LE REGNE DE YUHI U GAHIMA II. 12ème  Roi, ± de 1444 à 1477


 

  1. Conquêtes vers la Dorsale Zaire-Nil et vers les Volcans.
  1. Mibambwe I mourut dans l’ancienne province du Marangara, dans la zone que le Code ésotérique appelle « Nduga » ; c’est-à-dire, en ce cas, le pays compris entre les cours de la Nyabarongo et de la Kanyaru. Son successeur y fut intronisé. Nous ne possédons aucun Récit sur les débuts du règne. Il faut supposer, en effet, que ses vastes conquêtes commencèrent peut-être dès le départ.

Yuhi II traversa la haute Nyabarongo et conquit le Nyantango ; il y fixa sa résidence à Nzaratsi. Il annexa ensuite le Budaha-Bwishaza, les deux régions formant alors une même principauté. Ainsi, pour la première fois, le Rwanda atteignait le lac Kivu. Furent ensuite conquises les principautés du versant oriental de la Dorsale : le Bugamba, l’Itare, le Cyingogo, le Bwanamwali, le Bushiru et le Buhoma. Toutes les dynasties de ces régions furent laissées en place (cfr no 47-48) et se perpétuèrent jusqu’à notre époque. Le royaume du Bugara fut attaqué par une expédition placée sous le commandement du nommé ZZuba, fils de Gitore (celui-ci fils de Kigeli I). Elle conquit la région du Murera, plaine située entre la haute Mukungwa (Cyangabe) et les Volcans. On  comprend facilement la situation précaire de ladite région dans le royaume du Bugara : ce pays avait déjà perdu la zone avancée, au Sud de la Mukungwa (cfr no 138). Dès lors le Murera restait un appendice indéfendable, séparé de son hinterland par la ligne des Volcans couverte d’une forêt dense. Les envahisseurs durent estimer que c’était là une frontière naturelle et ils ne se risquèrent pas de l’autre côté.

 

Le Buhanga qui rentrait au Rwanda était considéré comme origine première de la Dynastie des Banyiginya, vu que les traditions y fixaient la < rentronisation » de Gihanga sous le Signe du Tambour. Aussi Yuhi II y installa-t-il le culte de son lointain ancêtre, en érigeant sur les lieux une résidence permanente à laquelle fut attachée une Famille de Biru descendants de Rubunga, et la Milice Abangakugoma = Ennemisdel’insoumission (cfr n° 65).

 

  1. Le Code ésotérique (Poème dit du Feu) interdisait aux monarques du nom Yuhi de quitter le «Nduga » (au sens du paragraphe précédent) : ils devaient y être intronisés, y vivre et y mourir, sans s’en éloigner sous quelque prétexte que ce fût. Nous devons en conclure que ce poème est postérieur à Yuhi II, car il traversa la haute Nyabarongo pour aller résider à Nzaratsi (en la Commune actuelle de Kagangare, ancienne province de Nyantango, Préfecture de Kibuye). Cette tradition relevant du Code ésotérique n’apparaît dans la Poésie Dynastique que sous Yuhi III Mazimpaka, dans le Gisigo no 14, au paragraphe consacré à Yuhi II par l’Aède Mirama, fils de Rutwa.

 

Ce fut de Nzaratsi que Yuhi II envoya une expédition, dirigée par le même ZZuba, fils de Gitore, contre Cyubaka, fils de Nyabikezi, monarque du Mubali, dont la capitale se trouvait dans la localité appelée mu-Mironko près Nyagasiga (entre les  Communes Murambi et Muhura, Préfecture de Byumba). Cyubaka fut tué, son tambour dynastique, le Sera, et son taureau de règne, Rushya, furent capturés. Ce Cyubaka était de la Dynastie des Abazigaba, celle de Kabeja, qui reçut les Banyiginya à leur arrivée dans le Mubali.

