Lecture des Poèmes: Le Poème N° 90
4° LE POÈME 90
Se reproduire en ses enfants.
Se reproduire en ses enfants réjouit les parents,
0 vous qui acclamez l’allégresse !
(Tel) le Fidèle au rendez-vous rejeton du Réparateur souche du Munificent .
Lorsqu’il revint de chez Ndagara ! (Ndagara-Karemera, Roi du Karagwe, qui fut le tuteur de Ruganzu II Ndoli, durant les temps troublés témoins de la mort de Ndahiro II).
Le sage qui conjura nos malheurs,
Le pacificateur, le vengeur
Qui nous fit profiter du prix payé au Kiganda (Kiganda : région comprise dans le Bugamba actuellement incorporée dans la province du Cyingogo, Territoire de Gisenyi. Ce fut dans le Kiganda que Ndahiro II fut massacré. Ndahiro est figuré sous le nom de Kigeli, parce dans le domaine du Code Esotérique, ces appellations, ainsi que Mibambwe et Ruganzu, avaient les mêmes fonctions. Nyirangabo : nom de famille de Nyirandahiro II, mère de Ndahiro).
Par la vie de Kigeli fils de Nyirangabo.
De même que vous jaillissez d’une source unique (Après avoir débuté en louant Ruganzu II Ndoli, l’Aède s’adresse au collège des Rois. Deux vers plus loin : Ijuru ; localité comprise dans « l’agglomération » du Mont Kamonyi, « capitale » des plus vénérées, dans la province du Rukoma Territoire de Nyanza, honoré d’un poste de mission sur la route Kabgayi-Kigali).
Ainsi vos qualités sont identiques !
Vous êtes les sommités de (la localité) Ijuru,
Vous autres descendance de Gisanura,
Vos épouses n’enfantent jamais des dégénérés.
Vous avez fondé des familles et cela vous a réussi !
Vous avez bourgeonné des bras qui vous ont rassasié de lait.
Les vaches payées en dot à Gisanze (Gisanze : localité dans la province des Mvejuru, Territoire d’Astrida ; ce fut en cet endroit que naquit la nouvelle Reine Mère, Nyiramavugo II Nyiramongi).
Multiplièrent vos foyers.
Un aîné bien doué reprend la renommée de son père,
O vous qu’allèrent rencontrer les allégresses
Qui supplantèrent les fausses rumeurs,
Le réfugié au loin souche de l’Abreuveur-matineux, rejeton du Redoutable.
S’était retiré, au Bunyambo, cet autre Nyarume (Bunyambo : nom générique par lequel les Rwandais désignent toutes les régions orientales, situées en grande partie dans le Tanganyika-Territory. Il s’agit ici plus exactement du Karagwe, où s’était réfugié Ruganzu II Ndoli. — Quant aux noms de Nyarume et de Rumeza).
C’est lui Rumeza aux destinées
Triomphatrices des malfaisances,
Il fit que les bovins donnèrent du lait purifié ;
Ce Répertoire des noms rejeton du Chasse-malheurs
Mit fin au deuil qui, au Bugamba, nous avait été imposé ! (Le Roi, en Codes Esotériques du Rwanda et de nombre de pays limitrophes, est l’Époux de son pays ; sa mort devient « veuvage » de son peuple, et tous ses sujets sont soumis aux cérémonies de deuil et de purification prescrites par la coutume à la mort du père ou de la mère de famille).
Vous êtes un travail de forge sans défaut,
Façonnés que vous êtes par des marteaux choisis.
Vous êtes la Noblesse issue des bois sacrés de Rwamiko,
Vous autres descendants de Cyilima,
L’indolence n’est jamais dans vos bras.
Vous avez eu, en partage, des mains qui assurent nos succès
Et des jambes qui conquièrent nos biens féodaux :
Vous autres, ô Souverains de Ruganda, (Ruganda : capitale traditionnelle, inaugurée par le grand Ruganzu II Ndôli et située dans la province du Bumbogo. Territoire de Kigali).
Vous êtes des chercheurs heureux.
Vous êtes pour nous et nourriciers et protecteurs,
Vous êtes des Rois de grand mérite
Et savons en quoi vous avez excellé.
