2) Le Discours de M. G. Kayibanda à Nyamirambo, le 26 octobre 1972

866 .L’invitation du Général Mobutu Sese Seko avait été arrangée de manière à faire coïncider sa visite avec la célébration de la Fête du Gouvernement, l’une des Fêtes Nationales Rwandaises. C’est en effet le 26 octobre 1960 (cfr n° 734) que fut formé le 1er Gouvernement du Pays. Au cours des festivités organisées à cette occasion, au Stade National de Nyamirambo, M. le Dr G. Kayibanda, Président de la République, s’adressa à l’Hôte du Pays. On relèvera spécialement en ce Discours la profession de foi du Chef de l’Etat Rwandais concernant la perspective d’une certaine forme d’union intime entre les Etats de l’Afrique centrale, particulièrement de ceux situés autour du Gand Graben ; et une allusion discrète au différend avec le Burundi.

« Cher Monsieur le Président et Ami,

Combien Nous sommes heureux de Vous voir parmi Nous à une de Nos Fêtes nationales. C’est pour Nous, non seulement un honneur, mais aussi une profonde joie.

L’homme qui a rétabli la paix publique dans un Pays ami, l’homme qui a remonté une économie d’un Pays grand et riche et qui périclitait, l’homme qui a galvanisé les Africains qui sont encore sous la férule coloniale, l’homme que Nous avons rencontré à I’Etranger, l’homme que Nous avons connu à Goma et à Gisenyi, l’homme que Nous recevons aujourd’hui chez nous à Kigali, l’homme que beaucoup de responsables rwandais connaissent et estiment, l’homme qui a beaucoup d’amis parmi Nous, cet Homme, le Président MOBUTU, Nous le recevons avec honneur et avec joie.

Ce que Nous Lui offrons en réponse à Sa visite officielle, c’est Notre amitié sincère envers Lui, envers Son Parti, envers Son Peuple qui est pour Nous un peuple frère et ami.

Nous maintenons les conventions signées entre le Rwanda et le Zaïre, Nous poursuivons les divers projets de conventions de coopération, Nous sommes déterminés à ne rien lâcher de ce qui puisse promouvoir Nos populations respectives ! C’est cela que Nous considérons comme une marche réaliste vers l’Unité Africaine.

Et nous devons Lui dire, que pour Nous le Parti National, le Mouvement Démocratique Républicain PARMEHUTU, et l’action Internationale du Pays ne peuvent être séparés. En tout programme, en tout projet de développement, c’est l’intérêt des masses populaires qui doit avoir la priorité. Sans cela c’est le néocolonialisme que Nous combattons tous. Nous devons être logiques et lutter, et accepter la lutte en conséquence, avec clairvoyance et un calme bien étudié et avec le plus d’humanité

possible. Notre arme n’a jamais été le mensonge, la calomnie, mais la vérité, l’étude calme des situations, la planification et le travail.

Je continue à croire, Cher Monsieur le Président. Mes chers amis, que l’Union des Etats des Grands lacs se réalisera. Ce que les géographes ont appelé « Le Grand Graben Africain » est constitué par les Lacs Edouard, Albert, le Kivu, le Tanganyika et est possédé par les Pays que Nous n’avons pas besoin de citer : le Zaire, le Rwanda, l’Ouganda,- la Tanzanie, le Burundi, le Kenya ; la Zambie et même ce que l’on appelle aujourd’hui la Rhodésie et le Mozambique ainsi que le Soudan.

Nous savons tous que le peuples environnant le Graben centre-fricain formé géographiquement par ces lacs, qui ne sont pas des éléments colonialistes mais naturels, sont des peuples frères, tant au niveau humain et culturel qu’économique, et qu’ils sont des frères proches et complémentaires à tous points de vue.

Le jour où les Responsables chargés de cette importante région d’Afrique verront et examineront de près les problèmes économiques, sociaux et proprement humains qui s’y posent, ce jour-là les populations qui entourent le Graben africain seront sauvés du sous-développement : car l’enclavement, l’autarcie, l’isolement et les démagogies et intrigues des néocolonialistes deviendront impossibles : le plus riche sera utile à tous les autres, le plus pauvre participera au développement, et les mots et menaces feront place au travail. Et le néocolonialisme cédera la place au progrès dans cette partie de l’Afrique. Il en sera ainsi et le Graben aura son sens, car on va y enterrer le sous-développement dont souffrent les populations des pays que j’ai cités tout à l’heure.

Je le déclare, Cher Monsieur le Président, à l’occasion de Votre visite au Rwanda : Je souhaite une réunion entre les pays partageant le Grand Graben, les grands Lacs centrafricains, que ces pays puissent se rencontrer dans n’importe laquelle de Nos capitales, pour voir et examiner les possibilités de collaboration pour la promotion économique, sociale et culturelle de Nos populations respectives. Ces populations, tout le monde le sait, sont les mêmes au point de vue humain elles ont les mêmes difficultés économiques ; des solutions concertées, avec l’utilisation de leurs lacs et fleuves, peuvent être trouvées. Je sais que Nous sommes tous sensibles aux grands ensembles pour une meilleure efficacité.

Nous pouvons, par ailleurs, comprendre que les insultes qui viennent d’un pays, partant frère,, aussi, peuvent vous gêner. Nous le regrettons et, Très Cher Collègue, Vous pouvez comprendre les causes subconscientes. Nous pensons, quant à Nous, que c’est passager comme il est en toute politique internationale. Nous savons que Notre Collègue, le Président MOBUTU, n’a manqué d’intervenir en toute bonne foi pour la pacification et dans le sens positif, mais il sait aussi que la bonne foi peut être trompée à fond, malgré Nos surveillances mêmes fraternelles et techniques. Nos démarches conjuguées arriveront à tranquilliser des frères. Mensonges et calomnies, même orchestrés ne cesseront pas d’être des mensonges et ne détruiront pas Notre volonté de paix et collaboration pour le Développement Démocratique de l’Afrique.

Monsieur le Président et Cher Collègue, poursuivant Mon thème relatif à ce que Vous avez réalisé pour le Zaïre, aux démarches pour l’entente des Pays Africains, voyant les relations fraternelles existant entre le Zaïre et le Rwanda, Je Vous confère la décoration rwandaise « GRAND-CROIX DE L’ORDRE NATIONAL DU RWANDA » et invite le Peuple à Vous acclamer comme l’Ami de la République Rwandaise en qui Nous décorons, dans la simplicité de notre culture, la République du Zaire.

Vive le Président MOBUTU, Vive le Zaïre Son Pays, Vive la République Rwandaise et Vive la Coopération et l’Amitié inter-nationales.