{:fr}Traditions Inédites Du Rwanda Hamite

Nous avons dit plus haut que le Roi, le Guerrier et la Vache forment comme l’épine dorsale de la Hiérarchie du Rwanda Hamite. Aussi avons-nous l’intention de présenter successivement, au fur et à mesure des possibilités, les traditions concernant ces trois pivots de la Société de notre pays. Je vais me servir, spécialement en ce qui concerne le Roi, de Poèmes Dynastiques (les Bisigo), dont la valeur, comme témoignages incontestables de notre Histoire, sera étudiée dans un chapitre à part. L’usage de ces Poèmes aura l’avantage de laisser la parole aux faits, aux témoignages indépendants de tout arrangement tant soit peu subjectif, et donc vérifiables au besoin. C’est du reste la méthode adoptée par notre petit « Comité d’Art Indigène »: éloquence de la documentation; la phrase en fonction du document, et non pour y suppléer.

Le Roi Dans L’Esprit Du Munyarwanda.

 Nous ne pouvons rien faire de mieux, que de donner la parole à un Poète Dynastique : Semidogoro, fils de Gasegege, qui composa sous le Roi MIBAMWE III MUTABAZI II SENTABY0. 5èmeascendant du Roi actuel. Ce poème existe donc depuis plus de 150 ans, si on accorde 30 ans à la durée d’une génération de Roi. Le Poème en question est l’un de plus brefs que nous ayons pu recueillir: il n’a que 89 vers. Il a cependant l’avantage d’être l’un des meilleurs morceaux qui nous montre la place que tient le Roi, dans le domaine de la religion naturelle. Le Roi y est présenté comme le ministre de la Divine Providence, ou mieux encore comme la personnification de Dieu auprès des hommes au Rwanda. Un autre Poème Dynastique, intitulé: « Ntambeineza », dit :

Ils sont ( les Rois ) l’Œil de Dieu

Par lequel il contemple le Rwanda.

Le Poème dont vous allez lire de très larges extraits, est intitulé : « UMWAMISI UMUNTU », c’est-à-dire: « Le ROI N’EST PAS UN HOMME.

LE ROI N’EST PAS UN HOMME.

 ô hommes que le Souverain a enrichis de ses vaches !

Le Roi est homme avant sa désignation au trône;

Mais une fois nommé,

Il se sépare des nobles mêmes et se met à part.

Le Souverain ne saurait avoir de rival : il est unique.

Aussi ne fonde-t-il jamais deux foyers, mais un seul,

Et cependant ce foyer unique couvre tout le pays !

Certainement celui-là veut cesser d’être homme qui devient Roi:

Le Roi, c’est lui le Dieu qui s’occupe des humains!

Ce n’est vraiment pas un homme, c’est un Roi!

Le Roi que voici, personne n’oserait se comparer à lui,

Sous prétexte que leurs demeures sont contigües!….

Permettez que j’apprenne au Roi le lieu où Dieu séjourne:

Je connais ce lieu appelé Nom–à–lui–seul!

Je contemple Dieu en cette demeure-ci !

Je trouve que le Roi est Dieu rendu accessible à nos prières!

Le Dieu Suprême, c’est le Roi qui le connaît:

Quant à nous, nous ne voyons que notre Souverain!

Le Roi, c’est un tonnerre; il ne partage pas avec un autre.

J’ai observé et trouvé qu’il a ses façons à lui.

Il agit à sa manière, et personne ne se compare à lui.

Le Roi que voici est le seul qui surpasse ses aînés.

Le Roi, c’est Dieu distributeur des bienfaits,

Et compensateur de nos pertes:

Les heureux prédestinés viennent chercher chez lui les bénédictions!

Le Souverain que voici boit le lait trait par Dieu

Et nous buvons le lait qu’à son tour il trait pour nous!

Le Roi est le seul grand responsable,

Lui qui se charge de tout un pays et le rassasie!

Il entretient ses sujets, ainsi que ceux qui lui demandent asile,

Et à tous à la fois il donne le suffisant!

Il n’y a pas de prince qui ruserait pour être Roi, s’il n’est nommé:

Le Roi légitimement nommé suffit seul à ses fonctions!

Personne ne peut-travailler seul et sans aide,

Tandis que le Roi, à lui seul, suffit aux besoins du pays!

L’Elu légitime seul s’occupe brillamment de tous les besoins du peuple !

Le Roi n’est ni noble, ni prince du sang :

Il est l’élévation même, il est plus que tout homme!

Il est plus haut que les plus élevés !

Les plus grands d’entre les grands, il les domine également!

Permettez que je dise adieu au Roi, car ma mort approche :

Mes jours sont à leur fin !

Qu’à la Cour je laisse un bon renom, au profit de mes enfants !

Puisse le Roi, cette beauté des armées,

Se souvenir de moi après mon trépas!

Le Roi n’est pas un homme comme les autres:

Rien d’étonnant à cela :

C’est un tonnerre qui habite dans le firmament!

Et, quand il veut s’en prendre à quelqu’un,

Il prélude par des éclairs pour le foudroyer,

Et l’obliger à venir le supplier!

Le Roi que voici ressemble seulement aux hommes:

Il leur est semblable par la peau et non par le coeur!

Le Roi est un Elu qui ne se mêle pas aux nobles :

Sa place est entièrement à lui seul!

On aura remarqué, par ces extraits du Poème, combien la Poésie Dynastique a une très grande ressemblance avec les Psaumes; la différence, abstraction faite de l’inspiration surnaturelle de la Bible, consiste en ce que le nom du Roi, dans nos Poèmes, a remplacé celui de Dieu qui revient à chaque instant dans les Psaumes. Toutefois le rôle de Dieu est bien souligné dans nos Poèmes et se trouve à sa véritable place.

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