{:fr}Le sens artistique des Rwandais était, dans l’ensemble, peu développé. Chez les Hutu, formant la majorité de la population, le beau ne semblait en général avoir aucune répercussion. La minorité tuutsi cherchait surtout la complication raffinée. Dans le domaine de la musique et de la danse, les plus artistes étaient incontestablement les Twa.

L’art était intimement associé au métier, à la compétence technique et professionnelle. Les poètes du genre dynastique, par exemple, étaient même groupés dans une sorte de corporation. L’imitation de modèles existants était normative, surtout dans la littérature de cour, la branche la plus riche. L’art se développait par répétition et amplification de thèmes, de motifs et de techniques existants.

Art Décoratif

Les objets de vannerie et de poterie ainsi que les objets en bois sont ornés de motifs géométriques. L’ornementation des récipients ordinaires en bois est gravée au couteau ou pyrogravée et ne comporte qu’une simple ligne circulaire. Les boucliers portent des croissants peints en noir, rouge et blanc. Les étuis et carquois en bois sont plus richement ornés de motifs noirs et blancs. Les jarres n’ont généralement qu’une étroite bande ornementale appliquée à l’aide d’une cordelette au bas du col et sur les lèvres.

C’est surtout par l’ornementation des produits de vannerie (paniers et couvercles de pots à lait, nattes, plats et paravents) que les filles et femmes tutsi expriment leur goût pour un mode de vie raffiné. Les motifs sont généralement exécutés en noir et blanc; le rouge était occasionnellement employé dans le passé mais les autres couleurs dont on orne actuellement les objets de vannerie sont de provenance étrangère et récente. Géométriquement, les motifs décoratifs sont parfaits. Les figures ornementales sont constituées de lignes droites et en zigzag, de carrés et de rectangles, de triangles et de losanges, de pentagones (rares), ces spirales et de cercles; elles sont simplement répétées ou combinées suivant de nombreuses manières qui portent des noms distinctifs, II existe des variations régionales. Au Rwanda septentrional par exemple, les motifs sont plus simples et irréguliers; les contrastes de noir et blanc y sont moins frappants qu’au centre du pays.

Certains forgerons fabriquent actuellement une grande variété de lances de forme artistique mais c’est un développement assez récent.

Musique

Les instruments de musique connus au Rwanda ancien étaient différentes sortes de hochets, de tambours et de flûtes, la cithare généralement à sept ou huit cordes, l’arc musical (arc monté sur une calebasse servant de caisse de résonance), diverses sortes de cornes, des clochettes qu’on attachait aux pieds des danseurs intore et le trombone des Hutu septentrionaux (flûte pourvue d’une calebasse en guise de pavillon), provenant probablement du Buganda.

Les troubadours accompagnaient de la cithare ou de l’arc musical les chansons qu’ils composaient à l’occasion d’événements historiques ou de faits divers et pour louer les grands lignages tuutsi. Les autres instruments servaient le plus souvent à l’accompagnement de la danse. L’orchestre formé de tambours et de flûtes est de date récente, sauf peut-être au Bugoyi. Le roi et la reine-mère pouvaient faire battre en leur honneur un ensemble de tambours par des spécialistes qui se relayaient à la cour et qui avaient une grande renommée,

Le chant était pratiqué pour lui-même ou, le plus souvent, pour accompagner la danse. La plupart des chansons étaient exécutées par un choeur et un soliste. Le choeur pouvait commencer la mélodie, la compléter ou alterner régulièrement avec le soliste. Parfois, il se divisait en deux sous-groupes. A certains endroits du chant, les mélodies du choeur et du soliste se superposaient. Chez les Tuutsi, la polyphonie était rudimentaire: chez les Hutu, la seconde voix constituait parfois une sorte de basse continue tandis que chez les Twa, les plus musicaux de tous, les deux voix étaient indépendantes l’une de l’autre. Il y avait des berceuses, des chansons d’amour, des péans, dés mélodies pastorales et de chasse, et des chants rituels.

