Le nouveau schéma des communications

Dans l’optique des auteurs du Plan Décennal, le réseau des communications du Rwanda et du Burundi devait être conçu suivant deux grandes orientations. D’abord suivant un axe Nord-Sud orienté vers Kigoma et Dar-es-Salaam, via Bujumbura considéré comme le principal pôle de développement des deux pays et comme devant être équipé en conséquence. Ensuite suivant un triple axe Est-Ouest (Kigali-Goma; Butare-Bukavu; et Bujumbura-Bukavu) orienté vers Kisangani (alors Stanleyville), et visant à l’intégration du Rwanda et du Burundi dans le marché du Congo.

Dès le lendemain de l’indépendance de ces trois pays, cette conception se trouva diamétralement inversée pour le Rwanda. En 1960 d’abord, les troubles du Congo avaient eu pour effet d’interrompre totalement les transports de transit par l’Ouest. En 1964 ensuite, la rupture de l’Union Économique et Douanière avec le Burundi et l’attitude hostile de ce pays eurent un effet exactement semblable sur le transit par le Sud.

Cette interruption, et les années d’« autarcie » qui suivirent, furent pour le Rwanda réellement bénéfiques. L’axe Nord-Sud, désormais orienté Sud-Nord, vers Kampala, devint l’axe principal du commerce extérieur rwandais, et Kigali devint pour ce commerce le grand pôle de concentration et de distribution. De nouveaux entrepôts douaniers y furent ouverts en mai 1963, puis devenus trop étroits, furent remplacés par des entrepôts nouveaux et beaucoup plus vastes; tandis que l’OCIR créait, à proximité, de grands entrepôts destinés à faciliter l’exportation du café. Puis, l’institution à Kigali de la nouvelle Banque Nationale, seule compétente pour l’octroi des devises et des licences, et d’autre part l’établissement à la frontière du Burundi d’une barrière douanière nouvelle, eurent pour effet d’amener un bon nombre d’entreprises naguère concentrées à Bujumbura à se scinder et à installer leurs sièges sociaux, ateliers, stocks et entrepôts dans la capitale rwandaise.

Quels furent, sur cette nouvelle base, les grands projets d’infrastructure routière au Rwanda?

Il y eut d’abord, en septembre 1963, l’achèvement à Kanzenze d’un pont important reliant à Kigali, par-dessus le Nil-Nyabarongo, toute la région du Bugesera. Il y eut ensuite, entre 1965 et 1967, l’étude puis l’aménagement d’une route asphaltée de 12 km reliant à Kigali l’aérodrome national.

Ensuite vinrent diverses réalisations dans le cadre du Plan Quinquennal 1966-1970. Celui-ci, confirmant les orientations nouvelles, accordait la première urgence à l’aménagement de la route Kigali-Byumba-Gatuna-Kampala (Route Nationale 2), et qui était en fait la partie septentrionale de l’ancien Axe A. Quant à la partie méridionale de celui-ci (Route Nationale 1), son aménagement était donné en deuxième urgence jusque Gitarama, et reporté au second quinquennat de Gitarama à Butare.

Le Plan Quinquennal déterminait encore cinq actions prioritaires : en première urgence l’aménagement des routes Gisenyi-Ruhengeri, Cyangugu-Dendezi et Gitarama-Ruhengeri, et la construction d’un pont sur le Nil-Kagera à Rusumo; et en deuxième urgence l’aménagement de la route Kigali-Ruhengeri.

Parmi ces divers projets reconnus urgents par le Plan, tous ont fait l’objet d’une étude technique financée par l’une ou l’autre aide extérieure, sauf le dernier cité (Kigali-Ruhengeri). Et depuis le 17 juin 1970, le financement du projet n°1 (Kigali-Byumba-Gatuna) s’est trouvé assuré ; les premiers travaux ont débuté en octobre 1971, et s’achèveront en principe en mars 1974.

A ce programme planifié, s’ajoutèrent divers grands travaux entrepris par le Gouvernement en fonction des nécessités ou des circonstances : réfection des routes Cyangugu-Bugarama (1966- 1967) . et Cyangugu-Kamembe (1969); déviation de la route Kigali-Musha (1968); amélioration spectaculaire de la route Kibungo-Rusumo (1971) ; prolongation de la route de Cyamutaraet pont sur la Nyabugogo (1968-1969); construction d’une nouvelle digue et d’un pont à l’extrémité Est du lac Mugesera (1967); construction ou remplacement de divers ponts, sur la Mwogo (1967), la Mukura (1970); et construction de nombreuses routes d’intérêt local à l’initiative des Communes… Voilà pour les projets et les réalisations nouvelles.

Quant aux programmes généraux d’entretien et d’amélioration portant sur les quelque 5 000 km de route existant dans le pays, ils firent également l’objet de divers efforts. Il s’agissait en effet non seulement d’entretenir ces routes mais de rendre progressivement les plus importantes d’entre elles et tous leurs ouvrages d’art accessibles aux camions de 25 tonnes.

