LE REGNE DE MIBAMBVVE I SEKARONGORO I MUTABAZI I. 11ème  Roi, + de 1411 à 1444

a) Luttes coutre le royaume du Nduga

 

  1. Nous savons déjà que ce prince avait été désigné sous son grand-père, comme futur héritier de Kigeli I. A son nom coutumier Sekarongoro, qui reste d’ordinaire dans l’ombre, vint s’ajouter, – nous savons dans quelles circonstances, – le surnom de Mutabazi = le Libérateur, sous lequel il est communemment désigné. Nsoro II Sangano régnait alors au Bugesera, Kimenyi II Shumbusho au Gisaka, Nkuba fils de Sabugabo au Nduga et Muramira dans le Bugara. Le monarque d’alors du Ndorwa n’est pas signalé, autrement nous saurions les Rois des quatre pays limitrophes du Rwanda.
  1. Les premières années du règne sont consacrées à la conquête du royaume du Nduga. Les Banyiginya avaient traversé la Nyabarongo et tenaient une tête de pont ferme à. l’Ouest de la rivière. Cette tête de pont les mettait en contact avec le domaine des Ababanda et Mibarabwe I se jugeait capable de conquérir ce vaste territoire.

Comme nous venons de le dire, le monarque du Nduga était Nkuba, fils de Sabugabo. La lutte ayant été engagée, le prince Nkoko, fils de Kigeli I Mukobanya, se livra volontairement à la mort comme Libérateur sur le champ de bataille, afin que son sang assurât l’annexion de ce pays.

Les Armées du Rwanda finirent par tuer Nkuba, qui succomba après la bataille livrée à Kinanira, dans la Commune actuelle de Mugina, région Nord de l’ancienne province du Mayaga. Le prince Mashira, fils de Nkuba, réussit à se réfugier au Bugesera, tandis que le Nduga devenait enfin domaine du monarque rwandais. Celui-ci divisa sa conquête en provinces de structure rwandaise et y nomma des fonctionnaires.

  1. L’un de ces derniers, appelé Gacumu, sans se rendre compte de l’identité du voyageur, donnera plus tard l’hospitalité au prince Mashira, qui rentrait du Bugesera après une longue sécheresse dont le Nduga avait souffert. Son retour au pays coïncidant avec le retour de la pluie, il n’eut pas de peine à soulever le Nduga qui n’aspirait qu’à chasser l’occupant. Mashira restaura ainsi la dignité de sa lignée et les Rwandais pris au dépourvu, furent débordés. Les fonctionnaires Rwandais échappés aux insurgés se retirèrent au-delà de la frontière du Nduga, mais toujours à l’Ouest de la Nyabarongo, dans la zone qui n’avait pas appartenu à la Dynastie des Ababanda.
  1. La lutte reprit aussitôt entre les deux adversaires. Parmi les Libérateurs Rwandais, sacrifiés pour la reconquête du Nduga, on cite tout d’abord le prince Gatambira, fils de Mibambwe I ; il tomba dans la localité appelée Rugondo, en la Commune actuelle Tambwe, en Préfecture de Sur d’autres champs de batailles périrent de même Mihira, fils du prince Gahindiro, celui-ci fils de Mibambwe I. Puis un notable appelé Munyanya, ancien familier de Mashira, qui s’était brouillé avec son maître et s’était exilé au Rwanda. Les traditions prêtent à ce Libérateur des sentiments de vengeance : il aurait voulu de la sorte porter préjudice à Mashira, en achetant son royaume au prix de son sang. Le Nduga, de son côté, envoya, sans aucun doute, des expéditions contre le Rwanda. Celle dont nos Mémorialistes ont conservé le souvenir pénétra si loin, qu’elle parvint à l’Est de la Nyabarongo, sous le commandement du prince Ngoga, fils de Mashira. C’était là une grosse imprudence ; l’expédition subit un grand désastre et Ngoga périt au pied du massif Nyamweru, en tentant de retraverser la rivière.
  1. En fin de compte cependant, le Rwanda fut dans l’impossibilité de reconquérir le Nduga et Mibambwe I dut admettre la restauration des Ne renonçant cependant pas à la reconquête de ce pays, Mibambwe I recourait, en attendant, à des moyens du domaine magique. Il donna à Mashira, en signe de réconciliation, la main de sa fille Nyirantobwa. Celle-ci aurait été accompagnée de cadeaux magiques, (dont une vache de robe-noire, sans cornes) symbolisant la future défaite de son époux. De son côté, le prince Gahindiro, fils de Mibambwe I, épousa Bwiza, fille de Mashira, laquelle avait été primitivement fiancée à Rugayi, fils de Buzi, Chef de haut rang, du Burundi.

b) La 2ème invasion des Abanyoro.