Vous êtes des héros d’une beauté variée ;
Vous êtes des joyaux exaltés
Tant au Buriza qu’à Buremera (Buriza : province du Rwanda primitif, au Territoire de Kigali. Buremera; deux localités du Territoire de Kigali; l’un des contreforts du Mont Kigali ; l’autre appelé « Buremera prés Ngange» dans la province du Buganza Nord, résidence militaire de Kigeli III Ndabarasa. Aux vers suivants : ‘Tandaprès Ruzizi, au Buganza-Nord ; Rutunga et Gasabo, au Bwanacyambwe : trois capitales du Rwanda primitif, considérées comme berceau de la Dynastie).
Vous êtes les puissants seigneurs de Tanda,
Votre fief immémorial est Rutunga,
Vos origines sont à Gasabo
Où les génisses prennent leurs ébats.
Vous êtes des héros au même degré,
Vous êtes des législateurs aux décisions inébranlables.
Vous êtes des possesseurs des richesses débordantes ;
Vous nous avez régis en maîtres incomparables :
Pour nous vous avez bâti des entrées sans détours ( « Entrées sans détours »: c.-à-d. grâce à votre protection, nos kraals n’ont qu’une seule entrée visant, en ligne droite, celle de la case principale ; signe d’une tranquillité parfaite : nous n’avons pas besoin de ménager des portes secrètes, comme si nous redoutions une attaque quelconque venant d’un étranger).
Et déclarons que vous vivrez à jamais dans le Rwanda !
Dès ton évènement tu te laisses traire sans regret : ( Ici l’Aède s’adresse au nouveau Roi : « tu te laisses traire sans regret » ; c.-à-d. ton règne commence avec une extraordinaire abondance de lait dont tu es la source ; et tu dispenses ce lait avec une bonté toute maternelle).
Tu nous as fourni du lait aussi abondant que la pluie,
Nous ne nous plaignons de rien.
Dès notre réveil nous ne faisons que t’acclamer
Et tu multiplies tes amabilités !
Eh bien Refuge ! tes pères et tes aïeux
Ont écarté quiconque partagerait avec toi,
Afin que, de ceux qui te seront hostiles,
Tu renverses palissades des kraals et pisés des huttes.
Ceux qui te transmirent la semence et la fécondité, ( « La semence et la fécondité »: c.-à-d. pour perpétuer la Dynastie, tâche primordiale en vue de laquelle le Monarque du Rwanda est désigné).
T’ont légué ces vaches royales
En pacage à Kinanira et à Ngoma, (Kinanira et Ngoma: deux localités de la province du Mayaga, Territoire de Nyanza, inaugurées comme capitales par le roi défunt. Muremure : autre résidence du Roi précédent, dans la même province du Mayaga).
Chez la Source-des-biens à Muremure
Eh oui ! Cyilima, le père de Mukobanya
Ce puissant aux heureux présages, ô Répertoire-des-noms,
S’est comparé à toi et te recommande d’être son émule !
Lutte désormais pour la royauté comme il le fit :
Distribue les biens à l’exemple de Gasanura, (Gisanura : Mibambwe II appelé « le Généreux » (en kinyarwanda : Ruga-bisha-birenge ; littéralement : Celui qui distribue les biens au moyen des pieds-jugeant que les mains ne lui suffiraient pas toutes seules).
Maintiens-nous dans l’unité comme tu nous as trouvés,
O héros, aux armes ornées de hauts faits !
La Reine Mère qui, pour nous, tint le berceau (Un petit mot pour la nouvelle Reine Mère, Nyiramavugo II Nyiramongi. Au deuxième vers plus loin : « le Connaisseur »: le Roi. Il était censé ne rien ignorer de ce qui intéresse son peuple ; c’était le Connaisseur par antonomase. Nyiratunga : Nyirayuhi IV, la Reine Mère précédente).
A dominé sur nous comme un homme :
Personne ne saurait nous écarter de la demeure du Connaisseur,
Elle a pris soin de nous comme le fit Nyiratunga.
En face des rivalités, j’ai pris parti pour vous,
Sachant que vous ne sauriez perdre l’enjeu :
En vos personnes, nous avons des champions à jamais !
Vous attisez un feu qui ne peut s’éteindre (Il s’agit du fameux feu conservé à la Cour, et qui aurait été allumé par Gihanga, fondateur de la Dynastie. Comme ce feu ne pouvait pas se perpétuer sans que le Roi exécute régulièrement des pratiques incompatibles avec la Doctrine Chrétienne, le Monarque actuel l’a fait supprimer. Bwima : l’un des contre-forts du Mont Nyamweru (faisant face au Mont Kigali) dans la province du Bumbogo ; lieu vénéré dans les traditions dynastiques. Bumbogo : il s’agit ici, non plus de la province homonyme dont nous avons parlé , mais de deux capitales traditionnelles, l’une dite Bumbogo près Nkuzuz, dans la province du Bwnacyambwe ; l’autre Bumbogo près Gutambadans celle du Nduga, respectivement aux Territoires de Kigali et de Nyanza).
