Déclaration Prononcée A Libreville, Le 12 Septembre1962, Lors De La Conférence Des Chefs D’Etat De L’Union Africaine Et Malgache.
Excellences,
Je vous apporte tout d’abord le témoignage d’amitié de ma part, de la part de mon Gouvernement, de la part du Peuple tout entier.
Cette amitié est fondée sur la nécessité de solidarité dont tous les pays d’Afrique, sans pour autant s’enfermer sur eux-mêmes, doivent rendre efficace pour le progrès toujours plus réel de nos indépendances nationales.
Cette amitié est soutenue par cette poussée interne qui travaille toutes les Nations africaines à matérialiser leur coopération, non seulement entre elles mais avec les autres Continents: non seulement sur un plan, mais dans tous les domaines du progrès.
Cette amitié du Rwanda dont ma modeste personne vous apporte le témoignage, c’est vous, Excellences, qui en grande partie l’avez faite éclore lorsque vos Représentations auprès de l’O.N.U. ont aidé les readers démocrates du Peuple Rwandais à expliquer leurs problèmes, à obtenir de cette Haute Instance les résolutions favorables à la libération de notre pays.
La libération de notre peuple, son indépendance dans de bonnes conditions peuvent être retenus certainement parmi les fruits de ce courant contemporain qui nous caractérise et qui s’appelle la libération de l’Afrique, sa promotion, son unité.
C’est dans cette perspective de la libération, du développement et de l’unité de l’Afrique que vous avez, Excellences, pris l’initiative de constituer l’Union Africaine et Malgache.
C’est dans ce même esprit que le Président et le Gouvernement de la République Rwandaise ont reçu favorablement l’invitation que le Président en exercice et le Secrétariat Général de l’U.A.M. nous a faite il y a quelques semaines.
C’est dans cet esprit que moi-même, accompagné des Ministres des Affaires Etrangères et du Plan, des Finances et de l’Economie, de l’Agriculture et du Paysannat, ai tenu à venir assister à vos travaux pour le réussite desquels, dès l’ouverture, j’ai formulé publiquement les vœux les plus sincères.
Nous savons, Excellences, que cette amitié réelle entre la République Rwandaise et l’U.A.M., entre le Rwanda et chacun des partis de l’Union ne peut rester une simple expression de sentiments réciproques.
Elle veut être une base d’opérations concrètes qui aboutissent au développement de chacun de nos pays ; aboutir ainsi au fur et à mesure que l’Union se grossit, au développement général de toute l’Afrique et faire en sorte que toutes les contributions non africaines aident au développement de l’Afrique sans se constituer en néocolonialismes.
La République Rwandaise est consciente des nombreuses difficultés qui s’opposent actuellement à la réalisation de ce triple objectif, car elle a bien la conscience que les Unions du genre de celles dont vous avez pris l’initiative ne sont pas de pures amicales philanthropiques.
L’Union Africaine et Malgache veut que l’entrée en son sein de la République Rwandaise.
— soit un pas en avant vers la réalisation de cet idéal de l’unité de L’Afrique:
— soit un encouragement à l’esprit que l’U.A.M. veut imprimer à toute l’Afrique;
— constitue un terrain nouveau d’expansion pour l’ensemble des idéaux qui ont inspiré les initiatives de l’ U.A.M.
La République Rwandaise souhaite qu’efficacement ces vœux soient réalisés et dans les plus brefs délais.
Nous avons alors préféré agir à l’égard de l’U.A.M. avec l’honnêteté intransigeante qui nous a toujours caractérisé, qui a toujours été notre principe et qui, jusqu’ici, nous a réussi en commençant par le fait que c’est cette honnêteté qui nous a attiré votre fraternelle et efficace sympathie.
Je serai donc honnête et vous dirai, Excellences, les obstacles qui s’opposent encore à l’efficacité pour l’U.A.M. de l’adhésion officielle de la République Rwandaise.
Ces difficultés, je le répète, ne sont pas insurmontables et le Gouvernement Rwandais aimerait qu’elles trouvent leur solutions grâce à l’U.A.M. et le Gouvernement Rwandais est convaincu qu’el_ les peuvent être surmontées par votre Organisation. Nous sommes convaincus que vous pouvez les surmonter, les résoudre, et permettre à la République Rwandaise de signer dans les plus brefs délais son adhésion à
— La première est la possibilité concrète pour le Rwanda de participer à la synthèse culturelle de l’U.A.M. l’Université de Dakar sera -t-elle ouverte d’office aux étudiants rwandais en tant que membres de l’Union ? Nous la reconnaîtrions comme notre Université et nous saurions que chaque année scolaire nous avons droit à autant de places et même éventuellement à autant de bourses. C’est au fond cette coopération qui permettra à la philosophie de l’U.A.M. de projeter cette expansion sur une nouvelle portion de l’Afrique et qui en faisant tâche d’huile peut, seule, donner à les chances réelles d’une promotion et d’une unité authentique de l’Afrique.
— La deuxième se rapporte aux avantages qu’apporte à l’U.A.M. son amitié avec la France. La République Rwandaise entrerait elle dans le cercle des bénéficiaires de l’assistance que la France apporte à vos pays? Où resterait-elle en marge des bénéfices d’une entente qui a donné lieu à l’Union ? Il appartient à l’U.A.M. de pouvoir nous répondre et nous aimerions entendre une réponse affirmative et efficace. La ligne des techniciens français se prolongera-t-elle en fait jusqu’à Kigali, qui est la Capitale des deux millions sept cent mille Rwandais ? La réalisation de ce point a une importance qui doit se mesurer sur celle de l’assistance technique et financière aux pays sous-développés.
— La troisième est constituée par la difficulté que nous devons vaincre, du régime des Communications. Vous savez tous, Excellences, les obstacles que nous rencontrons quand il faut nous rendre dans les parages de cette partie de l’Afrique.
Vous savez également la pauvreté des moyens de télécommunications dont souffre le Rwanda. L’Union est capable de nous aider efficacement (installations de telex de télescripteurs..) à ce point si capital dans le monde d’aujourd’hui. Vos Excellences connaissent mieux que moi l’Afrique pour que je ne doive pas rappeler les avantages imbattables de la position géographique du Rwanda pour le progrès rapide de l’Union Africaine et Malgache. Géographiquement, Kigali, la Capitale du Rwanda, est le trait d’union naturel et rapide entre le Madagascar et le secteur occidental de l’Union.
— La quatrième concerne les prises de position politique qui revêtent un vrai caractère africain. Le Président du Rwanda a en maintes circonstances l’occasion de s’en rendre compte. Si l’U.A.M. prend une position, celle-ci a 99 % de chance de l’emporter.
La solution des questions relatives à la Chine, à l’Allemagne, à l’Angola, au Congo ex-belge, à l’Assistance technique à l’égard des jeunes Etats, dépendront en grande partie de notre prise de position, de notre cohésion, de notre Union en faveur des intérêts supérieurs de l’Afrique et du Monde.
Telles sont les quatre points que je soumets, chers Collèges à vos excellentes attentions.
La solution de ces problèmes permettra au Rwanda de donner à l’U.A.M. une adhésion qui soit efficace pour la réalisation de l’idéal que se sont fixé les initiateurs de l’Union.
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Libreville, le 12 septembre 1962
Grégoire KAYIBANDA