L’arrivée du Général Mobutu fit mettre les altercations en veilleuse

 

  1. Les émetteurs de Kigali et de Bujumbura fourbissaient encore sans doute d’autres discours enflammés. Ils cachaient parfois, bien entendu, au monde extérieur certains invectives en les formulant en notre langue commune. Et sur ces entrefaites, le Général Mobutu Sese Seko atterrit sur le sol du Rwanda. Notre Gouvernement longtemps avant les événements, l’avait invité à rendre une visite officielle à notre pays. Dès son arrivée, le 25 octobre 1972, les deux Radios Nationales, à l’occasion de cet événement, convinrent tacitement d’une trêve, qui se changea depuis lors en un cessez le feu définitif.

Il convient d’expliquer la raison profonde de la réception chaleureuse que les populations du Rwanda réservèrent au Général Mobutu Sese Seko. Me basant du reste sur la réalité de notre fraternité, qu’il souligne, existant entre le Zaïre et le Rwanda (cfr surtout ses Allocutions aux Stades de Nyamirambo n° 867 et de Butare, n° 871), je me permettrai un aperçu sommaire sur l’origine zaïroise de sa popularité en notre pays.

Sa renommée l’avait depuis longtemps précédé au Rwanda.’ ; non seulement son pays a frontière commune avec nous, mais encore nos compatriotes écoutent régulièrement Radio Kinshasa. I1 s’est rendu principalement populaire par le remodelage des Congo antérieurs. Avant sa prise de pouvoir, en effets, il y en avait une multitude, qui n’avait eu naguère que Belge pour dénominateur commun. Pour réduire cette multitude en une unité nationale et lui donner la conscience de cette unité, le Général Mobutu Sese Seko recourut à une série d’instruments concentriques. Le coup d’envoi, sûrement exploratoire, consista à remplacer l’ancienne monnaie, le Franc Congolais, par le Zaïre. Il parvint à l’imposer par le haut : qui oserait-il bouder avec efficacité une monnaie accepté par la Patrie du Dollar ? Une fois cette première manche gagnée, le Général Mobutu fit faire un pas de plus au nom Zaïre en l’imposant désormais à son gigantesque pays (2.343.000 Km2), l’ancien Congo ex-Belge. Malgré l’Indépendance de l’ex-colonie, en effet, qui disait Congo sous-entendait Belge. Maintenant qui dit Zaïre ne dit exactement que Zaïre, car ce nom n’a aucun rapport possible avec l’ancien colonisateur. Or le Grand Fleuve, échine dorsale économique de cet eldorado naguère à l’abandon, avait été le premier nommé Congo, d’où la dénomination avait rejailli sur le pays. Il reprit en conséquence le nom Zaïre sous lequel le connurent à son estuaire les Navigateurs Portugais et autres dès les XVè-XVIe siècles. Et pour buriner ce nom dans l’esprit, non seulement de ses compatriotes, mais encore dans celui des Nations du monde entier, le Général Mobutu se fit le Poète lyrique des trois Z : Zaïre-Pays, Zaïre-Fleuve, Zaïre-Monnaie.

  1. Dans les nouvelles dénominations territoriales, destinées à réveiller l’attention et la conscience des Zaïrois, nous retiendrons spécialement le Shaba = Cuivre, qui remplaça celui de Katanga. Ce dernier nom rappelait un trop puissant, gigantesque empire que le Général avait naguère culbuté et écarté de son pays, à savoir l’Union Minière du Haut Katanga ; il rappelait également la cession du Katanga et les Gendarmes Katangais et tant d’autres souvenirs encore qu’il fallait effacer. On peut penser que le nom Shaba a dû faire peser le pour et le contre face à celui de l’Uranium, pour symboliser la puissance économique du Zaïre. Quoi qu’il en soit cependant, c’est principalement grâce à la richesse ronflant dans le sous-sol du Shaba, que le Général Mobutu Sese Seko imposa de haute lutte sa Monnaie Zaïre au monde Financier. Ce fut un exploit sans précédent que le Général Mobutu, dans cette opération, ne fit que deux mouvements : celui de désenliser d’abord son pays si profondément enfoncé, et de le hisser ensuite d’un même geste au niveau des 10 Premières Puissances Monétaires du globe !

Pour toutes ces raisons et tant d’autres encore, le Général Mobutu Sese Seko était depuis longtemps populaire au Rwanda, comme du reste sa politique de recours à l’authenticité l’a rendu fameux dans toute l’Afrique et au-delà.