Vous êtes des beautés ravissantes originaires de Bwima
Et de Bumbogo chez le Souverain Refuge !
Étendez vos ramures, vous êtes victorieux.
Quand à un Roi est confié l’ouvrage,
Il le fait progresser.
A mes yeux, vous êtes des beautés débordantes :
Aucun dégénéré dans vos rangs.
Permettez que je supplie votre assemblée :
CYILIMA I RUGWE.
Cyilima, je le supplierai, le taperai d’un geste amical (Dans notre langue, le verbe « frapper » se traduit par « gukubita »; mais,lorsqu’il s’agit de « frapper le Roi, il existe un terme technique « gusagulira », que l’Aède emploie dans ce refrain. Nous disposons ainsi d’un riche répertoire de mots techniques concernant le Roi uniquement et qu’il faut connaître sous peine de passer pour un homme sans manière dans la haute société).
Je lui donnerai la parole et le laisserai commencer !
Qu’il commence, l’objet d’hommages de soumission,
Souverain aux droits reconnus par les offrandes ;
Dominateur de qui émanait l’allégresse et la tranquillité.
Le pacifique exempt de crainte
Le grand d’entre les grands descendant de Samukondo (Samukondo» nom de famille de Nsoro I. Au dernier vers : « il récolta » : l’Aède souligne ici, à l’égal d’un exploit de première valeur, l’habileté que déploya ce prince pour épouser Nyanguge).
Le Travailleur qui, de bovins, emplissait les plaines :
Tel fut ce Répertoire des bénédictions,
Le Roi qui recueillit
Les bénédictions des autres Rois :
A son arrivée, ils avaient ensemencé, et il récolta !
KIGELI I MUKOBANYA.
Mukobanya est trop fameux
Je ne saurais lui barrer passage!
Lui aussi je le supplierai, le taperai d’un geste amical ;
Je lui donnerai la parole et le laisserai commencer.
Qu’il commence le Défenseur des Vaches ( « Défenseur des Vaches » : c.-à-d.« du patrimoine temporel, du bien-être du pays», la Vache étant la richesse par antonomase, au jugement du Pasteur Rwandais. Aux vers suivants : leBugoyi ;c’estune province du Rwznda, située dans le Nord-Ouest du pays. Tandis que le Mushi (au plur. Bashi) est l’habitant du Bushi région sise à la rive sud-occidentale du Kivu . Ce rapprochement que se permet l’Aède est une esquisse de figure basée sur le fait que les habitants de notre Bugoyi proviennent des régions congolaises de l’autre côté du Kivu. Quant au prince autochtone en question, il s’appelait Murinda et commandait la région appelée en ces temps-là «Bunyagitunda l’actuelle province du Rukoma, au Territoire de Nyanza. L’Aède le désigne sous l’appellation de « Mushi», simplement à cause du costume sommaire de sa race, encore en usage chez les Bashi, consistant en écharpes quelconques passées entre les jambes et attachées, par derrière et par devant, à une ceinture autour des reins. Au dernier vers : « Mugoyi » (au plur. Bagoyi): habitant du Bugoyi).
Déjà du vivant de son père!
Il s’opposa à ce qu’on livrât le tambour,
Du danger il tira son père à l’étranger ;
Il se leva pour le combat nocturne,
Il est le Batailleur armé de la javeline
Dont il transperça le sauvage du Bugoyi
Tandis que le Mushi, par son bouclier, barrait le chemin.
Donnez-lui un vaste espace qu’il narre ses hauts faits !
Décernez-lui le prix de prouesse :
Il a un grand mérite vis-à-vis de la Dynastie
Dans le Bwiyando il tint bon
Et y brisa la résistance du Mugoyi.
MIBAMBWE I SEKARONGORO I MUTABAZI I
Le salut providentiel du Royaume, le grand lutteur
Lui aussi je le supplierai, le taperai d’un geste amical ;
Je lui donnerai la parole et le laisserai commencer. Qu’il commence le héros au teint ensanglanté
A la cicatrice du front, Ouvrier du relèvement
Qui porte, à la figure, l’abreuvoir des bovins ! (La blessure du prince fut comme une source d’eau qui donna la vie au pays dont le bien-être est symbolisé par la Vache).
