Dès Elections Communales A La Constitution Du Gouvernement Provisoire Du Rwanda Des Années 1960
Après les élections communales et la victoire des partis Hutu, l’entente éphémère de ces derniers avec le Rader ne résistera ni à la déception électorale éprouvée par ce parti ni surtout à ce qu’il appelle la dictature du Parmehutu. Après la rupture du Front commun, les membres des partis Hutu firent seuls les démarches en vue d’élections législatives, desquelles sortirait un gouvernement provisoire ; les élections n’eurent pas lieu, mais un gouvernement fut installé, pendant que le Mwami Kigeli avec les membres influents de l’Unar se trouvaient à l’extérieur. C’est de là qu’ils se joignirent aux autres pétitionnaires du Rwanda pour aller exposer à New York leurs thèses devant le Conseil de Tutelle.
LES ELECTIONS COMMUNALES ET LA RUPTURE DU FRONT COMMUN
– Le Rader rejoint l’Unar
Trois télégrammes marquent, au début du mois de juillet, la rupture entre le Rader et les autres partis du Front commun et la réconciliation entre le Rader et l’Unar.
1.- Télégramme du 6 juillet
Parti national Rader avoir prononcé définitivement rupture Front Commun avec Parmehutu et Aprosoma. Parmehutu être parti totalitaire républicain causant terrorisme intimidation partout Ruanda.
(sé) Président NDAZARO.
Télégramme du 8 juillet
Suite persécution généralisée membres Rader par autorités intérimaires Parmehutu présents, élections et campagne unilatérale pro-Parmehutu par plusieurs agents administration considérons ces élections antidémocratiques. Contestons d’avance pleine validité résultats et conséquences politiques ultérieures.
(sé) Comité national Rader.
Télégramme du 19 juillet
Présentes élections Ruanda être antidémocratiques. Terrorisme parmehutu avec complicité administration belge être inadmissible. Insistons remplacer milices belges par milices O.N.U. sinon extrêmes risques guerre civile.
(sé) Partis nationaux Rader, Mur, Umar, Unar, Momor.
- – Les élections communales au Rwanda
La propagande menée par l’Unar contre les élections et la campagne de boycottage n’eurent de succès que dans la région proche de Nyanza, dans quelques communes des territoires d’Astrida, Shangugu, Kibuye, Kigali et Byumba, et dans une grande partie du territoire de Kibungu. Pour le total de ce dernier territoire, 23 % des électeurs, seulement, se présentèrent aux urnes. Les listes du Parmehutu y obtinrent 60 % des suffrages exprimés, ce qui donna à ce parti une majorité absolue dans 14 des 19 communes du territoire. Les sièges furent attribués selon les suffrages exprimés si peu nombreux qu’ils fussent.
Si certains unaristes du territoire de Kibungu s’abstinrent de voter pour marquer leur opposition aux élections, des sympathisants du Parmehutu craignirent d’autre part de se présenter au vote, par peur des représailles annoncées.
C’est dans le territoire de Kibungu que le parti Unar obtint aussi la plus grande partie des sièges qu’il remporta dans le Rwanda. Le total de ces sièges s’élève à 56, soit 1,7 %. De ces 56 sièges, 39 lui furent attribués en territoire de Kibungu ; dans une commune de ce territoire, à Matongo, l’Unar obtint la majorité absolue des sièges au conseil communal.
Ces résultats ont étonné certaines personnes qui n’ont pas compris que le parti qui avait prôné l’abstention, pût obtenir des sièges. En fait, les membres du parti étaient divisés. D’une part, l’Unar, après avoir déclaré qu’elle participerait aux élections, décida de s’abstenir, sur recommandation de ses leaders « en exil ». D’autre part, dans aucun territoire, le comité de ce parti retira les listes de candidats qu’il avait déposées, alors que sa décision de ne pas participer aux élections avait été prise avant la date de clôture des listes. Ceci explique que les candidats Unar purent recevoir régulièrement des suffrages.
Le Parmehutu, le seul parti à avoir présenté des listes de candidats dans presque toutes les communes du pays, remporta un succès important en enlevant 2.201 sièges sur un total de 3.126 à pourvoir, soit 70,4 %. Le Parmehutu connut ses succès les plus nets dans sept territoires sur dix : Byumba, Ruhengeri, Gitarama, Nyanza, Kibuye, Kisenyi et Kigali.
Dans le territoire de Shangugu, il s’était allié avec le parti Aprosoma : tous deux présentaient des listes communes dans toutes les circonscriptions. Ces listes communes obtinrent les suffrages de 80 % des électeurs du territoire.
A Astrida, ces deux partis se partagèrent la majorité des voix émises. Le Parmehutu l’emporta de peu sur l’Aprosoma avec 237 sièges contre 223, sur un total de 537.
Le parti Aprosoma, second en importance dans le pays, était solidement implanté dans les territoires d’Astrida et de Shangugu. Il ne présentait pas de listes dans les autres territoires, sauf une à Nyanza.
