1. d) Dissensions dans le pays. La 1ère Expédition contre l’île Ijwi et le sort de Nyamwesa.

 

  1. Une fois l’affaire Abagereka liquidée, la Cour proclama une expé-dition contre le Ndorwa. Mais le pays était en proie à une épidémie, pour ainsi dire, de dissensions généralisées. Il semble que l’affaire Rugereka y était pour quelque chose : elle avait trop traîné et les partisans de ce gros personnage avaient mené plus d’une année la campagne contre la Reine mère, une « parvenue » qui avait été hissée au pouvoir sans y être préparée, n’ayant pas été épouse du Roi. L’intronisation de Kigeli IV ne pouvait, d’autre part, manquer de poser des problèmes aux yeux du profane. L’Aède Bamenya, fils de Ruhama, fut chargé par la Cour de donner un avertissement clair à tous ceux dont l’attitude laissait beaucoup à désirer. Il le fit dans le poème no 122: Mbaze abantu icyo bahora Umwami = Je demanderai aux hommes ce qu’ils reprochent au Roi. Parmi les personnages interpellés, nous voyons citer, entre autres, le prince Nkoronko et le Chef Rwampembwe, désignés sous la figure des localités bien connues qu’ils habitaient. Mais cette dissension ne visait pas la Cour uniquement ; les Chefs eux-mêmes étalaient leurs rivalités au grand jour.

 

  1. Ce fut en cet état d’esprit que le Rwanda fut mobilisé pour l’expédition contre le Ndorwa. Mais en cours de route, lorsque les ar-mées atteignaient les régions du Mutara, lesdites rivalités failli-rent tourner les Chefs les uns contre les autres. Le commandant en Chef de l’expédition compait alors à Humure. On rapporte un trait attribué au héros Rubunge, fils de Kibasha, de la Compa-gnie Irnbungira-mihigo (Milice Abashakamba). Il mourut justement à Rwata près Gababo, où les Chefs menaçaient d’en venir aux mains ; il dit à ses compagnons : « Il paraît que dans le monde des esprits, les gens se reconnaissent. Je supplie celui qui viendra après moi de m’apprendre comment l’affaire actuelle se sera terminée » La Cour informée de la situation proclama la démobilisation im-médiate, et cette expédition avortée fut appelée, dans les récits des Mémorialistes, « Expédition de Humure », du nom de la loca-lité où campait le commandant en chef.

 

  1. La Reine mère proclama aussitôt une autre expédition qu’elle dirigerait elle-même, et dont le commandant en chef fut son frère Nzirumbanje fils de Mitali. Ce fut l’expédition appelée indiffé-remment la I ère contre Pile Ijwi, ou l’Expédition de Nyirakigeli, du fait que celle-ci y prenait part avec son fils. Nous savons dans quelles circonstances Kabego, roitelet de l’île, avait été poussé à la révolte contre la Cour du Rwanda (no 349). L’expédition se morfondit pendant des mois dans la presqu’île de Nyamirunde face à l’île ; les insulaires disposaient de flottilles puissantes qui dominaient sur le lac Kivu et les Rwandais n’y pouvaient rien.

 

375. Sur ces entrefaites, un messager vint annoncer à la Reine mère que les princes Nyamwesa et Nyamahe étaient rentrés du Burundi et sollicitaient d’être reçus à titre de sujets humblement soumis. Apprenant la nouvelle, la Reine mère et son fils quittèrent aussitôt les armées et revinrent précipitamment à Giseke. Les deux princes furent invités à venir présenter leur soumission, et il serait superflu de signaler que la Cour leur envoyait en même temps de magnifiques cadeaux de bienvenue, ainsi que des bonnes paroles propres à leur donner confiance. Mais dès leur arrivée à Giseke, les deux pauvres frères furent arrêtés et condamnés à avoir les yeux creuvés. Cette infirmité les rendait incapables de régner. Après avoir ainsi réglé définitivement le sort du prince Nyamwesa, dont il n’y aurait plus rien à craindre, la Reine mère et son fils retournèrent à Nyamirunde où campaient les armées.

 

376. L’impuissance des Rwandais à débarquer dans l’île aurait pu se prolonger indéfiniment, sans l’intervention de Ntsibura, roi-telet de la région appelée Itambi, de la rive occidentale du lac. Il était venu dans le camp Rwandais pour rendre hommage au nouveau Roi, et il disposait d’une flottille bien aguerrie, capable de bousculer les insulaires. Il les attaqua, les dispersa et fit débarquer les guerriers dans le domaine de Kabego fut incendié, mais le roitelet lui-même parvint à se réfugier dans une autre île appelé ku-Gishushu. Les armées rentrèrent après cette victoire pour accomplir le cérémonial du défilé à Giseke.

La Cour jugea cependant que ce triomphe était incomplet, puis-que Kabego n’avait pas été tué. Or Ntsibura, grâce à qui la victoire avait été remportée, était non seulement parent de Kabego, mais encore comme lui un descendant de l’ancien envahisseur Ntsibura fils de Murira-Muhoyo, qui avait jadis imposé le deuil au Rwanda en tuant Ndahiro II Cyamatare (no 152-157). Ainsi, recourant à ces histoires d’un passé lointain pour justifier l’injustifiable, la Cour fit exécuter Ntsibura, pour rehausser le triomphe au moyen du trophée prelevé à celui qui avait remporté la victoire.

 

e) A la recherche du futur successeur de Kigeli IV. Les intrigues qui aboutirent à l’assassinat de la Reine mère.

 

377..:1e monarque devenant adolescent, les détenteurs du Code ésotérique s’attelèrent à la tâche de lui trouver une épouse, celle qui deviendrait la mère de son successeur. Chaque monarque devait, en effet, prendre plusieurs femmes, mais ce grand nombre était destiné à camoufler la future Reine mère, celle-ci devant elle-même ignorait toujours le choix dont elle aura été l’objet. D’après le testament de succession fixé par Mutara II Rwogera (no 348), la future Reine mère serait encore une fois du Clan des Abakono. Toutes les jeunes filles de ce Clan furent ainsi l’objet de consultations di-vinatoires, qui furent toutes défavorables (On n’envisageait que celles appartenant aux Familles des notables). Les consultations divinatoires furent alors engagées au sujet des femmes mariées du même Clan. Elles aboutirent à la désignation de Nyiraburunga, fille de Nzirumbanje (no 374), nièce de la Reine mère. Elle était femme du Chef Gacinya, fils du prince Rwabika (329). La Cour intima au Chef l’ordre d’amener sa femme (qui résidait à Musa-ve près Rubungo en la Commune actuelle de ce dernier nom).

Elle était notablement plus âgée que le monarque, puisqu’elle avait déjà trois fils : Rutarindwa, Balyinyonza et Karara. Le monar-que l’épousa donc et adopta les trois garçons, qui devaient être considérés comme ses propres fils suivant la coutume rwandaise.

Ce transfert de Nyiraburunga à la Cour pouvait laisser à l’opi-nion matière à commentaires au sujet d’un plan privilégié dévolu à l’élue. Aussi, pour désorienter tout commentaire en ce sens, le monarque camoufla-t-il l’événement en épousant aussitôt Nyi-ramarora, soeur de Nyiraburunga, et en prenant leur autre soeur Nyiramharaye, femme du notable Ruhanga fils de Muvubyi. Cette dernière avait un fils, Muhigirwa, que le monarque adopta également en parallèle avec les trois fils de Gacinya. Le profane n’y pouvait plus rien comprendre.

Le lecteur retiendra bien le contenu du présent paragraphe, qui expliquera, comme élément plus formel, l’événement de Rucunshu.

 

378. Nous avons raconté, plus haut, les dissensions entre Chefs, au dé-but du règne. Il vint s’y greffer, dans l’entre-temps, une autre affaire qui devait empoisonner l’atmosphère de la Cour et avoir de plus graves conséquences. L’expédition de Mirama (no 367) avait été dirigée contre le Ndorwa, en sa zone appelée Mpororo. Il s’y trou-vait des Notables Bahima fidèles sujets de la Cour, dont le cheptel avait été englobé dans la razzia. Deux d’entre eux, Mucocoli et Rwandenzi, s’étaient présentés au commandant en chef de l’expé

dition pour réclamer leur bien, mais sans succès. Ils s’étaient hâ-tés d’arriver à la Cour avant le retour de l’expédition et ils avaient eu gain de cause. La Cour envoya à Rubuga un messager auto-risé, lui intimant l’ordre de remettre leurs troupeaux aux deux Notables.

 

379. Ils avaient un voisin que l’expédition n’avait pas inquiété, qui

s’appelait Gisilibobo. Les événements lui avaient sans doute laissé

comprendre qu’il était payant d’être en bons termes avec la Cour,

Car d’autres expéditions pouvaient revenir dans la zone. Il se pré

senta donc avec un beau cadeau de soumission : un troupeau de

30 génisses de même robe urwirungu = brun-cendré. Le Prince Nkoronko, qui voulait sans doute sonder les sentiments de son ancienne épouse à son égard, sollicita ce troupeau en fief. La Reine mère le lui refusa et en investit plutôt le nommé Seruteganya, fils de Kivura.

Ce Seruteganya était un Muhutu, grand fonctionnaire préposé au service de la tannerie à la Cour. Ce n’était pas un nouveau venu puisque sous le règne précédent il avait été l’objet d’un chant, dont le premier couplet a été conservé par les Mémorialistes. Nous avons détaillé ailleurs, du reste, le nombre des bénéfices qu’il dé-tenait (Hist. des Armées bovines, no 41-42, 78-179). La nouvelle Reine mère en avait fait son homme de confiance. Le prince Nko-ronko dépité chercha comment il se vengerait de cet affront, en voulant atteindre ledit fonctionnaire qui n’y était pour rien.

 

380. Bien entendu, Nkoronko ne pouvait rien faire directement, car s’il se soupçonnait jusque-là en disgrâce, il venait maintenant d’en avoir la preuve. Rien ne pouvait être tenté, d’autre part, du côté de la Reine mère où Seruteganya était tout puissant. Le prince recourut en conséquence aux mieux placés que lui auprès de Kigeli IV qui dès son adolescence, se montrait déjà autoritaire. Un Parti se ‘forma ainsi progressivement contre Seruteganya, car il avait commencé à faire des jaloux. Ce Parti s’appuyait principalement surie fameux Xaramira, fils de Vuninka, qui secondait paradoxa-lement Nkoronko alors que nous le connaissons dans un rôle

antérieur différent (no 356-359). Nkoronko n’avait pas eu de la peine à recruter ses ex-beaux-frères, qui désiraient monopoliser l’influence sur leur soeur aux dépens de ce malencontreux de Seruteganya. Comme Nzirumbanje avait été gagné, il n’eut pas de la peine à enrôler ses trois filles, épouses du Roi.

L’accusation portée contre Seruteganya était très délicate : on insi-nuait qu’il se vantait d’être devenu l’amant de la Reine mère et on espérait que le jeune monarque finirait pat l’abattre. Lorsque, à la suite de ces délations, les conjurés constatèrent que le Roi témoignait de l’animosité envers Seruteganya, ils pensèrent lui donner le coup de grâce en laissant entendre au monarque que, au dire de certains, on chuchotait que la Reine mère était enceinte.

 

381. Une Reine mère enceinte, c’était une affaire d’extrême gravité (cfr no 98, 117, 203). Kigeli IV convoqua ses trois femmes, filles de Nzirumbanje et leur posa la question : « Ma mère est aussi la vôtre, elle est de même père et de même mère que votre père. Vous vivez avec elle et en votre qualité de femmes elle ne peut rien vous cacher. Maintenant les bruits courent qu’elle serait enceinte. Dites-moi la vérité : est-elle réellement enceinte ? » Les trois femmes qui étaient dans le complot répondirent évasivement et laissèrent croire que le fait était réel. Les conjurés avaient espéré que la pre-mière réaction du Roi serait d’abattre Seruteganya, quitte à être détrompé après le fait accompli.