  1. Le Rwanda et le Nduga venaient à peine de se réconcilier, que survin t la 2ème invasion des Abanyoro, avec à leur tête le Même razzieur Cwa, fils de Nyabwongo. A l’approche de ces envahisseurs dont il n’ignorait pas .la force, Mibambwe I envoya des messagers auprès de KimenYi II Shumbusho du Gisaka, de Nsoro II Sangano du Bugesera et de Mashira du Nduga: Il leur proposait d’unir leurs guerriers contre ce fléau commun. De Mashira il n’obtint que les oracles sollicités, car ce monarque était en même temps un devin de renom. Nsoro II Sangano aurait répondu que l’invasion ne concernait pas son pays, et qu’il aurait été imprudent de sa part de provoquer les Abanyoro en les combattant.. Quant à Kimenyi II Shumbusho, il aurait fait répondre au monarque Rwandais que les Abanyoro en voulaient uniquement au Rwanda, pour venger leurs morts de la première invasion. Il conseillait à Mibambwe I de se mettre en sûreté. Et il aurait ajouté : « En toute hypothèse cependant, on ne sait jamais ce qui peut arriver, étant donné que les Abanyoro ne vont pas se fixer définitivement dans le Rwanda, m’autorisez-vous à traiter avec eux, en vue de sauver quelque chose en faveur de votre pays, pour le cas où vous seriez dans l’impossibilité de reprendre en Mains les affaires du pays » Ce message, disent les Mémorialistes, tendait à obtenir un testament juridiquement établi, donnant au Roi du Gisaka le pouvoir incontestable d’annexer le Rwanda. Mibambwe I .lui aurait fait-répondre: «Si je ne suis pas là; vous agirez ‘comme bon. voie semblera: mais je ne vous lègue, ni ne vous, promets rien touchant les affaires du Rwanda ».
  1. Se rendant compte que seul il ne pouvait rien contre les envahisseurs, le monarque Rwandais prit le parti de se mettre en sûreté. Il emmena avec lui tous les hommes valides, ne laissant sur place que les impotents. Toutes les vaches du pays faisaient partie de l’immense caravane. En leur qualité de fugitifs, personne ne pouvait leur barrer la route. On doit aussi penser que peut-être leur nombre imposant et la détermination avec laquelle ils quittaient leur pays, pouvaient déconseiller de les attaquer. Mashira, gendre du monarque rwandais, leur accorda libre passage à travers son territoire. Au-delà de ses domaines, il n’y avait personne qui pût s’attaquer valablement à eux. Toute cette masse se porta au Bunyabungo (ou Bushi), où le monarque du pays, Murira-Muhoyo, leur accorda l’hospitalité. La Cour du Rwanda se fixa à Rusozi (ville actuelle de Bukavu), tandis que la masse des émigrés campait de part et d’autre de la Rusizi, attendant le moment opportun pour rentrer au Rwanda qu’ils avaient dû abandonner à son sort•
  1. Cwa dut être dépité en trouvant le Rwanda vidé de ce qu’il convoitait : les vaches. Aussi, Pour y suppléer, poussa-t-il plus au Sud et surprit le Bugesera : Nsoro II Sangano fut fait prisonnier. Il fut réduit à servir de guide à la poursuite de Mibambwe I, car les Abanyoro, en plus de la razzia, voulaient exterminer les guerriers Rwandais en vengeance de ceux qu’ils avaient massacrés ou mutilés lors de la I ère invasion. Les envahisseurs, en traversant le Nduga, durent sans aucun doute piller le pays de Mashira et vivre sur l’habitant Mais le monarque-devin, épargné peut-être en cette qualité ou par évitement du danger, ne bougea pas de son royaume. Les envahisseurs ne s’éparpillaient pas, – c’est à supposer, – et suivaient une route déterminée, n’ayant que leur vengeance en vue.

Apprenant que les Abanyoro arrivaient à leur poursuite, les guerriers du Rwanda se portèrent à leur rencontre, estimant que l’avant-garde, des envahisseurs ne devait pas être supérieure en nombre et devait être fortement harassée de fatigue. Le prince Forongo, • fils de Mibambwe I fut alors désigné en Libérateur ; il fut tué dès la première rencontre dans la vallée de la Mwaga, et ses compagnons d’armes obligèrent les Abanyoro à rebrousser chemin. Nsoro II Sangano, peut-être réduit à se traîner toujours à pieds, fut achevé dans la forêt de Ngiga, en zone de la Dorsale Zaïre-Nil.

