Erection d’armées bovines de GIHANGA à MIBAMBWE II GISANURA (XIIe-XVIIe siècle)
1. Insanga = Attraction ?

1. Cette Armée-bovine remonterait au règne de GIHANGA, fondateur de la Dynastie. Ce serait son troupeau personnel qui, selon nos mémorialistes, en aurait formé le premier noyau. La signification étymologique de ce nom Insanga n’est pas certaine, car il pourrait bien s’agir d’un radical disparu de la langue actuelle. Nous l’avons traduit par attraction en nous basant sur le radical sanga du verbe gusanga = aller vers, aller trouver. Le nom semblerait ainsi symboliser la convergence ou attraction vers le Roi.

2. Quant aux origines de cette corporation bovine, un fait semble confirmer sa relation avec le fondateur de la Dynastie. Ces vaches constituent la propriété spécifique de la lignée régnante et relève du « code ésotérique en vertu duquel elles jouent un rôle sacré dans le cadre des conceptions précoloniales du Rwanda hamite. Le fonctionnaire chargé du troupeau initial sous GIHANGA était du clan des abazigaba, ayant le léopard pour totem. Il fut l’ancêtre de la famille des abaheka, cette appellation étant dérivée de Mpeka, l’un de ses descendants qui vivait sous le règne de CYILIMA II RUJUGIRA. Le chef patriarcal de cette famille est toujours l’intendant général des Insanga. Ce fonctionnaire est d’office le grand Mwiru-Pasteur, ou dépositaire du code ésotérique de la Dynastie chargé des cérémonies ayant trait à la conservation des vaches au Rwanda.

3. Notons que le titre d’Insanga fut, dans la suite, attribué par quelques rois à d’autres groupements bovins de création ultérieure, lors même que ces nouvelles formations sont désignées sous d’autres appellations. Toute armée-bovine honorée de ce titre devient une corporation dynastique et se voit imposer des prestations relevant du code ésotérique de la Dynastie.

4. L’armée-bovine Insanga, d’office commandée par le chef patriarcal de la famille des Baheka, ne nous présente, dans l’Histoire, aucun incident dans la succession de ses intendants généraux. Ce fut seulement à l’avènement de MUTARA III, que son intendant général appelé KABERA perdit sa fonction. Les bovidés officiellement dépendant de la Cour furent effectivement pris par le régnant, du fait que les cérémonies du code ésotérique étaient désormais abolies, le Monarque s’étant converti au Catholicisme.
Armée-sociale correspondante Abanyansanga (uniquement pasteurs).
Pâturages patriarcaux : la colline de Muganzacyaro, dans la province du Rukoma.
Prestations traditionnelles : toutes du domaine ésotérique, déterminées par Ubwirus ou code ésotérique de la Dynastie.

2. Imilishyo = Baguettes de tambour.

5. L’armée-bovine Imilishyo est également de création immémoriale; elle remonterait, comme la précédente, au règne de GIHANGA, fondateur de la Dynastie. Le premier bénéficiaire en aurait été RUBUNGA, personnage antérieurement détenteur du code ésotérique de la Dynastie des abarenge. Abandonnant le dernier régnant de cette lignée, il serait venu se recommander GIHANGA et lui aurait révélé les premiers poèmes du code ésotérique que le Hamite avait jusque-là ignoré. En récompense de ce service signalé, GIHANGA accorda bien des privilèges à RUBUNGA et l’investit du fief bovin ayant constitué le premier noyau de notre armée-bovine. Parmi les descendants de RUBUNGA s’illustra principalement NYABUTEGE, fils de TEGERANGOMA, qui vivait sous les règnes de NDAHIRO II CYAMATARE et de RUGANZU II NDOLI, au XVIe siècle. Il donna son nom à la famille de RUBUNGA, qui fut désormais appelée Abatege (tege étant le radical du nom Nyabutege). C’est pourquoi l’on dit que ladite armée-bovine est attachée à
la famille des abatege dont le fondateur
le plus ancien connu fut RUBUNGA, lequel n’en est donc pas l’ancêtre éponyme. L’intendant général de ces bovidés, d’office détenteur du code ésotérique, jouit du privilège de grand-intronisateur de la Dynastie.