Pour réaliser ces programmes, les Travaux Publics rwandais disposaient d’un matériel routier insuffisant, vétuste et disparate, dont une part croissante restait immobilisée faute de pièces de rechange. Ils disposaient aussi d’un personnel mal formé, manquant de cadres moyens, et tout à fait dépourvu de cadres supérieurs nationaux. Les insuffisances de matériel purent être solutionnées à diverses reprises grâce à des financements extérieurs, et grâce à une adaptation des méthodes de travail. En 1966 notamment, une nouvelle méthode fut instaurée, consistant à engager un cantonnier responsable par tronçon d’l km de route. Quant aux insuffisances de formation du personnel, il y fut remédié progressivement, d’abord par l’organisation d’une Brigade routière d’apprentissage (1967),par un recyclage des surveillants de chantier à Murambi (1969-1970), par la création d’une section spécialisée de l’enseignement technique pour la formation de cadres moyens à Kicukiro (1970), et enfin, à partir de 1972, par l’organisation à l’Université Nationale d’une formation d’Ingénieurs des Ponts et Chaussées. Cet effort de réorganisation se compléta de diverses mesures : création en 1963 d’un Fonds routier qui ne fut toutefois jamais réellement constitué, le budget ordinaire et plus tard le budget de développement restant les seuls instruments financiers; puis création en 1969, d’un vaste dépôt pour le matériel routier à Kigali, auquel vint s’ajouter en 1971-1972 un nouveau garage complètement équipé (financé par l’aide allemande). A ces mesures pratiques s’ajoutèrent diverses études de réorganisation, dont la dernière en date, réalisée par le PNUD, sera notamment suivie d’une nouvelle aide en matériel routier et en pièces de rechange.

Quant au coût des transports routiers de marchandises, évalué à 3 F la tonne/km en 1959, il était passé à environ 10 F en 1965, en raison notamment de la vétusté du parc des camions, de la pénurie des pièces de rechange, de la concurrence insuffisante, et du trop faible tonnage des camions.Après la réforme monétaire de 1966, la reprise économique générale, et l’encouragement fait aux importations de nouveaux camions et pièces de rechange par l’abaissement des droits de douane correspondants, les transports du pays se normalisèrent. De telle sorte que l’effectif des camions, (à partir de 4,5 tonnes), des camionnettes et des voitures passa respectivement de 250, 282 et 871 en 1964 à 782, 1 377 et 3 872 en 1971. Cette expansion, conjuguée avec les effets d’une saine concurrence, fit redescendre le coût des transports de marchandises de 10 F la tonne/km en 1965 à 7 ou 8 Fen 1971.

Enfin, les transports routiers de personnes, inexistants avant 1962, connurent durant les derniers dix ans un développement considérable et dont l’importance sociale doit être particulièrement soulignée. Dès la fin de 1962, le Gouvernement mit en service des lignes de transport en commun entre Kigali, les dix chefs-lieux de Préfecture, et Kagitumba.

Mais les véhicules utilisés au départ (des camions aménagés) s’avérèrent à la fois trop robustes et trop coûteux pour un nombre insuffisant de 15 places. Et en 1965, les populations s’étant par ailleurs accoutumées aux nouveaux services réguliers, le Gouvernement fit l’acquisition de 5 nouveaux autobus de 42 places. Deux ans plus tard, une Régie des Transports Publics fut créée pour l’exploitation de ces services. Puis en 1969, 70 et 71, une quarantaine de nouveaux autobus de 50 à 60 places furent encore achetés. Les tarifs en vigueur avant la réforme monétaire (1 F le km) furent portés à 2 F après celle-ci, mais purent être réduits à 1,5 F en mai 1969.

A côté des transports de personnes à longue distance, furent également développés des transports urbains. Kigali, dont la superficie était en expansion constante fut bientôt desservie chaque jour, matin, midi et soir, par 5 lignes urbaines régulières. Et Butare par 2 lignes. Telle fut en gros l’évolution des communications routières durant ces dernières années.

Quant aux transports aériens, ils connurent en dix ans des réalisations tout à fait extraordinaires. Dès 1962, le Président Kayibanda avait exprimé le souhait de voir la capitale rwandaise nantie d’un aérodrome ouvert aux communications mondiales. A l’époque, Kigali ne disposait en effet que d’une petite piste pour DC 3, accompagnée de deux ou trois baraques abritant les services d’immigration et de douane. Non sans avoir dû lutter contre des préjugés fortement enracinés, le Gouvernement rwandais put obtenir de la Belgique une aide précieuse (hors quota) pour le financement d’une nouvelle piste de 2200 mètres, accessible aux DC 7, mais dont l’assiette serait apprêtée déjà en prévision d’un aménagement ultérieur pour les quadriréacteurs Boeing 707 intercontinentaux.

Achevé en décembre 1965, le nouvel aérodrome pour DC 7 fut sans attendre allonger à 3 500 mètres et aménagé de telle sorte qu’en juillet 1968, il se trouva accessible aux Boeing 707, puis équipé d’un balisage de nuit et des appareillages de sécurité les plus modernes pour les procédures d’approche.

Entre-temps, la couverture météorologique des vols, limitée au départ à 3 stations, fut élargie à 5 stations de jour, adressant les informations synoptiques à Kigali, qui les répercuterait sur Nairobi, centre régional de l’OMM et de l’OACI.