Le victorieux dont les sourcils
Devient notre arme magique ;
De nos régions il éloigna les ravageurs !
Le grand-vivant, l’insondable, l’imbattable
Qui lutta pour les vaches de son père :
La grêle les avait surprises aux pâturages
Mais sa vue s’obscurcit pour les sauver. (C.-à-d. des flots de sang lui voilèrent la vue ; c’est la même idée que dans la note précédente).
Ce Front-arrosé-de-sang, Roi héros
Vantez son courage
Que sa désignation au trône soit une récompense !
Lors de l’invasion qui nous arriva
Il a lutté pour le Tambour-Souverain.
YUHI II GAHIMA II.
Gahima, louange de la Dynastie
Lui aussi je le supplierai, le taperai d’un geste amical ;
Je lui donnerai la parole et le laisserai commencer.
Qu’il commence le Bien-Aimé,
Le soutien de ses fidèles,
Ce Roi entouré d’une jeunesse turbulente (En ce qui concerne cette « jeunesse turbulente », cfr la notice historique sur le règne de ce prince. Deux vers plus loin : Matama : nom de famille deNyirayuhi II, mère de ce Monarque. La femme favorite : Shetsa, mère du prétendant Hondi. L’avant-dernier vers : Taureau: cette figure, comme l’ensemble de l’étude aura suffi à le montrer, n’a rien du sens péjoratif qu’il peut avoir dans certaines langues européennes ; tout au contraire. Le Taureau symbolise, chez nous, la force et la fécondité, et cette figure appliquée au Roi fait de lui la source de la richesse bovine, gage du bien-être aux yeux du peuple Pasteur que nous sommes).
Grandissant avec des espiègles, l’orné de belle parure ;
Le Très-Matinal, fils de Matama,
Qui expulsa la femme favorite Du Roi Mutabazi.
Il est la perfection des héros,
Qui l’ont investi chef,
L’intronisant comme le Taureau du Foyer-sacré
Qui puisse être le champion de leurs hauts faits.
NDAHIRO II CYAMATARE
Je trancherai le procès des Rois
Et supplierai leur assemblée
Ndahiro également
Je le supplierai, et le taperai d’un geste amical ;
Je lui donnerai la parole et le laisserai commencer.
Qu’il commence le Prévoyant, qui sacrifia sa personne
Vis-à-vis duquel les Tambours furent trop exigents.
« Je me fie, dit-il, à celui qui me succèdera !»
Il livra tout ce qu’il possédait,
Il attendit l’avenir
En vue de préparer les voies à Ndoli
Et Ndahiro accepta la mort ;
Afin que le Destiné aux Tambours éloigné du kraal (A certaines époques de l’année, on ne traite pas les vaches de bon matin ; on préfère les faire pâturer dès l’aube et les ramener au kraal pour la traite à une heure tardive de la matinée. L’Aède emploie ici le verbe kubyukira, qui exprime cette coutume. Le kraal dont le futur Ruganzu II était momentanément éloigné est le Rwanda. Barattes sans fêlure»: les barattes indigènes, réalisées avec d’immenses courges, ne se conservent intactes que grâce à un usage fréquent ; la carence de lait les expose à être percées par les charançons. Voilà les prémisses dont l’Aède tire les conclusions qui restent inattendues pour plus d’un étranger).
Une fois de retour, puisse traire des vaches
Aux pis intarissables, d’où barattes sans fêlure
Vu que leurs tétines auront été largement débouchées.
RUGANZU II NDOLI.
Le Miséricordieux, ce Roi
Qui eut pitié de nous
Tandis qu’il venait de l’étranger,
Lui aussi je le supplierai, le taperai d’un geste amical ;
Je lui donnerai la parole et le laisserai commencer.
Qu’il commence le Coupeur-des-liens
Jarre-de-lait, le Vengeur, Foyer-de-vie !
Recouvreur de ce qui était égaré.
Restaurateur de ce qu’il trouva !
Ce Poseur de fondements nous défendit d’une façon inoubliable,
Et tua ses ennemis jusqu’à l’extermination !
Ce Réalisateur de progrès qui résidait à Nyundo (Nyundo près Bunyogombe, dans la province du Nduga : capitale traditionelle que ce Monarque a habitée).
