{:fr}ABATS

Le COEUR : une femme ne peut en manger, si elle est encore susceptible d’éprouver quelque sentiment tendre pour un homme autre que son époux.

Un homme qui a encore son père lui témoignera du respect en lui envoyant le coeur d’une bête qu’il vient d’abattre, en ayant soin, toutefois, de couper la pointe.

Le FOIE : morceau réservé aux femmes qui le mangent toujours grillé, jamais cuit à l’eau ou avec une graisse quelconque. Celle qui aurait eu un membre de sa famille emporté par la tuberculose pulmonaire ne peut plus en consommer, le foie étant devenu « tabou » pour elle. On sait que les Abanyarwanda situent le siège de la T. P. dans le foie (cf. autopsie).

Le foie s’appelle umwijima : ce mot veut encore dire « ténèbres ». Si un homme en mangeait, il serait incapable de se diriger et de se défendre dans la vie, il serait « enténébré » jusqu’à la fin de ses jours. Toutefois, à l’encontre de cette idée, on prétend que le morceau réservé aux patrouilleurs, éclaireurs, espions ou abatasi, qui renseignaient autrefois les guerriers sur la puissance et les projets de l’ennemi, était précisément le même organe.

Les ROGNONS : sont considérés comme un couple. On interdit à une femme d ’en manger, si elle n ’a jamais mis au monde des enfants des deux sexes, car il lui serait impossible d’enfanter garçon et fille ou igitsina.

La LANGUE est le morceau de choix du chef du clan, mais encore faut-il en sectionner le bout. Sa consommation est interdite aux femmes, car elles deviendraient trop bavardes.

Les POUMONS ou ibihaha, que la jeune fille ou la jeune femme ne reçoivent pas, par crainte de les voir devenir ibihahamuke ou celles qui parlent sans réfléchir, stupidement.

La CERVELLE : elle est jetée aux chiens ; hormis les Pygmées ou Abatwa et les enfants très jeunes ou les orphelins (et encore), personne n’en fait usage.

La RATE, appelée urwagashya à cause de sa forme rappelant celle d’une pagaie ou ingashya, est réservée aux passeurs d’eau ou aux vachers.

Celui qui est atteint d’un eczéma à l’oreille se procurera cet abat, il s’en frottera vigoureusement, puis en le jetant, il prononcera :

 Nâtâna n’amerwe, Je me séparerais de l ’eczéma,

N ‘urwagashya… Et de la rate…

Désormais, il ne pourra plus en manger par crainte de le voir récidiver. Ajoutons que la rate de chèvre est plutôt recherchée pour cette médication. Ceux qui sont tourmentés par un autre eczéma siégeant en d’autres parties du corps et qu’ils appellent ibikerera, emploient le même procédé.

La MOELLE est très appréciée.

Quant au sang on n’en perd pas une goutte. On le mélange au bouillon de viande et d’os dénommé umufa ; ce mélange urwamba est bu au chalumeau. Le sang sert aussi à préparer Vikiremve, sang caillé cuit avec du jus de feuilles de Coleus aromaticus = umuravumba, ceci pour parfumer la préparation et y joindre les propriétés antihelminthiques de la plante, toujours utiles pour les

Abanyarwanda. On dit que les enfants qui n’ont pas commencé leur deuxième dentition ne peuvent recevoir de ce sang, car leurs dents noirciraient.

L’INTESTIN GRELE est cuit sans avoir subi le moindre nettoyage. Le gros intestin est simplement vidé de son contenu ; on convient que quelques herbes et un peu de bouse ne peuvent nuire au fumet.

La dernière portion du gros intestin ainsi que le vagin sont réclamés par les Pygmées.

Le DUODENUM est appelé impindura, mot dérivé du verbe guhindura, changer ou retourner : le duodénum, en faisant un angle, est censé changer de direction, d’où le sens étymologique de son nom. Il est interdit à une femme ruandanaise de consommer cette portion de l’intestin, car la crédulité populaire assure qu’elle deviendrait volage : agahindura amazu, elle changerait constamment de demeure… Cependant, une femme qui

a mis au monde deux enfants de sexes différents ayant ainsi fait souche (igitsinà), pourra s’en régaler sans craindre de devenir volage.

Si l’animal est mort empoisonné par une plante vénéneuse umutambashya, on jette l’estomac. Toutefois les gens expérimentés donnent un peu de viande crue à un chien et diagnostiquent d’après ses réactions.

Dans certains cas, les indigènes remarquent que les mouches, toujours nombreuses dans l’abattoir de fortune, tombent mortes à cet endroit. Par prudence, là aussi, on prend un chien errant comme sujet d’expérience, ou bien on attend le lendemain, ceci parce qu’il se trouve toujours des gloutons pour négliger toutes précautions. On a vu ainsi des familles entières périr intoxiquées par de la viande avariée appelée imbirundwe. 

ABCÈS

Pour faire avorter l’abcès, tuer un héron gris uruyongoyongo. L’enterrer dans la bananeraie. Le déterrer quand on suppose qu’il est décomposé. Prélever deux morceaux des fémurs, les approcher du foyer brûlant en disant « Quitte, quitte le bois ! » Puis, en les posant sur l’endroit malade, ajouter : « Voici l’homme ! » et porter l’amulette sur l’abcès.

Mieux vaut, pense-t-on, hâter l’apparition de la collection purulente. On a recours aux pointes de feu qu’on pratique au moyen d’une alêne chauffée à blanc. Pour favoriser la formation de la tête, on prend un morceau de tronc de bananier que l’on passe dans les cendres chaudes, pour l’appliquer suintant et très chaud, sur l’abcès en appuyant tout autour.

On emploie aussi une espèce d’aubergine umutoryi, ou encore des baies d’ibitagarasoryo. Les cueillir bien mûres, puis les écraser telles quelles sur l’abcès en formation.

On peut aussi, avec la pointe d’un couteau, faire quelques petites scarifications ; on y applique une demibaie d’umuchûchû, que l’on aura recouverte de poudre de feuilles d’umusorôro. C’est un révulsif.

Pour supprimer le « feu » ou douleur cuisante, on cueille des feuilles d’umutagara ; trempées dans de l’eau chaude, elles servent à fomenter deux ou trois fois par jour.

Dans l’entre-temps, enduire de bon beurre. Le pus étant collecté, chauffer à blanc une alêne et piquer droit, une ou plusieurs fois. Chaque jour, le pus

est évacué par pression. Après quelque temps, on traite comme une plaie infectée. 

Abcès du sein.

Il est appelé umuhembe, mot composé du préfixe umuet du radical hembe. Ce terme proviendrait de l’emploi de la partie dure et conique d’une corne = ihembe, dans le mode principal de traitement de l’affection, à moins

que la façon de la traiter ne soit simplement inspirée par la similitude des mots.

Sur le sein tendu et douloureux, faire quatre scarifications, y appliquer une demi-baie d’umuchûchû, saupoudrée au préalable de poudre de feuilles d’umusorôro, comme ci-dessus, mais avec cette particularité, que la baie doit avoir été unique sur l’arbuste. Après avoir posé un instant le fruit sur chaque incision, le reconstituer en entier et l’enfouir là où l’on passe souvent, par exemple sur le pas de la porte : en applatissant le fruit, on fait disparaître l’abcès du sein.

Porter, flottant sur le sein malade, la mammelle d’une chèvre à robe intégralement noire et qui a été égorgée d’un seul coup de couteau. Peu importe que cette mammelle soit fraîche ou séchée.

Ou bien porter au cou, retenue par une ficelle, la plante appelée umwungabere = « celle qui remet le sein en place ».

Autres amulettes. Petit éclat de l’arbuste isonga.

Bout de corne de vache aveugle. Bout de come qui en a encorné une autre.

