Le Discours du Général MOBUTU SESE SEKO
4) La réponse du Général Mobutu Sese Seko, Président du Zaire
- 867. Le Général Mobutu Sese Seko répondit au Chef de l’Etat Rwandais. Il insiste particulièrement sur les relations familiales des populations frontalières Rwando-Zaroises, sur la stabilité de l’Etat Rwandais, sur la résurrection et Je prestige actuels de la Nation Zaroise et sur la politique de recours à l’authenticité. En lançant son exclamation bien connue « oyé » ! Il fut vivement acclamé par toute la foule qui la reprit dans l’enthousiasme et les applaudissements.
RWANDA, oyé
Président KAYIBANDA, oyé
MOUVEMENT DEMOCRATIQUE REPUBLICAIN Parmehutu, oyé
Excellences, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Militantes et Militants du Mouvement Démocratique Républicain Parmehutu
Monsieur le Président et Cher Frère,
Au nom du peuple zarois tout entier, de son Parti le Mouvement Populaire de la Révolution, de son Conseil Exécutif National et en mon nom personnel, je vous remercie de tout coeur des paroles que vous venez de m’adresser.
J’y vois l’expression de l’amitié traditionnelle qui lie nos pays frères.
Je tiens aussi à vous exprimer ma gratitude pour l’occasion que vous me donnez de visiter votre pays.
Monsieur le Président et Cher frère, je vous apporte à vous-même, À. Madame votre épouse, au peuple rwandais tout entier et à son Parti le M.D.R. Parmehutu le salut fraternel de vos frères et meurs du Zaïre.
Monsieur le Président et Cher Frère, Je saisis également cette occasion pour vous présenter les chaleureuses félicitations à l’occasion de la fête du Gouvernement que vous célébrez aujourd’hui, fête à laquelle vous avez bien voulu m’associer.
La visite que j’effectue au Rwanda doit être considérée comme une rencontre entre nos deux pays dont l’amitié est scellée par l’histoire.
En effet, depuis 1919, date où le Rwanda était placé sous mandat belge, votre pays et le nôtre ont partagé les mêmes institutions et la même histoire coloniale.
De plus, sur le plan ethnologique, les populations frontalières de nos pays sont les mêmes. Beaucoup d’entre elles se sont apparentées et constituent un brassage de nos peuples respectifs. Ces faits historiques constituent le fondement d’une coopération particulière entre les deux peuples frères.
Monsieur le Président et Cher Frère, permettez-moi de vous féliciter pour les efforts que vous ne cessez de déployer pour sortir votre pays du sous-équipement.
En effet, vous avez promulgué un code des investissements adopté par l’Assemblée Nationale depuis le 4 mai 1964, code qui se caractérise par son principe libéral en vue de promouvoir des investissements.
Pour mieux orienter l’économie de votre pays, vous avez mis sur pied 2 plans quinquennaux : le 1er plan quinquennal couvrant la période de 1966-1970 a atteint la plupart de ses objectifs notamment concernant les secteurs agricoles, routier, médical, et hospitalier ainsi que celui de l’enseignement ; tandis que le 2éme plan est appelé à réaliser les investissement laissés en suspens par le 1er plan.
Sur le plan politique, le Rwanda, après avoir surmonté quelques problèmes internes, est, depuis 1963, un des pays les plus politiquement stables de l’Afrique, grâce à votre autorité et au Mouvement Démocratique Républicain PARMEHUTU, parti des masses populaires rwandaises.
Monsieur le Président et Cher Frère, la stabilité dans la continuité ainsi que les réalisations économiques que connaît le Rwanda, n’ont pu être rendus possibles que par le dynamisme de votre Parti le M.D.R. PARMEHUTU, dont les options fondamentales visent, comme l’affirment si bien ses statuts « l’émancipation intégrale des masses paysannes et ouvrières à l’égard de l’ignorance, de la pauvreté et des complexes devant l’exer-cice des droits civiques ».
Peuple Rwandais, si ma présence ici est placée sous le signe de la fraternité zairo-rwandaise, elle s’insère également dans le cadre de la politique de bon voisinage, de paix et de coopération que le Zaïre mène avec les Etats limitrophes.
Le Zaïre entend entretenir de bonnes relations avec tous les pays du monde épris de paix et de justice, et plus spécialement avec les pays libres de notre continent, en commençant par ses voisins immédiats.
Le Zaïre attache un prix particulier à la consolidation et au développement des relations entre Etats africains, car c’est à ce prix seulement que nous pouvons valablement nous aider au décollage économique de nos nations respectives et contribuer à la libéra-tion des territoires africains encore sous domination étrangère.
Ainsi, le Zaïre apporte sa contribution aux mouvements de libération, non seulement dans le cadre de l’Organisation .de l’Unité Africaine, mais aussi en mettant à la disposition de ces mouvements les moyens matériels susceptibles de les aider à hâter la libération de leurs patries.
Chargés par l’O.U.A., le Zaïre et les trois autres Etats frères, à savoir la Répulique Populaire du Congo, la Zambie et la Tanzanie, sont arrivés à convaincre leurs frères Angolais d’unifier leurs efforts militaires en vue de rendre plus efficaces les opérations de combat contre l’ennemi commun.
Nous avons toujours condamné le principe de dialogue avec l’Afrique du Su4:1 en raison de sa politique d’apartheid qui foule aux pieds la dignité humaine et les droits imprescriptibles des peuples de disposer d’eux-mêmes, droits que ne cessent de revendiquer, à juste titre, nos frères Namibiens.
En ce qui concerne le peuple Zimbabwe, nous tenons pour responsable la Grande Bretagne, puissance coloniale qui a abandonné à la merci de la minorité blanche, la majorité de nos frères africains écartés de la gestion de la chose publique de leur pays et condamnés à la loi inhumaine de la ségrégation.