Intronisant la Karinga
Fut appelé créateur de son propre prestige.
Ce Consolateur, comment pourrait-il être dépassé ?
Avec ardeur il vengea la mort de son père ;
Il promena son bouclier jusque dans le Bugara
Et fixa la frontière du pays dans la forêt impénétrable,
Où vous n’étiez pas encore arrivés !
A qui oseriez-vous le comparer ?
MUTARA I NSORO II SEMUGESHI.
Le Bouclier exterminateur des insoumis,
Lui aussi je le supplierai, le taperai d’un geste amical,
Je lui donnerai la parole et le laisserai commencer.
Qu’il commence le Roi aux insignes de Pasteur (Les Rois aux appellations de Mutara, Cyilima et Yuhi, sont titulaires des vaches, par oppositions aux Rois titulaires des conquêtes : Mibambwe et Kigeli, (auxquels s’ajoutaient les noms de Ruganzu et de Ndahiro supprimés depuis). Aux vers suivants : Rwoga ; capitale traditionnelle dans la province du Nduga. Nyundo : même localité que dans la note précédente. Nyamiringa : objet vénéré à la Cour, une espèce d’instrument de musique, ayant servi d’Emblème de la Royauté avant que Gihanga n’intronisât le Rwoga. Tambour auquel a succédé le Karinga. Le Léopardé : traduction de « Muyenzi », surnom du prince, qu’on appelle couramment « Mutara Muyenzi ». Le « Collier des héros »: Décoration militaire appelée « Umudende », conférée à tout Guerrier ayant abattu le 7èmeennemi expiré sur le champ de bataille. Byanganzara : localité dans la province du Nduga, non loin de Bumbogo près Gutamba ; c’est la capitale de Bumbogo que l’Aède veut désigner ici sous le nom de Byanganzara (c.-à-d. Ennemi-de-la-faim).
Le Souverain qui résidait à Nyundo, Grelot sonore !
Le Roi qui résidait à Rwoga, Royauté !
Maître du palais, le Martel !
Le Réparateur fils de Ruganzu, L’infatigable, l’héritier du Nyamiringa
Ce Roi qui reçut le Karinga
Et par sept fois l’orna de trophées.
Ce Léopardé, orné du collier des héros,
Lui, le Sans-défaut qui séjournait aux Byanganzara
Croyez-vous que vous pourriez dépasser son courage ?
KIGELI II NYAMUHESHERA.
Le Preux fait d’incomparabilité
Lui aussi je le supplierai, le taperai d’un geste amical ;
Je lui donnerai la parole et le laisserai commencer.
Qu’il commence ce Roi qui résidait à Shyunga (Localité dans la province du Busanza-Nord, Territoire de Nyanza, ancienne résidence du prince. Nyamiringa symbolise ici le Tambour Souverain ». Bahande, habitants du Buhunde et du Buzi).
Félicité des Vaches et des tambours.
Le héros dont le bouclier donne satisfaction au Nyamiringa,
Dont la javeline extermine les Bahunde,
Le Guerrier aux dix butins
Qu’il dénombra aux abords de Kamonyi.
Ce Foudroyant se trouve être la tête des Armées,
Le Beau-preux a orné le Tambour dont il a hérité
Et, par milliers, l’a enrichi de bovidés.
MIBAMBWE II SEKARONGORO II GISANURA.
Gisanura aussi,
Je le supplierai, le taperai d’un geste amical,
Je lui donnerai la parole et le laisserai commencer.
Qu’il commence le Victorieux
Roi qui résidait à Muganza (Muganza : capitale traditionnelle dans la province du Rukoma, Territoire de Nyanza ; puis, l’une des subdivisions du Mont Kigali qui est ici désigné. Nyabuhoro : nom de famille de Nyiramibambwe II, mère du monarque. Mujyejuru près Buhimba, dans la province du Busanza-Nord, au Territoire de Nyanza).
Le Souverain d’une générosité hors de pair,
Aux bras qui donnaient sans compter,
Le Généreux sans mesure, le Sans peur !
L’avisé, fils de Nyabuhoro ;
Il habitait non loin de Mujyejuru.
Ce Majestueux, les étrangers redoutèrent sa prouesse
Tandis qu’il montait la garde de son parc réservé,
Ntare qui s’y était présenté avec arrogance,
Reçut une blessure de bâton au front.