Si l’on peut se procurer une come de taureau adulte qui a été abattu (pas mort de maladie), avec un tison ardent on brûle un peu les écaillettes au-dessus du

sein : les émanations amèneront la guérison.

De l’extérieur de l’enclos, quelqu’un frappe avec violence sur une corne de vache, en appelant la femme d’une voix forte ; celle-ci s’effraie et laisse échapper un cri. Elle ne va pas tarder à aller mieux, car le sein malade a sursauté, la corne a résonné !

Après avoir attaché l’une ou l’autre amulette, apporter un carquois à flèches, presser le sein au-dessus de cet étui ; le fermer aux deux extrémités au moyen des deux petits bouchons habituels, suspendre l’objet qui petit à petit va se vider de ce lait. Le sens sympathique de l’action apparaît ici clairement : les canaux lactifères se désobstrueront.

Si l’allaitement a été interrompu par la mort du nourrisson, la nourrice comprime sa poitrine au-dessus des seins avec une cordelette de raphia ou uruhivu rumwe, d’une seule lanière ou avec une espèce de cynodon à nombreux noeuds umuchacha qui pousse à travers le sentier ou qui s’infiltre dans la hutte ; ainsi donc elle croit arrêter la sécrétion. 

ABDOMEN

Le mot inda désigne tout à la fois l’abdomen, la grossesse et son produit. L’expression mu nda pourrait signifier cavité abdominale. Nous verrons que les notions anatomiques que les indigènes ont de cette partie du corps ne sont pas exemptes d’erreurs.

Plaies pénétrantes par armes (lance ou flèche).

Autrefois, les Abanyarwanda, obligés d’aller guerroyer, se cuirassaient le ventre et les reins ; les bandages étaient faits d’épaisseurs de tissus rugueux, tirés de l’écorce de Ficus battue.

Lorsqu’un fer de lance ou de flèche avait pénétré dans l’abdomen, on agrandissait la plaie avec un couteau ordinaire, et le forgeron le plus proche venait retirer le corps étranger au moyen de sa tenaille rudimentaire.

Mais il arrivait que l’arme ayant pénétré trop profondément, il devenait impossible de la retirer ; force était alors aux opérateurs de la pousser, la faisant traverser l’abdomen de part en part. On versait alors le jus de certaines plantes médicinales, puis du beurre rance liquéfié sur fer rougi au feu.

Hémorragie interne.

Lorsqu’elle se produit après un coup de flèche, on ne remarque pas de perte de sang à l’extérieur, mais le blessé devient ballonné. Si l’on n’agit pas rapidement, les caillots de sang ne peuvent plus être liquéfiés, puis évacués ; le pronostic est grave.

Le liquide coagulé peut durcir comme la pierre. Le traitement est inutile, parce qu’appliqué trop tard. Ainsi explique-t-on le « ventre de bois » de la péritonite.

Le traitement de l’hémorragie interne poursuit un double but : d’abord ramollir, liquéfier les caillots, puis les évacuer par les orifices naturels de l’abdomen, vessie et intestin.

D’urgence, se procurer un bouc (à défaut du bouc, un taurillon ou quelque viande de vache que ce soit) ; avoir soin d’en recueillir le sang. Cuire la viande à l’eau, y ajouter des herbes médicinales. Après cuisson, le bouillon est mélangé au sang et bu très chaud. Outre une bonne sudation, il se produit également de la diarrhée et des effets diurétiques imposants.

A la viande de bouc, on ajoutera du beurre rance ; on conseille au blessé d’en consommer à satiété. On sait que la chèvre n’est pas appréciée, surtout par

les nobles ou A batutsi ; cependant, on la préfère pour ce traitement. Si l’on ajoute du beurre (qui provient de la vache), c’est afin de lever l’espèce d’interdit et de permettre au blessé de boire du lait dans la suite, lait de vache, s’entend : le seul admis dans l’alimentation.

On ne pense pas qu’il puisse se produire une collection dans la cavité abdominale, attendu que celle-ci possède des voies d’évacuation.

Hémorragie externe importante.

Prendre des feuilles engainantes de tronc de bananier = ibirere by’ingabo, larges et solides, et en ceinturer fortement le blessé.

Plaies de l’abdomen provoquées par cornes de ruminants.

Prendre une vieille corne de taureau mort glorieusement, c’est-à-dire mort des suites d’un combat avec un rival ou égorgé de la main de l’homme. A l’aide

d’un tison, brûler un peu de cette corne au-dessus de la plaie ; à la poudre ainsi obtenue, ajouter du beurre, en obturer la blessure. On emploie aussi le jus de plantes médicinales.

Si l’intestin fait hernie, le «chirurgien» est mandé et opère de cette manière. Il se sert d’un appareil contentif ubunure. Ceci est le fruit séché et vidé de ses graines, d’une courge de petite espèce urgwungwane ; la partie supérieure du col est tranchée, ou bien on perce un orifice latéral. La portion herniée est introduite avec précaution dans le petit bocal (lequel a été au préalable lavé à l’eau simplement et mis à sécher au soleil) ; désormais il restera en place. On recouvre de feuilles d’érythrine trouées comme une passoire ; par-dessus, on ajoute des plantes vulnéraires, puis un bandage compressif.

La guérison survient parfois, dit-on; à la longue la peau recouvre l’appareil qui, bien que corps étranger, ne provoque pas de malaises. On prétend que dans certains cas, la calebasse se désagrège et est évacuée insensiblement avec les matières fécales !

Le hiernieux porteur de cet appareil doit prendre des précautions. Marcher à pas lents pour éviter les chutes qui occasionneraient le bris de la courgette et par conséquent causeraient des perforations intestinales. Manger et boire modérément pour que ne se produise pas l’éclatement. Craindre les disputes, les conflits, les coups. En un mot, vivre une vie tranquille, sans excès d’aucune

sorte. Ajoutons que nous avons rencontré un porteur de l’appareil contentif ubunure. 

ABEILLES (PIQÛRES D’)

Pour les empêcher de piquer, on se coiffe d’une branche feuillue de Cassia = umuchyuro. Afin de les rendre vindicatives, par exemple envers les voleurs, on dispose, à l’entrée de la ruche, deux feuilles de Coleus aromaticus

ou umuravumba.

Celui qui s’approche des ruches après avoir bu de la bière ou fumé sa pipe, est certain d’être piqué. Qui va récolter son miel arrache un peu d’herbe près de la ruche, le mâchonne et le crache au trou d’envol, en prononçant la formule de conjuration suivante :

Nazitanga kurya. Je les devancerais pour piquer.

Il saisit alors un mâle = igomerane, vivant et l’avale sans mâcher. S’il devait être piqué malgré ces précautions, ce serait sans aucune conséquence. Planter une lance à côté de la ruche, c’est également prévenir les piqûres de ces insectes.

On aura soin d’emporter de la bouse de vache séchée sur un tesson contenant des braises ardentes, ce qui provoquera une fumée intense, éloignant les abeilles, ou bien des torches herbeuses qui donnent le même résultat.

Il existe un procédé, qui varie selon les régions, pour rendre les abeilles inoffensives pendant un certain laps de temps. Le travail se fait de préférence à jeun, le matin, et incombe surtout à la femme, qui a moins d’âpreté que

l’homme, dit-on.

Prendre un morceau de pâte de sorgho, cuite la veille, le déposer sur la ruche ; placer à côté un petit pot contenant de la bière fabriquée le jour même, ficher une alêne surmontée d’un petit couvercle de vannerie. Ce moyen est également employé quand on désire réparer la hutte ou la palissade que les ruches avoisinent.

Si la ruche se trouve dans un champ, une lance garnie d’une motte de terre retient leur attention.