Autre réalisation dans le domaine des infrastructures, l’aérodrome de Gisenyi fut nanti en 1970 d’une nouvelle aérogare avec bloc technique.

Quant aux transports aériens réalisés à partir des aérodromes rwandais, ils s’élargirent, avec les infrastructures nouvelles, aux vols directs en direction d’une dizaine de capitales africaines et européennes. Les Compagnies Sabena, East-African Airways et Air Congo continuèrent comme par le passé à assurer l’essentiel de ces transports. S’y ajoutèrent toutefois plusieurs petites Compagnies, utilisant des avions légers, qui assurèrent les correspondances entre Kigali et les aérodromes périphériques. Divers Accords Aériens furent signés par le Gouvernement rwandais avec des pays étrangers de façon à diversifier autant que possible les lignes axées sur Kigali. En ce domaine commercial entièrement nouveau, la prudence s’imposait toutefois, d’autant plus que le Rwanda n’était pas encore à même d’utiliser ses plus grands atouts: en effet, ni son remarquable potentiel touristique, ni sa vocation de carrefour n’avaient encore bénéficié des infrastructures essentielles à leur valorisation.

Enfin, dans le domaine des télécommunications, le Rwanda réalisa de 1962 à 1972 des progrès également considérables. Les réseaux téléphoniques intérieurs étaient au départ fortement sous-équipés. La capitale elle-même ne disposait que d’un central manuel archaïque pouvant desservir péniblement en 1965 encore quelque 280 abonnés disposant d’appareils à tourniquet.

En 1965, dans le but de faciliter les contacts administratifs et privés et d’accélérer le traitement des affaires, le Gouvernement rwandais fit l’acquisition de cinq nouveaux centraux téléphoniques automatiques modernes, et les installa respectivement à Kigali fin 1966 (central de 600 lignes, porté à 1 500 en 1970) puis à Butare, Cyangugu, Gisenyi et Ruhengeri en 1970 (centraux de 250 lignes, extensibles à 600), ces derniers étant reliés chacun à Kigali par radio.

En 1971-1972 ce progrès déjà remarquable fut complété par l’acquisition, financée par la Coopération belge, de 6 autres centraux téléphoniques automatiques, qui furent installés dans les autres chefs-lieux de Préfecture ainsi qu’à Nyabisindu, en vue de leur intégration au réseau téléphonique général par faisceau hertzien. Lorsque l’ensemble de ce réseau aura été réalisé, et mis à la disposition des particuliers, ses effets seront considérables non seulement pour l’accélération des affaires publiques entre les autorités centrales et locales, mais encore pour l’animation des affaires privées et notamment les arbitrages commerciaux.

Quant aux communications internationales en phonie et télex, elles furent facilitées entre Kigali, Bruxelles et Bujumbura à partir de 1963, un équipement adéquat ayant été donné par la Belgique. De nouvelles liaisons s’y ajoutèrent avec Nairobi par téléimprimeurs en 1965; et en phonie avec Brazzaville et Abidjan (Grâce à un émetteur ISB de 10 kW et un récepteur offerts par la Côte-d’Ivoire)en 1971. Enfin, grâce à une aide des Pays-Bas, desliaisons par faisceau hertzien ont commencé à être mises en place entre Kigali et Kampala (1971), puis entre Kigali, Bujumbura et Bukavu (1972), dans le cadre du Plan panafricain de l’UIT (Rome 1958). Kigali se trouvera de la sorte reliée vers l’Est, par la station terrienne de Nairobi, au satellite géostationnaire de l’Océan Indien, et vers l’Ouest, par la station terrienne de Kinshasa, au satellite géostationnaire de l’Océan Atlantique.

Un autre grand moyen de communication qui connut des progrès considérables durant ces dix ans fut la radiodiffusion nationale. En octobre 1965, le petit émetteur de 5 kW à portée locale, mis en place 4 ans plus tôt (Avant ce petit émetteur, le Rwanda avait été desservi depuis mai 1960 par un émetteur de 10 kW installé à Bujumbura pour le Rwanda-Burundi. Avant cela, par la radio congolaise.), fut remplacé par un émetteur de 50 kW capable de faire entendre la voix de Kigali non seulement dans tout le Rwanda, mais aussi aux quatre coins du continent. Cette même année, débuta à Gatagara une fabrique de postes de radio à transistors qui devait se développer peu à peu, et mettre à la portée des populations un nombre de récepteurs à bon marché jamais atteint auparavant; en moins de 3 ans, le public rwandais acheta en réalité autant de postes qu’il en avait été importé depuis 20 ans. Puis en 1968, un nouvel immeuble contenant des studios modernes de radiodiffusion fut inauguré. Il était, tout comme le nouvel émetteur, offert par la République Fédérale d’Allemagne en réponse à l’accueil donné par le Rwanda aux émetteurs-relais de la « Voix de l’Allemagne ».

Au centre de cet ensemble de réseaux et de moyens de communications, Kigali, pôle principal du développement national, fut également l’objet d’un grand effort d’équipement et d’organisation.