Le parti Rader tenta, comme le Parmehutu, de s’adresser aux électeurs de tous les territoires. Il obtint 209 sièges, soit 6,6 % du total à pourvoir, mais disséminés dans 70 communes du pays. Six communes des régions du Bugesera et du Buganza ont un conseil à majorité Rader.
Il ressort de l’analyse des résultats électoraux que seuls les quatre partis dont les délégués formaient le Conseil spécial du Rwanda ont prouvé lors des élections une véritable influence dans des régions différentes du pays. Le scrutin a démontré que les autres partis étaient inconnus en dehors de la chefferie, voire même parfois de la commune qui les avait vu naître. Les plus connus d’entre eux n’étendaient pas leur influence au-delà des limites de deux chefferies ; certains n’existaient que dans l’intention de leurs promoteurs.
- — Les réactions des milieux Tutsi et du Mwami
La victoire électorale des partis hutu et les événements de juillet au Congo, qui affaiblirent la position de la Belgique sur le plan international, contribuèrent à renforcer l’opposition de l’Unar. Bénéficiant d’un appui international croissant au sein de l’Assemblée Générale de l’0.N. U. et du Conseil de Tutelle, l’Unar, le Rader et le Mwami rejetèrent les résultats des élections et demandèrent la levée du mandat de la Belgique sur le Rwanda.
Déclaration de M. Bwanakweri à la Commission de Tutelle de l’O.N.U.
Les élections communales
Mon parti dénonce vigoureusement et proteste avec force contre les fraudes et toutes les mesures vexatoires dont l’Administration belge au Rwanda-Urundi s’est rendue coupable à l’égard de tous les partis nationalistes-monarchistes du Rwanda, avant, pendant, et après le déroulement des élections communales. Nos griefs sont principalement les suivants :
La destitution systématique et inconsidérée des chefs et sous-chefs, généralement d’origine tutsi, en vue de briser la force du nationalisme rwandais.
Mon parti ne s’est jamais opposé à des réformes tendant à assurer l’égalité complète entre tous les habitants de mon pays, quelle que soit leur origine ethnique ou leur rang social. Le but même du R.A.D.E.R. était et reste la réalisation d’une communauté nationale de personnes libres et égales en droit. Les documents annexés à la présente note en font foi. Mais l’Administration belge, soucieuse avant tout d’étouffer notre indépendance véritable, ne nous a jamais écoutés. Depuis plus d’un an, des calamités sans nom se sont abattues sur notre pays, et cette situation effroyable continue à perdurer.
La négation totale des libertés fondamentales qui doivent garantir le déroulement normal d’une campagne électorale.
Tandis que les leaders Parmehutu et Aprosoma, racistes aveugles et ennemis de notre indépendance, menèrent leur campagne avec les appuis, financiers et autres, des fonctionnaires de l’Administration, les responsables de notre parti se voyaient interdire toute circulation dans le pays, toute participation à des meetings, et toute propagande, sans l’accord écrit du Résident spécial du Rwanda. Ces autorisations, on le comprend, étaient parcimonieusement accordées, et toujours à des personnes jugées peu « dangereuses » pour la politique belge, et, dans tous les cas, toujours « révocables ».
C’est ainsi que moi-même, président de ce parti, je n’ai été autorisé à prendre la parole qu’une seule fois depuis la fondation de mon parti, et ce, pendant un maximum de cinq minutes. De plus, deux camions de para-commandos assistaient à ce meeting tenu dans un stade de football à Nyanza.
Malgré la crainte suscitée par les soldats en armes, plus de 10.000 personnes écoutèrent mon discours qui n’a pu durer strictement que quatre minutes. Au cours de cet exposé « raccourci », j’ai expliqué que la politique belge tendait à diviser Bahutu et Batutsi, à retarder notre indépendance et à détruire l’institution monarchique, chère à tous les cœurs des Banyarwanda. Interrogé sur la question de savoir si j’estimais utile que la masse participe aux élections, j’ai simplement répondu qu’il appartenait à chacun d’interroger sa conscience. En effet, une ordonnance punissait sévèrement quiconque se déclarait publiquement contre ces élections antidémocratiques. Le résultat fut que le lendemain, 4 juillet 1960, l’abstention de plus de 80 pour cent des électeurs manifestait le mécontentement d’un peuple déçu et désabusé par la politique mesquine de l’Administration belge au Ruanda-Urundi.
Le lendemain aussi, je recevais l’ordre impératif de rejoindre mon poste à Kigali, et le 6 juillet un télégramme interdisait toute réunion publique ou privée de plus de cinq personnes dans tout le Rwanda. La liberté d’expression était morte, et les élections allaient désormais se dérouler selon un scénario soigneusement mis au point par une Administration décidée à fouler aux pieds les libertés et les droits des citoyens rwandais.
A quelques jours des élections, destitution massive des chefs et sous-chefs, membres des partis nationalistes et monarchistes.