YUHI III MAZIMPAKA
Le Très-Hardi également,
Le Roi dont vous avez hérité du prestige et du don de triompher,
Lui aussi je le supplierai, le taperai d’un geste amical ;
Je lui donnerai la parole et le laisserai commencer.
Qu’il commence le héros indiscutable, le généreux ;
Le Brave d’une ardeur inflexible ;
Donateur de Vaches, le redoutable ;
Roi des tambourineurs.
Il a foulé aux pieds le Roi du Nkoma qui l’avait provoqué (Localité dans le Royaume du Burundi, ainsi désigné par métonymie. —Muhima : le versant septentrional du Mont Mwulire dans la province du Buganza-Sud, au Territoire d’Astrida. Au sujet de ce «Mwulire:», voir la notice consacrée au Poème 37, au chap. suivant).
Et le culbuta de son trône !
Ce bienfaiteur qui invitait à ses largesses
Résidait aux sommets de Muhima
Et le Roitelet qui s’était fait un nom,
Yuhi le fit se renverser spectaculairement.
CYILIMA II RUJUGIRA.
L’Héritier des îles, le Maître des nations,
Lui aussi je le supplierai, le taperai d’un geste amical
Je lui donnerai la parole et le laisserai commencer.
Qu’il commence le purificateur des puits
Le Protecteur des délaissés, l’Harmonie des tambours ;
L’Annexeur des pays étrangers, rejeton du Guerrier-en-vedette ;
Roi descendant de Gisanura et du Débordant,
L’Abreuveur attitré des vaches !
Cet insurpassable a tué Mutaga
Et éteignit qui aurait pu le venger
Ce Maître-absolu des autres pays
Les a submergés par son courage
Et, en une fois, les lia tel un fagot
KIGELI III NDABARASA.
Le Héros débordant, ton aïeul,
Le père de tes deux ascendants
Lui aussi je le supplierai, le taperai d’un geste amical ;
Je lui donnerai la parole et le laisserai commencer.
Qu’il commence, le Souverain de prestance,
Le harceleur, rejeton du héros qui razziait sans retour ;
Il nous enrichit de myriades de vaches
Enlevées au Bugahe du Ndorwa (Bugahe : ancienne province du Royaume du Ndorwa, qui, après la conquête de ce pays et à la suite de divers événements, s’érigea en principauté indépendante puis devint province du Nkore sous le régime colonial. « Tambours par centaines : c’est-à-dire trophées d’innombrables potentats, le Tambour étant l’emblème de la Royauté).
Voyez-vous ce butin de tambours
Qui atteignent la centaine ?
Les pasteurs amènent d’immenses troupeaux,
Butin du Colosse des Armées !
Ils n’ont pas encore fini de défiler,
Les bovins de l’Inflexible, descendance du Héros.
MIBAMBWE III MUTABAZI II SENTABYO
Le Distributeur des vaches par milliers
Lui aussi je le supplierai, le taperai d’un geste amical ;
Je lui donnerai la parole et le laisserai commencer.
Qu’il commence, lui Front triomphateur des pays étrangers ;
Le Loyal, Joie des tambourineurs.
Le virtuose de l’arc, fils de Ndabarasa;
Le détenteur de la royauté, providence des affamés.
Ce « Prémices » d’abondance de lait a culbuté Nsoro
Il razzia pour nous des vaches au Bwongera (Bwongera : région de l’ancien Bugesera, qui se trouverait actuellement au Burundi, Territoire de Muhinga).
Ainsi que celles enlevées au Bwilili
Ce Couroucé, souche du Sagittaire.
YUHI IV GAHINDIRO
Le Passioné pour les tambours, ton père,
Lui aussi je le supplierai, le taperai d’un geste amical ;
Je lui donnerai la parole et le laisserai commencer.
Qu’il commence le pasteur soigneux aux abreuvoirs (Ce vers et le suivant sont très difficiles à traduire, parce qu’ils se présentent sous forme de noms propres. Le « maître du Buzi : il s’agit du potentat autochtone Karinda, et de sa mère Nyirakarinda).
Le gardien qui y fait dévaler les vaches,
Répertoire des noms, Avenir !
Le marcheur rapide
Il a tué le chef du Buzi
Et amena sa mère prisonnière !
Parmi ces roitelets il a semé la mort prématurée :
Personne d’entre eux ne conserva de vaches
Ni ne laissa un rejeton !
Yuhi les a déracinés par le feu!
Ce caractère aimable, gardien de notre prestige,
Défenseur de la royauté :
Pour elle il soutint des luttes contre les rivaux,
Il ravagea les pays étrangers !