Le Roi réagit différemment, car pour lui il ne s’agissait plus de Seruteganya, mais d’une Reine mère enceinte, qui était la sienne. La Cour se trouvait à Giseke. Le monarque quitta brusquement la localité, en donnant ordre à la domesticité de se mettre immédiatement en route pour le rejoindre. La Reine mère qui ne s’expli-quait pas ce départ imprévu, se mit en route quelques deux jours plus tard, pour rejoindre son fils. Celui-ci brillait les étapes pour passer la Nyabarongo au plus vite. Ayant traversé la rivière, il publia la décision à communiquer d’urgence à tous les responsables des gués : toutes les barques devaient être « amarrées » à la rive orientale et personne ne pouvait plus passer d’une rive à l’autre. Tout manquement devait être sanctionné par la peine capitale.

 

382. Lorsque la Reine mère arriva aux Nkingo près Rugobagoba, chez Seruteganya, le nommé Mbonyimbuga, fils de Nyamwishyura, battit au sommet du mont Kamonyi le tambour qu’il avait reçu du monarque en vue de publier la sentence suivante : « Serute-ganya est exilé du Rwanda avec ses fils, et ils doivent avoir passé la frontière dans les huits jours, sous peine d’extermination ».

— Les traditions rapportent que la Reine mère aurait alors donné l’ordre de poursuivre cet homme et de le lui amener. Mais l’envoyé du monarque parvint à échapper aux poursuivants.

En arrivant à Runda, dans le voisinage de la rivière, la Reine mère put apprendre qu’il était impossible de traverser. Comme elle avait l’intention de loger dans l’habitation de Ruhanga, fils de Muvubyi (no 377), ce dernier s’éclipsa, ne voulant pas la recevoir. Elle pro-gressa le long de la rivière vers le Nord et le lendemain, arrivée au gué dit NIcetsi, elle tomba sur un. groupe de piroguiers que l’ordre du Roi n’avait pas encore atteints, a qui servaient les pas-sagers dans l’insouciance. La Reine mère passa ainsi à l’Est de la rivière, avec sa nombreuse suite, et alla camper à Mbilima près Matovu (en la Commune actuelle de Musasa, Préfecture de Kigali), projetant visiblement de poursuivre son fils et de s’expliquer avec lui ; elle avait fini par savoir les raisons du conflit.

 

383. Kigeli IV apprit rapidement que sa mère avait traversé la rivière.

Il convoqua un grand conseil de Chefs âgés et leur posa la question suivante : « Que doit-on faire lorsqu’un serpent s’est entrelacé au col d’une baratte » ? Le Chef Rwakagara répondit : « On doit, par tous les moyens, éloigner le serpent pour le tuer à l’écart, sans porter préjudice à la baratte ». Mais le Chef Remera, fils de Vuningoma, répondit « Lorsque le serpent ne veut pas s’éloigner, on doit tout de même le tuer, au risque de briser la baratte en même temps ». Le Chef Rutugancuro, fils de, Eitebera, fut également de cet avis. D’autres auront pris la parole à la même occasion sans doute, mais les récits n’ont retenu que les trois personnages, dont les propos reviendront au stade des procès qui s’ensuivront (no 390). Le Roi opta visiblement pour l’avis de Rwakagara, car il envoya plusieurs Chefs à Mbilima avec l’ordre d’aller faire leur cour auprès de sa mère, d’arrêter ensuite par surprise Serateganya avec ses fils et de les exécuter ; puis de ramener sa mère auprès de lui. Les principaux d’entre les Chefs choisis à cet effet furent le prince Nkoronko, son  neveu Rwampembwe, et le notable Nyamushanja qui représentait son père Rwakagara.

 

384. En cours de route cependant, les Chefs tinrent conseil : « Allons-nous ainsi tuer Seruteganya et les siens, se dirent-ils, et allons-nous ensuite amener la Reine mère qui nous tuera pour les venger ? »

Ils décidèrent de ne pas se compromettre individuellement auprès de la Reine mère, et de se présenter à Mbilima en assaillants. De cette manière Seruteganya voudra se défendre et mourra les armes à la main ; la Reine mère ne pourra imputer cette mort à une personne déterminée.

Ainsi décidé, ainsi fait. Comme les guerriers se présentaient dans l’attitude d’assaillants, Seruteganya et ses subordonnés les reçu-rent en cette qualité. Se voyant cerné et dans l’impossibilité d’échap-per, Seruteganya dit à la Reine mère: « C’est à moi et à mes fils qu’ils en veulent, mais pas à vous. Sortez donc et allez vers eux : dès que vous serez auprès du Roi, tout s’expliquera et vous nous vengerez ». La Reine mère sortit de la case ; trois guerriers d’entre les assaillants, à savoir Rwakigarama, fils de Nyamushanja (no 383), lbare, fils de Gihamire, de la Famille des Abenegatambira, a Rutaremara, fils de Ndagano, de la Famille des Abaka, s’élan-, cèrent à l’intérieur de l’enclos à la rencontre de la Reine mère. . Mais tous les trois y furent tués par des archers de Seruteganya.

Ce fit alors que Murangira, fils de Seruteganya, sortit de la case et abattit la Reine mère d’un coup de glaive, en disant : « C’est son fils qui nous tue, et elle s’en irait comme cela, sans que notre sang soit vengé ? » Bientôt l’habitation fut incendiée, et Seruteganya périt dans les flammes avec les siens, dont ses fils Sebugigi, Murangira, Mutwarancuro et Ndengera.

 

385. Les domestiques de la Reine mère ne furent pas inquiétés : les assaillants qui les connaissaient bien se retirèrent avec eux. La localité de Mbilima étant située dans le Bumbogo, domaine privilégié des Abiru, (détenteurs du Code ésotérique), on trouva rapidement le nombre voulu de femmes qui devaient s’occuper du cadavre de la Reine mère jusqu’au cérémonial des obsèques.

Quant à la domesticité de la défunte, les Mémorialistes ont retenu

spécialement deux noms : un homme et une femme. L’homme s’appelait Ruhotorambuga, fils de Mutsinzi, l’un des échansons de la Cour. En descendant de Mbilima vers la vallée de la Nyabarongo, il avait raisonné à haute voix : « Là, dans la cour, elle a manqué d’un homme dévoué, qui fût réellement sien ! Autrement elle n’aurait pas été tuée » ! La réflexion fut rapportée aux Chefs qui se dirent entre eux : « Celui-là va répéter la même chose au Roi » ! Arrivés dans la vallée, ils voulurent se rafraîchir et dépo-sèrent une cruche d’hydromel sur la berge de la Nyabarongo.

Le prince Nkoronko s’y désaltéra le premier, puis le Chef Rwampembwe. « Oh ! nous nous sommes oubliés, s’écrièrent-ils ; nous aurions dû commencer par y faire goûter Ruhotorambuga, l’échanson qui nous en donne si souvent à la Cour » Ils l’invitèrent à boire. Le pauvre homme qui se croyait grandement honoré s’accroupissait à peine près de l’amphore qu’il fut précipité dans la rivière, avec, en guise d’oraison funèbre, la petite phrase passée depuis dans le langage à l’égal de dicton : « Jya kubibwira busunzu » ! = Va le raconter au jeune crocodile »

 

386. Quant à la femme, elle s’appelait Rwingondo, la fidèle servante

de Nyirakigeli IV. Le Roi, en apprenant la mort de sa mère, s’était

déplacé du mont Kigali et était allé mener le deuil à Rwankuba près Batsinda, dans l’ancienne province du Bwanacyambwe. Il s’enferma plusieurs jours sans vouloir recevoir personne. Ses domestiques lui ayant annoncé que Rwingondo était arrivée, il la fit entrer aussitôt auprès de lui. Il lui posa la question : « Tu me répondras la vérité, sans quoi tu mourras ! La Reine mère était-elle réellement enceinte ? » Rwigondo répondit : « Il n’y a plus de mystère, puisque son corps est actuellement entre les mains des fossoyeurs. Envoyez-y des femmes de votre confiance qui examineront son cadavre. Si on trouve qu’elle était enceinte, je jure sur ma tête et sur la vie de toute ma parenté » !  De fait le monarque envoya des femmes engagées par serment à ne lui rapporter que la vérité, et à garder le secret sur leur mission. De retour de cette mission, les envoyées apprirent au monarque que la Reine mère n’était pas enceinte.

Si nous nous rapportons à la liste des Prémices du règne, ces évé-nements se seraient déroulés après juin 1861, année où la fête avait été solennisée à Muganzacyaro près Runda.

 

387. Après avoir passé quatre mois de deuil, le monarque se rendit aux Ngara près Bumbogo (Commune actuelle de Rubungo) ; il y épousa Kanjogera fille de Rwakagara et y accomplit la cérémonie préparatoire à la fête des Prémices (cfr no 361), dont les solennités se déroulèrent ensuite à Rutunga près Gasabo (Commune actuelle de Gikomero). Il chargea Mugabwambere fils de Nyamutera, de la Famille des Abatsobe, de faire une enquête approfondie sur l’origine des accusations naguère formulées contre la Reine mère. Quant aux acteurs, il les connaissait bien lui-même.

Tout le pays était dans la consternation : les traditions mentionnaient certes des Reines mères qui s’étaient suicidées, mais pas une seule fois un Roi qui avait tué sa mère. Le hasard des oracles divinatoires, d’autre part, fit que l’année suivante la célébration officielle de la fête des Prémices ne pût avoir lieu.

 

388. L’année où les oracles divinatoires furent défavorables à la solennité des Prémices, soit 1863 si nous nous référons à la liste du règne (no 362), le monarque avait été renseigné par son enquêteur Mugabwambere. Or cette enquête affronta le monarque à des difficultés insurmontables, car elle établissait que les plus grands coupables étaient Karamira fils de Vuninka, et le prince Nkoronko. Le premier était, en vertu du Code ésotérique, le premier personnage après le régnant : sur le plan magique on ne pouvait s’attaquer à lui sans risquer des catastrophes. Il était le grand Cérémoniaire dans la célébration des Prémices, et c’était une fatalité que cette solennité ffit empêchée l’année même où le fonctionnaire était impliqué dans l’autre catastrophe qu’était l’assassinat de la Reine mère. Les consultations divinatoires furent défavorables à la

condamnation capitale. Le Roi destitua simplement Karamira de sa fonction et de ses commandements, qui passèrent à son neveu Rukangirashyamba, fils de Kanyamuhungu. Le disgracié était relégué à Hindiro, dans le Cyingogo, (en la Commune actuelle de Satinsyi, Préfecture de Gisenyi).

Quant au prince Nkoronko, son sang était redoutable sur le même plan magique. Il était fils de Roi et de Reine mère, frère du Roi, époux de Reine mère, et durant des années père légal du régnant lui même. Toutes ces considérations en faisient un personnage puissant, au point de vue du Code ésotérique.

 

389. Le monarque resta longtemps à l’Est de la Nyabarongo, résidant

Gasabo, à Gatsibo, et à Kigali tout en s’occupant du Gisaka où iI devait fonder la résidence de Sakara. Ce fut grâce au Chef Kabaka, fils de Kayagiro, que le Rukurura, tambour dynastique du Gisaka, fut livré et le pays fut enfin juridiquement annexé au Rwanda.

 

A cette époque, des principicules du Ndorwa attaquèrent des troupeaux rwandais en transhumance et les razzièrent. Le nommé Biterahengi, fils de Nyarugaza, s’empara de nombreux troupeaux appartenant à Mitima, fils de Ruyenzi (no 285, 290, 296). Ce Biterahengi était le grand-frère de Ruhangara ; étant le Chef de la région, ce dernier fut rendu responsable de la razzia. D’autre part, le nommé Muhozi, fils de Nyiramanyonyi, avait razzié des troupeaux de l’Armée-Bovine Umuhozi = le Vengeur, au cours de la même saison.

