1°. LE REGNE DE KIGELI IV RWABUGILI. 24ème Roi, de 1853 à 1895.

 

  1. a) De surprise en surprises à son avènement.

 

  1. Un peu avant la mort de Mutara II Rwogera, les deux grands fonctionnaires du Code ésotérique qui avaient été chargés de pous-ser le prince Nkoronko à. provoquer sa condamnation (no 355), — à savoir Karamira fils de Vuninka et Nkuliyingoma fils de Shango, — avaient fait accomplir au prince le premier pas fatal. Ils avaient convoqué une séance de consultations divinatoires déjà sous Mutara II ; le prince Nkoronko, quoique officiellement investi du Code ésotérique, n’en connaissait pas toutes les dispositions, surtout celles concernant la désignation au trône, du fait que le tabou qui pesait sur les princes avait été introduit à cette fin. Les deux fonctionnaires du Code ésotérique confièrent donc au prince un bélier dans les viscères duquel il devait déchiffrer l’oracle intéressant le prince Nyamwesa, à l’effet de savoir s’il pouvait régner heureux et victorieux. Quant à eux, ils prenaient d’autres béliers soit-disant pour consultations concernant d’autres aspects du futur règne.

Le bélier confié à Nkoronko présagea favorablement et il en fit part avec satisfaction à ses deux Collègues, lui ne se doutant pas qu’un piège mortel lui avait été tendu. Les deux conjurés en firent par le prince et confiés à la garde de fonctionnaires attitrés, disparaissaient dans l’incendie d’une case construite à cet effet, à. l’insu de Nkoronko.

 

  1. Entre la mort du Roi et la désignation officielle de son successeur s’écoulaient quatre jours. Ce fut dans cet espace de temps que les deux fonctionnaires amenèrent le prince à consommer sa condamnation à venir. Ils convoquèrent cette fois-ci le Collège des détenteurs du Code ésotérique, — il fallait avoir de nombreux témoins, — sous le fallacieux prétexte de publier enfin Ie nom du prince héritier. La parole fut donnée au prince Nkoronko dès l’ouverture de la séance. « Mutera II était votre frère, lui dit-on ; nous voulons que vous ayez l’honneur de nous déclarer à tous le nom de son successeur » — « C’est Nyamwesa qui a été désigné pour cette haute dignité », répondit Nkoronko. n ignorait que le nom du prince héritier était publié en suivant une autre procédure. Ayant entendu cette déclaration, les deux fonctionnaires, qui venaient de faire aboutir l’ordre de leur maître défunt, levèrent la séance en disant qu’il n’y avait rien d’autre à y ajouter.

 

  1. Mais entre-temps le Collège des détenteurs du Code avaient envoyé des messagers à Giseke, chez le prince Nkoronko, pour amener la femme de celui-ci : Murorunkwere, fille de Mitali et mère du prince Sezisoni. En voyant sa femme arriver ainsi à la Cour à son insu, le prince Nkoronko se fâcha, faisant remarquer que c’était chose inouïe qu’une femme se présentât à la Cour sans y être man-dée par son époux. Mais les hauts fonctionnaires lui répondirent : « C’est là une affaire qui ne vous concerne pas, et n’en parlez plus ». Comme l’on pouvait craindre des luttes arnaées à l’occasion de ce qui se préparait, ces détenteurs dtt Code ésotérique avaient mis en avant leurs deux Collègues Chefs d’armées puissantes : Nyilinaigabo, fils de Marara (no 315) qui avait succédé’ à son père à la tête de Ia Milice Intaganzwa, et Nyantaba, fils de Nyarwaya-Nyamutezi (no 309, 321) qui avait succédé à son père à la tête de la Milice Nyaruguru. Il va sans dire que les membres de ces Milices se trouvaient à Kaganza sur le pied de guerre.

 

  1. Les quatre jours étant écoulés après le décès du monarque, le prin-ce Nkoronko s’étonna en voyant amener un très jeune taurillon de robe noire, dortt la peau devait être confectionnée en habit de deuil = umugangu, que porterait au nom de toute la Famille le prince désigné. Il commenta : « Il est étonant qu’on amène un si jeune taurillon, alors que le Roi est un homme fait ! » Il lui fut répondu : « Vous n’y comprendrez rien, car cela n’est pas votre affaire » ! Le prince faillit s’évanouir de terreur, en voyant son fils Sezisoni passer avant les autres et revêtir l’urnugangu. II se rappela la série de ses prises de position antérieures et comprit enfin qu’il avait été traîtreusement joué. Il en conclut qu’il était en principe perdu.

 

Il ne fut pas seul à tomber des nues : le prince Nyamwesa avait été amicalement averti par son oncle et il s’attendait à devenir Roi. Après les jours du deuil, il s’exila au Burundi en compagnie de son frère Nyamahe (leur mère s’appelait Nyirandamutsa). Le prince Nkoronko ne jugea pas sa vie tellement en danger au point d’imiter l’exemple de Nyamwesa. Il pouvait penser que son ex-femme, désormais Reine mère, le protégerait.

 

Post Views: 2 720