Depuis son avènement le butin fut incalculable !
Au NOUVEAU ROI MUTARA II RWOGERA.
Quant à toi, Nsoro, parmi ceux que j’exalte ( «Nsoro »: nom que porta jadis Mutara I encore simple prince, semble-t-il ; il le supprima de la liste des noms royaux. Ici l’Aède appelle le nouveau monarque de ce nom de « Nsoro », parce que homonyme de Mutara I. Cette allusion sera exprimée en propres termes au 6èmevers plus loin où se trouve le Léopardé).
Je ne saurais te reléguer au second plan !
Tu es le Revêtu d’allégresse ;
Tu es l’amabilité au milieu des tambours.
Tu es le Beau-teint, de qui les vaches reçoivent les soins, (Pour les fonctions pastorales des Mutara. Rusugi et Rusanga; noms propres de Taureaux de règne ; le Rusanga est intronisé par tous les monarques, tandis que le Rusugi semble avoir été intronisé par Mutara II à son avènement).
Tu es le pasteur attitré des taureaux Rusugi et Rusanga !
Tu nous ramènes (en somme) aux temps du Léopardé.
Puisque, encore si jeune, tu t’empares de la prouesse,
Et que ta corne est déjà vigoureuse,
Malgré ton état de jeune taurillon,
Quand tu auras pris de l’âge,
Taureau en pleine force,
O Triomphateur des famines,
Les nations qui ne t’auront pas servi à temps
Où te fuiront-elles ?
O Protecteur des Vaches, prolonge audience
Et prête-moi l’oreille que je te paie la reconnaissance,
Un messager de ton règne a passé la nuit chez moi
Réclamant que de bon matin nous remerciions pour le Roi
Car la Beauté-ravissante a cédé ses droits à RwOgera («Beauté-ravissante » : l’une des devises guerrières de Yuhi IV Gahindiro).
Je n’ai ni hésité, ni pris des informations :
Ton allégresse loge dans mon sein !
Tandis que bien d’autres hésitaient, moi j’avais su !
Moi qui suis accouru à ta rencontre,
Plein de joie, ô Refuge,
Tandis que ton trop-plein se déversait sur le peuple !
Oh ! que les oreilles entendent de bien belles choses !
Que les yeux ont été faits pour en contempler !
Moi qui ai trouvé l’habitation du Roi
Toute riante et radieuse,
Pareille à du kaolin immaculé
Qui ai trouvé, en ce tabernacle, le Roi
Semblable à une nouvelle lune,
Le teint d’un brillant sans mélange
Tel que la Beauté-resplendissante ;
Ce qui m’imprima une humeur enjouée !
A l’inspiration dont je suis possédé d’habitude
S’ajoutant celle dont il me ceignit la tête,
Je dansai couronné de ces insignes sacrés
Et fus irréprochable au milieu des Poètes!
Et maintenant Souverain, ne me témoignez pas le courroux (Remarquez que l’énallage est de l’Aède qui interpelle Mutara II et s’adresse cependant au collège des Rois ses ancêtres).
Ne me croyez pas déserteur :
Je ne suis pas de taille à déserter !
Ne me soupçonnez pas de défection,
Car je n’ai jamais déprécié les richesses du Roi !
Seul le travail des champs m’a été un obstacle :
Et le besoin de gagner ma vie m’a retardé ! (C’est la prière traditionnelle du Poète ; quoique sous-chef et grand propriétaire Vacher, il feint d’être pauvre et se recommande aux largesses du nouveau Roi).
La houe ne m’écarterait pas de la fonction que vous attendez de moi.
Les soucis ne vont pas de pair
Avec les paroles de Dieu !
Ne pourriez-vous pas me préserver de ce précipice,
O toi le Dieu qui te réveilles au son des tambours ?
Dieu m’a enlevé les infirmités de la mémoire,
Et je pris soin de ton tribut
Me sachant dépositaire de cette boisson,
Avec mes acclamations, mêlées au désir de te contempler
Et mon ardent amour !
Eh bien ! Taureau du Redoutable
Quoique j’aie mis du temps à me présenter
Je n’ai pas perdu de vue ton dépôt de composition.
Je ne saurais perdre mon rang,
Tu ne m’as pas choisi parmi les moins doués •
Je suis des meilleurs compositeurs !