 

Kigeli IV décida une expédition contre ces provocateurs. Le commandant en chef de l’expédition était Rwampembwe, fils de Nkusi, Chef de la Milice Abashakamba. Nyantaba, fils de Nyarwaya-Nyamutezi, en plus de sa Milice Nyaruguru, dirigeait en même temps la jeune Garde Royale, les Ingengura-rugo= Assaillants-d’avant- garde tandis que le prince Nkoronko dirigeait ses Inzira-bwoba = les Sans-peur. L’expédition fut grandement gênée par des fortes pluies qui gonflèrent les cours d’eau sur son passage, d’où la dénomination de Igitero cy’Amazi =L’expédition des Eaux. Ce fut après le départ de l’expédition que mourut à Kigali le Chef Rwakagara, fils de Gaga (no 338, 341 367).

 

390. Entre-temps, la résidence royale de Kabuye près Jabana (Commune actuelle de Rutongo, en Préfecture de Kigali) avait été fondée. Ce fut en cette localité, après l’Expédition des Eaux, que fut arrêté le Chef Remera, fils de Vuningoma. Il était parmi les calomniateurs de la Reine mère et on se rappelle son avis donné au Roi à Kigali, avant les événements de Mbilima (no 383). Il fut soumis à la torture ainsi que son fils Ruziramhuhwe, qui avait été grand favori de Mutara II Rwogera. Les Chefs présents firent remarquer au Roi que Ruzirampuhwe devrait être épargné, en souvenir de ses relations avec Mutara II. Kigeli IV accéda à cette prière et dit à Ruzirampuhwe : «Vous, je vous accorde la vie sauve ». L’autre, sans doute parce qu’il avait été préalablement torturé, répondit : « Le Roi qui m’eût accordé la vie sauve ne ressemblait pas à vous » Comme il refusait la grâce, il fut exécuté avec son père et d’autres membres de la Famille.

 

Peu de temps avant ce procès, le Chef Rutungancuro, fils de Bitebera, venait de mourir, de mort naturelle et son fils Semanyonga lui avait succédé. Le Roi dit à ce dernier : « Je vous destitue en raison de la parole que votre père a dite». Puis s’adressant Kabare, fils de Rwakagara, il lui dit : « Vous, je vous investis des commandements de Semanyonga, en raison de la parole que votre père a dite ». (cfr n° 383).

391. Occupons-nous maintenant des femmes de Kigeli IV et de leur Famille. A l’époque où Karamira fut exilé à Hindiro (no 388), les trois soeurs furent reléguées au Burembo, où habitait leur père Nzirumbanje. De Nyiramarora le Roi avait eu une fille appelée Kamarashavu. Leur père Nzirumbanje avait trempé avec elles dans la même affaire. Mais, au point de vue du Code ésotérique, c’est Nyiraburunga qui posait un problème : elle était, — à son insu, bien entendu, — destinée à la dignité de Reine mère.

 

Si les trois soeurs répudiées devaient rester au Burembo, leur père était exilé à Tongo (territoire de Masisi, actuellement au Zaïre, cfr no 369), avec ses fils Ntamati, Ihangu, Gahutu, Ndimbira, et Rukikabigwi. Ntamati avait reçu précédemment la main de la princesse Nyiramukesha, fille de Mutara II. Kigeli IV la lui enleva par la même occasion et la fit épouser Ruhinankiko, fils de Rwakagara. Les exilés se mirent en route ; mais arrivé au Rwankeli, Nzirumbanje s’arrêta, préférant plutôt mourrir que d’aller vivre dans cette région lointaine. Son désir ayant été rapporté au Roi, celui-ci suspendit la sentence, permit aux disgraciés de rentrer chez eux. Quelques-uns habitaient le Burembo (zone appelée Gitoki), d’autres dans l’Itare, au Cyingogo. Le nommé Ruhigirakurinda, fils de Ntamati, qui complète ici les récits des Mémorialistes, m’affirma que la situation dura des années et que la Famille commença à espérer qu’elle rentrarait en grâces.

 

392. Tandis que le Roi avait commencé à venger sa mère, il fut interrompu dans son plan par une affaire, en dernière analyse, de prestige. Un prince étourdi du Ndorwa lui avait envoyé dire : « Je suis désormais le Roi du Ndorwa et mon nom est Rugaju ». Nous avons déjà vu que Yuhi IV Gahinairo avait vaincu le prince appelé Murali et qu’il avait théoriquement reconquis le Ndorwa (no 305.) Nous savons également que Rugaju, fils de Mutimbo, était tombé à l’avénement de Mutara II Rwogera, sous l’accusation d’avoir empoisonné Yuhi IV Gahindiro. Le nouveau patriote du Ndorwa, voulait ainsi signifier qu’il supprimait les conquêtes de Yuhi IV de même que Rugaju avait supprimé son existence d’entre les vivants. La provocation de cet étourdi donna lieu à la composition de deux poèmes : le n° 129 : Naje kubara inkuru =Je viens annoncer la nouvelle, de l’Aède Sekarama, fils de Mpumba, et le no 130 : Mbwire nyili inka izi = Je parlerai au maître de nos vaches-ci, oeuvre d’un Aède non identifié. Le texte du premier a été donné in extenso avec traduction et commentaires, dans notre Introduction aux grands genres lyriques de l’ancien Rwanda, (Edit. Univers du Rwanda, Kabgayi 1969, p. 167-187).

 

393. Kigeli IV proclama une expédition monstre qui sera appelée Igitero cy’i Bumpaka = l’Expédition contre le Bumpaka, région que les aborigènes appellent Bunyampaka, à l’Est du lac Rwicanzige (Edouard). Cette région ne fut pas en fait l’objet de l’expédition, mais elle en fut le terme. Tout le Ndorwa avait été balayé par cette nuée de guerriers et le butin fut particulièrement abondant. L’expédition aurait eu lieu entre juin 1867 et juin 1868, si nous nous fions à la liste des Prémices (n° 362).

 

L’Expédition contre le Bumpaka, en plus des deux poèmes déjà signalés, fut célébrée par le cithariste Rudakemwa, fils de Sakufi, qui composa alors le morceau fameux de harpe intitulé Rwahama.

Son succès fut d’autre part chanté par trois Aèdes dynastiques : Sekarama, déjà cité, lui consacra le ne 131 : Bahiliwe n’urugendo =Le voyage a été couronné de succès. Il m’a assuré en 1936, qu’il avait personnellement pris part à l’expédition. De son côté l’Aède Singayimbaga, fils de Ndabwondeye composa à cette oc-casion le poème no 132 : Urnwami w’imigisha = Le Roi des bénédictions; tandis que Nyakayonga que nous connaissons déjà (no 323) présentait au Roi le poème n° 133 : Nsubilize Umwami mu rushya = Je recommencerai les solennités du Roi, l’un des plus beaux que nous possédions. Il s’y déclare très âgé et nous comprenons par là qu’il n’avait pas suivi le monarque à l’étranger.

Le commandant en chef de l’expédition avait été Ikinani, fils de Ndoli, (celui-ci fils de Biraboneye, fils du prince Balyinyonza,

n°281).

 

394. Au retour de cette grande expédition, le monarque se sentit enfin libéré : les oracles divinatoires, après tant de démarches, avaient été favorables pour l’exécution de Karamira, jusque-là relégué à Hindiro. Le Roi délégua le Chef Nyamuganza fils de Turatsinze, avec Mbonyimbuga que nous avons déjà rencontré (no 382) pour l’exécution décidée. Karamira fut massacré avec ses fils Mucoco, Cyinta.ma et Kayego, qui avaient été relégués avec lui.

 

Cette année-là le Roi traversa la Nyabarongo vers l’Ouest la toute première fois depuis la mort de sa mère. Arrivé dans le Kabusanza de Runda, il célébra la préparation des Prémices (no 361) dont il allait terminer les festivités finales à Kamonyi. Mais de Kabusanza il envoya une petite expédition chargée de tuer ses trois femmes (no 377, 391) et d’exterminer les membres de leur Famille, à l’exception de quelques personnes explicitement désignées, dont Nzirurabanje, pour lequel probablement les consultations divinatoires n’avaient pas été favorables. Quelques temps après, le Roi fit notifier à ce coupable de s’en aller en exil à Tongo, (Masisi, au Zaïre) comme il y avait été condamné auparavant. Nzirumbanje se présenta à la Cour pour fléchir son neveu et lui dire qu’à son âge il ne pouvait vivre en cette région inhospitalière. Le Roi ne voulut même pas le recevoir et le disgracié se suicida.

 

395. Parmi les grands responsables de la mort de Nyirakigeli IV il ne

restait que le prince Nkoronko, le seul survivant d’entre les fils

de Yuhi IV Gahindiro. Il savait bien qu’il était en danger, mais il savait aussi que son arrestation était exclue : il disposait d’une armée tout dévouée à sa personne, et il avait appris que les conseillers du Roi avaient écarté l’éventualité d’une lutte armée. De, ces derniers, le plus en vue était Nyilimigabo, fils de Marara. «S’attaquer ouvertement à Nkoronko, aurait-il dit au monarque, ce serait à coup sûr exterminer ses guerriers, comme il en fut lors de l’affaire Rugereka. Mais ces guerriers ne seraient pas simplement tués : ils tueraient eux aussi. Or pareilles pertes de tant de héros n’amoindriraient que vous-même ».

On crut avoir trouvé le moyen de supprimer le prince sans engager le combat contre ses guerriers. Son sang ne devait pas être versé au Rwanda, car c’était un sang royal (no 388). Il fallait le verser au Burundi, en lui faisant jouer le rôle de sang libérateur. Ainsi en avaient fait décider les oracles divinatoires.

 

g) L’expédition de mu-Lito et l’exécution du Chef Rwampembwe. Une délégation de Mwezi IV Gisabo, du Burundi. L’expédition contre le Butembo, et l’exécution du prince Nkoronko.

 

396. Pour attirer le prince Nkoronko dans le guet-apens, le Roi mobilisa un grand nombre d’armées et les fit stationner le long de la frontière du Burundi, laissant croire qu’il projetait l’invasion de ce pays. L’extrême Nord de ces camps, à la hauteur de Mututu (Commune actuelle de Muyira, dans le Mayaga), était occupé par 5 armées : les Abalima du Chef Ndibyaliye, commandant en chef de l’expédition soit-disant projetée ; ce Chef, en cette qualité, avait sous ses ordres les Ingangura-rugo = Assaillants-d’avant-garde, Milice personnelle du monarque. Ensuite le Chef Rwampembwe à la tête de ses Abashakamba= le Tourbillon, et le notable Nyamushanja remplaçant de Giharamagara à la tête de ses Uruyange = la Floraison ; et enfin le prince Nkoronko à la tête de ses Inzira-bwoba = les Sans-peur. Les Chefs Ndibyaliye, Nyamushanja et Rwampembwe étaient dans le secret : dès que le Roi en donnerait l’ordre, ils envahiraient le Burundi d’en face. Une fois sur ce territoire, les Inzira-bwoba étant engagés au combat, les Chefs massacreraient le prince Nkoronko, mettant ainsi sa Milice devant le fait accompli.

 

397. Dès le début, le prince se mêlait aux autres Chefs ; mais à partir d’une époque donnée, il se sépara d’eux et campa à part. Lorsque, pour exercer les guerriers, on lançait les clameurs d’appels aux armes, les Inzira-bwoba formaient une colonne distincte ne voulant pas s’approcher des autres Milices. Le Chef Ndibyaliye envoya un messager de confiance au Roi, qui se trouvait à Rusagara (Commune actuelle de Nyaruhengeri, Préfecture de Butare), vers l’extrême Sud des camps. Il lui disait : « Il n’y a plus de doute, Nkoronko a été averti. Il n’y a plus moyen de l’avoir, sauf si vous décidez que nous engagions ouvertement le combat contre lui ».