Traitement des piqûres : on se contente d’enlever les dards = imbori. 

ABORTIF

La drogue provenant de l’arbuste umuhoko ou untuhokoro (Phytolacca dodecandra), est très bien connue. On la surnomme umuraganyina, cette expression laissant entendre qu’il est prudent de dire ses dernières volontés

à sa mère avant son emploi. Aujourd’hui comme autrefois, les filles-mères y ont invariablement recours, tout au moins dans les deux ou trois premiers mois de la grossesse.

Procédé: les feuilles sont écrasées, pressées et tordues ; le jus, allongé d’eau, est mis à tiédir au soleil. On en boit une tasse environ vers neuf heures du matin. Les effets se font sentir dans la journée.

Certaines femmes qui ne désirent pas passer leur vie auprès d’un mari qui leur a été imposé et pour lequel elles n’éprouvent aucune affection, empêchent la venue d’un enfant qui serait pour elles un lien, en buvant Yumuhoko. 

ABSTINENCE

Les gens du Ruanda s’abstiennent, par motif religieux, de manger des oeufs, du poisson, de la viande de chèvre, de mouton, de lapin, de poule, et de nombreux animaux qu’ils considèrent comme impurs.

Cependant certains clans font exception à la règle et d’autres, actuellement, n’observent plus guère les interdictions alimentaires du fait de leur contact avec lesEuropéens.

Ils s’abstiennent aussi de boire toute l’eau qui se trouve dans leur hutte le soir ; ils en laissent toujours un peu au fond d’une cruche, c’est 1’« eau de la Providence» = utuzi twa Imana, pour q u ’lMANA la bénisse. 

Inzoga est le nom générique de la bière. On désigne ainsi toutes les variétés de boissons alcooliques dont abusent presque tous les indigènes. Les bières diffèrent beaucoup selon qu’elles sont préparées au miel, au jus de bananes, au sorgho ou à l’éleusine.

On rencontre cependant quelques abstinents. Ce sont ceux qui ont fait de vains efforts pour jouir eux aussi de l’heureux état d’ivresse, mais ont été affligés de si violents maux de tête et de tels étourdissements, qu’ils ont dû renoncer à la bière fermentée. La bière légère peut provoquer, elle aussi, chez ceux-ci, de grands malaises ; ils deviennent abstinents par la force des choses.

De quelque variété qu’elle soit, la bière est interdite aux gens atteints d’ifumbi. Cette affection, aussi commune que bizarre, présente les symptômes du rhumatisme, de la migraine, de la cystite, de la phlébite, etc…Elle peut dessécher les seins d’une nourrice, provoquer un avortement, causer la stérilité, voire la chute des dents. Vertiges et éblouissements dominent, de sorte que les médecins indigènes déconseillent la bière, boisson nationale, à ceux qui sont atteints d’ifumbi. 

ACNÉ

On l’appelle igishishi. On exprime le « pus » (le demodex) et l’on frotte de cendre de bois. L’acné est souvent confondue avec la teigne imiuru résultant du rasage

avec un couteau quelconque.

On emploie les plantes umubazi et ichyumwa ; leur jus allongé d’eau sert de lotion.

Délayer un peu de terre d’une termitière spéciale igisindu dans de l’eau ; s’en frotter. Pour Yigishishi bien déterminé, on emploiera de préférence de la terre

provenant de galeries faites par les petites fourmis inshishi qui sont les phéidoles, l’assonance des noms jouant un rôle dans le choix.

Si une jeune fille a cet ennui, sa tante apportera un épi de sorgho égrené qui a pour nom umushishi ; elle lui brossera soigneusement le crâne avec l’épi, en disant :

Naguhungura igishishi... Je t’époussetterais l’acné… 

ADÉNITE

L’engorgement au cou et à l’aine, fréquent chez les enfants, s’appelle inkha z’abana, c’est-à-dire bétail miniature pour enfants. Quand le gonflement est douloureux, on peut recourir aux pointes de feu et fomentations avec des feuilles écrasées d’umusorôro trempées dans de l’eau chaude.

Intobo ou baie désigne un engorgement plus important se produisant après la marche, souvent parce qu’une porte d’entrée à l’infection se trouve dans le voisinage ; on dit encore isâzi. S’il y a lieu, percer avec une alêne rougie au feu.

Isumbi. C’est l’adénite aiguë de l’aine, d’où son nom. On la traite ainsi. A l’insu du patient, appliquer sur le gonflement l’extrémité d’une spatule de ménage fortement chauffée ; agir brusquement. Le patient, surpris, se retire vivement, la guérison sera toute aussi prompte.

Autre manière. Le malade est couché, la partie bien à découvert. Un aide a préparé un paquet de braises ardentes enveloppées d’herbes fines. Tenant le paquet au-dessus de Yisumbi, il verse lentement de l’eau froide jusqu’à complète extinction du feu.

On prend une cordelette avec laquelle on fixe ce paquet froid à un poteau, soutien de la hutte, contre lequel personne ne s’appuie. On prononce énergiquement

:Va ku giti / Sors du poteau !

Dor’umuntu wawe ! Vois ton homme !

Le mal que l’on a inclus dans le paquet est naïvement invité à pénétrer dans le bois, qui lui est présenté comme un être humain, en voulant lui faire croire que le malade n’était qu’un morceau de bois !

L’adénite phlegmoneuse et les phlegmons sont fort redoutés des indigènes. Le malade est fiévreux, il frissonne.

L’affection peut évoluer rapidement et se terminer par la mort ; il semble alors qu’on soit en présence d’un phlegmon diffus. Dans beaucoup de cas, heureusement, les phénomènes s’amendent, pointes de feu et fomentations

ayant produit des effets bienfaisants, quoiqu’appliqués tardivement cependant. La théorie veut qu’en agissant précocement on ferait avorter Yisêke qui réapparaîtrait ailleurs, immanquablement, car en ayant recours aux pointes de feu pour traiter un malade fiévreux, donc brûlant, on aggrave le mal. L’idée du feu est ici voisine de celle du feu carburant.

Pour éviter que le mal atteigne 1’« intérieur du ventre », on administre des dépuratifs à l’aide des plantes

umuravumba et nyiramuko.

Pour opposer une barrière efficace à l’infection, si celle-ci a atteint un membre, on le garotte de lanières de peaux de lion, d’hyène, de cynocéphale ou d’oryctérope.

On peut aussi brûler des lambeaux de ces peaux, dont la cendre servira à saupoudrer Yisêke.

La collection purulente étant réalisée, on perce à l’aide d’une alêne rougie au feu. On traite ensuite comme plaie infectée, et pendant longtemps, car il se produit une grande évacuation de tissus sphacéléï.

Voici un procédé un peu compliqué, motivé par l’état du malade et qui nous semble répondre à l’idée d’influence par similitude de mouvement.

Se munir de : deux spatules de ménage imyuko ; deux alênes impindu ; une sorte de bâton ferré magique igihôsho (de guhôsha : apaiser, calmer). Partir à la recherche de la plante à suc « la larmoyante » rurira ; c’est un laiteron. Quand on l’a découverte, dresser :

1) Un paquet chaud (de braises ardentes) à proximité de la plante : cela se dit guchurika, soit renverser ; ce faisant, prononcer :

Nshuritse indwaa mbi. Je renverse le cours de la dangereuse maladie.

2) Au côté opposé, dresser en sens inverse un paquet froid : cela se dit guchurura, soit redresser ; prononcer :

Nshuruye amagara ya X Je redresse les forces d’un tel. (ici le nom du malade).

Agir de même avec les deux spatules, les fixer en terre en sens opposés autour de la plante, de même avec les alênes, en ayant soin de bien planter les parties importantes des objets, cuillères de la spatule, côté large de l’alène.