Nous attachons beaucoup d’importance au retour à la paix au Moyen-Orient et au Vietnam. Nous avons foi dans la bonne volonté des hommes pour surmonter les obstacles qui continuent à menacer la paix dans le monde.
En Afrique Centrale, la République du Zaïre entend mener une politique de bon voisinage et de paix. C’est dans cet ordre d’idées que nous avons apporté notre médiation avec notre collègue de la République Populaire du Congo dans le conflit qui oppose les Républiques soeurs de Guinée Equatoriale et du Gabon.
Cette politique de paix et de bon voisinage trouve sa source dans la volonté ferme de notre jeune Nation de rester ouverte à tous les pays épris de paix, de justice, de liberté et de respect de notre indépendance. C’est pourquoi, pénétrée des réalitées contemporaines, la République du Zaire opte pour la politique de non alignement, pour une « politique de la 3ème voie » qui rejette dos à dos le communisme et le capitalisme. Nous ne sommes ni à gauche ni à droite. Nous marquons notre abstention dans la lutte entre les blocs. Nous restons partisans résolus de la coopération entre tous les pays du monde, sans distinction d’idéologie.
Aussi cette politique d’ouverture sur le monde et de refus catégorique de toute inféodation est-elle inspirée et soutenue par notre détermination qui se cristalise autour de la politique de « recour à l’authenticité ».
La République du Zaïre est un grand pays qui avait été ridiculisé par les dirigeants incapables de l’Ancien Régime qui en avaient fait ce que beaucoup ont appelé « l’enfant malade de l’Afrique ». Nous sommes fiers aujourd’hui de nous présenter à la face de l’Afrique et du monde, sans complexe aucun, et cela grâce à une révolution profonde que nous avons opérée dans la mentalité de nos populations. Cette révolution s’appelle « recours, à l’authenticité ».
Chaque fois que nous en avons l’occasion, nous ne manquons jamais de souligner que l’authenticité qui s’opère au Zaire est avant tout une philosophie universelle, qui consiste à prendre les hommes là où ils sont, tels qu’ils sont, et à respecter les valeurs culturelles de chaque peuple.
Le recours à l’authenticité est sur le plan interne, non seulement un instrument de paix, de prise de conscience de nos valeurs historiques, sociologiques, culturelles, philosophiques, spirituelles, et artistiques mais surtout le ferment de prise en mains des destinées de notre peuple et, partant, la source d’inspiration de notre conduite dans l’effort du développement socioécono-mique de notre pays. Le recours à l’autheticité n’est donc ni un nationalisme étroit et exacerbé ni un retour aveugle au passé, encore moins il ne constitue l’expression d’une xénophobie à l’endroit des étrangers. C’est un recensement de nos valeurs intrinsèques et fécondes, une reconstitution historique et dynamique de notre personnalité propre en vue d’un décollage rapide et définitif vers un développement harmonieux approprié à la spécificité de notre peule.
C’est pourquoi, nous avons condamné tous les méfaits de la colonisation qui nous avait aliénés mentalement, avait ignoré nos valeurs profondes, les avait dénigrées et sciemment détruites. Si, aujourd’hui, nous utilisons une langue étrangère pour communiquer avec vous, cette langue ne sert que de véhicule d’expression, car la pensée est authentiquement zairoise.
L’Affaire des prénoms au Zaïre, qui a enrichi les chroniques de la presse internationale, et pour laquelle le Saint-Père nous a donné raison, était pourtant, à nos yeux, une affaire très simple. Suivant notre authenticité, le nom est un hommage rendu aux ancêtres. Or, sans remonter jusqu’à Adam et Eve, nous savons que les ancêtres des zaïrois sont des zaïrois. De plus, la récompense de l’au-delà ne peut se mesurer en fonction des prénoms qu’on aura portés. Cela est d’autant plus vrai que l’Eglise Catholique, qui avait vécu 12 siècles sans prénoms, compte plusieurs Saints canonisés ayant vécu pendant cette époque. Personne ne pourrait d’ailleurs nous démontrer que la façon de dire la prière puisse être l’exclusivité d’une religion quelconque.
C’est pourquoi, nous avons réalisé, quant à nous zaïrois, que toute notre action politique et économique doit trouver son fondement dans une philosophie authentiquement zaïroise, qui refuse catégoriquement toutes les idéologies importées.
Monsieur le Président et Cher Frère, je suis heureux de constater que les relations entre la République Rwandaise et la République du Zaïre sont excellentes. En effet, plusieurs accords signés par les 2 pays concrétisent cette situation. Je pense notamment à la convention judiciaire, à l’accord aérien, à l’accord de télécommunications, à la convention sur le droit d’établissement et de libre circulation de la main-d’oeuvre, à la convention sur la route Bukavu-Bugarama-Uvira, et à l’accord culturel. Nous pourrions également étendre cette coopération dans plusieurs domaines, car les destinées de nos deux peuples sont irrévocablement liées.
Monsieur 1e Président et Cher Frère, pour terminer, je tiens à vous dire, au nom de la délégation qui m’accompagne et en mon nom personnel, que je suis sensible à la qualité de l’accueil que la population de Kigali et, à travers elle, Le peuple rwandais nous a réservé.
Il ne me reste plus qu’à formuler les voeux les meilleurs pour le bonheur de L’Afrique et du Rwanda.
Que l’âme de nos ancêtres vous guide dans votre noble et lourde tâche et qu’elle protège votre vaillant peuple.
Rwanda, oyé ! Zaïre, oyé Président Kayibanda, oyé ! M.P.R. oyé M.D.R. PARMEHUTU, oyé ! Amitié Zaïre-Rwanda, oyé !