6. Le commandement de l’armée-bovine Imilishyo inchangé jusqu’en 1896, lors du coup d’État de RUCUNSHU. L’intendant général d’alors, appelé RUTIKANGA, fils de NKULIYINGOMA, était du parti de MIBAMBWE IV RUTARINDWA et ils périrent ensemble. Les tuteurs du jeune monarque YUHI V MUSINGA vainqueur, récompensèrent largement les membres de leur Parti. Le nommé KANINGU, fils de MUTANA, obtint le commandement de cette corporation bovine. Le nouveau fonctionnaire n’avait aucune relation du sang avec les Abatege et il n’était pas membre des détenteurs du code ésotérique. Or, une grave interdiction ancestrale, énoncée par GIHANGA, s’opposait au transfert de ce commandement à quelque dignitaire que ce soit étranger à la descendance de RUBUNGA. Aussi la Cour, en 1896, prit-elle la superstitieuse précaution de laisser quelques vaches aux parents de RUTIKANGA ; la dénomination Imilishyo resta symboliquement attachée à ces dernières, tandis que la réalité du fief était aliénée.

7. Lorsque le chef KANINGU fut destitué en 1905, son immense fief bovin fut scindé en deux parts : la première fut donnée à NYAMUTEZI, fils de RUKANGIRASHYAMBA, tandis que la deuxième passait à SEZIKEYE, fils de NTURO. On remarquera que ni ces deux dignitaires, ni leur prédécesseur immédiat, KANINGU, ne furent pas nommés officiellement chefs de l’armée-bovine Imilishyo ; la Cour se gardait bien de transférer ce titre à quelqu’un qui ne fut pas de la famille des Abatege. L’Histoire ne s’intéresse plus à ces bovidés à partir du chef KANINGU, car la Cour les considérait fictivement comme des vaches quelconques, sans aucune relation avec le code ésotérique, ni avec la famille des Abatege. Le détenteur actuel, également fictif, de l’armée-bovine Imilishyo, ou propriétaire juridique de cette appellation, est SEZIBERA, fils de RUTIKANGA, résidant à Remera dans la province du Kabagali.
Armée-sociale correspondante : Abakaraza.
Pâturages patriarcaux : Remera dit du Kabagali, dans la province de ce nom.
Prestations traditionnelles : déterminées par le code ésotérique de la Dynastie.

3. Ibirayi = Les Noirâtres

8. L’armée-bovine Ibirayi fut créée par CYILIMA I RUGWE. Entre GIHANGA et ce monarque, l’Histoire ne mentionne l’érection d’aucune armée-bovine. La corporation bovine qui nous intéresse ici est également consacrée à d’antiques souvenirs dynastiques. Elle fut créée dans les circonstances suivantes :
CYILIMA I RUGWE avait voulu obtenir la main de NYANGUGE, princesse de Bugufi (actuellement dans le Tanganyika Territory), mais ses projets avaient échoué, car la jeune fille avait été déjà fiancée à NSORO I BIHEMBE, roi du Bugesera. Comme la princesse était du clan des Abakono, CYILIMA I RUGWE recourut aux bons offices du notable NKIMA, membre du même clan et parent de la jeune fille convoitée. Grâce à la complicité de NKIMA, CYILIMA I RUGWE parvint à frustrer Nsono I BIHEMBE et épousa NYANGUGE, la future Reine-Mère de notre KIGELI I MUKOBANYA.

9. Pour récompenser NKIMA, CYILIMA I RUGWE le créa roi-honoraire du mont Nyamweru, sous le signe du Tambour dynastique Nkuru-nziza (la Bonne-nouvelle) et lui donna, comme vaches dynastiques, le premier noyau duquel descend l’armée-bovine Ibirayi. Par décision de CYILIMA I, il fut gravement interdit de transférer le commandement de cette armée-bovine, ni les autres fiefs correspondants, à quelque dignitaire que ce soit, étranger à la descendance de NKIMA.