Partie de presque zéro en 1962, la capitale s’étendit d’abord lentement, puis à un rythme progressivement accéléré. Divers projets de plan directeur de la ville future ont été mis au point. Et en 1966, une loi est venue fixer les limites élargies de la capitale. L’approvisionnement en eau de l’agglomération étant devenu insuffisant, un nouvel équipement de pompage et d’épuration fut mis en place, débitant 80 m3 à l’heure. Cet équipement devra malheureusement être sans doute remplacé, en raison de certains défauts de conception.

Et tandis que, stimulées par le montant élevé des loyers, les constructions nouvelles se multipliaient, de nouvelles voiries furent aménagées en même temps que les réseaux de distribution d’eau et d’électricité étaient progressivement étendus. Le secteur privé comme le secteur public, ce dernier grâce à diverses aides extérieures, décuplèrent leurs efforts pour tenter de résorber la grave crise de logement des premières années.

En 1971, furent entamés les premiers travaux pour l’extension de la ville sur une aire nouvelle de 200 ha à Kimihurura. Et quelques mois plus tard, commença dans une large vallée proche l’aménagement d’un zoning industriel de 25 hectares financé par le FED.

L’extension de la capitale sur une aire nouvelle a été l’occasion pour le Gouvernement de rechercher une nouvelle politique d’urbanisation. D’abord, il importait que le centre de la ville soit habité en majorité par des citoyens rwandais; et pour permettre à ceux-ci de s’y établir, des possibilités spéciales de crédit furent offertes en premier lieu aux fonctionnaires de l’État. Ensuite, il fut décidé de « densifier » au maximum l’occupation urbaine, de façon à réduire la charge des dépenses d’infrastructure par immeuble : suivant la méthode de construction dispersée caractérisant la « vieille » ville, cette charge s’élevait en effet à 50 % du coût des constructions elles-mêmes Et enfin, les autorités exprimèrent l’intention de situer les quartiers d’habitations sociales près du centre de la ville en expansion et non plus en périphérie; ce qui évitera à leurs habitants les longs trajets auxquels ils étaient jusqu’ici astreints pour gagner leur lieu de travail‘.

Depuis plusieurs années, le Gouvernement a tenté divers essais limités de logements sociaux, cédés aux amateurs en vente-location, et qui sont en passe d’être étendus.

Les développements de l’économie rurale

Au lendemain de l’acquisition des premiers pouvoirs de gestion administrative par le Gouvernement rwandais autonome en octobre 1960, celui-ci avait été confronté pour la réalisation de ses programmes d’économie rurale avec un double problème. Celui des cadres d’abord, car plusieurs agents Tutsi avaient quitté les rangs de l’Administration et n’avaient pu être remplacés. Celui des méthodes d’action ensuite, car le nouveau régime démocratique ne voulait plus recourir à la contrainte et aux amendes pour inciter les paysans à étendre ou perfectionner leurs activités : le temps n’était plus à l’obligation, mais à l’« animation ».

Ce double problème, conjugué avec les perturbations provoquées dans la vie rurale par une activité politique intense, avait pour une bonne part, contribué à la forte baisse des productions agricoles et des travaux ruraux d’intérêt collectif, enregistrée durant les premières années de l’indépendance.

La pénurie des cadres agricoles et zootechniques se trouva accentuée à cette même époque par le retrait des agronomes étrangers à l’échelon des Préfectures. Ceux-ci ne furent plus affectés qu’à des projets particuliers ou à des fonctions de conseillers dans les bureaux de l’Administration centrale.

Les cadres agronomiques supérieurs rwandais se comptaient encore sur les doigts d’une seule main, et se trouvaient en conséquence dirigés vers des postes de direction élevés, loin du « terrain ». Quant aux cadres moyens (A2), ils étaient, en 1964 encore, largement insuffisants (48 agronomes et 17 assistants vétérinaires), de même que les cadres inférieurs (26 auxiliaires agricoles, 26 infirmiers vétérinaires (A3), 750 moniteurs agricoles très insuffisamment formés, quelque 180 aides-infirmiers vétérinaires et 16 gardes forestiers). Or les besoins en cadres supplémentaires recensés par le Plan Quinquennal étaient chiffrés en 1966 à quelque 150 cadres moyens, à former d’urgence. Une fois ceux-ci formés, l’effectif des moniteurs ou vulgarisateurs agricoles devait être porté de 1 par 1 000 familles à 1 par 300. Quant aux cadres supérieurs rwandais, si l’on se réfère au nombre des experts étrangers estimés nécessaires par le Plan, il fallait en former 120 à 130 au minimum.

Pour la formation la plus urgente, celle des cadres moyens, le Gouvernement comptait essentiellement sur l’École Technique Agricole du Groupe Scolaire de Butare. Le nombre des diplômés de cette École avait toutefois fortement baissé : ils furent 2 à sortir en 1965, 5 en 1966 et ainsi de suite jusqu’à être 20 en 1970 et 25 en 1972.

Quant à la formation des cadres agricoles inférieurs, elle fut d’abord, par mesure d’urgence, confiée aux Agronomes de Préfecture (en 1960 formation de 3 mois). Puis un cycle de 10 mois fut organisé par le Ministère de l’Agriculture et de l’Élevage à Kicukiro. Et enfin, depuis 1963, un cycle de 9 mois, puis de 2 ans fut organisé au Centre de Formation de cadres de Murambi, qui assure encore cette tâche aujourd’hui. Depuis 1969, le même cycle de formation est assuré à Kibuye.