Le Roi répondit : « Ne le combattez pas ; mais pour que les Barundi n’estiment pas que nous avons eu peur d’eux, attaquez Ru

gigana, le Chef de mu-Lito qui est le plus proche de vous. Une fois l’opération terminée, rentrez et publiez que j’ai proclamé la démobilisation ».

 

398. Voilà donc engagée l’Expédition de mu-Lito. Ndibyaliye n’attaqua pas seulement Rugigana : il divisa les armés en deux groupes, les Ingangura-rugo et les Abalima furent dirigés contre Rugigana, tandis que les Abashakamba et les Uruyange étaient envoyés contre Makaka, autre Chef puissant voisin de Rugigana. Les combats ne durèrent qu’une journée, sauf’ qu’-au cours de la nuit Rugigana poursuivit la colonne qui l’avait battu et parvint à lui enlever une partie du butin bovin.

Le Roi démobilisa tous les guerriers et engagea l’enquête à l’effet de savoir qui l’avait trahi en avertissant le prince Nkoronko. Il s’avéra que le coupable avait été le Chef Rwampembwe. Le Roi décida que le coupable devait être exécuté. Comme il s’agissait cependant d’un personnage considérable et universellement aimé, le monarque prépara son coup par une mise en scène de terreur à la Cour, à l’effet de tenir l’opinion en émoi. Il se trouvait dans sa résidence de Rwamaraba (Commune actuelle de Nyamabuye, en Préfecture de Gitarama). Il s’entoura d’un corps de guerriers Pygmées appelés Ishabi qui, par ordre du maitre, rendirent la résidence royale inaccessible. Les choses en arrivèrent au point où ces farouches de la forêt maltraitèrent même le notable Rukangabayombe, fils de Rutendeli, qui était préposé cependant au commandement de cette même résidence.

 

399. La veille du jour où Rwampembwe devait être arrêté, le Roi fit appeler un Muhutu de Cour, Rwatambuga fils de Mushengezi, Chef de la Milice Abazira-mpuhwe -= les Sans-pitié, et lui donna l’ordre d’aller arrêter Kabyaza, mère de Rwampembwe, dont la résidence était à Buhoro près Reramacu (Commune actuelle de Musambira, en Préfecture de Gitarama). « Je vous récompenserai grandement, dit le Roi, si vous me l’amenez demain matin ».

Mais en quittant la Cour, Rwatambuga se rendit auprès du Chef Rwampembwe et lui révéla l’objet de sa mission. Rwampembwe lui demanda : « Vous estimez-vous réellement de taille à pouvoir arrêter ma mère? « Aussi mon intention n’est-elle pas d’aller l’arrêter » ! répondit Rwatambuga. Les deux passèrent la nuit dans une réception de hauts faits que le Chef donnait à ses subordonnés présents.

 

Le lendemain de bon matin un messager du Roi vint appeler le Chef. Il se rendit à la Cour et fut immédiatement arrêté ; il fut mis à la torture du lien. Rwatambuga fit son apparition en ce moment et le Roi lui posa aussitôt la question : « L’amenez-vous » ? — Le monarque avait eu l’intention d’humilier le Chef avec sa rnère, car il s’agissait de punir une trahison ayant trait à la mort de sa propre mère. — Rwatambuga répondit hardiment : « Je n’y suis pas allé ». Le Roi répliqua : « Vous êtes donc vous aussi un ennemi du Roi » ? (c.à.d. un revolté). Et Rwatambuga : « L’ennemi du Roi est celui qui vous pousse à faire ce que vous faites » Il n’en fallait pas tant pour mettre le Roi en fureur. Le notable fut immédiatement livré au bourreau et exécuté sur le champ.

 

400. Le Roi s’adressa ensuite à Rwampembwe : « Je suis disposé à exposer devant les personnes ici présentes le motif de votre arrestation. Vous présenterez votre défense et si vous arrivez à prouver votre innocence, je vous relâche immédiatement ». Rwampembwe répondit : « C’est là une procédure qui aurait dû s’engager avant que je fusse mis à la torture. Mais maintenant cette torture a été connue du Burundi, du Bunyabungo, du Karagwe et d’autres pays qui nous entourent. Il ne saurait être dit que Rwampembwe a été mis à la torture et a ensuite accepté de vivre. Et puis, vous venez de tuer ce Muhutu qui est mort à cause de moi. Si j’acceptais de lui survivre, il. serait plus noble que moi » !

 

Le Chef fut condamné à la noyade dans le gouffre de Bayanga avec son fils Nyombayire. A la nouvelle de son arrestation, sa mère Kabyaza s’était suicidée à Buhoro et ses fidèles l’avaient déjà enterrée avant l’exécution de son fils. Cette mort du Chef et de sa mère provoqua dans le pays une stupeur sans précédent et une série de suicides. Parmi ces derniers, celui de la vénérable dame Nyakazana, plus communément désignée sous son surnom Uwantege, épouse de Yuhi IV Gahindiro et rnère du prince Rwabika.

Elle mit fin à ses jours par les flammes, ayant incendié sa résidence à Jali (Commune actuelle de Rutongo, en Préfecture de Kigali). Toute sa Cour, car elle était considérée comme Reine, l’accompagna dans son holocauste de protestation. Ces événements se passaient, d’une façon certaine, en 1873.

 

401. Les Commandements du Chef Rwampembwe furent donnés à son échanson Muhamyangabo, fils de Byabagabo. C’était une honte faite à la Milice Abashakamba pour la punir de son attachement à Rwampembwe contre l’opinion du monarque. La Milice n’accepta jamais l’autorité de ce chef, qu’on lui avait tiré de la domesticité de son prédécesseur. Elle finira, quelque temps après, par le refuser publiquement, en se choisissant elle-même le prince Rutarindwa pour Chef, et le monarque se verra alors dans la nécessité d’accepter.

 

Après l’exécution du Chef Rwampembwe, l’obstacle à l’exécution du prince Nkoronko restait l’armée Inzira-bwoba que le Roi, sur l’avis de ses conseillers, ne voulait pas affronter. Les mêmes conseillers, le Chef Nyilimigabo en tête, suggérèrent au monarque le moyen d’écarter cet obstacle : une campagne intense auprès de ces fameux guerriers pour les attirer individuellement à la Cour et en faire les sujets immédiats du Roi.

 

402. Tandis que ladite campagne était déclenchée surnoisement pour isoler le prince, un grave incident vint attirer l’attention du Roi. Le roitelet du Buhunde, Muvunyi fils de Karinda, avait razzié des troupeaux de l’Armée-bovine Imisagara (cfr Histoire des Armées Bovines, p. 43), en tanshumance dans la région du Kamuronsi.

 

Ce roitelet, nominalement sujet du Rwanda, s’était de la sorte rendu coupable d’une provocation que Kigeli IV ne pouvait tolérer. Aussi proclama-t-il une expédition punitive, celle qui portera l’appellation de Igitero cy’i Butembo = Expédition contre le Butembo. Après avoir ravagé le Buhunde coupable, en effet, le monarque poussera plus loin et, pénétrant dans la forêt au-delà du Buhunde, arrivera dans la zone appelée Butembo, d’où l’expédition recevra son nom.

403. Tandis que le monarque activait les préparatifs du départ, on vint lui annoncer qu’arrivait une délégation envoyée par Mwezi IV Gisabo, Roi du Burundi. La délégation se composait de trois Baganwa (Chef de haut rang) et de 100 jeunes pages de Cour qui les accompagnaient. Kigeli IV se trouvait encore à Rwamaraba. II envoya  un messager dire aux trois Baganwa : « Vous me trouvez en partance pour une expédition : je ne puis donc vous recevoir maintenant. Je charge le Chef Mugabwambere de s’occuper de vous pendant mon absence, et à mon retour je vous recevrai ». La délégation du Burundi fut dirigée sur Kanyinya (en la Commune actuelle de Shyorongi, en Préfecture de Kigali). Le Chef Mugabwambere, en plus des vivres, devait livrer aux Barundi trois vaches de boucherie par jour.

 

404. L’Expédition contre le Butembo a été célébrée par une série de témoignages culturels importants. Une cithariste appelée Mucuma, fille de feu le Chef Rwampembwe, lui consacra au départ le morceau de harpe intitulé Uramutashye = Présente lui mes salutations, par lequel sont détaillées les étapes journalières du monarque, depuis Rwamaraba jusqu’à la frontière du Bahunde. Ensuite le chant guerrier intitulé Rwahama, composé par la Garde royale : ce morceau nous apprend les noms, non seulement des espions envoyée préalablement reconnaître les régions à attaquer, mais encore ceux des principaux héros de la Garde royale qui prenaient part à l’expédition. Celle-ci mettant des mois à rentrer, Rudakemwa fils de Sakufi, (no 393) nous apprend les sentiments du pays, par son morceau de harpe intitulé Ukwo yatabaye asa = Comment il ressemblait à son départ en guerre. Lorsque l’expédition rentrera au pays, l’Aède guerrier, Biraro, fils de Nyamushanja, (celui-ci fils de Rugira, no 296) dédiera au monarque l’Ode guerrière Inkataza-kurekera = le Vigoureux décocheur de flèches, dont les deux Chants ont été donnés avec traduction dans notre Introduction aux grands genres lyriques de l’ancien Rwanda, p. 20-28.

 

405. L’Armée Uruyange = le Floraison, partie en expédition sous le commandement de son Chef Giharamagara, rentrait sous celui de son successeur, son demi-frère Nyamushanja (fils de Rwakagara). Tandis que les armées se trouvaient au Butembo, en effet, coupées du Rwanda par la forêt, elles ne recevaient plus de ravitaillement du pays. Le Roi avait décrété et fait prêter serment que si tel Chef recevait du ravitaillement, tout serait consommé en commun. Giharamagara voulut tricher : ayant reçu une caravane de ravitaillement, il tint à la recevoir la nuit, afin de garder tout pour lui seul. Le Roi, qui en avait été averti, vint la nuit, surprit le Chef en flagrant délit d’imposture, le livra au bourreau et invita tout le monde à se régaler.

Ce fut cette expédition qui importa du Butembo le petit-pois jus-que-là inconnu au Rwanda. A son retour au Rwanda, le monarque fonda sa résidence de Rubengera (Commune actuelle de Mabanza, en Préfecture de Kibuye) d’où il entendait organiser ses expéditions au-delà du lac Kivu. Cette année-là, au mois de juillet 1874, la Comète de Coggia devint visible au Rwanda. Elle fut appelée Rwakabyaza, du nom Kabyaza, mère de Rwampembwe (no 399) parce que l’opinion croyait que c’était son esprit qui revenait se venger.

 

406. Au retour de l’expédition, le sort du prince Nkoronko était scellé. La campagne engagée par les agents de la Cour avait pleinement réussi. Petit à petit le prince avait été abandonné de ses guerriers alléchés par un simple message transmis patiemment à chacun à peu près en ces termes : « Le Roi a tant de fois exprimé le regret de ne pas vous avoir parmi ses propres guerriers. Il m’a même chargé de m’en ouvrir à vous personnellement ; il souhaite apprendre ce que vous en pensez. Que lui dirai-je de votre part » Durant les nombreux mois de l’absence du monarque, les Compagnies si redoutées du prince furent dissoutes et il se trouva isolé.

Il habitait à Ngoma près Nyagisozi (Commune actuelle de Mugina en Préfecture de Gitarama). Au fur et à mesure que son armée fondait, ses ennemis le surveillaient très discrètement, prêts à l’attaquer s’il tentait de s’exiler au Burundi.