10. Ces dispositions furent scrupuleusement observées jusqu’en 1896, année du coup d’État de RUCUNSHU. Le chef patriarcal de la lignée de NKIMA, qui s’appelait alors MWARUGURU, avait pris parti pour MIBAMBWE IV RUTARINDWA. Celui-ci une fois vaincu et tué, son partisan MWARUGURU tomba vivant entre les mains des vainqueurs et fut livré au bourreau. Son armée-bovine fut donnée en fief à RWAMWA, fils de RUEANGIRASHYAMBA. Il était certes l’un des détenteurs du code ésotérique les plus en vue, mais il n’avait aucune relation du sang avec la descendance de NKIMA.
Aussi prit-il la précaution de ne gérer son nouveau fief que par l’intermédiaire du nommé MUHUTU, fils de RWABANDA, neveu de MWARUGURU. De cette manière, l’armée bovine avait été enlevée à ses titulaires, tout en restant en même temps entre leurs mains, ce qui déjouait l’interdiction, tant redoutée.

11. La Cour, de son côté, réserva quelques vaches de ladite armée-bovine et les donna au nommé RUBASHA, oncle de MWARUGURU. Ce RUBASHA était promu roi-honoraire du mont Nyamweru et titulaire juridique de l’appellation Ibirayi, dont la réalité du fief avait été aliénée. Le titulaire nominal des Ibirayi est actuellement Alexis BITEGE, fils de RUBASHA, roi-honoraire du mont Nyamweru et sous-chef de Huro, dans la province du Bumbogo. Le titulaire effectif de ces bovidés est le petit-fils de RWAMWA, le chef actuel de la province du Kabagali Fr. Xavier NCOGOZABAHIZI.
Armée-sociale correspondante : Abariza.
Pâturages patriarcaux : le mont Nyamweru., actuellement englobé dans la province du Bumbogo.
Prestations traditionnelles : du domaine ésotérique, déterminées par Ubwiru.

4. Inshya I z’i Remera — Les affermies I de Remera

12. L’armée-bovine Inshya I fut créée par MIBAMBWE I MUTABAZI, petit-fils de CYILIMA I RUGWE. Entre les deux monarques régna KIGELI I MUKOBANYA, auquel la tradition n’attribue aucune corporation bovine. Il existe deux autres armées-bovines dont la dénomination, simple ou composée d’Inshya, pourrait prêter à confusion (voir les A.-B. 49 et 90). Aussi la corporation bovine qui nous intéresse ici est-elle désignée avec la détermination de la localité constituant ses pâturages patriarcaux, à savoir le massif de Remera, dans la province du Buriza, entre Rutongo et la mission de Rulindo.

13. Cette armée-bovine fut créée dans les circonstances suivantes : le prince FORONGO, fils de MIBAMBWE I, faisait pâturer un troupeau de son père dans la province actuelle du Mayaga. Le taureau royal traversa la Kanyaru et alla monter une vache qui paissait à la rive opposée, au royaume du Bugesera. La vache en question fut ensuite surveillée par des espions rwandais et MIBAMBWE I finit par la faire enlever et la posséder. Elle donna le jour à un taurillon, que le Roi éleva avec sollicitude, Il lui imposa le nom de Rushya, qui était celui du taureau dynastique du Bugesera. Il lui constitua un troupeau spécial, qu’il dénomma Inshya, appellation même du troupeau dynastique du même pays.

14. L’étymologie de Inshya ne saurait être déterminée avec certitude ; il existe dans la langue actuelle quatre radicaux shya, mais qui impose le ton haut et bref à la voyelle de la pénultième, tandis que celle du mot Inshya est bas-bref. Le mot est certes d’origine étrangère, mais le Bugesera parle la même langue que le Rwanda et on ne saurait pas dire que dans le passé il en fut autrement. Nous avons choisi la signification d’un cinquième radical disparu de la langue actuelle, mais que nous avons trouvé dans des poèmes du genre dynastique. Sa signification de base, – affermi, – jouissant incontestablement de son prestige, – nous a semblé plus plausible.