En outre, dans le cadre des projets agricoles du FED, un centre de formation de cadres pour coopératives agricoles a été créé à Nyabisindu.

En 1970, les cadres du Ministère de l’Agriculture et de l’Élevage se chiffraient comme suit. Cadres moyens : 74 agronomes et 28 assistants vétérinaires. Cadres inférieurs : 39 assistants agricoles, 121 vulgarisateurs agricoles, 36 infirmiers vétérinaires, 1002 moniteurs agricoles, 284 aides-infirmiers vétérinaires et 46 gardes forestiers.

Pour l’encadrement de ses programmes à la base, le Gouvernement ne comptait pas seulement sur ses cadres techniques spécialisés, mais aussi sur l’ensemble des autorités communales. Ces dernières manquaient toutefois de la formation souhaitable et, même avec de la bonne volonté, trouvaient difficilement des initiatives de développement valables dans le cadre de leur Commune. Tout au moins purent-elles appuyer de leur autorité les programmes de l’Administration Centrale, sauf durant les périodes peu propices précédant les élections. Pour compléter l’encadrement psychologique des populations rurales, le Gouvernement recourut encore à la radiodiffusion nationale, de petites émissions étant progressivement organisées pour promouvoir aussi bien l’agriculture que l’élevage.

Pour le soutien scientifique et technologique de ses programmes, le Gouvernement put compter essentiellement sur l’Institut des Sciences Agronomiques du Rwanda (ISAR), qui succéda en 1964 à l’ancien INEAC, et dont la gestion fut confiée à partir de 1969 à la très compétente Faculté Agronomique de Gembloux (avec un co-directeur rwandais). Il put compter aussi sur diverses missions d’études et d’expérimentation financées par les Coopérations étrangères (FED, Belgique, Chine nationaliste, France, Allemagne, Italie…), et sur l’aide occasionnelle de l’Institut National de la Recherche Scientifique (INRS), qui avait repris en 1964 les activités de l’ancien IRSAC.

Comme naguère, le premier programme du Gouvernement fut de régulariser et de renforcer la production agricole vivrière. Le but assigné par le Plan quinquennal était un accroissement de 3 à 5 % par an, qu’il faudrait atteindre par un ensemble de mesures générales et particulières. Parmi les mesures générales, il y eut d’abord et avant tout la communalisation au lendemain de la révolution, et l’ouverture aux agriculteurs, des anciens domaines pastoraux politiques et privés (Ibikingi), des anciens domaines agricoles (Ubukonde) dans la mesure où ils n’étaient pas exploités, et enfin des terres abandonnées depuis un certain temps par les émigrés politiques. Cette triple mesure, ajoutée à l’extension des paysannats et à l’aménagement des grands et petits marais, aurait entraîné un accroissement des terres de culture estimé à 50 %.

Parmi les mesures générales prises pour accroître les productions il y eut aussi l’amélioration des pratiques culturales grâce à un meilleur encadrement agricole et social; et une orientation agricole de l’enseignement primaire fut projetée. Il y eut enfin la diffusion de semences et de plants sélectionnés : un centre de multiplication et trois zones de diffusion en moyenne fonctionnèrent dans chaque Préfecture, et pour la seule saison 1969-70,100 tonnes de semences sélectionnées furent distribuées, de même que plus de 100 000 plants d’arbres fruitiers.

Parmi les mesures plus particulières prises pour accroître les productions vivrières, il y eut l’intensification locale de certaines cultures choisies : essentiellement le riz, étendu à 700 ha, et qui donna en 1970 une production de 1360 tonnes; ou encore la canne à sucre, cultivée sur 245 ha et dont la production atteignit 4 315 tonnes de cannes en 1970. De plus, les cultures maraîchères connurent une expansion et une amélioration considérable, tant à proximité des villes qu’en milieu rural. Un certain tonnage, notamment de piment, de poivrons et d’aubergines, put être exporté par avion durant la saison d’hiver en Europe. Quant aux cultures de réserve anti-disette, elles connurent d’importants changements : la production du manioc, naguère obligatoire, connut d’abord un considérable recul puis un redressement partiel, passant de quelque 459 000 tonnes en 1959 à 198 000 en 1966 (43 %), puis à 345 000 en 1970 (75%); la production bananière par contre connut durant ce temps un accroissement extraordinaire, passant de quelque 789 000 tonnes en 1959 à 1 285 000 tonnes en 1965 (163 %) ; puis à 1 651 000 en 1970 (209 %). Enfin, un effort d’expansion fut poursuivi visant les cultures de soja et d’arachide.

Une deuxième mesure gouvernementale pour accroître la production agricole fut, comme par le passé, l’aménagement de terres vierges en paysannats. Une extension constante des paysannats du Mayaga-Bugesera sur financement du FED et des paysannats de l’Icyanya et de Rusurno sur financement belge permit de porter le nombre total des familles installées en paysannat de 9200 fin 1962 à 34 200 fin 1970, soit une augmentation remarquable de quelque 25 000 familles.