 

407. Dès qu’il apprit le retour du Roi qui s’attardait à Rubengera, Nkoronko se décida à s’y présenter, n’ignorant pas le sort qui  l’y attendait, mais préférant mourir solennellement à la Cour qu’à être assailli par la populace des alentours. Lorsqu’il eut quitté Ngoma et qu’il arriva à la colline d’en face, il se retourna et vit sa résidence en flammes. C’était le signe que lui donnaient les émissaires de la Cour qui le surveillaient de près. Il continua son chemin et parvint à Gishwero (en la Commune actuelle de Mushubati, Préfecture de Gitarama). Là il rencontra le Chef de l’armée Imvejuru qui rentrait de la Cour et de l’expédition, Mbonyuwontuma, fils de Murengezi (no 354). Le Chef, qui n’avait aucun mandat à cet effet, arrêta simplement le prince, lui mit une ficelle au poignet (symbolisant l’état d’arrestation). S’arrêtant dans la localité, où il garda son prisonnier, il envoya un messager à Rubengera pour apprendre la nouvelle au Roi La sentence fut expédiée à Mbonyuwontuma : il devait aller l’exécuter par strangulation à Nkotsi près Bikara, flôt dans le marais de papyrus de la Kanyaru, sur la rive du Burundi. Le prince avait été arrêté en même temps que ses fils qui l’accompagnaient. A l’exception du jeune Ndangamyambi, grâcié, les autres devaient subir la même peine, à savoir : Rukangankangwe (anciennement fils de Mutara II échangé contre Sezisoni, no 342), Mpigakamondo, Mesarubango, Ntagwabira, Ngangurarugo, Kibuje et Ntizimurinda. Le Roi aurait eu l’intention de donner la viée sauve à Mesarubango et à Ngangurarugo, ainsi qu’à leur mère Isharankima, fille de Rwabuyanga, celui-ci fils de Gaga. Mais le Chef Nyilimigabo s’y serait opposé et aurait opté pour Ndangamyambi, lequel ne connut sa grâce que le jour de l’excecution.

 

Mais le prince Nkoronko avait envoyé dire au Roi : « Mbonyuwontuma a osé me mettre une ficelle au poignet ! Je vous avertis que s’il prolonge sa vie au Rwanda, le pays en souffrira de ma part ». Aussi au cours du même mois, le Chef Mbonyuwontuma fut-il exécuté, pour que le Rwanda ne pâtît pas de la part du prince.

Ainsi se clôturait la série d’exécutions opérées à longueurs d’années pour venger la mort de la Reine mère. Le commandement des Inzira-bwoba passa à Nkundukozera, fils de Butare, de la Famille des Abacumbi.

 

408. L’exécution du prince Nkoronko se place comme une parenthèse dans le récit sur l’expédition du Butembo. La documentation culturelle que nous avons signalée plus haut (no 404) fait en réalié partie d’un poème héroïque de grande beauté littéraire, concernant surtout la réception réservée à la délégation du Burundi que le monarque voulait éblouir. Il la reçut d’abord à Kabuye près Jabana (no 390) chez la reine Kanjogera, puis sur le mont Kigali chez la reine Nyirandabaruta, fille de Sendilima. Durant ces fêtes de réception sur le Kigali, le Roi épousa la princesse Muserekande, que le Mwiru Murara, fils de Ruhilima, était allé lui fiancer au Buha (ancien royaume, actuellement en Tanzanie). C’était un mariage exigé en vertu de prescriptions du Code ésotérique, ce pays ayant déjà donné deux Reines mères au Rwanda (la mère de Yuhi II Gahima II et celle de Mibambwe Gisanura). La délégation du Burundi, comblée de riches cadeaux, fut congédiée avec la ré-ponse à Mwezi IV Gisabo.

 

h) La 2ème Expédition contre Pile Ijwi. L’expédition du Gikore.

 

1) Les flottilles de Kigeli IV sur le lac Kivu.

 

409. La 1 ère expédition contre I’île Ijwi (no 374-376) avait donné au Roi une leçon qu’il avait bien retenue : pour s’attaquer aux insulaires il fallait disposer d’une flottille puissante et exercer les guerriers à se battre en barques. Aucune indication ne nous permet d’assister à l’organisation initiale des flottilles rwandaises ; c’est une opération qui n’a pas frappé les Mémorialistes. Ce sera plus tard qu’ils signaleront l’organisation parachevée. En ce qui concerne les dimensions des barques utilisées, nous devons rappeler qu’il y en a de deux sortes : Indere et inkuge. Indere est une barque moyenne, légère, pouvant prendre au maximum quelques 10 passa-gers. Quant à la barque inkuge, elle est notablement plus grande et les Mémorialistes nous ont assuré qu’en plus de l’équipage, elle pouvait embarquer jusqu’à 20 guerriers et davantage. L’importance d’une barque se mesure au nombre de ses inkumbi, ou sièges faisant corps avec la barque, sur les deux côtés ; ces sièges servaient aux rameurs. Une barque inkuge pouvait avoir été taillée avec, dix à quinze paires de ces sièges. Chaque barque, cela se conçoit, avait un « commandant ». Au stade où les flottilles de Kigeli IV mous sont révélées, elles étaient réparties en 4 groupes distincts, chaque groupe ayant son commandant en chef. L’un de ces groupes était constitué par toutes les barques privées de la partie Nord du lac. Leur commandant en chef était Mbonyi, fils de Mushunju, qui habitait à Gisenyi. Dès qu’une expédition était décidée, toutes les barques de la zone étaient réquisitionnées d’office. Mbonyi le mobilisait et les acheminait en masse compacte vers le Sud pour l’embarquement des guerriers. Une fois l’expé-dition terminée, ces pêcheurs du Nord s’en retournaient chez eux et reprenaient leurs occupations chacun dans sa barque respective, jusqu’à la mobilisation suivante. Leurs barques étaient indere.

 

410. L’autre des 4 groupes se composait de barques, dont chacune appartenait à tel ou tel Chef d’armée ou à tel notable habitant le Kinyaga. C’est le groupe sur lequel nous avons obtenu le plus de renseignements, puisque nous en avons fait une liste de 47 barques géantes = inkuge, avec le nom du propriétaire, et même de la localité où elle fut taillée, ainsi que celui de l’artisan qui l’a réalisée. C’est toutefois au moment d’une expédition au-delà du lac, que toutes ces barques étaient mobilisées en un seul groupe.

 

Bien entendu, pour dresser la liste des barques, il faut qu’elles aient eu des noms propres, car autrement il n’y aurait pas eu moyen de les retenir. Je dois noter que les 39 premiers ont été dictés par Sezibera (no 363), ses compagnons n’y ajoutant que les 8 deniers. Sezibera avait été témoin oculaire de ces expéditions, auxquelles son père, le mwiru grand-intronisateur, Rutikanga, fils de Nkuliyingoma, prenait régulièrement part aux côtés du Roi ; s’accompagnait de son fils qui, dès son jeune âge, s’imprégnait la mémoire de traditions de la Cour. A propos des noms de ces barques, certains rapprochements peuvent nous réserver des surprises, tant on découvre des analogies avec les dénominations en cours dans les flottes des pays supertéchnicisés. Prenons en exemples les appellations suivantes :

Igitsirombo = le Favori                Ishema= la Vivacité

Umuhozi = le Vengeur                Kamara-shavu = le Consolateur

Umudaheranwa = l’Imbattable   Intashya = l’Hirondelle

Intaha-kure = le Rapide            Umuhilika =le Culbuteur

Ishyaka = l’Emulation               Imbabazi = la Miséricorde

ljuru = le Firmament                Inyamamare=  la Fameuse

Inkongi=  l’Incendie                 Umuhura-mbuga = le Lancier

Intaganzwa = l’Invincible         Rutangira = Route barrée

Inkotanyi = le Lutteur          Indimanyi = le Concasseur

 

Le Roi lui-même s’embarquait sur le Nyirakabuga = la Mise-en-vedette, taillée dans la forêt de Rusiga par le nominé Mugenza. D’autres fois, en compagnie de son favori Bisangwa, fils de Rugombutuli, il s’embarquait sur le Ntsinzishyaka = le J’ai-gagné-en-émulation, tandis que celle appelée Inyanja = le Lac, du même Chef Bisangwa, embarquait les bagages personnels du Roi.

 

2) La 2ème expédition contre Kabego, roitelet de l’île Ijwi.

 

411. Nous savons déjà dans quelles circonstances Kabego, roitelet de l’île Ijwi, avait échappé à la première expédition dirigée contre lui (no 376). Comme il n’avait pas fait sa soumission, Kigeli IV décida de l’attaquer à nouveau. Ayant célébré à Rubengera la fête des Premices, il envoya une expédition contre Pile. Le commandant en chef de l’expédition était de nouveau Ndibyaliye, fils de Mbagaliye (no 396). Pour surprendre les insulaires, les barques avaient été concentrées en face de l’île Bugarura et les guerriers durent se diriger de Rubengera vers le Nord où ils devaient être embarqués.

Le récit que nous résumons, fait par un grand guerrier contemorain des événements, qui n’y prit cependant pas part, Nyamulrenda, fils de K.ajeje, affirme que l’expédition se composait en tout et pour tout de 55 héros triés sur le volet : 20 membres de la Compagnie Ingangura-rugo, 30 de la Compagnie Inshoza-mihigo (les deux premières de la Garde royale), et 5 Batwa de la Compagnie Urwililiza = Lutteurs-infatigables. Ils firent une halte à l’îlot Iwawa, y passèrent une partie de la nuit, puis débarquèrent à l’aurore à l’endroit appelé ku Mukondo (1), à la pointe Nord de l’Ijwi. Les barques s’en retournèrent au plus vite, pour éviter que les insulaires ne les remarquassent et ne leur donnassent la chasse.

 

412. Les premières victimes de l’expédition furent un groupe de Bashi qui allaient cultiver en commun. Les survivants donnèrent l’alarme. Les envahisseurs triomphèrent facilement des guerriers de la zone qui tentèrent de leur barrer passage. Ils arrivèrent en vue de Kabuye chez Mihigo, fils de Kabego.  Le lendemain eut lieu une grande bataille, cette fois-ci contre des adversaires aguerris ; les Rwandais en triomphèrent et incendièrent la résidence de Mihigo. Ils arrivèrent ensuite dans la localité appelée ku-Muyange.

 

Le lendemain ils entendirent le halètement de urumaka =- trompette en ivoire d’éléphant (signe de ralliement guerrier propre aux Bashi) simultanément à Karama, à Nyamikingo et à Nyagacucu. C’était le signe que les guerriers officiels de l’île s’étaient donné rendez-vous. Le commandant des insulaires était Rugamba ; la bataille, fut dure et longue, mais finalement les Rwandais eurent le dessus ayant tué beaucoup d’adversaires, et n’ayant eu, eux, que 3 blessés, Ne se jugeant cependant pas de force à continuer vers le Sud de l’île, ils s’arrêtèrent en cette zone ; les insulaires de leur côté, n’osant plus attaquer, se renforçaient en face d’eux. La situation des Rwandais était critique, car ils ne pouvaient ni avancer, ni être évacués. Ils vivaient du lait de quelques dizaines de vaches qu’ils avaient razziées et des vivres qu’ils rançonnaient dans un rayon réduit. Ils auraient passé environ 2 mois dans cette situation.

 

413. Au Rwanda, on croyait que l’expédition avait subi un désastre complet, et le Roi en fut grandement affligé, car il s’agissait de la fleur de ses héros. Ce fut alors que la cithariste Mucuma. (no 404) composa le morceau de harpe intitulé Wibabara = Ne t’afflige pas, dans lequel elle cite les noms des principaux membres de l’expédition, exprimant l’espoir qu’ils rentreraient. Finalement, ce fut un piroguier de la région du Kinyaga qui voulut en avoir le coeur net. Se déguisant en habit spécifique des insulaires, dont il parlait parfaitement la langue, il prit ses informations et débarqua un bon matin sous le camp des Rwandais. Ils allaient l’attaquer lorsqu’il leur cria qu’il était un serviteur de l’un d’entre eux, Ntizimira, fils de Musuhuke. Ce dernier le reconnut. Il retourna au Kinyaga chez son maître pour en apporter du ravitaillement, puis s’en alla à Rubengera annoncer à Kigeli IV que les membres de l’expédition ‘étaient tous en vie. Le Roi se rendit aussitôt au Kinyaga et, sans que les insulaires s’en fussent rendu compte, tellement ils avaient l’attention tournée vers le Nord, il débarqua à Nyakarengo, promontoire Sud de l’île. Une fois le Roi sur l’île avec les guerriers qui l’accompagnaient, on fit retentir le tambour des audiences = Indamutsa. Les Rwandais reconnurent le morceau qui signalait la présence du Roi. Ils attaquèrent le Chef Rugina, fils de Kabego, qui leur compait devant ; ils ne voulaient pas que le Roi, qui venait à leur rencontre le trouvât en armes sur son passage. Le Roi fit jonction avec eux le jour même.

