abami: les testaments politiques permanents des bami ;

2) Umurage w’ingoma : le testament de la succession au tambour-enseigne ;

3) Inzira z’ubwiru: poèmes contenant la codification des rituels d’ordre magique à observer lors de l’institution d’un nouveau mwami, pour obtenir la pluie lors de la sécheresse, lors de la chasse, de la fête des prémices agricoles, du deuil, etc. ;

4) Intekerezo z’ubwiru: histoire et commentaire des trois titres précédents.

Nous avons vu à propos de l’étymologie du mot mwami les légendes pleines de poésie et de fraîcheur concernant les signes prémonitoires désignant l’héritier.

Au Ruanda comme en Urundi, d’après la tradition populaire qui n’a pas été confirmée lors de l’occupation européenne, le souverain ne pouvait voir son héritier. L’enfant, laissé à sa mère et confié à la garde d’hommes sûrs, était élevé loin de son père qui s’intéressait à son développement physique grâce aux mensurations qu’on lui envoyait. Le jour où le fils réussissait à rompre l’arc paternel, il était jugé capable de régner puisqu’il était devenu aussi fort que son géniteur ; celuici devait alors s’empoisonner, cédant le pouvoir.

L’héritier ne pouvait porter de cicatrice. Répétons que la coutume ne prévoit même pas ce qui se passerait si le mwami venait à disparaître sans laisser d’héritier.

De par les données que nous possédons, nous pouvons dire que le mwami agissant en cela comme tous les pères de famille, désigne lui-même celui de ses fils appelé à lui succéder. Ce choix, tenu strictement secret, n’est divulgué qu’aux Biru abanyejambo, gardiens professionnels du code ésotérique. Ils ne pouvaient le révéler à l’héritier que quelques jours après la mort du roi.

En Urundi, la coutume se bornait à exiger que le roi à choisir n’ait pas encore pris femme, l’intérêt des princes les poussait à élire un tout petit enfant afin de profiter de la confusion qui régnait lors de la régence. E tait mwami celui qui avait été investi en cette qualité selon le rituel coutumier et qui détenait les insignes du pouvoir.

A l’heure actuelle, l’article 15 du décret du 14 juillet 1952 stipule qu’est revêtue de la qualité de mwami, la personne que détermine la coutume. Toutefois, elle ne peut exercer ses fonctions qu’après avoir reçu l’investiture du gouverneur du Ruanda-Urundi et promis solennellement devant le gouverneur de remplir fidèlement ses fonctions et de respecter les lois du Ruanda-Urundi.

Rituel de l’avènement du mwami.

Nous ne possédons guère de relation détaillée d’un avènement effectué selon le rituel coutumier au Ruanda ; par contre le cérémonial fut annoté pour l’Urundi à l’occasion de l’avènement du mwami Mwambutsa en date du 16 décembre 1915.

La résidence de son prédécesseur Mutaga fut abandonnée dès sa mort, tandis qu’une nouvelle hutte était construite pour la reine-mère Ngezahayo et l’héritier à l’endroit dit Muruta à la colline Rukiga. L’institution officielle du nouveau mwami a lieu solennellement en plein jour afin de lui donner toute la publicité désirable, elle se déroule le jour même du rituel final de sortie du deuil ukwera : la reine-mère, les femmes du mwami défunt, les enfants et les parents sont ondoyés, pour purification, à l’aide d’eau puisée à la Nyavyamo, ruisseau du sacre. Un cortège se forme composé des tambours royaux, hormis l’enseigne Karyenda, des taureaux sacrés Muhabura et Semasaka, tous ornés d’umwishywa, de l’héritier porté par un Muhutu des Bibe tenant en main les lances Ntare et Mwezi ; suivent ensuite les parents, le personnel politique, religieux, magicien et domestique de la Cour, et enfin la foule comportant notamment les convoyeurs de produits essentiels du pays : bétail remis en don d ’avènement, ruches, prémices agricoles, ustensiles pastoraux, instruments aratoires, etc. Tous les participants ont la figure purifiée au lait de kaolin, tandis que les pasteurs portent en plus une ornementation d’ocre jaune aux tempes, symbole du beurre.

