{:fr}A la lecture de ce Poème, on voit que le Roi est presque divinisé. Il est nécessaire à son peuple, aux besoins duquel il satisfait par lui seul sans l’aide de personne, pourvu que sa désignation au trône soit valide. Nous pouvons nous demander ensuite : qui confère le pouvoir royal ? Voici un autre Poème Dynastique, composé certainement avant l’année 1870, au début du règne de KIGE LI IV RWABUGILI grand-père du Roi actuel. Son auteur Singayimbaga, fils de Nyakayonga va nous apprendre que le pouvoir royal vient directement de Dieu : le Roi n’est pas créé tel par son père ! Son pouvoir est une prédestination native, comme infuse par Dieu, au moment de la création du futurRoi du Rwanda. Le Roi qui désigne son fils pour lui succéder, ne fait que publier la volonté de Dieu. Le Poème dont je vous donne ci-après quelques extraits est intitulé : UBWAMI BUGIRA UBWOKO, c’est-à-dire : LAROYAUTÉ EST LE PRIVILÈGE D’UNE SEULE LIGNÉE. Ici je ne me contenterai pas de donner seulement les passages typiques ayant trait au sujet; j’ai cru que de plus amples extraits du Poème donneraient au Lecteurs l’occasion de prendre davantage contact avec notre Poésie Dynastique.

LA ROYAUTE EST LE PRIVILEGE D’UNE SEULE LIGNÉE

 Ô race de Dieul

Le Créateur t’a élu: il a fixé en toi les racines du pouvoir.

Les intrus, privés de cette prérogative de naissance,

Cet Elu fortuné les a exterminés

Et le Karinga est orné de leur dépouilles.

Ta prédestination au pouvoir, prince, est un secret pour l’étranger !

En vue de multiplier les vaches, Dieu a commencé par créer les Rois !

Après les avoir investis du pouvoir, sous e signe des tambours,

Dieu leur promet toutes les bénédictions.

C’est alors que le prince, devant ses ancêtres,

Proclame ses hauts faits !

Il arrive à trois mille et au-delà.

Mais voici qu’à nouveau le Roi me donne audience au milieu de l’assemblée:

Qu’un souffle nouveau m’inspire !

Que les échos répondent à ma voix!

Les acclamations au Roi seront des lauriers à mon front,

Tandis que pour lui mon coeur déborde de tendresse 1

Eh bien ! j’ai constaté combien savamment les desseins de Dieu

Déjouent les menées des traîtres !

La fortune de la Royauté est liée à ta Maison, ô Travailleur béni !

Où sont les roitelets de jadis? Il n’en est plus question:

Cet exterminateur les a submergés dans la mêlée !

Pense t-il aux rois étrangers? II n’a plus de sommeil…

Pas un jour ne se passe sans qu’il s’empare de l’un d’eux

Et le passe au fil de l’épée. . .

Reste-t-il un rejeton

Le Triomphateur ne le laisse ni grandir, ni se relever;

Il s’enquiert du lieu de sa cachette,

Et s’y rend pour l’exterminer jusqu’aux racines! …

Voici le guerrier auquel il est impossible d’échapper:

Toutes les nations sont affligées du veuvage qu’il leur a imposé.

Il leur a enlevé leurs rois, dont les dépouilles ornent ses tambours;

Il les a tués jusqu’à l’extermination;

Il les a fauchés sans espoir de revivre!

Il a fait serment devant le Karinga

Qu’il ne vivra jamais côte à côte

Avec ceux qui ont porté le nom de Roi !

N’est-ce pas leur défaite qui fait sa gloire?

N’est-ce pas le deuil de leurs sujets qui fait la félicité de ses tambours?

Comme un limier, il flaire la piste

Vers les pays étrangers et y sème le chagrin !

A-t-il écrasé les maîtres ?…

Il annexe leurs territoires à son royaume.

Pour cette raison, Dieu le consacre comme un Taureau protecteur du troupeau!

Il est trop redoutable pour être attaqué:

Et la blessure qu’il fait foudroie instantanément!

Il porte au front l’emblème de sa distinction ;

Ses épaules sont ornées d’un signe fascinateur,

Qui contraint les pays étrangers à se déclarer ses vassaux.

Il possède un talisman…

Un moyen de savoir où se cachent ses rivaux ……

Je me demande même où ils pourraient bien le fuir,

Tous les pays étant devenus sa conquête!

Exalte tes triomphes, ô Roi: je te louerai sans restriction!

Que craindrai-je, protégé que je suis par cette Foudre?

Qui dit foudre, dit flamme rapide comme l’éclair,

Lumière qui découvre ceux qui n’aiment pas le Roi,

Qui met à nu les desseins formés contre lui!

Incendie-les, ô prince, qu’ils soient la proie des flammes!

Je suis sous la protection de ce Tonnerre,

Foyer dont les rayons bordent toutes les frontières.

Comme des misérables, les étrangers viennent chez lui mendier le feu qui réchauffera leurs taudis…

Que tes triomphes abrègent les jours de tes adversaires,

Tandis que je publierai leurs crimes.

Queredouterai-je, moi qui suis avec la Foudre,

Quigronde sur tous les points de l’horizon à la fois,

Et condamne ses ennemis à ne plus boire que de l’eau?…

Celui qui pèche contre le Roi

Amoindrit sa propre famille et non sa patrie,

Puisque le Souverain conquiert continuellement d’autres régions

Qu’il annexe àson propre pays!

Comment ces hommes-là neredoutent-ils pas le Dieu Qui ne cessent de livrer leurs semblables à la mort?