Ces derniers sont immédiatement remplacés par une bande de partisans Parmehutu et Aprosoma, destinée à fausser le déroulement normal des élections. En effet, malgré l’intense propagande menée contre le Mwami et contre l’indépendance, l’Administration ne se sentait pas certaine de sa victoire, particulièrement dans les communes et chefferies provisoires entre les mains des leaders Rader (territoires de Kigali, Kibungo, Nyanza et Kisenyi). C’est pourquoi une semaine avant les élections tous les chefs et sous-chefs Rader, aussi bien Hutu que Tutsi, furent remplacés par des partisans Parmehutu, et, généralement, furent placés en « résidence surveillée »; par-là, ils étaient inéligibles comme conseillers, suivant la législation en vigueur pour les élections communales. Un fait est caractéristique : dans le seul territoire de Kigali, deux chefs Rader, ainsi que leurs sous-chefs, furent laissés en place. Or, le Rader sortit vainqueur des élections dans ces deux circonscriptions, avec quatre bourgmestres contre deux Parmehutu et un pourcentage plus élevé encore de conseillers, soit plus de 60 % des voix.
Le déroulement même des élections fut systématiquement faussé
Tout le monde sait que près de 80 % des électeurs rwandais sont illettrés. La législation prévoyait que chaque électeur devait se présenter aux urnes avec un scribe de son choix. Or, en réalité, profitant de cette chance unique, l’Administration belge, non contente d’avoir destitué ou placé en résidence surveillée tous les chefs nationalistes rwandais, désigna, de connivence avec les bourgmestres Parmehutu, un certain nombre de scribes qui, seuls, étaient autorisés à se présenter aux bureaux de vote. Ces scribes portaient parfois des banderoles destinées à les distinguer de la foule. Etant imposés, ils avaient reçu l’ordre d’inscrire exclusivement cinq noms Parmehutu sur tous les bulletins de vote. Ces procédés malhonnêtes et antidémocratiques devaient assurer évidemment, étant donné le pourcentage des illettrés, une fausse victoire des mouvements soi-disant populaires, mais en réalité inféodés à l’impérialisme belge et instruments du colonialisme.
Pour décrire et comprendre le climat de ces élections, il faut ajouter que plusieurs personnes furent assassinées, particulièrement en territoire de Nyanza (territoire Kabagali) sur simple dénonciation des leaders Parmehutu, et sous l’accusation mensongère d’intimider la population en l’incitant à l’absentéisme. C’est au cours de cette même campagne que deux princes, MM. Subika et Ruzindana, frères du Mwami, furent arrêtés et jetés en prison à la demande des bourgmestres Parmehutu. Ayant été acquittés et libérés grâce aux avocats d’Usumbura, les deux princes furent, le jour même de l’acquittement, relégués en territoire de Ruhengeri, où ils sont toujours en résidence surveillée.
Je cite également, à titre complétif, qu’il me fut clairement interdit de participer au vote dans ma propre commune de Remera (Kigali) d’où j’étais éloigné de 20 km, en résidence forcée au camp des réfugiés de Nyamata, et ce durant toute la période des élections.
Du reste, durant toute la période des élections, de même qu’au cours des élections, tous déplacements étaient soumis à l’obtention préalable d’un laisser-passer, délivré parcimonieusement par les agents de l’Administration. Par cette mesure tout déplacement pouvait être refusé aux membres des partis nationalistes rwandais.
Enfin, ces élections communales ont été organisées malgré, et contrairement à l’accord intervenu entre la Mission de visite de l’O.N.U., la Puissance tutélaire et les délégations qualifiées des quatre principaux partis politiques du Rwanda. De même que, à l’encontre des recommandations du Conseil de tutelle.
Comme j’ai eu l’occasion de l’écrire à M. le Ministre des Affaires africaines, dans ma lettre du 6 juin dernier, ces élections avaient comme objectifs : 1° de placer toutes les communes entre les mains des partis vendus à l’Administration belge; 2° de s’assurer une période de six mois pour préparer par une intense propagande les élections législatives de janvier 1960; 3° de pouvoir installer des institutions provisoires composées des laquais de l’impérialisme belge; 4° d’escompter une majorité à opposer aux Nations Unies, lorsque celles-ci, répondant au principe en vertu duquel chaque nation a droit à sa liberté et à son indépendance, envisageront la levée de la tutelle sur le Rwanda-Urundi.
Au nom de mon parti et en mon nom personnel, je demande et réclame avec force, que les Nations Unies ordonnent de nouvelles élections communales, préparées et organisées par une commission des Nations Unies, commission de langue française, suffisamment nombreuse et disposant des pouvoirs indispensables pour garantir un régime de liberté respectueux des droits les plus fondamentaux de la personne humaine.
Au nom de mon parti, je demande et réclame l’abolition immédiate et effective de toutes les mesures entravant le libre exercice du droit démocratique. L’octroi réel de ces droits, s’il veut être réellement appliqué, exige la présence immédiate et permanente d’une Commission de Contrôle des Nations Unies établie au Rwanda.