 

414. Le lendemain ils attaquèrent la résidence de Kabego située à ku-Gikumba ; mais le roitelet s’était réfugié dans l’île appelée ku-Gishushu. Il y eut une bataille de deux jours sur le lac, mais là les  insulaires triomphèrent des Rwandais. Ne pouvant en venir à bout, le Roi parvint à envoyer des cadeaux à trois d’entre les intimes de Kabego et il les gagna : Nyilinkora, le mwiru en chef du roitelet, Rwagatenga et Ruhangamugabo, ces deux derniers étant les commandants de la flottille de l’Ijwi. Comme ils se présentaient un jour,

attirés par des promesses de pagnes, ils furent arrêtés, et les barques du Rwanda attaquèrent celles des insulaires qui furent dispersées. Les Rwandais débarquèrent à ku-Gishushu et Kabego fut tué par Rwanyonga, fils de Mugabwambere.

 

Cette victoire ne fut pas facilitée uniquement par l’arrestation des trois notables : entre-temps, en effet, Nkundiye, fils de Kabego, qui avait été blessé dans l’un des combats en barques, s’était révolté contre son père, et ainsi une partie de la flottille de l’Ijwi avait secondé les Rwandais. Parmi les trois notables arrêtés, seuls Nyilinkora et Rwagatenga furent exécutés. Quant à Ruhangamugabo, le Roi le ménagea et le combla ; il attendait de lui la soumission des flottilles de l’île.

 

415. Le Roi divisa l’Ijwi en deux districts, les Marambo au Nord et le Bweru au Sud, confiés respectivement à Kamaka, fils de Gasindikira et à Mbwana fils de Bidaga. Il leur laissa de nombreux guerriers pour maintenir la soumission de l’île. Quant à Nkuncliye, fils de Kabego, il reçut, en récompense de sa collaboration, le titre de roitelet, en succession de son père, dignité qui n’était plus que symbolique, puisque les deux fonctionnaires Rwandais exerçaient l’autorité directe sur le pays.

 

La victoire de l’expédition fut célébrée par Mucuma, la cithariste, qui composa à cette occasion le fameux morceau intitulé : Inkuru-nziza yabaye = la Bonne nouvelle a eu lieu : tandis que l’Aède guerrier Litararenga, fils de Ruhwehwe, dédia au Roi l’ode intitu-lée Runyura-bagabo = la Joie-des-braves, qui ne cite les exploits qu’à partir de l’arrivée du monarque sur l’île. Le vieil Aède Nyakayonga célébra de son côté cette victoire par le poème no 137: None Imana iduhaye kuvuza impundu = Puisque Dieu nous ménage une occasion de réjouissance. (traduction partielle dans La Poésie Dynastique au Rwanda, p. 10-11).

 

3) L’Expédition du Gikore.

 

416. Après le triomphe sur Kabego, Kigeli IV se rendit au Murera, ayant surtout en vue la soumission de la Famille des Abarashi. Cette grande et belliqueuse Famille se divisait en deux branches : ceux du Gahunga, au pied du volcan Muhabura, appelés Abakemba, dont le Chef était alors Rukara, fils de Bishingwe, et ceux du Kabaya, dans la plaine vers le lac Ruhondo, qui s’appelaient Urwasa-bahizi. Du temps où le nommé Sekalyongo, fils de Muhabwa, commandait le Murera sous Mutara II Rwogera, il avait fait condamner à mort les chefs de Famille des deux groupes, respectivement Sekidandi et Turahakanywe. A partir de ce moment, les Abarashi se révoltèrent contre toute autorité et se constituèrent pratiquement en région autonome, n’envoyant plus à la Cour quelque prestation que ce fût. Profitant ensuite de leur organisation guerrière supérieure, ils rançonnaient les alentours et rendaient la région inhospitalière.

 

417. Kigeli IV qui avait résolu de mettre fin à cette situation, arriva au Murera, établit une résidence royale à Kigarama, sur un perron qu’il appela Mata = le Lait (en la Commune actuelle de Kigombe, Préfecture de Ruhengeri). Apprenant l’arrivée du Roi dans leur voisinage immédiat, les Aberashi, qui se savaient principalement visés, se réfugièrent dans la forêt sur le flanc du volcan Muhabura. Le Roi qui, de son côté, avait appris la valeur guerrière de ce fameux groupe, leur envoya le nommé Muhozi, fils de Nyamwishyura (no 382) pour les convoquer. Ils envoyèrent le nommé Birushya ; le Roi le reçut avec des marques de joie, lui donna une vache et le chargea d’annoncer aux Abarashi qu’il leur  promettait la paix et qu’ils pouvaient répondre en toute confiance à la convocation.

 

Toute la masse des guerriers, Abakernba et Urwasa-bahizi vinrent se présenter  au Roi. Il leur déclara : « A partir de ce moment, vous devenez une compagnie de ma Garde Ingangura-rugo, et aucun Chef n’aura autorité sur vous ». Il s’en alla avec eux à une partie de chasse à l’éléphant et continua jusqu’au Bufumbira.

Ayant ainsi mis la main sur les Abarashi, le Roi avait pacifié le Murera. La résidence royale de Mata devenant le chef-lieu de district, il y nomma un Muhutu, de la région du Bugarura, appelé Rwamiheto en qualité de Chef du sol. La reine Nyambibi, fille de Rushingwankiko, reçut le district en apanage et Rwamiheto commanda en son nom. Il nomma Rukara, fils de Bishingwe, comme Chef guerrier des Abarashi, désormais Compagnie d’entre les Ingangura-rugo.

 

Le Roi fit plusieurs séjours prolongés dans le Murera et y célébra la fête des Prémices deux fois de suite, à Mata et à Rugeshi. Il établit ensuite une résidence à Mabungo, dans le Bufumbira.

 

418. Ce fut de Mabungo, au Bufumbira, que partit l’Expédition du Gikore. Gikore est un massif montagneux non loin de Kabale, dans le Kigezi actuel en Uganda. Cette vaste région était commandée par les Chefs de Familles, ces dernièrs constituant de grosses tribus. Mais au-dessus de ces Chefs locaux existait un échelon de commandement nominal, dont les titulaires se limitaient aux contacts sporadiques avec les dits Chefs des Familles. C’est ainsi qu’une zone appartenait à Ndibyaliye Chef de la Milice Abalima, une autre à Gacinya, fils du prince Rwabika, chef des Abakwiye, et une autre au Chef de la Milice Abashakamba, commandés alors par Muhamyangabo, successeur de Rwampembwe (no 401). A l’Est des deux dernières zones était située celle des Abagina, dépendant du Chef Nyilimigabo, le grand favori du moment. Il a été affirmé par un récit, que l’Expédition a été provoquée par le Chef Nyilimigabo, qui voulait augmenter le territoire des ses Abagina par des lambeaux à détacher de la zone relevant de la Milice Abasha-kamba, dont il venait de faire exécuter le Chef Rwampembwe.

 

L’Expédition du Gikore nous a été conservée en des récits de provenance diverse, dont l’un détaille les perpéties en 10 batailles clairement distinctes. Ce long récit qu’il est impossible de ramener à un seul, vu justement l’indépendance de chaque épisode, provient du héros Rugeramibungo fils de Sekajeje, qui avait pris part à l’éxpédition. C’est de lui que l’avait appris son gendre Gahiza qui nous l’a dicté. Plusieurs rencontres furent des catastrophes pour les guerriers Rwandais, dont d’innombrables notables périrent soit sur les champs de batailles, soit dans les embuscades que les aborigènes tendaient aux colonnes de l’expédition. Parmi ces tombés en embuscades se trouva Kamanzi, fils de Milimo, le directeur des combats de la Compagnie Inshoza-mihigo (la 2ème de laGarde).

 

419. Du moins l’expédition rapporta-t-elle au Rwanda un bienfait que l’on n’envisageait pas au départ : la découverte et l’introduction de la patate-douce actuelle. Auparavant le Rwanda ne cultivait qu’une espèce de patate appelée gafuma. La tige ne portait qu’un seul tubercule qu’on récoltait une fois l’an, mais qui avait l’avantage d’être conservé longtemps sans corruption. Dès que, au cours de l’expédition, on découvrit la patate actuelle, le Roi donna l’ordre que chaque guerrier rentrerait au Rwanda avec une tige at-tachée à son arc. Les Mémorialistes rapportent que le Roi lui-même en aurait créé une espèce de pépinière à l’intérieur de sa résidence à Giseke. Au fur et à mesure que se répandait la nouvelle espèce, le gafuma disparaissait et les disettes annuelles furent vaincues. Il faut remarquer que cette information provient de Mémo-rialistes contemporains de l’événement, ou nés à l’époque considérée, dont Nyamuhenda fils de Kajeje (no 411), Sezibera, fils de Rutikanga (no 410), Senyakazana fils de Mushyo (ancien Chef du Buhoma) et Kayijuka fils de Nyantaba, tous quatre détenteurs éminents du Code ésotérique, qui vivaient à la cour dès leur jeune âge.

 

L’expédition du Gikore eut lieu entre juin 1878 et juin 1879. C’est au cours de l’expédition qu’un messager vint apprendre au Roi que sa femme Kanjogera lui avait donné un fils, auquel il imposa le nom de Musinga.

 

L’Aède Biraro (no 404) célébra l’expédition par l’Ode guerrière dédiée au Roi et intitulée Rutabendura = le Jamais-mis-en-déroute, divisée en deux Chants.

 

i)                    Expéditions contre le Bunyabungo, ou Bushi.

 

I)                   L’Expédition de ku-Buntubuzindu : désastre sans précédent.

 

420. La fête des Prémices en l’année 1879 fut célébrée à Rubengera. Le Roi avait l’intention d’attaquer le Bunyabungo (Bushi) et en-tendait partir immédiatement après les fêtes. Mbwana, fils de Bidaga (no 415), avait déjà préparé l’expédition en organisant les flottilles de l’île Ijwi sur le modèle de celles du Rwanda : il en avait formé deux groupes, et avait fait tailler de nouvelles barques géantes = inkuge, à bord desquelles il avait longuement exercé les Rwandais de son ressort à batailler sur le lac.

 

Cette 1 ère expédition contre le Bunyabungo débuta par un geste inconsidéré du Roi. Accompagné de quelques notables, dont Kabare fils de Rwakagara, il débarqua tout seul au Bunyabungo. Les autorités locales le reçurent avec de visibles réticences, en attendant les ordres de leur Roi Byaterana, fils et successeur de Makombe, qui résidait dans la localité appelée Buntubuzindu.

 

Les compagnons du Roi qui se rendaient compte de l’imprudence

commise, dépêchèrent une barque montée par le nommé Shankuru pour avertir Mbwana avec les guerriers qui se trouvaient déjà avec lui. Heureusement pour Kigeli IV, les deux flottilles de l’îile arrivèrent le lendemain de bon matin, au moment où Rutubuka, fils de Byaterana, se présentait avec une armée chargée de tuer le Roi. Ils furent interdits en se trouvant devant une armée subite-ment débarquée. Comme Rutubuka déconcerté changeait d’attitude le Roi le fit s’approcher sous prétexte de lui confier un message à transmettre à son père. Le Chef Bisangwa, fils de Rugombituli, et le guerrier Karugu, fils de Ntizimira, que le Roi avait mis dans le secret, se saisirent de Rutubuka, et le Roi le tua en lui plongeant un glaive dans le cou. La bataille commença aussitôt et les guerriers de Rutubuka furent battus.