Mettre à nu les racines, en les découvrant au moyen de l’instrument à simples que nous avons cité plus haut. La plante entière est déracinée et emportée à la maison. La partie aérienne, sans utilité, est mise à sécher. Les racines sont grattées soigneusement ; on en prélève un morceau de vingt centimètres environ. On apporte une cordelette assez longue d’aponévrose d’une bête abattue (et non morte de maladie) et on fixe l’amulette par deux noeuds dont la stricte ordonnance est indispensable.

L’âtre des A banyarwanda est composé de trois pierres dressées ; deux en avant, la troisième en retrait vers le fond de la hutte. Il est important de passer la cordelette entre les deux premières pierres et de la faire sortir en contournant celle de droite, près de laquelle la femme aime s’asseoir, et qui est, pour cette raison, appelée ishyiga ry’ingore ou pierre femelle du foyer.

L’opérateur n’agit pas au hasard ; cette pierre serait douée de vertus adoucissantes parce que la femme, plus douce que l’homme, s’en approche volontiers.

La cordelette est frappée sur Yisêke, tandis qu’on formule :

Va ku giti, Quitte le bois,

Igiti ntikirwara… Un bois ne devient pas malade…

Répéter rapidement deux ou trois fois ces mêmes paroles, puis, brusquement, laisser choir l’amulette en prononçant :

Najugunye indwara mbi hasi… J ’ai jeté à terre la dangereuse maladie…

Le raisonnement symbolique paraît être celui-ci : le praticien doit parvenir à déloger le mauvais esprit responsable.

Lorsqu’il est devenu assez habile, son pouvoir subjugue le mal dès qu’il jette subitement à terre la cordelette possédée par l’esprit. A partir de ce moment,

le mal ne pourra plus regagner son habitacle, c’est-à-dire Yisêke. Néanmoins, la cordelette est reprise et attachée à un poteau dont personne ne s’approche.

En certaines contrées, après avoir exhorté le mal à s’introduire dans le bois du poteau, on détache l’amulette et on la lie au-dessus de la partie malade. 

ADOLESCENCE (PRATIQUES SE RAPPORTANT À L’)

Ce mot se traduit par deux termes différents, selon qu’il s’agit d’un garçon : ubusore ; d’une fille : ubukumi. Cette période de la vie débute vers treize ans chez les filles, un peu plus tard chez les garçons.

L’apparition de la menstruation est le signal de cérémonies diverses, ayant pour but de savoir si la jeune fille aura une influence maléfique lors de ses menstrues, ou si elle sera inoffensive.

Chez les garçons de la race des paysans A bahutu, rien à signaler. Chez les nobles A batütsi, pour que les jeunes gens restent sveltes et gardent un « beau ventre », les danseurs attitrés en particulier, on administre des purgatifs fréquents : suc d’isagara additionné d’urine de taurillon ou bien emploi de racines à tubercules d’ibibombwe, lesquelles sont grillées comme des patates et pilées ; on y ajoute de l’urine de vache.

Afin de rendre le ventre libre, les filles et les garçons à marier boivent un peu de ces purgatifs avant leur mariage. 

AGALACTIE

Se dit igihâma ou igisangu. Uigihâma semble indiquer l’absence de lait chez une femme accouchée. On ne connaît pas de remèdes ; on peut recourir au mage pour déjouer les maléfices d’un mauvais esprit éventuel.

Certains prétendent qu’on peut kugonôra, c’est-à-dire faire venir le lait, en administrant à l’accouchée des infusions de plantes au jus laiteux, umuronzi et mnunyegenyege.

L ’igisangu est l’état d’une femme qui a eu du lait, qui a déjà pu allaiter, mais dont la sécrétion est tarie. Beaucoup affirment qu’un ennemi l’a envoûtée de la manière suivante. Un morceau de pis de vache a été grillé, puis donné à manger à la femme : ce maléfice a fait rôtir la sécrétion lactée. Il suffit, dit-on, à celui qui veut nuire, de presser quelques gouttes du jus de cette viande grillée dans un peu de lait ou de bière pour obtenir le résultat voulu. Ce geste est désastreux, surtout chez ceux qui ne possèdent pas de bétail, car les Ruandanais se lassent vite de venir en aide à leurs congénères dans le besoin et on dit que beaucoup d’enfants meurent parce qu’ils ont manqué de lait.

Voici ce que l’on conseille d’essayer. Prendre une canne à sucre, la piler ; le jus filtré est versé dans un pot de bière provenant d’un seul régime de bananes ;le laisser fermenter trois jours au-dessus de l’âtre et réserver cette boisson à la femme seule, personne d’autre n’étant autorisé à en boire.

Un autre cas d’agalactie (hypogalactie secondaire), est Vagahûbo. Ce mot est dérivé du verbe guhûba, c’està- dire sécher sur place avant maturité. La femme voit sa sécrétion lactée disparaître parce qu’elle est trop pauvre pour se procurer une nourriture substantielle.

Traitement. Du jus de feuilles d’inyanzi est versé dans un carquois ; en s’écoulant, il fera, par analogie d’action, se désobstruer les canaux lactifères.

Le verbe kuzibura signifie désobstruer : aussi est-il indiqué de porter sur la poitrine un bout de tige d’umuzi bur a, application inattendue de la devise homéopathique.

Se procurer une espèce de saponaire umubimbafuro, plante rampante que l’on écrase entièrement ; le jus est ajouté à de l’eau ou à du lait, à des bouillies.

Porter au cou des amulettes de bois d’umuhire et d’umukuzanyana et la signification de ces mots rendra à la femme la joie de recouvrer son lait. Si possible, procurer à la nourrice bière et lait, ce qui est une prescription plus rationnelle. 

AGONIE

Lutte finale contre la mort. Les indigènes palpent le coeur du moribond et expliquent que cet organe ne respire presque plus, l’air ou umwuka étant censé pénétrer jusqu’au coeur.

Rugondo, le Roi des Vers intestinaux, dont tout Ruandanais hérite avec la vie, meurt aussi en même temps, mais non sans avoir réagi ; les coups de pied

imigeri et les contorsions lui sont attribués.

On essaie de ranimer le patient par les moyens qui suivent. Une gousse de piment est passée à la flamme, puis sous le nez, pour provoquer des éternuements. Une branchette d’umwishèké est susceptible d’irriter le nerf olfactif, à cause de son odeur forte.

Une galette de bouse de vache séchée allumée, passée et repassée sous les narines peut inciter à inspirer. On essaie aussi d’obtenir le même résultat en versant dans le nez le jus de baies d‘igitoborwa ou de feuilles de Coleus

au parfum pénétrant umuravumba.

Si on peut se procurer une poudre sternutatoire puissante telle que la poudre magique isubyo provenant de la racine séchée de l’arbre umusengese (Myrica salicifolia), on l’emploiera abondamment.

On croit qu’un peu de bouillie chaude de sorgho peut réchauffer le coeur. On écarte les mâchoires au moyen d’une tige sèche de sorgho, surtout pas de roseau, et on verse la bouillie dans la bouche. Celle-ci aura été préparée avec de la farine de sorgho non germé, qui est fort assimilable, dit-on, contrairement au grain germé, qui peut amener la diarrhée.

On verse de l’eau très froide sur la tête et la poitrine pour « saisir » et rétablir la respiration. Des lanières de peaux diverses enflammées, surtout de peau de lion, servent à enfumer la pièce et à faire éternuer.

Le mourant sera maintenu, buste relevé, sur une paillasse installée par terre et non sur le lit. La bave est soigneusement essuyée et la boue est lavée à l’eau chaude.

Si les yeux restent clos et s’il ne se produit aucune réaction lorsqu’on pince les narines, on en conclut qu’avec la cessation des battements cardiaques, la mort a fait son oeuvre.