15. Après avoir créé son armée-bovine, MIBAMBWE I la confia aux descendants de son fils FORONGO, qui était entre-temps mort en libérateur dans la lutte contre les Banyoro envahisseurs. Le monarque décida que cette corporation bovine serait attachée à perpétuité à ladite famille des Abaforongo, dont le chef patriarcal devait résider à Remera. Cette localité qui était alors résidence royale, devint lieu-cimetière des Rois titulaires du nom Mibambwe. Dix générations plus tard, le Bugesera fut conquis par MIBAMBWE III SENTABY0. Il s’empara finalement des vrais Inshya et de leur taureau Rushya, de la dynastie vaincue du Bugesera. Il les envoya aux Abaforongo rejoindre leurs homonymes, au symbolisme désormais réalisé.

16. Il n’échappe à personne que le code ésotérique de la dynastie attachait une grande importance à ces bovidés, en relation avec le culte rendu à MIBAMBWE I et en prévision de la conquête souhaitée du Bugesera, sans oublier le prince FORONGO dans cet enchaînement « ésotérique ». Dans le cadre du Rwanda

Précolonial, le transfert de commandement des Inshya était doublement impensable. Tout d’abord la décision de MIBAMBWE I s’imposait souverainement. Ensuite, Remera étant un lieu – cimetière royal, les Abaforongo en fonction étaient à l’abri de toute attaque et leurs biens ne pouvaient être saisis.

17. Ce fut seulement sous le régime actuel qu’un changement se produisit, il y a environ 30 ans, dans le commandement de Inshya I. Le nommé GASAKE, sous-chef de Remera, en fut investi et ce fut le premier « profane » qui y exerça jamais l’autorité administrative. Le roi YUHI V MUSINGA lui céda en fief les Inshya et les Abaforongo devinrent ses sujets.
Armées-sociales correspondantes : Abadaheranwa et Uburunga,
Pâturages patriarcaux : Remera, dit des Abaforongo, dans la province du Buriza.
Prestations traditionnelles : relevant toutes du code ésotérique; sous le couvert du roi-honoraire du Nyamweru, représentant des Abaforongo à la Cour.

5. Inka-i-Rwanda = Les vaches-au-Rwanda.

18. L’armée-bovine Inka-i-Rwanda fut créée par RUGANZU II NDOLI au XVIe siècle. Entre ce monarque et MIBAMBWE I avaient régné YUHI II GAHIMA II et NDAHIRO II CYAMATARE; auxquels ne s’attache la création d’aucune armée-bovine actuellement existante. On sait comment NDAHIRO II CYAIVIATARE vaincu et tué à la bataille de Rubi-rw’i-Nyundo au Bugamba.; région actuellement englobée dans la province du Cyingogo, territoire de Gisenyi. Le principal d’entre les vainqueurs était NTSIBURA-NYEBUNGA (fils de MULIRA MUHOY0), roi du Bunyabungo ou Bushi, qui régnait alors sur les régions et les Îles du lac Kivu.

19. Lorsque fut intronisé le grand RUGANZU II NDOLI, plusieurs expéditions furent dirigées contre le Bunyabungo, en vue de venger la mort de NDAHIRO II CYAMATARE. Le butin bovin servit à constituer l’armée-bovine en question. C’est une armée-bovine relevant également du code ésotérique de la dynastie, comme les précédentes. Dans le langage de ce même codé ésitérique, on ne les appelle pas ordinairement Inka-i-Rwanda, mais davantage Inyabungo = originaires de Bunyabungo.