Une troisième mesure, elle aussi de grande envergure, fut l’aménagement de marais pour une culture intensive. Dans la vallée de la Nyabugogo, plus de 800 ha furent ainsi aménagés entre 1964 et 1971 : les travaux d’apprêt étant financés par la Belgique, et le quadrillage des plans d’irrigation par la Coopération chinoise. En vue de la mise en exploitation de ces terres, une Mission technique chinoise entreprit dans une ferme expérimentale une série d’essais culturaux, portant notamment sur85 variétés de riz dont une demi-douzaine furent sélectionnées comme les mieux adaptées au pays (donnant 3 000 kg de riz paddy à l’hectare).Des plantations de cannes à sucre furent aussi réalisées, ces dernières étant traitées dans une fabrique de sucre de type rural fournie et mise en place par la Coopération chinoise.

D’importantes superficies de marais furent aussi récupérées, comme on le verra plus loin, dans la vallée de la Mulindi, de la Mfunda, etc. Et en exécution du Plan Quinquennal, une série. d’études préalables à l’aménagement d’autres grands marais furent réalisées (essentiellement par les aides française, belge et italienne), tandis que 624 ha de petits marais étaient aménagés directement (fin 1971).

Quant au grand projet de la vallée du Nil-Nyabarongo, mis au point en 1959, et qui nécessitait l’accord du Burundi, il ne put être réalisé, en raison des différends ayant existé entre les deux pays. Et cela, malgré une médiation du FED.

Une autre mesure encore, destinée à permettre l’extension de l’occupation agricole dans les régions dépourvues ou mal pourvues d’eau, a été la réalisation de plusieurs importantes adductions : essentiellement dans les paysannats de l’Icyanya, de Rusumo, du Mayaga-Bugesera et de Kinigi.

Par contre, diverses mesures adoptées jadis pour préserver le pays des disettes furent plus ou moins délaissées. Il en fut ainsi des émigrations organisées vers les régions sous-peuplées des pays voisins De même pour l’extension des capacités de stockage des surplus de vivres en vue de régulariser les approvisionnements et les prix : cette mesure a été toutefois reprise fin 1969, et la construction de 4 nouveaux silos modernes à Kigali a été projetée, dans le cadre de la coopérative Trafipro. De même enfin, la lutte anti-érosive s’est trouvée arrêtée, sauf dans certains paysannats, particulièrement bien encadrés. Ne voulant plus recourir pour ces travaux aux anciennes méthodes coercitives, l’Administration semble n’avoir pas été en mesure de les réaliser autrement. C’est pourquoi en 1966, une grande détérioration des anciens terrassements anti-érosifs dut être constatée dans le Plan Quinquennal : sur quelque 360000 ha protégés en 1960, un tiers nécessitait une réfection partielle, et un autre tiers était à refaire entièrement. Sans compter que 320000 ha de terres de culture et 397 000 ha de pâturages restaient encore à protéger. L’objectif fixé par le Plan, qui était de reprendre la lutte anti-érosive sur 36000 ha par an, ne put être atteint.

Suivant les statistiques de l’Agriculture, le résultat du programme vivrier gouvernemental a été un accroissement de production, entre 1965 et 1970, d’environ 24 %, soit 4,7 % en moyenne par an.

Quant au programme d’extension des cultures industrielles, essentiel pour l’accroissement des ressources monétaires populaires, il connut les développements suivants.

En ce qui concerne le café d’abord, le Rwanda resta lié au Burundi jusqu’en septembre 1964, l’ancien Office des Cafés du Rwanda-Burundi (OCIRU) ayant été maintenu jusqu’à cette date. En 1962, par le truchement de cet organisme commun, les deux pays avaient signé le premier Accord International sur le Café, qui visait à stabiliser les cours mondiaux de ce produit en empêchant la saturation des marchés traditionnels. Comme chaque pays producteur, le Rwanda reçut (en commun avec le Burundi) un quota maximum qui fut fixé à 20 400 tonnes par an, une certaine marge étant prévue en cas de nécessité. Ce premier Accord fut suivi d’un deuxième, visant les années 1968 à 1973, en vertu duquel le Rwanda reçut (cette fois pour lui seul) un quota de base de 15600 tonnes.

En réalité, la production rwandaise fut en 1963 exceptionnellement basse. De 9 500 tonnes, production moyenne des dernières années, l’on était tombé brusquement à 4 700. Circonstances climatiques défavorables, relâchement des soins culturaux, baisse progressive des prix aux producteurs, accroissement des exportations en fraude, et désaffection populaire 4 à l’égard de cette culture naguère obligatoire, telles furent apparemment les causes de cette chute spectaculaire. La situation se redressa heureusement dès 1964 (8 100 t.) et 1965 (9 998 t.). Cette dernière année, le nouvel Office des Cultures Industrielles du Rwanda (OCIR) substitué depuis octobre 1964 à l’ancien OCIRU, déboursa plus de 56 millions de francs pour soutenir les prix au producteur au niveau de 26 F le kilo. Et grâce à la réforme monétaire, ce prix se trouva relevé en 1966 jusqu’à 35 F le kilo, prix garanti. En 1966 encore, l’OCIR entreprit à Gikondo, près de la capitale, la construction de nouvelles installations destinées à faciliter et accélérer les exportations de café : notamment 3000 m² d’entrepôts, d’une capacité de stockage de 2 400 tonnes, et où 50 camions de 10 tonnes pourraient être manutentionnés par jour; et des laboratoires équipés pour analyser et classer 225 tonnes de café par jour.