L’héritier traverse à pied le ruisseau Nyavyamo : Aramwambutsa, évocation mimétique du passage de l’Akanyaru par son prédécesseur Ntare-Rushatsi pénétrant en Urundi ; des cris de jubilation impundu jaillissent de toutes les poitrines, car à partir de cet instant, l’avènement est chose faite : Umwami yimye (litt. le mwami règne). Suit alors un sacrifice humain d’un Mututsi des Bahigwa, préalablement dopé, puis piétiné sur la berge de la Nyavyamo par le bétail qui assoiffé, vient s’y abreuver. Toute la foule passe la Nyavyamo à son tour et s’y purifie par ablutions.

Le cortège se reforme et, arrivé au sommet du mont Rubumba, le mwami est soulevé devant la foule par son frère qui lui indique son pays, sa propriété. Deux arbres souvenirs ou gardiens imirinzi, sont plantés : un umuko et un umuvumu. On gagne ensuite le kraal de Vyeyi où ont lieu des libations de communion, et enfin la résidence d ’Ibuye où un nouveau sacrifice humain d’un Muhutu des Bahunda est réalisé par strangulation. Une nouvelle vestale est nommée près le tambour enseigne Karyenda.

Régence.

Il semble de règle, aussi bien au Ruanda qu’en Urundi, que tous les bami désignés aient été institués alors qu’ils n’étaient qu’enfants. Tant que le mwami n’est pas majeur, fait qui ne s’accomplit que lors de son mariage, un conseil de régence pourvoit à l’exécution de toutes les charges qui lui incombent : rendre la Justice, percevoir les tributs et corvées, investir et destituer les chefs politiques, etc. En Urundi, le conseil de régence concernant Mwambutsa se composait au début de la grand-mère Ririkumutima (qui aurait fait étouffer Ngezahayo, mère du nouveau roi), et de ses oncles Ntarugera et Nduwumwe, frère utérin de Mutaga. En 1921, Ririkumutima et Ntarugera étant morts, le conseil de régence fut élargi et comporta dix chefs ; en 1925, il en comptait douze. Il est à noter que rien n’oblige le mwami de désigner un parent en qualité de régent : Ruganzu Bwimba avant de partir en guerre où il mourut, avait nommé Cyenge, simple Mututsi des Banyiginya, et non l’un de ses parents (1).

Régence en droit actuel. (Art. 16 du décret du 14 juillet 1952).

Si le mwami est âgé de moins de dix-huit ans, ses fonctions sont exercées, selon la coutume, par un conseil de régence.

Durant une vacance de pouvoir, pour quelque cause que ce soit, les attributions administratives confiées au mwami par le présent décret sont exercées par un conseil de régence jusqu’au jour de l’investiture d’un nouveau mwami.

Les membres d’un conseil de régence ne peuvent exercer leurs fonctions qu’après agréation par le Gouverneur.

Le gouverneur retire l’agréation, à tout membre du conseil de régence indigne ou incapable d’exercer ses fonctions.

Si le mwami est indigne ou incapable d’exercer ses fonctions, le gouverneur prononce sa déchéance, reconnaît et investit celui qui, à son défaut, est appelé par la coutume à la direction du pays.

  1. Chefs, sous-chefs et droit actuel.

Ces autorités avaient pour habitude, avant l’occupation européenne, d’installer leurs fils mariés à la tête de groupements coutumiers de leur ressort, dès leur vivant. Seul le mwami disposait du pouvoir de décider, sans appel, si le nouveau chef de famille investi était capable, au point de vue politique, de diriger l’échelon que commandait son père ; le mwami ne s’estima jamais tenu de faire de la succession aux commandements politiques une question de prérogative familiale.

Si, en principe, les héritiers ne pouvaient être spoliés des biens personnels qu’ils retiraient de la succession paternelle, ils ne possédaient donc aucun titre à réclamer son commandement.

Seul passe de père en fils, le pouvoir sur le pays, au sein de la famille royale.