  1. A tout cela vint s’ajouter un incident malheureux : une rixe se produisit entre Rwandais et Banyabungo ; elle dégénéra en une bataille généralisée. Les hommes de Murira-Muhoyo attaquèrent la Cour du Rwanda à Rusozi : la résidence de Mibambwe I fut incendiée et, tandis qu’il parvenait à se dégager, sa mère Nyiramibambwe I Nyabadaha périt dans les flammes avec sa domesticité. Mibambwe I se replia à l’Est de la Rusizi et fixa sa résidence à Mururu, dans les abords immédiats de l’actuelle ville de Cyangugu. Cette localité de Mururu porte depuis lors, dans le Code ésotérique, l’appellation de Buhima-ndyalya = Déjoueur-de-rhypocrite.
  1. Mibarnbwe I se contenta d’avoir fait reculer les Abanyoro et ne se hâta pas de les retrouver au Rwanda : ils occupèrent, en effet, le pays pendant un certain temps. Cwa voulait-il l’annexer définitivement, le trouvant beau à son gré ? Ce serait à cette occupation temporelle, nous disent les traditions, que le Rwanda aurait dû l’introduction du bananier importé par les envahisseurs. Mais finalement Cwa tomba malade et ses guerriers le transportèrent vers le Bunyoro natal. Il n’y parvint pas, car, au dire des traditions, il aurait expiré dans la localité appelée Nkole za Gacucu= les Nkole près Gacucu (Nkole au pluriel), dans le Kigezi actuel, en Uganda. A cette nouvelle du départ précipité de l’occupant et de la mort de Cwa, les Rwandais se mirent aussitôt en route vers leur pays.

c) La perte du Buganza et du Bwanacyambwe annexés par le Gisaka. La conquête définitive du Nduga et de provinces arrachées au royaume du Bugara.

  1. Tandis qu’il entreprenait son voyage de retour au pays, Mibambwe I dépêcha des messagers vers Mashira, monarque du Nduga, son gendre. Il lui demandait l’hospitalité et le libre passage à travers le Nduga. Mashira avait sa résidence au sommet de Rwesero (où domine le Palais actuel de la Cour suprême) et il tint à fêter son beau-père en la capitale même du Nduga. Mibambwe I y fut donc invité et il trouva un logement préparé à son intention à Nyamagana, dans les abords immédiats de Nyanza. Tandis que Mashira s’affairait dans l’arrangement des festivités, il fut arrêté à l’improviste, avec tous ses enfants mâles. Ils furent traîtreusement massacrés, ce qui mettait fin à la lignée régnante des Ababanda. De ce coup, le Nduga était reconquis sans trop de peine et cette fois-ci Mibambwe I prit ses précautions pour ne plus laisser à sa conquête les possibilités de reprendre son indépendance. Il mettra certes beaucoup de temps à assimiler le pays, mais cette importante conquête venait à son heure pour compenser les pertes territoriales que le Rwanda avait subies à l’Est.
  1. L’on ne peut croire que le Rwanda perdît un territoire quelconque durant l’occupation des Abanyoro, s’ils avaient jamais eu l’intention de l’annexer. Mais entre leur départ et le retour de Mibambwe I, il y avait une marge suffisante pour qu’un voisin entreprenant vînt combler le vide et mettre son collègue Rwandais devant le fait accompli.

Ce fut cela qui arriva. Au retour de Mibambwe I, Kimenyi II Shumbusho du Gisaka s’était emparé du Buganza, du Rukalyi et du Bwanacyambwe : il fixa sa résidence au mont Kigali. Le bosquet de cette résidence fut dans la suite respectée et ne disparut qu’à une époque très rapprochée de nous : les derniers arbres se voyaient encore sous Kigeli IV Rwabugili. De cette manière, le déversoir du lac Muhazi, sous ses différentes appellations de Munyeli-Akazi-Nyabugogo (ce dernier nom ayant actuellement prévalu) devint la frontière entre le Gisaka et le Rwanda.

138.-Mibambwe I; qui ne s’estimait pas de force à récupérer ces territoires, ne se contenta pas de la seule compensation du Nduga s’attaqua au Nord à Muramira, monarque du Bugara et lui enleva les régions du Kibali, du Bukonya et du Bugarura ; le Code ésotérique lui faisait un devoir de reconquérir le mont Kabuye. (cfr no 66). La limite de ces nouvelles conquêtes est marquée à l’Ouest par le cours de la Mukungwa, au Nord par le Cyangabe, (cours supérieur de la Mukungwa) et le lac Ruhondo ; on ne peut rien avancer de certain concernant leur délimitation à l’Est.

d) Pour venger la mort de sa Mère et réglerla succession au trône.