Mémorandum de Kigeli V à M. Hammarskjöld
Lorsque la Belgique reçut de la Société des Nations, puis de l’O.N.U., le mandat d’exercer au Ruanda les pouvoirs de tutelle, sous le contrôle de l’organisation internationale, cette puissance était pleinement en mesure de remplir la mission internationale qui lui était confiée. Il n’en est plus de même aujourd’hui. Par suite des événements survenus au Congo, la Belgique n’a pas la possibilité, ni même la qualité requise pour mener à bien cette mission.
1° La décision du Conseil de Sécurité de confier au Secrétaire général des Nations Unies le soin de garantir l’ordre et la sécurité au Congo, comme la relève de troupes belges par les forces de l’O.N.U., a pour la Belgique plusieurs conséquences :
a) L’O.N.U. ayant estimé les positions prises par la Belgique susceptibles de remettre en péril la paix du monde, il est difficilement concevable que la Belgique puisse conserver au Ruanda la confiance de l’organisation internationale et y conduire une politique conforme à ses directives.
b) La vague de désapprobation, voire d’hostilité à la Belgique, qui déferle dans toutes les régions du Congo est, pour le continent africain, un événement majeur qui enlève à cette puissance l’autorité morale indiscutée nécessaire à l’exercice d’un mandat de l’O.N.U.
c) La perte de prestige et la diminution des moyens matériels d’action qu’entraînent pour la Belgique les événements du Congo ont une telle portée que la Belgique n’a plus, désormais, la puissance suffisante pour remplir efficacement les obligations internationales qui lui étaient confiées au Ruanda.
2° La rupture des relations diplomatiques entre le Congo et la Belgique a pour effet d’isoler entièrement la Belgique du continent africain. Ses propres intérêts au Congo ont dû être confiés à une tierce puissance, la France. On ne voit pas comment une puissance, qui n’a même plus les moyens de défendre ses propres intérêts en Afrique, pourrait continuer d’exercer la charge d’intérêts extérieurs sur une portion du continent africain. Elle ne saurait plus désormais le faire qu’à son seul profit, la possibilité d’assurer les relations diplomatiques normales avec un état souverain du Ruanda lui étant même refusée.
3° La confiance que pouvaient avoir les populations africaines dans la capacité de la Belgique à conduire une nation africaine à son indépendance dans l’ordre est définitivement compromise. Les populations du Ruanda sont à juste titre inquiétées d’une telle carence et craignent de voir leur pays plongé dans le même chaos que le Congo, les méthodes employées au Ruanda n’étant pas plus heureuses que celles choisies pour le Congo.
Dans ces conditions, le Mwami du Ruanda, S. M. Kigeri V, se voit obligé de demander à l’O.N.U. de prendre d’urgence toutes dispositions nécessaires pour :
a) Retirer à la Belgique le mandat qui lui a été confié et de l’exercer directement en vue de conduire le Ruanda à l’indépendance dans l’ordre et la sécurité ;
b) organiser sous le contrôle de l’O.N.U. les élections nécessaires, libres et démocratiques à la mise en place des nouvelles institutions. (Paru dans « Congo », 18 août 1960.)
— Les réactions des partis Hutu
Les revendications des partis Hutu se concentrent sur trois points : déchéance du Mwami ; organisation d’élections législatives ; installation d’un gouvernement provisoire.
Télégramme de l’Aprosoma au Résident général
Le contenu du mémorandum du Mwami Kigeri à l’O.N.U., prouve que le maintien de celui-ci est une erreur de votre administration. Nous demandons l’annulation du titre de Mwami constitutionnel dans les écrits officiels. Nous exigeons des élections législatives immédiates au second degré et la création d’un gouvernement responsable eurafricain.
Communiqué du Conseil spécial provisoire désavouant le Mwami
Le Conseil spécial provisoire du Ruanda est saisi de nombreuses déclarations émanant du Mwami ou de ses conseillers privés et irresponsables. Ces déclarations sont faites sans avoir consulté au préalable le Conseil ou sans avoir simplement tenu le Conseil au courant. Ces actes sont graves de conséquences, car ils paraissent, envers l’extérieur, engager la responsabilité et l’avenir du Ruanda. Rappelons que le Mwami s’est déclaré constitutionnel et a juré de respecter les lois et institutions du pays. Son désaccord persistant et permanent avec le Conseil spécial, son refus de collaboration avec celui-ci, son éloignement prolongé du Ruanda pour s’occuper de ses plaisirs et affaires personnelles forcent la majorité du Conseil à protester une nouvelle fois au nom du pays contre cette attitude indigne. Le Conseil spécial du Ruanda dénie à nouveau toute validité, tout support constitutionnel aux actes, déclarations et écrits actuellement faits par le Mwami à l’étranger, sans accord préalable et formellement exprimé du Conseil. Le Conseil spécial somme à nouveau le Mwami Kigeri de venir expliquer devant lui son attitude anticonstitutionnelle. A défaut, le conseil se réserve le droit de reconsidérer toute son attitude envers le Mwami Kigeri. (« Rudipresse », no 188 du 10 septembre 1960, p. 4.)