On s’empresse alors de recroqueviller les membres en ramenant les mains au menton et en repliant les jambes sur le corps, à peu près dans l’attitude de l’enfant qui va naître, et de faire les préparatifs de l’inhumation.

Pourquoi agit-on de la sorte ? Cette façon de faire est très répandue parmi les populations de race primitive. Elle serait due d’abord à la croyance en une vie future assez semblable à la présente, mais voici une opinion divergente émise par plusieurs de nos informateurs : placé dans cette position, le mort est mis dans l’impossibilité d’attirer, on dit gukurura, les vivants. Quoi qu’il en soit, cette coutume est considérée comme tellement importante, que l’opération est parfois commencée avant que le moribond ait rendu le dernier soupir, de crainte que la rigidité cadavérique ne vienne mettre obstacle à sa réalisation.

Les Ruandanais croient à la survivance au séjour des morts i Kuzimu, et que les besoins y sont les mêmes que sur terre. Dans la main droite du cadavre du père ou de la mère on serre quelques petites feuilles d ’ishyoza, et une petite touffe de poils de mouton, la douceur de la plante et celle du mouton étant reconnue, afin d’en inspirer les mânes. Ailleurs, c’est un peu des quatre

plantes principales du pays : une graine de courge, des grains de sorgho et d’éleusine et des feuilles du Gynandropsis pentaphylla pour sa nourriture, ou encore un brin de momordique sans épines pour lui assurer un libre passage dans l’au-delà. On munit aussi la mère de quelques reliques, petit panier en vannerie, pot à crème de beauté, etc., pour son voyage et son installation.

Les cheveux auront été coupés grosso modo, ainsi que les ongles des mains et des pieds. 

AMBLYOPIE

En premier lieu, s’assurer si l’on n’est pas victime des ennuis inhérents à Nyandwi. On sait que le septième enfant doit porter ce nom, et que, par sa venue au monde, il astreint ses parents à prendre certaines précautions, car, comme lui, ils deviennent vulnérables du côté des yeux. Le jour des relevailles, jour du baptême païen du nouveau-né, a normalement lieu à la chute du cordon ombilical ; mais, dans le cas présent, il peut être reculé jusqu’au quatorzième jour après la naissance. C’est alors que l’umuhangi purificateur vient visiter la famille de Nyandwi, pour faire prendre à tous un breuvage

magique composé de plantes. En outre, le forgeron du village apporte dans une corbeille remplie de farine de sorgho et d’éleusine (céréales très prolifères), de curieux petits talismans, sortes de pendentifs fabriqués le jour même : ce sont les imidende. D’habitude, chacun en reçoit deux, un du sexe masculin ingabo, contenant une tige ou petit battant ; l’autre, du sexe féminin, creux,

celui-là. Mais on dit aussi que s’il s’agit d’un garçon, c’est au père à les porter ; que s’il s’agit d’une fille, c’est à la mère.

Certains estiment qu’il vaut mieux les porter au cou, en sautoir. On place entre eux un fruit dur du bananier sauvage ikiriburibu, apprécié à cause de sa résistance, qu’il communique à celui qui le porte. Mais la plupart affirment cependant qu’il suffit de kugera, en toucher le cou, comme si on voulait en prendre la mesure et cela lorsque la lune apparaît, condition sine qua non à la

réussite de l’opération.

Beaucoup, en tout cas, les portent le premier et le deuxième jours de lune, puis ils vont les déposer dans un petit panier. Naturellement, si quelque

faiblesse de la vue venait à être ressentie, il serait utile de ne plus se séparer des talismans.

Le symbolisme du chiffre 7, redouté à la naissance du septième enfant, est étendu au septième vêlage ; la vache est exposée aux mêmes dangers et doit également porter les imidende. Il en va de même pour un chien de chasse qui a tué sept bêtes et naguère pour tout guerrier ayant abattu sept ennemis. Nyandwi ou le Septième reçoit son nom de l’aîné de la maisonnée et non du père, comme le veut la coutume ordinaire. Chose étrange, pour que les prescriptions soient observées dès sa venue, il faut que tous les enfants soient vivants. La naissance de Nyandwi appartient donc au nombre des événements et phases critiques qui jalonnent la vie des gens du Ruanda et qu’ils est nécessaire de « corriger » = guhana par des rites purificateurs pour les faire rentrer dans l’ordre naturel.

Tranquillisé à ce sujet, celui dont la vue s’est affaiblie, essayera d’y remédier en employant :

1) Feuilles écrasées de momordique umwishwa, d’abord passées à la flamme. Le jus encore tiède est exprimé dans les yeux.

2) Du vieux beurre, rance d’un an au moins, sert à rôtir une gousse de piment dans un tesson. La poudre, mélangée à un peu de beurre frais, est appliquée sur les yeux le soir ; ceci pour éviter que le patient, qui souffre beaucoup et se démène, n’aille au soleil, ce qui serait désastreux.

3) Feuilles de Cassia — umubagabaga, à piler. Le jus est mis à chauffer dans un pot avec de l’eau. Le malade recouvert d’une couverture (autrefois d’une étoffe de Ficus) se penche au-dessus de cette vapeur qui lui irrite les yeux et le fait transpirer abondamment. L’eau peut être remise à bouillir pour obtenir une nouvelle concentration de vapeurs dont « bénéficie » le patient. Les yeux

sont lotionnés avec le même résultat. •

4) Pointes de feu sur les sourcils et les paupières. Elles sont souvent appliquées à tort et à travers au point que certains malheureux n’ont que plaies et bosses à cet endroit. Les plus adroits emploient deux alênes

alternativement rougies au feu et posées rapidement.

5) Plante d’uruteja employée entièrement, cuite avec des feuilles d’umukiryi, pour bain de vapeurs comme dit précédemment. Puis porter en guise de diadème une cordelette urusasanure prélevée sur une tige de papyrus, avec deux amulettes, consistant en bouts à ’uruteja cuite.

6) Umubazi (Monechma subsessile) : presser les feuilles fraîches sur les paupières, puis les triturer en exprimant le jus dans les yeux.

Lorsqu’on croit que l’amblyopie ou l’amaurose sont dues à l’inobservance des prescriptions habituelles à la venue du septième enfant, il faut faire une saignée.

Attacher une corde à la nuque en la faisant passer derrière les oreilles et comprimer fortement la tête et le front pour faire gonfler (kuretesha) les veines. chercher le vaisseau le plus apparent au-dessus et au-dessous des yeux.

Se munir d’une alêne et d’un couteau bien aiguisé. Saisir la veine, donner un petit coup bref du couteau dans la peau pour faire lever le vaisseau. Soutenir celuici avec l’alène recourbée, le trancher avec le couteau. Il s’ensuit une hémorragie bienfaisante. Si elle est trop abondante, remettre le garrot et serrer fortement. En cas d’échec, chauffer à blanc l’alène et l’appliquer. L’hémorragie peut être mortelle s’il s’agit d’une artère. 

AMER (REMÈDE)

Pour rendre l’appétit, emploi de racines et de feuilles d‘isagara. Cuire longuement et mettre à refroidir. Filtrer. Au matin, verser une demi-écuelle de jus et y ajouter environ un litre d’urine de vache. Boire le tout sans s’arrêter (ceci à cause du mauvais goût). Il en résulte une diarrhée abondante et parfois des vomissements foncés. Cette médication nettoie estomac et intestin. Vers le soir, l’appétit se fait sentir. 

AMPOULES

Lorsque les ampoules ont été provoquées par le frottement, on les appelle amabavu. Certains indigènes disent qu’il est bon de les brûler, puis de les oindre de beurre. 

AMYGDALITE

Déguster une bouillie très chaude de sorgho allongée de jus de Coleus aromaticus — umuravumba.