  1. Il est possible que l’invansion vers le Nord ne suivit pas de près la conquête du Nduga. Une affaire grave hantait l’esprit du monarque Rwandais : la mort de sa mère qu’il devait ‘venger. Mais il ne s’estima pas assez fort pour attaquer tout seul le Bunyabungo. Il réussit cette fois à décider Muhoza, successeur de Nsoro Sangano au Bugesera, et Ntare I Rushatsi du Burundi. Les deux alliés, en même temps que lui même, attaqueraient le Bunyabungo, et feraient du butin chacun pour son propre compte. (Un commandement unifié n’était pas concevable). De fait 1e Bunyabungo ne put résister aux trois invasions simultanées. Le monarque de ce pays tomba cependant « dans l’arc » des guerriers du Bugesera. Murira-Muhoyo avait une jeune femme enceinte et les vainqueurs de son époux l’emmenèrent prisonnière au Bugesera. Elle donna le jour à un fils qui s’appela Nyebunga et qui grandit au Bugesera. Le Bunyabungo étant resté sans prince héritier, – les fils de Murira-Muhoyo ayant péri avec leur père, — les légitimistes de ce pays qui avaient repéré Nyebunga finirent par le décider à rentrer au Bunyabungo et le firent partir secrètement du Bugesera. Ils l’intronisèrent sous le nom dynastique de Ntsibura.
  1. Mibambwe I qui ne pouvait se douter de ce que cet événement peut représenter d’orage sur sa lignée, se préoccupait alors d’assurer sa succession. Il avait, une femme appelée Shetsa, qui. s’était imposée qu’elle avait réduit le monarque à faire tentes ses volontés. Elle était sûre que le futur monarque devait être son fils: Hondi, jeune frère du Libérateur Gatambira. Elle était du clan des . • Abega. Or le Code ésotérique disposait que la Reine- mère suivante devait être du Clan des Abaha. Il était cependant évident que si Mibambwe avait épousé une autre femme, ses enfants mâles éventuels auraient été en danger. Aussi le monarque, par l’intermédiaire d’un notable Dépositaire du Code ésotérique; prit-il soin de faire venir secrètement du Buha la princesse Matama, fille de Bigega. La princesse, en arrivant secrètement au Rwanda, fut dirigée sur la localité .de Kararnbo,. contrefort. Du massif Rukore, en l’antique région du Busigi (Commune actuelle de Turnba,. en.Préfecture de Byumba). La localité était à l’époque couverte d’une dense forêt. Mibambwe I s’y rendit sous prétexte d’aller à la chasse. Il épousa la princesse et retourna régulièrement sur les lieux sous le même prétexte.
  1. Matama donna le jour à un fils, auquel fut imposé le nom de Gahima. A partir de ce moment, les hommes de confiance, qui étaient au courant du secret, simulèrent à tour de rôle des délits, à la suite desquels ils étaient exilés au Karambo. Il en fut finalement de mê-me pour une Compagnie de la Cour qui s’appelait Amatana-ngabo = les Cigognes. Dès que le moment fut venu, Mibambwe I ordonna aux exilés» du Karambo d’attaquer sa propre capitale de Remera. Les soidisant assaillants venaient uniquement massacrer le prince Hondi, ses enfants et sa mère. Une fois cette besogne terminée, Matama put venir à Remera avec son fils. Mibambwe I vécut très vieux. Il mourut en cours de voyage, dans une vallée du massif Mushubati (Commune du même nom en Préfecture de Gitarama). Le ruisselet de la vallée fut depuis lors appelé Amazi-mabi = les Mauvaises eaux. Il aimait tellement sa capitale de Remera (dit des Abaforongo, en la Commune actuelle de Mugambazi, Préfecture de Kigali), qu’il avait décidé d’en faire le cimetière des monarques de son propre nom. Il y fut enterré le premier.

e) Traditions fermes concernant le règne de Mibambwe I.

  1. Son tambour-des-audiences s’appelait Kigamba ; il a été conservé à Remera jusqu’à notre époque, sous la garde d’une Famille qui, sur le plan du Code ésotérique, dépendait des Abiru-rois du Nyamweru.

Trois Familles existant encore dans le pays descendent de ses fils :

1)Gatambira, le Libérateur, est l’ancêtre éponyme des Abenegatambira.

2)Forongo, le Libérateur, est l’ancêtre éponyme des Abaforongo, dont le plus gros contingent habitait justement à Remera (dit des Abaforongo).

3)Gahindiro est l’ancêtre éponyme des Abenegahindiro.

4)Son fils Nyabutama fut le père de Muteyi ; celui-ci, sous le règne suivant, se rendit coupable d’un délit-tabou, et toute sa Maison fut vouée à l’extermination. (cfr Les Milices no 71).

La Milice Uburunga = le Rouge écarlate, qui formait son armée personnelle s’est perpétuée jusqu’à nous et s’est trouvée traditionnellement attachée à ladite localité de Remera, pour y garder les tombeaux des monarques Mibambwe.

De même la Milice Abadaheranwa = les Jamais-définitivement-défaits attachée aux mêmes fonctions que les Uburunga.