Le Plan Quinquennal, comptant sur la poursuite du redressement de la production du café, lui fixa pour 1970 un objectif à vrai dire très ambitieux de 23 000 tonnes. En réalité, le tonnage atteint cette année fut de 14 330 tonnes, et de 15100 tonnes en 1971, le revenu monétaire global des producteurs se chiffrant dès lors respectivement à 669 puis 705 millions de francs (contre 125 millions en 1963).

Quant à la culture du thé, elle bénéficia d’une puissante impulsion de la part du FED, qui fondait son action sur les conclusions de l’Etude Globale de 1960′. Trois grands projets de 500 ha de thé, ainsi qu’un projet visant à l’extension de cette culture en milieu villageois furent ainsi financés, venant s’ajouter aux plantations privées et réalisées en régie. L’objectif du Plan Quinquennal (3 750 ha de plantations, produisant 1 520 tonnes de thé en 1970) fut atteint à plus de 80 % : 2 750 ha et 1 245 tonnes. En 1971, la production a atteint 1 600 tonnes.

La culture du pyrèthre avait connu en 1961 une certaine extension, grâce à la création d’un paysannat dans des terres reprises sur le Parc National des Volcans (alors Parc National Albert). Malheureusement des difficultés de commercialisation étaient intervenues : d’une part, les troubles survenus au Congo en 1960 avaient rendu inaccessible l’usine d’extraction de pyréthrine de Goma; et d’autre part, les usines du Kenya avaient refusé de traiter les fleurs en provenance du Rwanda. A la suite de ces difficultés, les exportations de pyrèthre avaient dû s’effectuer sous forme de lourds ballots compactés de fleurs sèches vers les USA ou le Japon. Tombée de 762 tonnes en 1960 à 337 en 1963, la production remonta à 470 tonnes en 1965. Puis un grand projet de 5 000 ha de paysannat pyrèthre fut entamé en 1967 au Nord de Ruhengeri et de Gisenyi, sur financement du FED. Une usine pilote d’extraction de pyréthrine, financée par le PNUD après pas mal de retard, a ouvert ses portes à Ruhengeri au début de 1972. En raison des lenteurs intervenues au niveau des organisations internationales, le programme de production a été retardé de 2 ans. En fait, la production de 1970 n’a atteint que 556 tonnes au lieu des 2 439 prévues par le Plan.

Quant aux productions de coton, d’orge et de froment, elles ont connu une sensible diminution : la première passant de 481 tonnes en 1960 à 326 en 1971, en raison de la concurrence de certaines plantations plus rémunératrices et par exemple du riz; la seconde, après une production maxima de 2 200 tonnes en 1967, due à la hausse du prix, tombant à 163 tonnes en 1968 suite à la suppression du débouché; et la troisième passant de 1 744 tonnes en 1963 à 1 251 en 1970.

Le quinquina enfin, en raison d’une remontée des cours, connut une certaine reprise à partir de 1965. Plusieurs plantations ont été remises en exploitation et étendues jusqu’à 770 ha, donnant en 1970 quelque 235 tonnes d’écorce à 6 % de quinine.

Dans le domaine de l’élevage, la politique gouvernementale a quelque peu évolué au cours des dix dernières années. Au départ, l’avenir de l’élevage du gros bétail fut considéré avec certaines réticences : non seulement parce que ce bétail avait été l’un des instruments de l’ancienne domination Tutsi, mais encore parce que, selon les auteurs du Plan Décennal 1952-1961, ce bétail était excessivement nombreux, précipitait l’érosion, et devait selon leur calcul être réduit à 45 % de son effectif, notamment par l’élimination des nombreuses non-valeurs. La position du Plan Décennal fut bientôt en partie contestée car selon certains experts elle se fondait sur un calcul « faussé à la base par une erreur dans l’appréciation de la charge optimale des pâturages». De plus, l’érosion apparaîtrait plutôt plus sensible sur les terres cultivées que sur les pâturages.

Les mêmes experts mirent une nouvelle fois en évidence les avantages majeurs devant provenir de l’élevage : d’abord, l’association idéale de la culture et du bétail, le fumier étant un apport essentiel pour la fertilité des terres; ensuite, le complément alimentaire carné et lacté nécessaire aux populations, et pouvant remplacer des importations correspondantes.

Sans plus insister sur la réduction du cheptel à tout prix ?, le Plan Quinquennal 1966-1971 recommanda plutôt son amélioration qualitative. Or un obstacle était apparu : le bétail amélioré par des croisements devenait sensible à la théilériose bovine (East Coast fever), maladie qui se serait fortement développée en raison de l’insuffisance des détiquages en dipping-tanks. Ceux-ci, dénombrés à 137, dont 125 en fonctionnement, en 1965, étaient souvent très peu utilisés; et les veaux, qui sont les plus sensibles à cette maladie, y étaient rarement traités.Le Plan Quinquennal prescrivit donc d’abord une amélioration sanitaire du troupeau, et ensuite la diffusion du bétail amélioré par croisements, et la sélection des races locales.