Griller l’intérieur d’une baie d‘umuchunshu ; nettoyer la gorge à l’aide de ce remède piquant.

Deux gousses de piment mises à macérer pendant deux heures dans de l’eau froide ; à filtrer et boire froid 

ANATOMIE (CONCEPTIONS INDIGÈNES SUR L’)

Les Ruandanais n ’ont jamais fait l’étude anatomique du corps humain ; cela va de soi : compte tenu de leur croyance en l’effroyable contamination qui réside dans la mort, loin d’eux l’idée de disséquer un cadavre !

Néanmoins, ils savent beaucoup de choses sur sa structure intime. Leurs connaissances anatomiques proviennent des remarques faites lors de mutilations de cadavres, d’accidents ou de blessures de guerre et de déductions tirées en voyant l’intérieur des bêtes qu’ils ont dépecées. Mais elles ne sont pas exemptes d’erreurs. Ils disent qu’il y a deux canaux dans le cou, dont l’un situé devant sert au passage de l’air et des liquides, tandis que l’autre, situé sur le côté, livre passage aux aliments solides.

Et que de fois n’avons-nous pas entendu dire que le coeur de la femme bat à droite ; que les êtres humains n ’ont pas de foie, et pourtant ils sont convaincus que c’est au moyen de poudre de cet organe desséché que s’opère la transmission de la tuberculose. C’est là une contradiction apparente qui ne les gêne en rien. Ils ont des termes pour désigner les principaux os du

squelette, mais plusieurs sont appelés du nom de la région à laquelle ils appartiennent. L’existence du péroné est complètement ignorée. Des choses différentes peuvent être désignées sous un même vocable ; ainsi le mot inda

signifie tout à la fois l’abdomen, la grossesse et son produit ; umutsi, nerf, tendon, veine et artère. Il ne semble pas exister de dénomination spéciale pour la main entière telle que nous la comprenons : on en désigne les différentes parties. Les gros organes internes sont fort bien connus.

Nous donnerons par ailleurs la nomenclature des termes anatomiques avec leur traduction. 

ANÉMIE ET AMAIGRISSEMENT

Si le patient n ’a plus d’appétit et s’il ne peut expliquer l’origine du mal, on aura recours aux services des A bapfumu, devins et guérisseurs, très habiles à diagnostiquer les causes, non pas seulement en tenant compte des symptômes physiques, mais au moyen de pratiques divinatoires. Le rôle social des A bapfumu consiste surtout à rechercher et à lutter contre les influences mauvaises des jeteurs de sorts, envoûteurs et empoisonneurs (abarozi),

et à guérir leurs victimes. Ce sont en quelque sorte des bienfaiteurs de l’humanité.

Si c’est d’un enfant qu’il s’agit et qu’il présente les signes suivants : amaigrissement, oedèmes malléolaires ou des paupières, cheveux défrisés et… roussis, pâleurs des téguments, alors il n’y a pas de doute, c’est ïirungu,

c’est-à-dire un empoisonnement au moyen de sang menstruel maléfique ou d’amabi, sang menstruel d’une femme ayant perdu un enfant récemment, voire du sang de fausse-couche ou de chienne en chaleur.

Traitement. Feuilles â’umusabanyama (de gusaba, demander et nyama, viande) ; les cuire à l’eau, ajouter du lait d’une vache qui a la robe d’une teinte uniforme et qui n’a jamais perdu de veau.

Le mieux, dit-on, est de s’adresser aux Abarutsi (de kurutsa, faire vomir). Pour bien saisir leur importance, il faut considérer que cet enfant a avalé du sang, soit que l’empoisonneuse en ait frotté une banane, une pomme de terre ou des haricots donnés ensuite à manger, ou bien qu’elle en ait enduit, si peu que ce soit, les lèvres de l’enfant.

Traitement :

1) Par un umurutsi. Donner pendant deux à trois semaines du jus de racines du laiteron rurira mélangé à du marc de bananes amagamura mouillé d’eau. En donner à boire dans la journée dans le but de détacher le poison de l’abdomen, ceci se reconnaît au fait que l’enfant sent des gargouillements annonciateurs de diarrhée.

2) En une seule fois, administrer une décoction degrosses racines (intembe) de bananier qui ont été pilées et dont le jus a été mélangé à de l’eau froide. L’enfant rend d’abondantes mucosités striées de sang.

Traitement par un guérisseur umurutsi différent. Plantes de momordique umwishwa, d’umutagara, à’utnutanga.

Détacher les feuilles, les presser dans un litre de bière de bananes (éviter la bière de sorgho) ; à boire tiède dans la journée, un jour sur deux, pendant un mois. De temps à autre, gratter la gorge avec un éclat de chaume de sorgho ; il en résulte un bon débarras des voies digestives.

3) Traitement d’un troisième spécialiste. Écraser, triturer les plantes suivantes : ireke, umugombe, rugara, umuchyuro, umubogobogo, ikigembe. Ajouter au jus une écuelle pleine de bière de bananes allongée d’un peu d’eau ; en boire deux jours de suite. On aurait mauvaise grâce à douter du résultat vomitif obtenu après absorption d’un tel mélange de plantes amères.

On peut aussi employer les feuilles du Draecena sp. = umuhondohondo rweru. Le jus est bu au matin, avant toute rencontre avec un être humain toujours susceptible d’annihiler le résultat de la cure ; on se lave avec les résidus bien écrasés. 

ANGINE

On l’appelle gapfur a ; or, le verbe gupfura veut dire dépiler, déplumer. Il est vraisemblable que ce nom lui est donné par analogie avec les picotements causés par l’irritation de la gorge.

Racler la langue et la gorge avec un éclat de gros roseau, gratter jusqu’au sang. Nettoyer les plaies avec des feuilles d’umuseno dont un côté est rugueux. Rincer avec de la bière de bananes encore chaude de fermentation ; s’en gargariser. Boire ensuite du lait d’une vache sans cornes (inkungu), deux fois par jour. Répéter l’opération.

On peut aussi pulvériser de la bouse de vache séchée ; en frotter les plaies et s’en rincer la bouche. 

ANTHRAX

Il est appelé ikirashi, ikigatura, igikacha. Se reconnaît aux ulcérations circulaires en écumoire ubudomagura.

L’anthrax charbonneux igikacha est appelé par euphémisme igishyute ou furoncle, abcès, sans doute pour en diminuer l’idée de gravité.

On emploie des feuilles de ruberwa pilées, écrasées, appliquées en bourrelet compressif sur l’anthrax. A renouveler après quelques heures. Cette plante a la propriété de gukurura, tirer, entraîner les impuretés. La plaie devient rapidement nette. Employer ensuite les feuilles d’un arbuste fleuri d’umunyabututu ; écrasées, on les applique sur la plaie. Ou bien une plante d’umukumra qui pousse sur les termitières : emploi des racines finement

écrasées. Après détersion par ruberwa, on se seit de poudre de latérite umukurwe et de glaïeul karungu, ou encore de poudre d’écailles d’oeuf. Les forestiers saupoudrent de sciure de bois.

Comme amulettes, porter au cou un gros cauris ikirezi ou une lanière de peau de lion que le guérisseur attache au cou du patient en présence d’une femme à laquelle il demande :

Mbese, witwa nde ? Eh ! toi, comment t ’appelles-tu ?

Elle répond :

Ndi umubandakazi, Je suis une fille des Ababanda,

Navutse ku ngoma ya Rwogera. Je suis née sous le règne de Rwogera.

Nazaniye ibyago abatutsi, A n ko nabazaniye n’ishya. In jira mu nzu, tuganire…

J’ai porté malheur aux nobles Mais je leur apporte aussi le bonheur..