Quant à la nomination à la tête de tous les commandements subordonnés au mwami, ils relèvent uniquement de sa souveraine volonté. D’ailleurs, après avoir investi un chef, il pouvait toujours le destituer selon son entendement. Les chefs agissaient de même à l’égard des sous-chefs non dépendants du mwami.

A titre d ’exemple d ’absence du principe de l’hérédité dans les commandements, citons le cas des chefs de l’Impara (Shangugu) : Mashaza (Umunyiginya) Nyamwesa (Umuhindiro), Nzirumbanji (Umukono), Rwakageyo (Umwenegitori), Ntizimira (Umwega), Rwabigwi (Umwega) et Rwidegembya (Umwega), la plupart de clan ou de parenté différents et dont les six premiers furent tués sur ordre du mwami Rwabugiri-Kigeri ; au Biru (Shangugu) les chefs Rwata (Umuha) et Nyamugusha, son fils, furent tous deux tués par ordre du même roi. En Urundi, lors de l’avènement du mwami Mwambutsa, les derniers mois de l’occupation allemande furent employés à l’extermination de la riche famille des Bavubikiro. A chaque nouveau règne, les plus anciens chefs étaient systématiquement destitués pour faire place aux fils du nouveau roi.

Au Ruanda, guidés par leur bon plaisir et par leur affection du moment, les bami choisirent les chefs et sous-chefs qui leur paraissaient les plus aptes à les servir, non seulement parmi les descendants de leurs prédécesseurs et parmi leurs fils (Abanyiginya, Abashambo, Abahondogo, Abatsobe) mais aussi dans d ’autres familles batutsi (Abega, Abakono, Abaha), ils firent appel à des Bahutu anoblis (Abagesera, Abazigaba, Abasinga, Abacyaba, Ababanda, Abashingo, Abongera), à. des Batwa (.Abaskyete notamment ; l’Abbé K a g a m e , dans son Code des institutions politiques du Ruanda, cite pas moins de quarante sous-chefs batwa) et même à des étrangers (Abungura, Abatsibura, Abashigatwa, Abashi, et du Karagwe).

En Urundi, le mwami, comme nous l’avons vu cidessus, cherchait surtout à caser ses propres fils aux marches frontières afin de pouvoir compter sur des appuis sûrs lors de la défense du pays ; pour leur faire place, les anciens chefs se voyaient destitués.

La règle qui domine la nomination et la destitution des chefs et des sous-chefs dans le droit coutumier n’est donc point l’hérédité, mais la volonté du mwami.

Lors de leur avènement, chefs et sous-chefs, ainsi que les gardiens principaux des troupeaux royaux, exigeaient une contribution spéciale indabukirano (Ru.), ingorore (Ur.), par laquelle les administrés reconnaissaient leur pouvoir. Dès 1924, le résident décida que cette prestation ne pouvait plus être perçue ; en effet, elle constituait une concussion perpétrée par des fonctionnaires et tombait dès lors sous la répression du Code pénal.

Actuellement, selon le prescrit de l’article 17 du décret du 14 juillet 1952, les chefs et les sous-chefs sont nommés par le mwami conformément à la coutume ; toutefois, ils ne peuvent entrer en fonctions qu’après avoir été investis par le gouverneur du Ruanda-Urundi pour les chefs et par le résident pour les sous-chefs. Ces autorités peuvent être destituées respectivement par le gouverneur et par le résident qui prendront préalablement les avis du mwami.

Selon l’article 18 du même décret, au cas où le mwami ne procède pas dans les trois mois à compter du jour de la vacance à la désignation d ’un chef ou d ’un souschef et, en cas de refus d’investiture, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé depuis la signification de ce refus au mwami, le droit de nomination peut être exercé par le gouverneur, s’il s’agit d ’un chef ; par le résident, s’il s’agit d’un sous-chef.

Durant une vacance de pouvoir, pour quelque cause que ce soit, les attributions administratives confiées aux chefs et sous-chefs par le décret sont, jusqu’au jour de l’investiture d’un successeur, exercées par l’administrateur de territoire ou son délégué, autant que possible par l’intermédiaire de l’autorité coutumière qualifiée.