Télégramme du Parmehutu réclamant les élections législatives 8 juillet 1960.
Mouvement démocratique républicain Parmehutu-Ruanda, en vue pacification complète rapide accélération préparatifs indépendance Ruanda exige élections législatives immédiatement après élections communales. Table Ronde seulement après législatives. Regrette maintien pilier féodal kalinga. Abiru Mwami imperméable démocratisation pays. Obstacle indépendance réelle Ruanda ; cause résistance tutsi à démocratisation pays.
(sé) Président Parmehutu : KAYIBANDA.
Télégramme de l’Aprosoma affirmant sa solidarité avec le Parmehutu 8 juillet 1960.
Enregistrons déclaration Rader cassant Front commun Aprosoma, Parmehutu, Rader. Déclarons former Front commun avec Parmehutu. Etre point parti totalitaire. Déclarons marcher résolument avec Parmehutu dans mouvement démocratique républicain. (sé) GITERA, chef parti Aprosoma-Uhuru.
Télégramme de l’Aprosoma au roi Baudouin demandant le maintien de la tutelle 19 août 1960.
Avons entendu déclaration Premier Ministre Belgique suivant laquelle Belgique aurait intention abandonner Ruanda-Urundi. Le Congo avoir été crime. Ne voulons le point même crime soit récidivé Ruanda. Faisons appel fierté et honneur Belgique pour reconsidérer position. Parti Unaf Reurop Aprosoma demande transfert bases belges Congo vers Ruanda et vous assure indéfectible loyalisme et reconnaissance.
(sé) Président Unafreurop Aprosoma.
Télégramme de M. Harroy au Ministre des Affaires africaines citant les câbles de M. Gitera 26 août 1960.
Ci-après deux câbles aprosoma citation :
1) Contacts Mwami avec émissaires Russie inquiètent fort pays. Dénonçons plans universitaires unaristes dont objectif : formation armée mercenaires au Congo, vaste terrorisme, chantage politique, fuite des Belges, massacre leaders hutu et réinstallation régime féodal. Devant situation grave, réexigeons gouvernement responsable immédiatement. Condamnons toute politique favorisant entrée communistes au Ruanda.
2) Kigeri ne respectant plus lois du territoire suivant serment investiture, réclamons suspension pouvoirs Mwami délai vingt-quatre heures. Vu gravité situation présenteront incessamment gouvernement provisoire responsable pays remplacement Mwami défaillant. Fin citation. Situation se détériore rapidement Ruanda Goma Rumangabo. Devient extrême urgence mise en place immédiate gouvernement provisoire.
(sé) HARROY.
Télégramme de M. Harroy sur les dispositions du Parmehutu 29 août 1960.
Prévois imminente prise de position hutu si dans 24 ou 48 heures nous n’avons pu reprendre initiative. Makuza avoir fait samedi significatives déclarations à Kigali à cet égard. Suis de plus en plus déforcé envers qui m’interpelle par ignorance dans laquelle suis encore, quant à date retour colonel Logiest. Prière me fournir indication ce lundi matin encore si possible.
(sé) HARROY.
LA POLITIQUE DU POUVOIR TUTELAIRE
La Belgique ayant un moment envisagé d’abandonner la tutelle sur le Rwanda-Burundi, une lettre est envoyée par le Ministre des Affaires Etrangères, M. Wigny, à M. De Schijver, rappelant les considérations juridiques sur la tutelle.
Mise au point de M. Wigny Bruxelles, 12 août 1960.
Mon cher Collègue,
Je crois utile de vous faire part des considérations que m’inspirent les problèmes que pose, dans les circonstances présentes, la tutelle assurée par la Belgique sur leterritoire du Ruanda-Urundi. Une déclaration de M. le Premier Ministre, intervenue pendant mon séjour à New York, envisage l’abandon anticipé de cette mission de tutelle.
Au point de vue de nos obligations internationales, la situation se présente à mon sens comme suit. Comme vous le savez, le régime de tutelle en question repose sur le chapitre XII de la Charte des Nations Unies et sur l’Accord de Tutelle approuvé par l’Assemblée Générale des Nations Unies, le 13 décembre 1946.
Il importe de distinguer entre l’abandon par la Belgique de ses obligations de tutelle et une modification éventuelle des obligations reprises dans ledit accord.
En ce qui concerne la première hypothèse : ni le chapitre 12 de la Charte, ni l’Accord de Tutelle approuvé le 13 décembre 1946 ne comportent de dispositions relatives à la fin du régime de tutelle. L’accord donné par la Belgique en 1946, par lequel elle a assumé la charge de la tutelle, comporte un délai : celui de l’arrivée à la maturité politique nécessaire du territoire en question (voir article 76 de la Charte et article 3 de l’Accord de Tutelle).