Entre dans la maison, causons… 

ANTILAITEUX (REMÈDE)

Lorsqu’une femme perd son nourrisson, la sécrétion lactée est diminuée, puis arrêtée au moyen d’une herbe rampante « qui passe partout » = umuchacha, dont elle enserre sa poitrine en la passant sous ses aisselles. Ce cynodon pousse souvent au travers des sentiers formant ainsi « barrière ». Il faut le rechercher pour l’opposer ou fermer le passage au lait maternel.

On peut aussi employer une ficelle de raphia à laquelle on enfilera l’une ou l’autre amulette : un simple pois suffit.

Une femme nous a décrit le moyen suivant. Cuire quelques grains de sorgho ; en boire l’eau après cuisson. Ceci a l’inconvénient, disait-elle, de supprimer définitivement la lactation, ce qui serait désastreux pour un accouchement ultérieur. Il n ’y a pas de décoction connue. 

ANTIPHLOGISTIQUE (REMÈDE)

L’inflammation est combattue directement par les saignées, les bains, les pointes de feu, les ventouses scarifiées, les fomentations à l’aide de plantes, les fumigations.

Indirectement par les évacuants, des drastiques notamment et de nombreux purgatifs.

APHTES ET  MUGUET

Cuire des légumes isogi ( Gynandropsis pentaphytta) avec du beurre rance. En oindre les parties malades en les pressant Écraser des feuilles de Cassia didymobotrya = umubagabaga ; le jus filtré est versé dans du lait d’une vache

sans corne ; en laver les plaies.

Inviter une femme qui a mis au monde des jumeaux (le sexe importe, il doit être unique), à venir le matin et à cracher dans la bouche du malade. Il est vigoureusement interdit de se parler : les dispositions auront donc été prises la veille. En outre, éviter une nouvelle rencontre avec cette femme dans le reste de la journée.

La viande d’une bête abattue appliquée fraîche donne d’heureux résultats. Mâchonner des fleurs de minuscules soucis ubushwîma (Spilanthes acmella) , à saveur pimentée très prononcée. Pour les enfants, la mère triture d’abord

la fleur, puis en frotte la bouche en en prélevant un peu du bout des doigts. Les fleurs de ce souci sont également employées contre la stomatite. 

ARAIGNÉE (PIQÛRE D’)

Dès qu’on est piqué par une araignée et qu’on l’aperçoit à temps, la détruire à l’endroit de la piqûre au moyen d’une braise ardente. Ramasser les pattes et en frictionner les parties atteintes ; sinon, s’en procurer une autre provenant de la bananeraie et la sacrifier. 

ARTHRITE

Elle est souvent nommée imigozi ou cordes, car elle est confondue avec le rhumatisme. Dans les régions chaudes, on l’attribue au pian, bien que différenciée des déformations pianiques articulaires très douloureuses qu’on appelle amakonyora. En région forestière, on dit que la maladie est due à un mauvais sang, très foncé, qu’il importe de faire sortir de l’organisme. On y parvient par le procédé dit ugucha umutezi = trancher l’arthrite.

L’endroit choisi est le plus souvent situé aux articulations du genou et du coude ; parfois au poignet ou aux malléoles. Avec la partie recourbée d’une alêne, on soulève un vaisseau important, et de la pointe d’un couteau bien effilé, on le tranche d’un coup adroit.

L’hémorragie est toujours abondante et les cas mortels sont loin d’être rares.

Plus rarement, la méthode est pratiquée au-dessus de l’oeil, lorsque celui-ci est fortement congestionné et douloureux. Fait singulier, il est encore nécessaire de mettre une cordelette derrière les oreilles pour serrer la tête et faire saillir les veines, tandis que le malade se tient le cou, la constriction favorisant l’épanchement.

Mais cette dernière opération est redoutée, étant reconnue comme dangereuse. 

ASCITE

Tous les indigènes sont d’accord sur ceci : cette tuméfaction est un mal grave contre lequel il n’existe aucun remède et qui provient d’une contamination ou d’un envoûtement. Ils emploient plusieurs termes pour la désigner : inda y’igisâbo ; inda y’urusyo ; inda y’igihu.

Le « ventre à la baratte » ou inda y’igisâbo se reconnaît à la teinte brunâtre de l’abdomen qui rappelle nettement celle de l’ustensile incriminé, lequel n’est

autre qu’une grosse courge évidée servant au barattage.

Le guérisseur umurutsi (de kurutsa : faire vomir) est parfois appelé au début de la maladie ; dans l’insuccès, on abandonne tout espoir. Chez une femme, on va jusqu’à penser qu’elle pourrait être affligée d’une grossesse prolongée ; on en rencontre qui affirment sentir les mouvements d’un foetus conçu depuis deux ans.

Les détails qui suivent aideront à comprendre les conceptions des gens du Rwanda en ce qui concerne la pathologie de l’ascite.

La baratte igisâbo est un objet primordial ; il fait partie du sexe fort, semble-t-il, puisqu’après la rentrée du troupeau dans l’enclos et du taureau imfizi, on ne peut passer devant ce « mâle » en en tenant un autre à la main. De même, quand le maître est absent, le bouvier chargé de la petite cérémonie qui a lieu tous les soirs après la traite du bétail, peut lui-même présenter les verges ( guherez’inkoni) et le lait à Y igisâbo, en raison du lien mystique qui unit le propriétaire, le bétail, et tous les objets servant à la traite et à la préparation du beurre.

La baratte a sa place réservée ; la cordelette qui la maintient par le col vient-elle à se rompre spontanément, oh, horreur ! on court en consultation chez les vieux qui tirent de ce mécompte de bien sombres présages : on dit que les vaches ne veulent plus de ce maître et que sous peu elles lui seront enlevées!

Que de précautions à prendre vis-à-vis de la baratte ! Que d’interdictions l’entourent ! Nul ici ne s’aviserait d’en briser une volontairement, une telle chose ne se conçoit même.pas. Vient-on à la heurter malencontreusement lors du barattage et qu’elle vienne à éclater, quelle consternation ! Surtout si l’on remarque un trou à l’endroit dit mu rututu, à la base de la courge.

Au dire des Ruandanais, c’est là un des plus grands malheurs qui puissent s’abattre sur une demeure. L’auteur de la maladresse, ce malchanceux, est certain d’être atteint prochainement de Yinda y’igisâbo. Bien sûr, le conjureur de sorts peut purifier le malheureux, mais la croyance générale veut qu’il soit préférable de se délivrer de la menace en la passant à autrui. C’est là une

idée familière aux indigènes qu’on peut transmettre son mal, non seulement à ses ennemis, mais à n’importe qui. On aura soin d’être discret et d’agir avec prudence, car on ferait payer chèrement le fait d’avoir empoisonné, envoûté ou contaminé au moyen de la baratte fatidique = kurogesha igisâbo.

Le plus simple est de donner à boire un peu de lait crémeux provenant de la baratte détériorée. Une autre méthode très en vogue est l’adultère ; cet acte doit s’accomplir dans les deux jours suivant l’accident, car plus tard il serait inopérant. On se débarasse ainsi de la malédiction qui, à la faveur de l’acte sexuel, pénètre et envahit l’organisme de la nouvelle victime.

Il se trouve, en fin de compte, un porteur de Yinda y’igisâbo. La sensation du flot perçue dans l’ascite a poussé les indigènes à la comparer au clapotis d’une

baratte remplie. Lorsque la maladie est avancée, on dit que le liquide monte et qu’il finira par étouffer le patient ; les râles de l’agonie ne sont autre chose que la lutte contre cet envahissement.