Pour le Roi Dieu ajoute de nouvelles conquêtes au pays!

Pour les sujets fidèles, le Roi ajoute des vaches aux anciennes!…

Pérennité D’une Dynastie Héréditaire En Ligne Directe.

Dans un autre Poème Dynastique intitulé « INYUNDO YACUZE ABAMI », c’est-à-dire: LE MAR.TEAU QUI A FORGÉ LES ROIS, de 207 vers, Nsabimanafils de Nyabiguma, nous apprend que la royauté passe de père en fils, et qu’en aucun cas une branche collatérale ne saurait fournir un Roi. Du reste la dignité royale est si sacrée, que tout profane (créé sans la prédestination à cette dignité)intronisé Roi, doit mourir subitement et sans laisser de rejeton. Le Poème fut composé sous YUHI IV GAHINDIRO, 4èmeascendant du Roi actuel, aux environs de 1800, après une guerre de compétition au trône, entreprise par l’un des oncles du jeune Roi. Le prétendant venait d’étre battu et tué. Voici un passage typique du morceau :

Prêtez-moi l’oreille, ô hommes:

Je vous dirai les traditions des Rois!

C’est moi qui les connais, je m’en suis informé:

J’ai vécu en elles depuis de très longs jours!

Les Rois agissent de la sorte, n’introduisez rien de mensonger:

Qui va posséder la royauté la reçoit de ses mains de son père

Ne prétendez donc pas qu’une révolution pourrait livrer le Tambour!

Personne, possèderait-il richesses et vaches,

Ne s’exposerait au danger de s’en emparer!

Parions si vous le voulez: que quelqu’un en fasse l’essai!

S’il ne meurt pas subitement.

Eh bien! je possède vaches et chefferies :

Qu’il s’en empare et me donne la mort !

Dès ma plus tendre enfance.

Mon occupation fut de connaître les Rois:

Je sais qu’un Roi est choisi parmi les fils (du défunt),

Tandis que les révoltés prétendent que son oncle est plutôt Roi !

M’expliqueriez -vous cet égarement?…

Dans les mêmes circonstances, un autre Poète, Rurezi, composa un morceau de 121vers intitulé « IMAN A YEZE », c’est-à dire: LE TAUREAU AUX HEUREUX PRESAGES, dans lequel il rappelle que la désignation au trône est une décision de Dieu, et que dès lors l’Elu ne saurait être supplanté par les habiletés des hommes. La Dynastie héréditaire est immortelle, et Dieu écarte tous les complots humains, qui tenteraient d’en interrompre le cours.

Pour bien comprendre le passage que vous allez lire, je dois vous prévenir que le morceau roule sur la terminologie technique de la haute divination; ces prétendues décisions de Dieu sont déchiffrées par les aruspices spécialistes de la Cour, dans les viscères de poussins, de béliers ou de taureaux. Lorsque la consultation est favorable, l’animal est dit « blanc »; et « noir » en cas de résultat défavorable. Quant à la figure de « buffle » qui revient ici, elle signifie que le Roi, « Taureau qui féconde le Royaume », intronisé tel par Dieu dont il est le symbole, ( comme chaque Hamite intronise un Taureau officiel de son troupeau, symbole de son maître) ne pourrait pas être exclu de la société des hommes et devenir ainsi « sauvage ›, pareil à un taureau chassé de son troupeau, et vivant dans la solitude, à la façon d’un buffle. Voici un passage de ce Poème:

LE TAUREAU AUX HEUREUX PRESAGES ne devient jamais buffle:

Le Taureau qui a présagé félicité ne saurait être humilié!

On ne saurait changer un tel Taureau et en faire un buffle:

L’Elu devenu pareil à un jour ensoleillé déjoue les complots!

Une consultation d’un blanc immaculé

Ne saurait se changer en noir!

Elle ne saurait s’entortiller, devenir ténèbres et être déjouée !

Contre Dieu on ne peut agir par surprise et trouver une issue :

Quand même on machinerait des embuscades

Le Très-Haut ne s’en trouble nullement !

Personne ne pourrait trouver, une voie,

Pour couper les racines du Roi :

Le méchant y tend vainement, jusqu’à ce qu’il entre dans la tombe!

Quant à l’Elu, né pourêtre Roi…

Il devient un objet sacré, et les tambours sonnent son réveil…

L’Emblème de la Royauté ne saurait avoir deux héritiers…

Être possédé par deux est une abomination pour ce Conquérant !…

Ainsi donc, en résumé (les Poèmes précédents le disent assez), la royauté est héréditaire et passe de père en fils: un Roi unique par génération successive. Un Roi issu d’une branche collatérale est une abomination, parce que rejeton d’une souche profane. Le Roi, en effet ne peut engendrer qu’un seul Roi; nous l’avons vu plus haut :Le Roi ne fonde qu’un seul foyer et ce foyer couvre tout le Pays.

On voit par- là combien cette doctrine surla royauté éclaire d’un jour nouveau le rôle de Dieu dans la Religion naturelle du Rwanda, et touche le nœud vital de la Société. Il est à remarquer que ces divers, Poètes sont vraiment penseurs et langue du peuple, comme nous l’avons dit plus haut; ils expriment explicitement le contenu de nos traditions, de notre mentalité. Et ce qui le montre plus que toute autre considération, c’est que ces compositions captent l’attention et enlèvent l’admiration de tout indigène qui les comprend. Les passages typiques sont avidement retenus et débités à droite et à gauche, surtout chez les gens aisés qui ont eu le loisir de les apprendre Par cœur, ou peuvent entretenir quelqu’Aède dans leurs familles ou dans leurs villages.

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