Il paraît certain que la Belgique n’a pas le droit de renoncer à sa mission, avant la réalisation de cette condition. Si on se réfère à la pratique suivie en fait pour les régimes de tutelle auxquels il a été mis fin depuis 1946 (Somalie, Cameroun, Togo français, Togo britannique), on constate que l’Assemblée Générale des Nations Unies est chaque fois intervenue.
En ce qui concerne l’Accord relatif au Ruanda-Urundi, celui-ci ne détermine pas la date à laquelle il prend fin. Cet accord doit arriver à expiration lorsque son objectif sera accompli. A qui appartient-il de déterminer souverainement si les buts sont atteints ? Certes, l’Etat chargé de la tutelle a compétence pour décider de la question, mais ce pouvoir n’est pas discrétionnaire, il est soumis à deux limitations :
a) D’une part, la notion du délai déterminé par l’accomplissement des buts de la tutelle, c’est-à-dire l’arrivée à maturité du territoire en cause, ne peut être détourné. La Belgique, qui, il y a quelques mois à peine, vient de faire connaître un plan portant sur environ deux années, pourrait difficilement justifier une déclaration (inspirée notoirement par la résolution récente du Conseil de Sécurité) en vertu de laquelle les buts poursuivis par le régime de tutelle viennent subitement d’être atteints ;
b) D’autre part, de même que l’Accord de Tutelle a fait l’objet d’une approbation par l’Assemblée Générale des Nations Unies, il est normal que la déclaration de l’Etat-tuteur soit soumise, sinon à l’accord de l’Assemblée Générale, tout au moins au jugement de celle-ci. En ce qui concerne la seconde hypothèse (c’est-à-dire la modification éventuelle des obligations contenues dans l’Accord de Tutelle), elle serait d’application pour le cas du retrait des troupes belges du Ruanda-Urundi.
En effet, ce retrait serait contraire à l’article 4 de l’Accord de Tutelle, qui charge l’autorité administrante du « maintien de la paix et du bon ordre ». Or, une modification à l’Accord de Tutelle ne peut être réalisée que par application de l’article 18 de l’Accord, en vertu duquel les termes de celui-ci ne pourront être modifiés ou amendés que conformément aux articles 79, 83 ou 85 de la Charte.
Cependant, l’article 79 prévoit la nécessité d’obtenir l’assentiment des Etats directement intéressés et l’approbation de l’Assemblée Générale (article 85, 1). Les questions relatives au fonctionnement du Conseil de Tutelle étant considérées comme « questions importantes » par l’article 18, paragraphe 2, de la Charte, la décision devrait être prise à la majorité des deux tiers.
La doctrine considère généralement comme « Etats directement intéressés » la puissance responsable de l’administration du territoire, les Etats limitrophes et les membres des Nations Unies ayant des intérêts spéciaux dans la zone envisagée. Tels sont les éléments de droit et de procédure sur lesquels j’ai estimé utile d’attirer votre attention.
Je vous serais reconnaissant de me faire connaître vos vues sur la question.
Veuillez agréer, mon cher Collègue, l’expression de mes sentiments tout dévoués.
Projet de réponse du Ministre De Schrijver
Mon cher Collègue,
Je ne puis évidemment que vous exprimer mon accord sur le contenu de votre lettre no l’ONU-52.1-60-3575 du 12 août 1960. Elle expose de façon nette et concise la position juridique de la Belgique quant à la tutelle qu’elle exerce sur le Ruanda-Urundi. Qu’il me soit cependant permis de vous faire part des considérations suivantes :
1) Il semble juridiquement et raisonnablement établi que la tutelle ne puisse prendre fin qu’avec l’accession des populations qui y sont soumises à la maturité politique. Il ne vous échappera cependant pas que cette issue est rarement atteinte au moment où le déchaînement des passions politiques et les pressions internationales poussent un pays vers son indépendance. Celle-ci survient souvent sans que la maturité politique soit objectivement atteinte. Je crains que la Belgique ne chemine vers quelque dénouement semblable au Ruanda-Urundi.
Il me paraît, comme à vous, normal que cette situation soit soumise à l’examen de l’Assemblée générale.
2) Vous envisagez une modification éventuelle des obligations contenues dans l’Accord de tutelle en cas de retrait des troupes belges du Ruanda-Urundi. Je présume qu’il s’agit là d’une considération hypothétique. Car il est évident que la tutelle cesse de se concevoir, si des forces aux ordres de l’Autorité administrante ne sont pas maintenues dans le Territoire en nombre suffisant pour que soit assuré le « maintien de la paix et du bon ordre ».
3) Je voudrais enfin vous rappeler une situation de fait dont il me paraîtrait périlleux de ne pas tenir compte et que nos délégués et représentants spéciaux ont plusieurs fois signalée au Conseil de Tutelle : c’est que le Ruanda-Urundi, tenu par l’ O.N.U. pour une entité juridique, est formé de deux pays aussi séparés que deux voisins peuvent l’être et qui ont tendance, malgré les efforts combinés de la Belgique et de l’O.N.U., à suivre des voies de plus en plus divergentes.