Les Ruandanais pratiquent la laparotomie des individus morts d’ascite. On raconte que le liquide sirupeux ururenda sort en reproduisant exactement le bruit que l’on peut entendre quand on enlève le bouchon de la baratte lors du barattage. Ceux qui ont pratiqué ou assisté à l’opération doivent boire le breuvage magique isubyo pour s’ôter toute trace de souillure.

Un mage de la catégorie des A bahanyi nous a déclaré qu’en effet briser une baratte était chose effroyable ; cet éminent spécialiste, autrefois attaché à la Cour du Mwami Musinga, nous a enseigné les rites que voici.

En grand secret, on dépêche un enfant qui a encore ses parents en vie muni d’une écuelle neuve et intacte (ce qui lui donne aussi, comme à l’enfant, la qualité d’isugi), à l’abreuvoir du bétail. Généralement, après le passage des bêtes, il reste dans le fond un peu d’eau qu’elles n’ont pu boire et qui est appelée pour cela amazi y’ikinane. Un peu de cette eau est versée dans

la baratte en employant un entonnoir fait du col d’une courge qui sert habituellement au transvasement du lait ; on ferme au moyen d’un bouchon d’herbes spéciales, ivubwe, umuhanga, umunyagahiri. Ce faisant, on prononce :

Dor’mazi y’ikinane, Voici l ’eau invincible,

Ananira ishyano ry’igisâbo. Qui vient à bout du mauvais sort de la baratte.

Ensuite, l’ustensile est porté au pied de l’arbre gardien des traditions, l’érythrine corail, et dûment ficelé par deux cordelettes d’herbes inkangaga. Le lait qu’on a pu récupérer, ainsi que la terre grattée avec soin à l’endroit où l’accident s’est produit, seront enfouis dans l’arrière-cour ou brûlés dans le feu allumé pour le bétail dans l’enclos même. Les habitants de la ferme boivent

une médication composée des plantes umukuzanyana, nkurimwonga, umuharakuko, rugiramaza, cette dernière devant susciter la cnance. Le jus allongé d’eau est bu par tous ; on en asperge le sol, le lit, le feu réservé au bétail.

Inda y’urushwîma ou ventre à Vurushwîma. Cette appellation viendrait du bruit spécial produit par la respiration fort gênée du malade. Beaucoup d’indigènes disent que l’abdomen est plus dur et ne présente aucune coloration, ce qui le différencie du précédent.

A quoi est due cette hydropisie ? Eh bien, c’est que là aussi s’est produit un événement malheureux, soit qu’on ait cassé une pierre ordinaire à aiguiser = ityazo, ou, ce qui est pis, la petite pierre à repasser les couteaux

seulement umukubiro, ou bien la pierre à moudre = urusyo. L’adultère est encore un moyen pratique pour se délivrer de la souillure, mais le procédé le plus communément employé est le suivant.

Dans un grand panier rempli de patates douces, cacher soigneusement un fragment de la pierre brisée, s’en aller au loin, là où on a des chances de ne pas être connu, puis profiter de la rencontre d’un passant pour simuler une grande fatigue, ce que voyant, l’autre ne refusera pas d’aider à déposer le fardeau à terre.

Pendant que le dupe s’éloigne, prononcer à voix basse :

Urantuye… Tu m’as déchargé… (ici le nom de la pierre).

Cela suffit pour que la personne emporte avec elle le mal, inda y’ityazo, inda ÿurushwîma, inda y’urusyo, selon l’objet en cause. Avoir soin de ne plus toucher au panier maudit et si possible, s’éloigner à toutes jambes.

Il arrive parfois cet imprévu que la victime jette un regard en arrière et voyant le panier abandonné comprenne.

Avec ardeur il cherchera à dépister le criminel qu’il traînera devant les instances indigènes. On en connaît qui n’ont pas hésité à faire justice eux-mêmes, d’abord par une forte bastonnade, puis en replaçant l’ustensile brisé sur la tête de son propriétaire.

On peut aussi employer le système suivant. Se rendre à la bifurcation des chemins, la nuit venue, et y enfouir un morceau de l’objet brisé. Le premier passant prendra avec lui la contamination. On agit surtout ainsi pour la pierre à aiguiser.

Pour amincir le fil de laiton de gros calibre, les forgerons emploient une filière qu’ils appellent Budigi. Cet instrument, long d’une dizaine de centimètres, a la forme d’un ventre renflé percé d’un trou simulant un nombril, par où passe le fil. Il a fâcheuse réputation.

Après avoir bouché l’orifice, l’envoûteur le plonge pendant quelques instants dans la bière ou autre boisson de son ennemi, lequel ne tardera pas, après l’avoir ingurgitée, à gonfler démesurément… Son ventre prendra la forme du Budigi, d’où l’expression inda y’ubudigi.

Quant à inda y’igihu, il est le résultat de la compression d’un nuage, ou du brouillard passés de la vallée dans un ventre.

Dirons-nous qu’il n’est pas toujours possible aux médecins indigènes d’identifier avec certitude un cas d’ascite ?

En réalité, il peut s’agir d’une grosseur due à un fibrome, mégacolon, grosse rate, foie engorgé, etc.

Le Ruandanais croit donc se débarrasser de ces maux en les passant à autrui. Cette conception est la conséquence de l’idée qu’il se fait de la matérialité de la maladie.

Les pratiques que nous venons de mentionner entre beaucoup d’autres du même genre répondent à une intention non seulement coupable, mais criminelle. Naguère, elle était sanctionnée comme telle devant les juridictions indigènes. 

ASTHME

L’asthme ou inkorora y’agasema : toux qui fait haleter.Piler des racines d’orties igisura ; la purée est mise dans de l’eau froide, puis cuite après quelques heures.

Le matin, filtrer, ajouter de la bière fermentée de bananes, déposer non loin de l’âtre et en boire dans la journée. 

ATHREPSIE

On l’appelle ingonga ; cette appellation vient des borborygmes = ingonga. Les Ruandanais voisins de l’Urundi accusent les habitants de ce pays de leur avoir apporté la maladie. Celle-ci est fréquente chez les nourrissons qui naissent parfois avec elle ; ce cas est reconnu plus grave. Les enfants qui mangent et qui marchent ne la contractent plus.

On constate de la diarrhée et des vomissements ; les cris sont plaintifs et répétés. La maigreur devient extrême. Les veines, dilatées surtout sur le ventre, sont appelées imisuri, peut-être en raison de leur ressemblance avec le jonc isuri.

Traitement. Les gargouillements perçus ont fait croire aux indigènes qu’il serait bon de faire porter à l’enfant une amulette composée d’un boîtier fait de deux morceaux de calebasse et contenant une rainette vivante, laquelle coasse faiblement (similia simili bus curantur).

Cuire ensemble des feuilles de kamaramahano, d’umushyigura, d’umupfunyantoki, d’umuzigangore, d’ikirôgôra, avec des racines d’umukuzanyanya, tous noms rappelant le but recherché. Le jus, cuit et filtré, est donné à l’enfant.

Dans la province du Nyakare, on fait boire à l’enfant athrepsique du babeurre provenant d’une vache de l’Urundi, attendu que la maladie aurait été importée de là-bas.

Jus de racines broyées et pilées d’umuhanda ; ajouter du lait et du miel. A boire chaud, deux gorgées matin et soir.

Suc d’umuckura, mélangé au lait frais et donné le matin avant la tétée.

Feuilles d’umukamambogo cuites avec des écorces de l’arbre appelé ingonga ; donner le jus à l’enfant.

Administrer en lavements du jus cuit d’umuhire. Et voici une amulette de grande efficacité. Se procurer un éclat d’une branche qui, passant sous l’aiselle d’une autre, fait entendre un bruit spécial lorsqu’elle est animée par le vent. Les indigènes font un rapprochement entre le grincement de la branche et les bruits que font les gaz contenus dans l’abdomen.

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