 

421. A la tombée de la nuit, le Roi tint conseil avec ses Chefs et l’élite de sa Garde. Il voulait savoir le meilleur moyen de soumettre le Bunyabungo. Le nommé Gahuranyi, fils de Marara et frère du favori Nyilimigabo, dit au Roi : « Le meilleur moyen est de le soumettre par le pisé d’habitations : faire venir progressivement, la masse Rwandaise et lui distribuer les propriétés terriennes.

Gagner ainsi de proche en proche, d’une colline à l’autre » ! Le  Roi répliqua : « Sortez de ma maison, poltron ! Quel autre conseil pourriez-vous donner sur les moyens de conquêtes » ! Et comme il voulait entendre l’avis du héros Nyilingango, fils de Nyagahinga, le plus fameux membre de la Garde, on constata qu’il était absent. Le Roi envoya le chercher dans le camp. Bisangwa confia au messager : « Recommandez à Nyilingango d’arriver en conseillant les combats, car c’est ce que désire le Roi ». A son arrivée, Nyilingango fut interrogé et répondit : « Répartissons les guerriers en deux colonnes, dont vous commanderez la première contre Byaterana, et moi l’autre contre la région au Sud de sa résidence, et triomphons rapidement du Bunyabungo » ! — « Voilà au moins un bon conseiller des conquêtes » ! s’écria le Roi.

 

422. Ainsi fut décidée l’expédition de ku-Buntubuzindu, du nom de la localité où habitait Byaterana, Roi du Btmyabungo. Les oracles divinatoires désignaient à nouveau Ndibyaliye, fils de Mbagaliye (no 396, 411), comme commandant en Chef de l’expédition. Ce fut une expédition curieusement préparée : aucune autre Milice ne fut mobilisée, en dehors des deux Compagnies aînées de la Garde royale, les Ingangura-rugo et les Inshoza-mihigo, avec participation, à titre personnel, de quelques membres d’autres Milices ayant séjourné accidentellement auprès du Roi. Celui-ci organisa sa Garde en deux colonnes, comme l’avait suggéré Nyilingango : la première, composée des motiées de la 1ère et de la 2ème  Compagnie, fut laissée au Bugote, au pied de ku-Nyamibwa. Elle était destinée à attaquer Byaterana à Buntubuzindu et se trouvait sous le commandement de Rudakemwa fils de Sakufi. La 2ème, composée de la même manière, fut ramenée en barques à Muhali près Kamembe, au Rwanda, en vue de la débarquer à Rusozi (Bukavu actuel). Elle était avec Ndibyaliye, mais commandée par Rwanyonga, fils de Mugabwambere, l’un des grands héros de la Garde.

 

Notre Nyilingango fut exclu de l’expédition, parce que le devin de la Cour, Mpore, fils de Semandwa, avait déclaré qu’il avait du sang lugubre, capable de provoquer un désastre. Le Roi envoya ce Nyilingango à Nyamasheke pour une mission imprécise.

 

423. La colonne commandée par Rwanyonga se heurta à deux Compagnies appelées respectivement Amahembe = les Cornes, commandée par Mutarushwa fils de Nyaminani; et lbirusha = les Surpasseurs, commandée par Bihogo. Les deux Compagnies soutinrent une bataille acharnée, mais elles furent finalement battues. Les Rwandais saisirent un  riche butin, car les vaincus protégeaient leurs vaches, femmes et enfants. Se voyant battus, ils emmenèrent les femmes et les enfants, laissant le gros bétail aux vainqueurs.

 

Rwanyonga estima qu’il fallait rentrer, mais les Inshoza-mihigo de sa colonne s’y opposèrent, ajoutant qu’ils resteraient seuls même si les autres rentraient. Ces jeunes gens obligèrent ainsi Rwanyonga à poursuivre les vaincus dans leur lieu de refuge, près du Murago (marais mouvant de la Rushanja). Ce lieu marécageux se trouvait protégé par une forêt dense de bambous, au centre de lapelle une clairière avait été aménagée à mains d’hommes. Les Rwandais s’y engagèrent imprudemment et furent ensuite cernés par leurs adversaires qui avaient été postés à cet effet dans ladite forêt. Les assaillants, désormais assiégés, ne purent plus se dégager. Le combat dura toute une journée, et les rares survivants de la colonne, moins d’une dizaine, ne purent échapper qu’à la faveur de la nuit. Rwanyonga était parmi les tués. Les rescapés se présentèrent à Ndibyaliye, qui avait établi son quartier général à Mbiza dit des Abatoyi. Il disposait certes de guerriers chargés de protéger le quartier général. N’osant plus cependant affronter les vainqueurs qui ne manqueraient pas d’arriver le lendemain, Ndibyaliye leva le camp la nuit même et se dirigea vers le Bugote, pour renforcer la colonne du Nord.

 

424. Mais la colonne du Nord n’était pas dans de meilleures conditions. Rudakemwa avait attaqué la résidence royale de Byaterana. Là il s’était trouvé devant la Compagnie Imvuza-rubango = Frappeurs-du-javelot, Garde royale du Bimyabungo. La bataille avait été d’abord favorable aux Rwandais. Mais les Imvuza-rubango furent ensuite renforcés par l’arrivage continu de contingents frais et finirent par tailler les Rwandais en pièces. Le désastre qui avait eu lieu au déclin du jour ne pouvait avoir des suites que le lendemain.

 

Le nommé Masimbi, fils de Byarugema, rescapé du murago près Rushanja, n’était pas allé au quartier général de Ndibyaliye, mais s’était tout droit dirigé sur le Bugote pour apprendre au Roi le désastre survenu. La nuit même le Roi lui donna une escorte armée, commandée par Muhatsi fiIs de Ndamira, de la Famille des Abaganzu, pour aller au quartier général et dire à Ndibyaliye qu’il devait se diriger tout de suite vers le Nord avec les guerriers qui lui restaient. Les envoyés du Roi rencontrèrent Ndibyaliye qui ignorait encore tout du désastre de ku-Buntubuzindu.

A son arrivée avec les débris de sa colonne au petit jour, Ndibyaliye vit la résidence de Kigeli IV en flammes. Après l’annonce du dou ble désastre, en effet, les Chefs avaient supplié le Roi de s’embarquer immédiatement pour le Rwanda et il s’y était opposé. Il s’écriait hors de lui, à plusieurs reprises:« Moi, vaincu par les Bashi?»

425. Comme il était prévu, de nombreux guerriers de Byaterana se montrèrent en face de la colline où Kigeli IV avait fixé sa résidence. A la vue de ces guerriers, Ies Rwandais firent retentir les tambours de la Cour, et les assaillants en furent intimidés, n’osant plus avancer. Ce fut alors que les Chefs mirent le feu à la résidence pour obliger Kigeli IV à s’embarquer. Les débris de l’expédition s’embarquèrent très rapidement sous la protection inattendue des tambours dont le retentissement intimidait les assaillants. Ce fut sur le lac même qu’une barque, qui venait en sens inverse, accosta celle du Roi pour lui annoncer la mort de son fils Munana, l’aîné de la Reine Kanjogera.

 

Le désastre de l’expédition imposa un deuil général à tout le pays. Il donna lieu à la composition de deux poèmes dynastiques : celui no 139, de Munyanganzo fils de Barembe, intitulé : Bambaliye inkuru Nkomati = On m’a communiqué la nouvelle, ô Preux des mêlées. L’Aède ne nous cache pas la réalité du désastre, tout au contraire ; il le compare à certains fait du même genre qui endeuillèrent le Rwanda dans le passé et déclare finalement au Roi : « Puisque vous rentrez vivant, au fond, c’est nous qui avons triomphé » ! Quant à l’Aède Sekarama, fils de Mpumba, que nous connaissons déjà (cfr n° 392-393), dans le poème no 140 : Mbyukire mu ruganda=– Que de bon matin je me rende dans la forge, il considère le désastre survenu comme une « injure » duremment reprochée à Byaterana. En bien ! puisque ce mal élevé s’est permis de braver le Roi, il doit s’attendre à une vengeance exemplaire qui ne tardera pas à lui être infligée.

 

2) L’Expédition du Kanywilili. La mort de Nyilimigabo et ses suites.

 

426. Nous devons signaler ici tout d’abord que, sur le plan guerrier, Kigeli IV venait de bénéficier d’un renfort aussi appréciable qu’inattendu. A l’occasion de troubles survenus au Burundi, en effet, le Chef Cyoya, fils de Ngwije, avait émigré et s’était mis à son service. Il arrivait avec une armée de première valeur, appelée lnyange = les Ibis blancs, divisée en cinq Compagnies, dont les deux premières sont souvent citées en nos récits : Injya-mubili = les Allant-au-corps et Abasoni — les Respectables ; les trois autres : Itangernika = le Lac, Abarara = les Campeurs et Amatara = les Colonnes (en marche) étaient moins aguerries. Nous devions les introduire- ici, car ces guerriers allaient, pour la toute première fois, prendre part à l’expédition du Kanywilili que nous abordons. Entre cette expédition et la précédente, il s’était passé plus d’une année, pour permettre au Rwanda d’accomplir les cérémonies de-deuil, et de se consoler assez longtemps au sujet des nombreux morts. L’Expédition du Kanywilili était destinée justement à ven-ger le désastre antérieur. Le Bunyabungo savait bien que Kigeli IV reviendrait. Il avait appris, de son côté, par ses espions, que les Banyabungo avaient concentré leurs forces dans le Kanywilili.

 

 

427. Le Kanywilili était un marais de papyrus, situé non loin de la Rusizi. S’y étaient rassemblés les Chefs suivants : Kiraba fils de Byaterana, Mpfizi fils de Kakira, Rwabika fils de Byaterana, Gituza fils de Tabura (celui-ci fils du Roi Makombe) et le Chef Muzuka.

Ils avaient établi des camps des deux côtés du Kanywilili et avaient amenagé un refuge de repli au milieu des papyrus.

 

Le commandant en Chef de l’expédition rwandaise était Zirnurinda, fils de Semulima (membre de la Compagnie Inshoza-mihigo, la 2ème  de la Garde royale). L’expédition précédente avait ouvert les yeux du Roi sur la force des Banyabungo qu’il avait sous- estimés auparavant ; cette fois-ci l’expédition du Kanywilili était effectuée par de nombreuses Milices : d’abord les Ingangura-rugo, dont les premières Compagnies venaient de s’enrichir de celle appelée lbisumizi = Lutteurs-en-corps-à-corps, alors bien aguerrie.

Ensuite les Milices Abashakamba, du Chef Muhamyangabo, Uruyange du Chef Nyamushanja, Intaganzwa du Chef Nyilimigabo, Inzira-bwoba du Chef Nkundukozera, successeur du prince Nkoronko (no 407), avec des Compagnies des Abarekezi =Décocheurs, dont le même Chef cumulait le commandement ; les Abarasa du Chef Kabaka, les Inyange du Chef Cyoya, les Abasharangabo du Chef Nyagahinga, mais alors commandés par son fils Nyilingango, le héros de la Garde royale (no 421), les Inzira-bwoba= les Sans-peur du roitelet Nkundiye de l’île Ijwi, les Imbanza-mihigo = Inaugurateurs-des-hauts-faits, du Chef Ntizimira fils de Musuhuke.