Il me paraît que ces points doivent être pris en considération dans nos rapports relatifs au Ruanda-Urundi avec les instances internationales.
Veuillez agréer, mon cher Collègue, l’expression de mes sentiments tout dévoués.
A.-E. DE SCHRIJVER.
Au début du mois d’août se manifeste une divergence de plus en plus nette entre la politique préconisée à Bruxelles par le Gouvernement et celle du Résident Général et de l’Administration belge au Rwanda.
A Bruxelles, prévaut la prudence. Il semble que le Gouvernement et, plus particulièrement le Ministre des Affaires Etrangères, aient été désireux d’éviter une nouvelle fois de heurter l’opinion internationale et les Nations Unies, estimant que la politique belge à l’égard du Katanga avait provoqué le maximum de tension que pouvait supporter la Belgique et qu’il valait mieux y sacrifier les autres objectifs de la politique étrangère belge.
C’est ainsi que le Conseil de Cabinet du 19 août, souhaite que la Belgique adresse immédiatement une demande au Secrétaire Général des Nations Unies en vue d’obtenir l’envoi d’un délégué permanent au Rwanda avec qualité d’observateur, ainsi que l’intervention des Casques bleus pour collaborer avec les troupes belges au maintien de l’ordre.
Le même Conseil de Cabinet marqua son désaccord quant à l’organisation d’élections législatives, de crainte de voir se constituer une assemblée Hutu homogène. Le Conseil estima également que les institutions devraient comporter, grâce à une formule de compromis, une représentation Tutsi suffisante.
Ces décisions provoquèrent une réaction de la part du Colonel Logiest, Résident spécial.
Lettre du Résident spécial au Ministre Bruxelles, 29 août 1960.
Monsieur le Ministre,
Au moment de regagner le Ruanda, j’estime indispensable d’attirer votre très sérieuse attention sur la situation politique de ce pays. J’ai, en vain, espéré que le Conseil des Ministres veuille bien m’entendre à ce sujet.
Le but que nous devons poursuivre est de faire accéder le Ruanda à l’autonomie et à l’indépendance, rapidement, mais dans l’ordre et le calme. Je déplore que les mesures envisagées par le Gouvernement soient précisément de nature à rendre cette évolution politique difficile et dangereuse.
Je m’explique.
— Sur le plan intérieur, le Gouvernement s’oppose à l’évolution normale du pays, c’est-à-dire, à la mise sur pied d’un Gouvernement autonome par des élections du 2e degré. Etape qui peut cependant s’inscrire dans le programme préconisé par le Conseil de Tutelle de PO.N.U. Je voudrais qu’on sache que le Ruanda, après les dernières élections, est définitivement entre les mains du peuple et qu’il ne dépend plus de nous d’imposer une formule quelconque de compromis entre Hutu et Tutsi extrémistes. Depuis huit mois, les dirigeants Hutu ont fait preuve de leur capacité à diriger le pays et les élections communales ont montré qu’ils ont la masse du peuple derrière eux.
Le temps est révolu où, comme nous l’avons fait en décembre 1959, en créant le Conseil spécial provisoire du pays, nous pouvions imposer une formule de compromis par nomination. Notre seule attitude logique est de permettre le recours à la consultation du pays. Toute autre attitude créera des dangers très graves de désordres publics, la désaffection d’un peuple qui nous est profondément attaché et dont les représentants, poussés par la nécessité, agiront finalement sans nous, voire contre nous, pour asseoir le régime choisi par l’énorme majorité des électeurs.
— Sur le plan extérieur, le Gouvernement qui impose des formules dont le peuple ne veut pas, désire par contre susciter une intervention directe de l’O.N.U. dans la politique interne du Ruanda. J’ai, dans une autre note, souligné le danger que présenterait pour l’ordre public une telle intervention. Je demande, à nouveau, qu’on procède dans ce domaine avec la plus grande prudence.
Pour conclure, je supplie le Gouvernement, au nom des populations du Ruanda, au nom des Belges qui y résident, de reconsidérer d’urgence sa politique.
Le Colonel B.E.M. LOGIEST,
Résident Spécial du Ruanda.
Le Résident Général expose la façon dont il compte exécuter les prescriptions du gouvernement.
Lettre du Résident Général au Ministre Usumbura, le 31 août 1960.
Monsieur le Ministre,
Voici un résumé des conclusions de mes entretiens ce jour avec mes collaborateurs d’Usumbura, avec le Résident spécial colonel B.E.M. G. Logiest, rentré ce matin de Belgique et avec le Résident-Adjoint du Ruanda, qui avait hier longuement rencontré à Kigali les leaders hutu ruandais, très émus, comme vous savez, par la lenteur de nos réactions et par les menées outre-frontières des Unaristes et de Kigeri.
Vous avez recommandé, selon prescriptions du Conseil des Ministres :
1° de ne pas procéder maintenant au Ruanda à des élections au 2e degré ;
2° de tout mettre en œuvre pour parvenir à une représentation adéquate au sein de l’exécutif des deux « groupes en présence ».