20. Sous RUGANZU II NDOLI, ces bovidés furent confiés à un certain MUGUNGA, de la famille des Abenemugunga (descendants du premier MUGUNGA, ancêtre éponyme du groupe et fils du roi NDOBA, 9e membre de la lignée régnante). Cette armée-bovine n’existe plus en tant que telle. Elle est constituée de toutes les vaches détenues par la famille des Abenemugunga, nonobstant le fait que ces bovidés appartiennent, sur le plan « profane », à différentes armées-bovines. Suivant donc le droit politico-pastoral, les vaches que possèdent les membres de la famille relèvent peut-être de cent armées-bovines légalement distinctes. Mais au point de vue du code ésotérique de la dynastie, cette appartenance à diverses corporations bovines n’entre pas en ligne de compte. Du moment qu’il s’agit d’un membre de ce groupement familial, toute vache qu’il acquiert appartient ésotériquement à l’armée-bovine Inka-i-Rwanda.
Armée-sociale correspondante : aucune.
Pâturages patriarcaux : de même.
Prestations traditionnelles : relevant toutes du code ésotérique de la Dynastie :
a) Livraison d’un taureau qu’en tout temps la Cour pouvait réclamer du roi-honoraire du Nyamwern, lequel l’exigeait des grands Abenemugunga à tour de rôle ;
b) A l’avènement de chaque roi, livraison de cent vaches prélevées chez tous les Abenemugunga et destinées à être distribuées à tous les fonctionnaires du code ésotérique, ayant pris part, d’une manière ou d’une autre, au long cérémonial de l’intronisation et du couronnement. Cette prestation était également exigée par l’intermédiaire du roi-honoraire du Nyamweru, qui était président des Abenemugunga au point de vue du code ésotérique.

6. Ingina = Les roussâtres.

21. L’armée bovine Ingina fut également créée par RUGANZU II NDOLI. Il la donna en fief à un certain GATUKURA, ancêtre éponyme des Abatukura, du clan des Abasinga. Cette corporation

bovine n’existe pas actuellement, non plus, en tant que telle. Elle est formée, au point de vue du code ésotérique, de totoutes les vaches appartenant à la famille des Abatukura, exactemeu comme il en va de la précédente.
Armée-sociale correspondante : aucune.
Pâturages patriarcaux : de même.
Prestations traditionnelles : relevant toutes du Code ésotérique de la Dynastie
a) Les mêmes que pour les Inka-i-Rwanda (sous le a et b par l’intermédiaire du même roi-honoraire du Nyameru.
b) Livraison de taureaux destinés à remplacer les peaux usées de certains tambours mineurs, toutes les fois que besoin en était.

22. REMARQUE. — Nous venons de constater que le roi-honoraire du mont Nyamwern exerçait l’autorité sur les trois armées-bovines précédentes, suivant les prescriptions du code ésotérique de la dynastie. Il faut souligner que ces prérogatives ne découlent pas de quelque relation du sang entre ce dignitaire et les familles en question. Les deux premières, à savoir les Abaforongo et les Abenemugunga, appartiennent au clan dynastique des Banyiginya, et la troisième, les Abatukura, à celui des Abasinga ; tandis que le roi-honoraire du Nyamweru appartient à celui des Abakono. Son autorité relève donc d’un événement historique qui nous est ignoré.

7. Indorero = Les panoramiques

23. L’armée-bovine Indorero tire son nom du troupeau dynastique que RUGANZU II NDOLI razzia chez NZIRA, fils de MUNANIRA, roi du Bugara. Ce monarque s’était allié à NTSIBURA, roi du Bunyabungo (cfr A.-B. 5) et son armée personnelle appelée Abakongoro — les aigles, —avait pris part à la bataille où périt NDAHIRI II CYAMATARE. Appliqué à venger la mort de son père, RUGANZU II attaqua et tua NZIRA, dont il annexa le royaume. Les Indorero furent amenées en butin et le Roi les donna en fief à MPANDE-YA-RUSANGA, illustre personnage de la famille des Abaturagara (descendants de MUTURAGARA, fils de NDOBA, 9ème membre de la lignée). Les descendants de MPANDE- YA-RUSANGA, dont il est impossible de reconstituer la liste
exacte, s’en passèrent le commandement de père en fils, jusqu’au règne de CYILIMA II RUJUGIRA. Sous ce monarque, le dignitaire en était le nommé HURAKO.