Le système tonal rwandais était variable. La mélodie était caractérisée par un mouvement général descendant. Le motif principal était formé de deux tons, à intervalle d’une quinte ou d’une quarte descendantes.

Les trois castes avaient un style musical propre qui se traduisait surtout dans la polyphonie. Le style musical tuutsi se caractérisait aussi par des formes peut-être, dérivées de la musique arabe. Les Hutu et les Twa avaient peu subi l’influence de la musique tuutsi .

Danse

Pendant leur entraînement militaire, les intore apprenaient à exécuter des danses guerrières sous la direction de spécialistes twa qui avaient la rare ambition d’inventer continuellement de nouvelles figures chorégraphiques. Ces danses mimaient les chances incertaines du combat et la victoire finale. Parfois, les danseurs les plus capables se détachaient du groupe pour se produire individuellement. Les danses guerrières actuelles sont fort influencées par le Burundi. Certains grands chefs possédaient des troupes de danseurs qui rivalisaient en figures inédites avec les intore du roi. Les danses étaient rythmées par les battements de pieds des danseurs, par des tambours ou des cornes et des flûtes.

La danse ordinaire, exécutée à l’occasion des mariages, après le travail des champs en commun et à la fin du deuil, oppose généralement deux danseurs ou danseuses. Les assistants rythment les mouvements de la danse en battant des mains ou en chantant. Les danseurs évoluent à quelques pas de distance l’un de l’autre et se rapprochent progressivement jusqu’à se toucher pratiquement.

Littérature

Pour la littérature orale, il convient de distinguer la littérature de cour et les genres populaires. La première, comprenant des poèmes et de la prose, était cultivée dans les milieux de la cour et de l’armée, très souvent par des spécialistes hutu, elle se communiquait aux couches tuutsi inférieures et à la masse des Hutu qui, en tant que clients, avaient l’occasion d’entendre les déclamations et d’en apprendre quelque peu la technique et des passages qu’ils pourraient, à leur tour, réciter pour leurs seigneurs. Les grands centres d’intérêt de la vie publique du Rwanda éthiopide fournissaient les thèmes de cette littérature officielle, à savoir: le roi et l’histoire de la dynastie, la guerre et la vache.

Il y avait trois genres poétiques. Le poème dynastique (-sigo), le genre le plus élevé, était destiné à glorifier les gestes des rois. Les poètes (-sizi) appartenaient à quelques lignages seulement dont l’origine se situerait dans la partie occidentale du Rwanda central. Ils jouissaient de nombreux privilèges et formaient une sorte de corporation placée d’abord sous la direction d’un fonctionnaire de patriclan singa, ensuite d’un poète éminent qui transmettait sa charge à l’un de ses fils. Chaque lignage devait toujours avoir un représentant à la cour. Les poèmes dynastiques comportaient un grand nombre de stéréotypes panégyriques à côté de louanges qui étaient l’oeuvre du poète lui-même et qui traduisaient les sentiments d’admiration et de reconnaissance socialement attendus des sujets de la dynastie. Plus que les deux autres genres officiels, les poèmes dynastiques étaient cryptiques: le poète devait faire montre de son habileté en employant des techniques de désignation indirecte, voilée et ambiguë. Cet hermétisme n’était pas dû à une disposition subjective du poète raffiné; les techniques de désignation indirecte reflétaient les modalités propres au langage recherché de la caste supérieure. Pour être compris pleinement, les poèmes avaient besoin d’être accompagnés d’un commentaire.

Les poèmes guerriers (-ivugo) étaient auto-panégyriques ou exaltaient la force et les qualités des armes, par exemple du bouclier. Le plus souvent, le poète se jouait de ses exploits héroïques lors d’une campagne militaire. Dans ce genre aussi, les stéréotypes et les expressions cryptiques étaient fréquents. Les jeunes intore recevaient une instruction en poésie guerrière: ils apprenaient à imiter les modèles existants et ils devaient aussi s’exercer à la diction et à la déclamation. Des veillées littéraires étaient organisées dans les compagnies intore.