Voici comment nous allons procéder pour respecter ces consignes, tout en suivant les prescriptions du colloque (élargir les pouvoirs du Conseil spécial provisoire entre les élections communales et les élections générales sous contrôle O.N.U. de début 1961) et tout en faisant face aux deux graves périls qui nous menacent : a) création au Congo d’un gouvernement Kigeri en exil avant que nous ayons remplacé par un exécutif approprié aux temps actuels post-électoraux le Conseil spécial provisoire devenu désuet et d’ailleurs en voie de désagrégation ; b) coup de force hutu, né de leur crainte du a) précédent, de leur énervement de nous voir tergiverser, de l’ivresse qu’ils conservent de leur récente victoire aux élections :
1° Faute d’élire un conseil au 2e degré, ce qui éliminerait pratiquement ou totalement les Tutsi de semblable collège, nous composerons officieusement un groupe d’une cinquantaine de Banyarwanda destinés à être les interlocuteurs les plus valables possibles, pour discuter avec l’Administration belge de la constitution d’un exécutif à substituer au Conseil spécial provisoire ;
2° Les chefs de territoires, en « tenant compte des préférences de conseillers communaux », nous indiqueront chacun 3, 4 ou 5 délégués, selon l’importance de la population du territoire ;
3° Ces délégués devant normalement compter peu de Tutsi dans leurs rangs, nous nous efforcerons d’obtenir des Hutu — ce n’est peut-être pas impossible — que le nombre des Tutsi de ce groupe soit porté à une dizaine par cooptation sur des propositions faites par l’Unar et le Rader, partis que nous devrions donc également persuader de présenter des candidats dans un but de réconciliation nationale ;
4° Vers la mi-septembre, ce groupe se réunira et discutera avec nous de la création d’un exécutif au sein duquel nous nous efforcerons aussi de provoquer « une représentation adéquate des deux groupes en présence ».
Je m’emploierai personnellement, chaque fois qu’il le faudra, à déterminer les dirigeants des deux camps à faire montre d’esprit de conciliation, de modération, de coopération. Le Résident Général,
(sé) Jean-Paul HARROY.
Devant le problème du maintien de l’ordre et la pression des leaders hutu, l’Administration belge se décide à créer une garde territoriale au Rwanda-Burundi.
Formation d’une Garde Territoriale 13 septembre 1960.
Le renforcement de la garde territoriale a été demandé par les leaders Hutu du Ruanda. Dans la mesure des disponibilités budgétaires actuelles, 1.200 hommes environ pourront être formés pour fin 1961 ; ils recevront cette formation localement à Kigali et Kitega.
L’encadrement de cette force, après l’accès du pays à son indépendance, sera assuré par :
— des officiers subalternes et des sous-officiers autochtones formés sur place,
— des officiers et sous-officiers belges qui demeureraient en place, en qualité de conseillers.
Il conviendra d’examiner s’il ne serait pas opportun d’envisager également avant fin 1961, la formation d’une vingtaine d’officiers subalternes et sous-officiers en Belgique auprès d’une école d’armes. Le Ministre des Affaires Africaines s’inquiète des revendications hutu concernant une république et des réactions éventuelles du Mwami.
Télégramme du Ministre au Résident Général 28 septembre 1960.
Il m’est revenu que Mwami Kigeri serait alerté de différentes sources que république serait très prochainement proclamée au Ruanda et qu’il serait mis par l’Administration Tutélaire dans impossibilité de maintenir ses droits. Mwami envisagerait dès lors prendre positions extrêmes. Il serait politiquement peu opportun que le Mwami puisse prendre position dans ces conditions devant opinion internationale.
Aussi j’ai estimé souhaitable de faire demander officieusement à l’intéressé de ne point prendre position définitive actuellement avant mon séjour à Usumbura. En corrélation je vous serais reconnaissant de surseoir jusqu’à mon arrivée à Usumbura à toute décision officielle en ce qui concerne l’organisation de l’assemblée et du conseil exécutif du Ruanda ainsi que la nomination des membres de ces institutions. Ceci ne fait nullement obstacle à la poursuite des négociations et consultations en la matière.
(sé) ASPREMONT.
Le Ministre des Affaires Africaines ne désespère pas d’amener le Mwami à collaborer avec l’administration belge, grâce à l’influence des modérés.
Télégramme du Ministre au Résident Général 30 septembre 1960.
Suite à mon telex du 23 courant envisage faire aviser officieusement Mwami Kigeri de la date de mon prochain séjour à Usumbura. Estime, en effet, que si retour Mwami à Usumbura peut provoquer un certain durcissement des positions hutu, il aurait toutefois pour avantage de séparer le Mwami de ses conseillers qui ne peuvent rentrer au Ruanda-Urundi et de le mettre à nouveau en contact avec des éléments plus modérés.
Saurais gré faire connaître urgence votre sentiment à cet égard.
(sé) ASPREMONT.