24. Lorsque CYILIMA II intronisa son fils NDABARASA comme co-régnant, sous le nom dynastique de KIGELI III, les deux rois consacrèrent ces bovidés au souvenir de RWESERO, mère de KIGELI III, qui était morte avant l’intronisation de son fils.
A partir de ce moment, les Indorero furent assujetties à des prestations ayant trait au code ésotérique. L’intronisation de KIGELI III eut lieu vers la fin du règne de son père et son fils MIBAMBWE III ne resta que quelque cinq ans environ à la tête du pays. Son successeur YUHI IV GAHINDIRO enleva les Indorero à la famille de Hurako et les donna à RUSUKA, en raison de souvenirs ésotéro-historiques auxquels il voulait attacher une plus grande importance. Le nouveau fonctionnaire, en effet, descendait de TEMAHAGALI, lequel avait été jadis amené prisonnier par RUGANZU II NDOLI en même temps que les Indorero, huit générations auparavant. Le commandement de cette armée-bovine est resté depuis dans la maison de RUSUKA, jusqu’à l’intendant général RUTAGIRAGAHU, actuellement sous-chef dans la province du Mayaga en territoire de Nyanza (voix A.-B. 78 et 125).
Armée-sociale correspondante :
a) Avant l’entrée en fonction de RUSUKA : Ibisumizi;
b) Depuis RUSUKA : aucune.
Pâturages patriarcaux : Muyira, dans la province du Mayaga.
Prestations traditionnelles : 2 laitières permanentes à la Cour.

8. Ingondo = Les tachetées.

25. L’armée-bovine Ingondo fut élevée à ce rang, plutôt honorifique vu l’insignifiance de ses effectifs, par MUTARA I SEMUGESHI, fils de RUGANZU II. L’oncle paternel de MUTARA I, le prince KIBIGO, venait d’être foudroyé. Il en fut considéré comme un libérateur choisi par le « roi d’en-haut » (la foudre)

en vue de procurer régulièrement au Rwanda le bienfait de la pluie. Son troupeau personnel était appelé Ingondo. Le Roi çonsacra ce troupeau au culte du soit-disant libérateur et décida que la Cour perpétuerait l’existence de ces bovidés, en temps qu’elle érigerait régulièrement à la capitale une habitation pour l’esprit de KIBOGO. Nous avons rangé cette armée-bovine plus symbolique que réelle parmi les corporations ici étudié parce qu’elle existait en vue de fournir des prestations à la Cour, ce qui est la caractéristique de cette institution.
Armée-sociale correspondante : théoriquement Abanyangondo
Pâturages patriarcaux : Gahanda, dans la province du Busanza Nord.
Prestations traditionnelles :
a) Entretien d’un certain nombre de vaches dans la résidence consacrée au culte de KIBOGO, aux abords immédiats de la Cour ;
b) Élevage d’un taureau appelé Rushakamvura (le cher cheur-de-la-pluie).

9. Ingoma = Les tambours.

26. L’armée-bovine Ingoma fut créée par MIBAMBWE II GISANURA en faveur de l’Aède dynastique appelé Muguta. Le commandement en resta, d’une manière ininterrompue, jusqu’à nos jours, aux Chefs patriarcaux de sa lignée. RUHUMULIZA, fils de KANYABUJINJA, mort en 1951, les laissa en héritage à un enfant alors mineur appelé TWAGIRAYEZU.
Armée-sociale correspondante : Abanyangoma (uniquement pasteurs).
Pâturages patriarcaux : Murehe, dans la province du Mayaga.
Prestations traditionnelles : 1 laitière permanente à la Cour

10. Umuhozi = Le vengeur

27. L’armée-bovine Umuhozi fut créée sous MIBAMBWE II GISANURA. Elle entre dans l’histoire comme troupeau personnel du prince GAHINDIRO, fils de monarque. Ces vaches portaient alors une autre appellation, celle de Umuhama, dont il est difficile d’expliquer l’étymologie. Le même prince GAHINDIRO exerçait ce commandement sous le règne de son frère YUHI III MAZIMPAKA. Sous les deux règnes suivants, de CYILIMA II et de KIGELI III, aucun fait n’est signalé au sujet de cette armée-bovine. Mais à l’avènement de MIBAMBWE III SENTARYO, nous assistons à la destitution spectaculaire de l’intendant général, du nom de NYIRAKIMONYO, qui est livré au bourreau non sans avoir eu préalablement les dents brisées à coups de pierres, pour avoir dilapidé ou mal entretenu les troupeaux à longues cornes de cette armée-bovine confiée à ses soins. Il eut pour successeur le nommé MUTIMBO, fils de SENKUNDA.