 

  1. Yulii II aura probablement attaqué sans- succès le royaume confédéré de la Dynastie des Abenengwe, qui s’étendait à la frontière Sud-Ouest du Rwanda. Les traditions rapportent, en effet, que pour en venir à bout, il recourut à un moyen magique : il épousa Nyankaka., fille de Magunguru, petite sœur de Benginzage (celle-ci communément désignée sous le sobriquet de Nyagakecuru.), femme de Samukende, Roi du Bungwe. Il envoya Nyankaka à la Cour de Samukende, sous prétexte d’aller saluer sa soeur mais en réalité avec mission de gagner Samukende et d’en avoir un enfant. Une fois Nyankaka enceinte, elle rentra au Rwanda et donna le jour à un fils, à qui Yuhi II, son père légal (cfr no 104), imposa le nom de Binama = les Conseils. Le nouveau-né était prédestiné à être un Libérateur contre le royaume du Bungwe, et son .intervention à venir était considérée comme infaillible en vertu de la croyance, relevant du Code ésotérique, qu’aucune Dynastie ne pouvait résister, lorsqu’elle est attaquée par un Guerrier, et à plus forte raison, par un Libérateur issu de son propre sang. Ce Binama est l’ancêtre éponyme de la vaste Famille des Abanama.

 

  1. 146. Nous avons vu, au témoignage des Mémorialistes, qu’il y avait des mariages, du moins princiers, qui serraient les liens entre pays étrangers à l’ancienne époque. Ainsi, la princesse Nyanguge, du Buha, était fiancée à Nsoro I Bihembe du Bugesera, et Cyilirna I du Rwanda s’en empara finalement. De même Mibambwe I du Rwanda épousa Matama, princesse du même Buha. Les traditions sont unanimes à nous apprendre que le monarque du Karagwe, Karemera I Ndagara, fils de Ruhinda, épousa la princesse Nyabunyana, fille dé Yuhi II Gahima II. Ce monarque-ci ne pouvait se rendre alors compte des services signalés que son gendre allait bientôt rendre à la lignée des Banyiginya sous le règne suivant.

Lorsque Yuhi II mourut, il fut enterré à Kayenzi, localité dans l’actuelle Commune de Tumba, en Préfecture de Byumba. Kayenzi était le lieu-cimetière des monarques du nom Yuhi. Son tambour-des-audiences s’appelait Kibanza II (cfr no 125). Sa mère Nyirayuhi II Matama fut enterrée à Remera des Abaforongo, auprès de son époux, comme en disposait le Codé ésotérique.

b) Traditions fermes concernant le règne de Yuhi II .

147. 1) Sa Milice personnelle, Amatanangabo, ne s’est pas conservée jusqu’à nous. Mais celle dite Nyaruguru s’est perpétuée jusqu’à notre époque. Elle était d’abord commandée par Muteyi, fils de Nyabutama (celui-ci fils de Mibambwe I, cfr no 142) ; à l’extermination de ce Chef et de toute sa Maison, le commandement de la Milice fut confié à Gahindiro, fils de Mibambwe I (cfr Les Milices, 42-52).

 

2) Lorsque Yuhi II vivait dans le Karambo, il était sous la garde spéciale d’un Détenteur du Code ésotérique, appelé Mateke, (de-scendant de Rubunga, – cfr no 46), ancêtre de la Famille des Abateke. D’une génération à l’autre, un descendant de ce Mateke devait résider dans le Karambo, à la garde du tambour appelé Muhabura = le Point de repère (pour rentrer chez soi), insigne consacré à perpétuer le souvenir de la cachette de Yuhi II. Ce tambour ne fut déplacé du Karambo qu’en 189, à la suite des événements de Rucunshu,  les Abateke s’en servant contre le monarque Yuhi V Musinga, qu’ils considéraient comme un usurpateur. Lorsque la  révolte fut réprimée, ledit tambour resta à Kiyanza (Commune de Mugambazi) localité désormais désignée sous l’appellation de Kiyanza-cy’ingoma +le Kiyanza-du-tambour. La Milice Abazira-kubingwa = les Réfractaires-à-la-déroute, créée, disent les traditions, par Yuhi II, était attachée à ce tambour (cfr Les Milices, p. 41-42).

 

3)Parmi les nombreux fils de Yuhi II, citons ici :

Juru, ancêtre éponyme de la Famille des Abenejuru,

et Bamara, père de Byinshi, celui-ci ancêtre éponyme de la Famille Abanyabyinshi.

 

Nous verrons que Juru et Bamara se poseront en prétendants contre le monarque Ndahiro II. Et au n° 145 nous avons cité Binama, ancêtre éponyme des Abanama. Des princes Gacu et Karangana, aucune descendance connue jusqu’à nous.

Il se fait, en conséquence, que Yuhi II n’a pas été pérennisé uniquement par les Récits des Mémorialistes, mais que son existence est étayée de nombreux témoignages qu’on ne saurait raisonnablement récuser.