Je suis inspiré comme on l’est chez Nyamurorwa (Nyamurorwa : fameux devin du clan des Basinga ; il était grand-père de Runukamishyo, ancêtre éponyme des Runukamishyo, aruspices spécialistes de la Cour, qui vivait sous notre Mibambwe I. L’Aède, sans être de la descendance de Nyamurorwa, appartenait cependant au clan des Basinga, ayant le milan pour totem).
Mes consultations constamment heureuses sont reconnues par tes dons
Mes compétiteurs, je les ai éclipsés !
Aux champions de l’étranger, j’ai fermé la bouche
Je relevai le gant au nom du Roi mon maître
En démentant Rubyutsa : (Rubyutsa : Aède du Burundi, originaire du Rwanda; ses parents, de la famille de l’illustre Aède Bagorozi dont nous allons faire ample connaissance au chapitre suivant, s’étaient exilé au Burundi).
Le Murundi fut convaincu de mensonge dans une joute,
Et Yuhi fit justice à ma victoire.
Le Perforateur de Ntora, aux coups mortels, tua le Roi Mutaga (Ntora :localité dans la province du Bwanacyambwe, où résidait Cyilima II lorsque Mutaga III fut tué par les Armées du Rwanda, à la bataille de Nkanda. Depuis que Cyilima II rendit le dernier soupir en cette même localité, elle est devenue Gisozi (c.-à-d. capitale mortuaire), en face de la ville de Kigali).
Et les Poètes de chez Mutaga furent humiliés par mes vers !
Aux étrangers je vais parler sans ménagement,
Car ils ne seront jamais mes maîtres :
Je ne saurais demander protection aux rivaux,
Moi homme-lige de Yuhi qui me constitua ton héritage !
C’est du reste pour cela qu’ils me détestent,
Disant que je suis toujours à épier toute occasion
Pour décourager leurs efforts de relèvement !
Je sais que leurs espérances ne reposent sur rien :
Prends-les en orphelins et asservis-les à toi,
Cette descendance de races éteintes,
Ils n’ont ni but ni origine :
A leurs pas se sont attachées malédictions et infortunes
Yuhi vient de les priver de la royauté !
Je trancherai le procès des Rois
Appuyé sur mon bâton de pasteur !
Je pousserai des cris de joie et les y surajouterai !
Je suis commis à la garde d’un Taureau de hardiesse :
Ceux qui sont craintifs s’enfuient à son approche !
Il disperse ceux qui tentent de riposter :
De sa corne, donnée au coeur, il les couche sur le sol !
Ce Taureau rejeton du Dominateur,
S’est hissé sur les autres et les a terrassés
Et vous, ministres de l’allégresse,
Renforcez les acclamations !
Frappez les tambours les plus retentissants pour l’exalter
Car notre Dynastie-ci a refoulé les voisins !
Je vous exalterai tous (ô Rois),
Je vous rangerai en bel ordre : vous êtes parfaitement égaux,
Vous ne naissez pas disproportionnés !
Vous êtes les Souverains
De Bweramvura et de Bumbogo !
Les voilà les acclamations que je vous offre !
Je les dédie aux Reines originaires de Ngange
Ainsi qu’à celles du Bugamba et à celles venant du Kayanza,
Et à celles originaires de Nyanzi près Kavumu
D’où viennent le Roi et la Reine
Par lesquels vous présidez aux peuples que voici. ( « Vous présidez » : l’Aède parle ici au collège des Rois, dont l’action se perpétue en leur fils. — Nyamarembo : nom de famille de Nyirayuhi III, mère de Yuhi III Mazimpaka ; elle était du clan des Bakono. Butara : localité située près de Nyanza ; j’ignore quelle était cette Nyirantare (c.-à-d. la Lionne), ni ne saurais dire si cette « Sans-reproche » est un nom figuré ou une simple cheville. — Kinyoni, licence poétique pour « Kanyoni ».
J’annoncerai la paix également à Nyamarembo
Je ferai retentir mes cris d’allégresse,
Et je les ferai arriver à Butara
Chez Nyirantare et chez la Sans-reproche,
Aux bois sacrés de Kinyoni.
Puissiez-vous avoir toujours la fécondité
Qui perpétue la succession de cette royauté !
Cette Dynastie a eu l’assurance de Dieu (Littéralement : « Oracles de Dieu par voie de consultation divinatoire déchiffrés dans les viscères de taureaux, de béliers ou de poussins).
Que vous engendrerez sans interruption pour le règne,
Et que vos fils auront un heureux développement