28. YUHI IV GAHINDIR0 (homonyme du précédent prince) changea le nom Umuhama en celui de Umuhozi, en vertu d’un symbolisme du code ésotérique que la Cour attachera désormais à cette armée-bovine. Pendant tout le long règne de YUHI IV GAHINDIRo, MUTIMBO commanda paisiblement ces bovidés, tandis que son fils RUGAJU, grand favori du monarque, dictait ses volontés à tout le pays. Mais à l’avènement de MUTARA II RW0GERA, le tout-puissant ministre de YUHI IV fut condamné à mort et toute sa famille disparut dans la même catastrophe. L’armée-bovine Umuhozi fut donnée au prince NKUSI, frère du nouveau monarque. Il eut pour successeur son fils RWAMPEMBWE, que KIGELI IV RWABUGILI devait livrer au bourreau en 1873, année qui précède la comète de Coggia.

29.A la mort de RWAMPEMBWE, KIGELI IV donna Umuhozii à MUHAMYANGABO, fils de BYABAGABO. Le fonctionnaire fut obligé, par son armée-sociale, de démissionner, aux environs de 1885. Ce fut en ce moment que le Roi nomma le chef KABARE comme intendant général de l’armée-bovine Umuhozi. Mais elle avait précédemment fusionné avec celle appelée Impeta , déjà sous le commandement du prince NKUSI. KIGELI IV décida en ce moment que les Impeta appartiendraient à son fils RUITARINDWA. Il s’avéra cependant impossible de séparer équitablement les deux corporations bovines. Le chef KABARE comprit très vite que le partage s’accompagnerait de palabres sans fin et que le prince RUTARINDWA ne manquerait pas de lui en garder rancune. Il démissionna de son nouveau commandement et
suggéra au Roi que l’armée-bovine Umuhozi fût donnée également à RUTARINDWA, proposition qui fut aussitôt acceptée Le prince géra les deux armées-bovines unies, par l’intermédiaire de MUHUZI, fils de SEBIRERA. Lorsque ce dernier fut condamné à mort quelques années plus tard, le prince nomma à ce commandement subalterne le fameux RUTISHEREKA, fils de SENTAMA. Celui-ci en devint l’intendant général effectif en 1889, lorsque le prince RUTARINDWA fut intronisé comme co-régnant le 22 décembre de ladite année, événement qui coïncida avec la dernière éclipse totale de soleil observée en nos régions. Le nouveau fonctionnaire devait prendre une part déterminante au renvérsement de MIBAMBWE IV lors du coup d’État de Rucunshu. Il fut ensuite destitué et massacré avec toute sa famille en 1898.

30. Il eut pour successeur le chef SEBUHARARA, fils de RWAMPEMBWE (déjà mentionné), lequel fut destitué en 1905 et tué à la bataille de Rwata, tandis qu’il tentait de passer la frontière et de se réfugier à l’étranger. Le chef RWANGEYO, son cousin, le remplaça dans tous ses commandements. Il les légua à son fils CYITATIRE, auquel succéda son fils HAJABAKIGA. Ce dernier mourut prématurément et fut remplacé par son jeune frère NTWARABAKIGA, vivant actuellement dans la sous-chefferie de Nyarubaka, province du Nduga. L’armée-bovine est tenue à l’élevage de nyambo ou vaches à longues cornes.
Armée-sociale correspondante : Abashakamba.
Pâturages patriarcaux : Murambi, près Karambi, dans province du Buganza.
Prestations traditionnelles :
a) 2 laitières permanentes à la Cour ;
b) 1 jarre de lait quotidienne appelée Rusave, de la capacité de 6 jarres portables (chacune constituant la charge normale d’un homme adulte) ;
c) A la mort du Roi, une prestation du code ésotériqiie pour les obsèques royales (imposée depuis YUHI IV GAHINDIRO).