 

428. Dès le départ, les Milices furent divisées en deux colonnes : la première, qui accompagnait le commandant en Chef, traversa la Rusizi au gué du Cyanyamwishyura (face au Bukavu actuel) ; elle devait attaquer le Kanywilili sur sa rive Nord. La 2ème, dont faisaient partie les Chefs Nyilimigabo et Nyamushanja, traversa la Rusizi au Marimba, au pied du mont Ruhindu ; elle devait attaquer le Kanywilili par sa rive Sud. Dès le premier jour de la bataille, cette dernière colonne fut taillée en pièces par le Chef Kiraba ; Nyilimigabo, Chef des Intaganzwa et Nyamushanja Chef des Uruyange furent tués. Il était affligeant, pour la1ère colonne, de la rive Nord, d’assister impuissante à la déroute de la 2ème sans pouvoir l’aider, se trouvant entre les deux un marais infranchissable de papyrus.

La 1ere colonne, celle de la rive Nord, livra une bataille acharnée depuis le lever du jour jusqu’au soir. Le Chef Kiraba, après avoir remporté la victoire sur la rive Sud, était venu renforcer les siens. Ils furent mis en échec par les Milices Ingangura-rugo,Abashakamba, Abarasa et Inyange, sur lesquelles s’appuyaient les Milices de moindre efficacité. Le commandant en Chef Zimurinda, qui était un héros de « son propre arc », n’avait pas établi le quartier général à distance ; il siégeait sur le champ de bataille.

 

Lorsque ses combattants reculaient, ils se heurtaient à lui et se voyaient dans l’obligation de repousser l’adversaire. Le camp des armées du Bunyabungo fut enfin incendié au déclin du jour et, complètement battues sur le terrain découvert, elles se réfugiè-rent dans le marais de papyrus. La bataille devait reprendre le jour suivant.

 

429. La Milice Inyange combattait sous le commandement de Majanja,

lieutenant de Cyoya. Elle avait été placée à l’aile droite, bordant les Abarasa, ceux-ci à la droite des Abashakarnba, ceux-ci suivis des Ingangura-rugo qui formaient l’aile gauche. Le commandant des Inyamge disposa ses guerriers d’une manière inquiétante aux yeux des Rwandais : sa ligne de bataille était éparpillée. Comme une colonne compacte de Banyabungo venait sur elle, le commandant en chef de l’expédition s’en inquiéta. « Les Inyange sont mal disposés, dit-il, ils ne pourront pas résister au choc, et s’ils cèdent nous risquerons la paniqque ». Aussi choisit-il 20 Ingangura-rugo, 20 Abashakamba et 20 Abarasa du groupe de réserve et les envoya-t-il à l’aile droite. En les voyant arriver, Majanja leur dit : « Vous venez rendre mes guerriers vulnérables ? Retournez à votre place. Vous autres, vous vous constituez en groupes compacts, si bien que les traits ennemis, ne trouvant où se figer en terre, sont obligés de transpercer les hommes, faute de place libre »

Et il démontra parfaitement l’ingéniosité de sa tactique : sa ligne éparpillée, plus élastique, n’eut que trois blessés, les nommés Ruhogo fils de Mpande, Nduhiliye et Rwubika. Bien plus, le fils du Chef Kiraba, qui était en train de disposer ses guerriers avant l’attaque, se trouvant donc encore à une distance raisonnable de la ligne ennemie, fut foudroyé d’une flèche au cou, lancé par le nommé Nyamukeba, l’un des héros des Inyange. La mort de ce prince provoqua un deuil tel parmi les Banyabungo, qu’ils se retirèrent sans plus songer à livrer bataille.

 

430. A la suite peut-être de ce deuil, les Banyabungo, en leur quartier général, tinrent conseil : « Les Rwandais se battent pour razzier les vaches. Envoyons-leur des vaches, pour qu’ils s’en emparent et s’en aillent. Tout à coup, on vit sortir du marais un troupeau de vaches qui fut conduit sur la terre ferme. Mais les Rwandais y virent un piège et ne descendirent pas s’en emparer. Ils étaient encore fatigués des combats de la veille et souhaitaient combattre le plus tard possible.

 

Un messager de Zimurinda avait été envoyé au Roi, qui était resté au Kinyaga, pour lui dire que le Kanywilili était imprenable. Il demandait ce qu’il y avait à. faire : devait-on camper indéfiniment ou tenter l’invasion du marais où l’ennemi était fortemment re-tranché ? La réponse du Roi arriva le jour même : « Vous avez bien travaillé. Rentrez, l’expédition est terminée ». Le Roi était fort affligé par la mort de son favori Nyilimigabo. Cette mort

allait sous peu déclencher une vague d’exécutions capitales, car il paraissait que la 2ème colonne, massacrée par les Banyabungo, avait été formée par trahison, dans le but précis de faire périr le Chef, en vengeance des condamnations à mort dont il avait été l’instigateur. La trahison, si trahison il y avait, en devenait un crime de lèse-majesté.

 

j) L’Expédition contre Nkamdiye. Le pacte de non-agression avec Mwezi

 

IV Gisabo. L’intronisation du co-régnant Mibambwe IV Rutarindwa.

 

I)                   L’Expédition contre Nkundiye.

 

431. Nkundiye, roitelet de l’île Ijwi, avait progressivement gagné la con-fiance de Kigeli IV qui, finalement, lui avait rendu l’autorité réelle sur les insulaires. La Milice de l’île, Inzira-bwoba (no 427) divisée, sur le modèle rwandais, en deux Compagnies : Inkera-mihigo= les Radieux-pour-les-hauts-faits et Abatububa = les Cheminant-tête-haute, prenaient part aux expéditions aux côtés des autres ar-mées Rwandaises, et le roitelet avait rang de Chef d’aimée. Il avait été témoin des revers essuyés par les Rwandais au Bunyabungo, mais aussi des massacres incessants que Kigeli IV opérait dans son entourage. Craignant de devenir un jour la victime du Roi et se jugeant désormais assez fort pourmettre le Rwanda en échec à l’exemple de ses congénères du Bunyabungo, il se révolta et proclama l’indépendance de l’île. A un envoyé de Kigeli IV qui lui demandera les motifs de son geste, le roitelet lui répondra : « Le Chef Ntizimira est devenu mon ennemi et il est parmi les fa-voris du Roi. Je ne hais pas le Roi, mais j’ai fui pour vivre en sé-curité et ne pas mourir sans être malade »

 

432. Le Roi apprit la révolte à Rwamagana, un jour qu’on célébrait une fête, pas celle des Prémices, car il n’y avait pas que celle-là. Il aperçut deux hommes dans la foule : Bacondo fils de Ntasangirwa et Bugonde. C’était deux Bahutu habitant au Kinyaga, mais bien connus du Roi, car ils étaient de grands guerriers. Reconnaissant donc Bacondo et sachant qu’il habitait au bord du Kivu, le Roi l’interpella par son éloge guerrier et lui demanda : « Est-ce la paix » ? Ce n’est nullement la paix, répondit l’autre, NKundiye s’est révolté et il doit avoir envahi le Kinyaga peut-être ces jours-ci » Le Roi se leva aussitôt de son siège, sans un mot de plus, laissant là les Chefs qui l’entouraient. Saisissant la main de Bacondo et les deux suivis par Bugonde, il se mit de la sorte en route, interrompant les festivités. Dès qu’il fut clair qu’il s’en allait pour de bon, ce fut un branle-bas général : la domesticité de la Cour faisait ses bagages en toute hâte pour rejoindre rapidement le Roi, tandis que les Chefs le suivaient de suite, ayant donné les ordres pour que leurs bagages suivissent immédiatement.

 

433. Ici les récits des Mémorialistes ont été corroborés par l’Aède pastoral Ndangamira, fils de Muyoboke, dans le poème qu’il consacra à la vache appelée Inka ya Murenzi (troupeau Ndimbira II, Armée-bovine Umuhozi). Dans le Chant II, il nous raconte ce départ

opiné et les étapes de son maître ; il nous apprend ensuite, au ‘Chant III qu’il prenait personnellement part à l’expédition, dont le commandant en chef était Gihana, fils de Balikage. Les armées éprouvèrent des difficultés à débarquer dans l’île. Le roitelet dis-posait des deux Compagnies, dont il vient d’être question, pour les batailles sur la terre ferme. Mais il avait en plus deux groupes de flottilles : Abajegezi = les Ebranleurs et Abahlmuzi = les Revanchards, qui avaient été parfaitement organisées par Mbwana, fils de Bidaga (no 420). Les deux groupes de flottilles furent postés en permanence sur le lac, Nlcundiye leur ayant déclaré : « Restez-y, nous cultiverons pour vous, pourvu que vous empêchiez les Rwandais de débarquer ». De fait les flottilles rwandaises furent dans l’impossibilité de passer.

 

434. Le Roi renonça au débarquement de jour et pensa surprendre les insulaires par un débarquement nocturne. Mais Nkundiye y avait pensé et avait posté un espion auprès du Roi, le nommé Cyaba-nyeli, qui était à la Cour en compagnie de Rumashana, fils de Kabego, frère ennemi de Nkundiye. Ce Cyabanyeli allumait toujours un feu visible au loin, toutes les nuits que les Rwandais avaient décidé de débarquer. Dès qu’ils arrivaient sur le lac, ils étaient régulièrement refoulés. Cela dura un certain temps, jusqu’au jour où le Chef Rutishereka découvrit le signal de Cyabanyeli. Il 1e révéla au Roi et il fut décidé qu’on propagerait ce jour-là la nouvel-le du débarquement nocturne. De nouveau Cyabanyeli donna le

signal. On simula l’attaque prévue, qui fut de nouveau refoulée ; mais celle-ci était destinée à laisser Cyabanyeli dans l’ignorance que sa trahison avait été éventée. Le Roi dit : « Je ne le tuerai pas avant qu’il n’ait vu mon triomphe sur l’île. vainqueurs apparurent enfin à Nyakarengo, en face de leur camp de Nyamirunde, le 7ème jour après le début de l’invasion. Nku-ndiye se réfugia dans l’île appelée Ishovu.

Les flottilles de Nkundiye établirent un barrage infranchissable entre Nyakarengo et Nyamirunde, pour empêcher tout c,ontact entre la Cour et les membres de l’expédition. Les vainqueurs, de leur côté, se postèrent sur la rive de l’île pour empêcher les piro-gues de se ravitailler. La situation ne dura pas longtemps : Ruma-shana, fils de Kabego, dont nous venons de parler, demanda au Roi une barque géante dont il prendrait le commandement à la tête d’une flottille. Il refoula les barques des insulaiies qui s’enfui-rent finalement en doublant le cap Sud de l’île. n ravitailla les vain-

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‘queurs et finalement le Roi les rejoignit. L’Ijwi fut ainsi réoccupé et les guerriers de Nkundiye reprirent leur place au service du Roi.

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437. Nkundiye lui-même survécut quelque temps à sa défaite. Les espions étaient cependant à ses trousses et son refuge fut finale-ment signalé. Une expédition sous le commandement de Kavumvuli fils de Rwarinda, attaqua le île Ishovu (près Kalehe) par surprise, à l’aurore. Nkundiye fut obligé de fuir dans une barque vers Itambi, mais il fut rejoint : il se noya dans le lac. Plusieurs barques restèrent sur les lieux pour retrouver son corps, qui émergea 4 jours plus tard. Le cadavre fut rapporté à ljwi pour être montré à Kigeli IV. Les Mémorialistes rapportent que le refuge de Nkundiye avait été révélé par son fils Gatebera, qui espérait recevoir la suc-cession de son père comme roitelet de l’île, à l’exemple de Nku-ndiye lui-même qui avait jadis trahi son propre père.

Après avoir mis fin à l’affaire Nkundiye, qui avait retenu son atten-tion pendant plus d’une année, Kigeli IV se rendit à la frontière gardée par la Milice Nyaruguru. Il établit la résidence royale à Ngeli. Ce fut là qu’il livra au bourreau le pauvre Gatebera, fils de Nlcundiye, qui l’avait suivi pour solliciter l’investiture sur l’Ijwi, Le Roi en avait assez avec ces roitelets de 111e, qui n’en finiraient pas de lui imposer des expéditions laborieuse,s.

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