Pour atteindre ce double objectif diverses mesures furent décidées, et réalisées en fonction des possibilités financières : remise en état et en activité du réseau des dipping-tanks (138 et 11 pompes d’aspersion en 1971), en attendant de pouvoir l’étendre (la couverture optimale étant estimée à 300 installations); création de centres de multiplication et de diffusion de géniteurs améliorés à Cyeru, Mukingo, Musamvu et Kibuye, et de 39 centres de saillie; création de quelques nouveaux centres vétérinaires (79, contre 50 en 1964)…

Ensuite, diverses mesures furent prises pour valoriser les produits de l’élevage : réouverture et modernisation de la laiterie de Nyabisindu, création d’une trentaine de centres de ramassage du lait, et animation des éleveurs de la région; création d’uneferme laitière de 250 ha à Rubirizi; construction d’un abattoir moderne et d’une tannerie à Kigali, et vulgarisation pour le séchage des peaux; création d’un ranch d’élevage à Rusumo en 1968, et étude d’un projet de ranch d’embouche dans le Mutara; vulgarisation zootechnique dans le Mayaga; création de centres avicoles à Kanombe et Nyamishaba, et diffusion de volaille améliorée par l’ISAR…

Dans le domaine sylvicole, les programmes d’ensemble n’ont bénéficié que d’assez faibles moyens. La forêt naturelle d’abord s’est vue entamée de tous côtés par des agriculteurs peu respectueux des règlements; et les boisements communaux imparfaitement exploités ont connu une certaine régression. En 1968-1969, un vaste projet de restauration et d’extension de ces boisements a été mis au point. Essentiel pour le développement national et pour le bien-être des populations à venir, son exécution doit à présent être menée à terme. Outre ce projet, diverses actions locales ont été entreprises : l’exploitation en coopérative et l’aménagement économique de la forêt de montagne à Gisovu et Kirambo en Préfectures de Kibuye et Cyangugu; le reboisement du mont Kigali, divers reboisements locaux…

Quant à la pêche enfin, qui avait été délaissée dès avant la fin de la Tutelle, elle fut reprise en considération dans le Plan Quinquennal. Le centre d’alevinage de Kigembe fut remis en activité, et des alevins ont été distribués à plus de 270 étangs ou bassins. De plus, un avant-projet a été mis au point et soumis au Fonds Spécial, visant d’une part la création de divers nouveaux centres de distribution d’alevins à travers le pays, et d’autre part la création en bordure des grands lacs du Migongo de paysannats axés sur la pêche.

Ces lacs ont été reconnus en effet comme des réservoirs très riches en poissons migrateurs provenant du lac Victoria et arrêtés par les chutes de Rusumo : ils pourraient donner 700 tonnes de poissons par an sans s’appauvrir.

Une dernière activité d’élevage qui ait fait l’objet d’un effort gouvernemental a été l’apiculture. Celle-ci, reconnue également riche en possibilités, a été encouragée au moyen d’un financement du FED, de l’aide belge, et des apiculteurs eux-mêmes, visant l’installation de nouveaux centres apicoles, la modernisation et le regroupement des ruchers traditionnels, le traitement du miel et de la cire, et la commercialisation de ces produits. Début 1971, l’on comptait 11 centres apicoles en fonctionnement, regroupant plus de 3200 ruches modernes, et produisant 15 tonnes de miel.

Tels furent en bref les développements constatés dans le domaine des productions rurales durant ces dix ans. Ces développements avaient été grandement facilités sur le plan foncier par les réformes ayant fait suite à la Révolution : les dernières entraves constituées par les clientèles foncières avaient pu être supprimées, à l’exception toutefois de la clientèle agricole (Ubukonde). Par contre, un problème foncier nouveau et très difficile vint bientôt au premier plan : celui des droits privatifs des paysans sur leurs terres, et de la limitation de leurs droits par les droits et servitudes réservés à la collectivité en développement. De par la législation en vigueur, en effet, la propriété des terres non cadastrées avait été réservée à l’État, celui-ci n’indemnisant dans le cas d’expropriation que les récoltes, les cultures pérennes et les habitations… Mais par ailleurs, les transactions entre particuliers portant sur la terre elle-même, et à des prix calculés d’après la valeur conventionnelle des biens-fonds se multipliaient dans le pays. Une immense aspiration à la propriété foncière s’affirmait, considérée avec faveur par certains responsables qui y voyaient l’une des motivations essentielles pouvant amener les paysans à protéger et améliorer leur capital terre et à perfectionner leur habitat. L’étude d’un nouveau code foncier, complété d’un projet de réforme agraire, fut donc entreprise. Mais elle se heurta très vite à de grandes difficultés.

La plus grave étant, semble-t-il, l’incompatibilité pratique entre, d’une part une réglementation rigide de la propriété et notamment de sa transmission par héritage (à parts égales entre fils et filles, sans pouvoir morceler la terre en parts inférieures au minimum vital) et d’autre part une surpopulation agricole croissante… Le grand problème du droit foncier resta dès lors à l’étude, dans l’espoir que le temps et une évolution pragmatique permettraient une vision plus claire des options à prendre.