La poésie pastorale rwandaise n’a rien de commun avec le genre du même nom qui existait en Europe au temps de la Renaissance et qui répondait à un besoin d’évasion de citadins hyper-raffinés et fatigués. Les poèmes pastoraux (amazina y’inka) du Rwanda chantaient les louanges des vaches à longues cornes (nyambo), possession exclusive du roi. Pour le poète pastoral (-isi), les nyambo étaient divisées en deux clans ennemis. Les vaches d’un clan étaient mises en scène comme des combattants attaquant les pasteurs du clan adverse. Comme les autres genres, la poésie pastorale était institutionnalisée : le chef d’armée qui était en même temps l’intendant général du bétail de son armée était tenu à faire exalter les nyambo de son commandement.

Les poèmes dynastiques pouvaient être divisés en strophes et comportaient généralement cent-cinquante à deux cents vers. Les poèmes guerriers étaient sensiblement plus courts. Les poèmes pastoraux se divisaient en sections caractérisées par le même vers distinctif et consacrées aux différentes nyambo du troupeau. Ils comptaient plusieurs centaines de vers. Le rythme du vers pastoral était basé sur des oppositions de quantité vocalique dont l’unité était la more, équivalente à une voyelle brève ou une demi-voyelle longue. Les mètres les plus fréquents étaient ceux de neuf, dix et douze mores dont la distribution en voyelles brèves et longues répondait à un schème relativement stable.

Les récits historiques (-tekerezo) étaient composés par des spécialistes historiens et généalogistes (-curabwenge). C’est surtout grâce à eux que, moyennant une critique approfondie, les événements importants de l’histoire du Rwanda peuvent être reconstitués. Il y avait deux types de récits historiques : l’un intégralement en prose, l’autre mêlé à des morceaux de poèmes guerriers.

La transmission de la littérature officielle était assurée par des spécialistes qui se préoccupaient de la fidélité avec laquelle leurs élèves reproduisaient les textes appris. Une récitation parfaite était récompensée. Il existe toutefois des variations dont la plupart peuvent être rattachées à un nombre réduit de traditions.

La littérature populaire rwandaise participe aux caractéristiques universelles de l’espèce. C’est surtout l’absence d’hermétisme savant et d’attitudes laudatives qui la distingue de la littérature officielle. Suivant les normes occidentales, elle respire plus de fraîcheur d’imagination et plus d’humour. L’emphase lui est complètement étrangère. Les émotions qu’elle traduit étaient accessibles à tous les Rwanda et exprimaient ce que la société attendait d’eux en différentes circonstances de leur vie. La littérature populaire veut parfois édifier, parfois simplement amuser et entretenir. Elle reflète une sorte de sagesse, tantôt imprégnée de merveilleux, tantôt réaliste, résignée, désabusée, voire cynique,

Les contes et les fables (-gani) représentent Maana, des héros comme Ryangombe et Nyabingi, les esprits des ancêtres éponymes de patriclans, des rois mythiques et historiques, des hommes ordinaires, la foudre et le tonnerre et des animaux parmi lesquels le lièvre se distingue par ses ruses qui le font triompher de ses adversaires physiquement beaucoup plus forts. Il y a une grande variété de chansons. Parmi les plus beaux il faut noter les chants de consolation (-hozo) pour la jeune mariée. Ils supposent que la jeune femme répugne au mariage et qu’elle est très affligée de quitter ses parents et ses amies. Les chants la consolent de devoir partager le sort commun du sexe féminin. C’est surtout dans les nombreux proverbes que s’exprime la sagesse populaire rwandaise. Les poèmes humoristiques sont fort appréciés.

 

 

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