ÉRECTION D’ARMÉES-SOCIALESDE KIGELI I MUKOBANYAA MIBAMBWE II GISANURA (XVe-XVIe siècle)

  1. Cette deuxième section est caractérisée, d’une part, par le genre de prestations attachées aux diverses Milices et qui en différencient clairement la structure d’avec celle des Armées recensées au cours de la section précédente. Elle est caractérisée d’autre part, par la rareté d’informations traditionnelles, concernant les vicissitudes de leur commandement. On voit que nous sommes dans la période où la Cour a centralisé les affaires du payset qu’elle a créé les corporations guerrières, non plus en fonction des Tambours, mais en vue de couvrir ses besoins économiques. Il arrivera certes, comme nous l’avons déjà rappelé, que telle Milice soit chargée d’une fonction ayant trait aux Tambours-emblèmes de la Dynastie, mais ce sera toujours une prestation accessoire, les principales redevances se trouvant dans la structure nouvelle.

 

SOUS KIGELI I MUKOBANYA.

 

  1. Abatsindiyingoma = les Triomphateurs pour la Dynastie.

 

  1. L’Armée-Sociale Abatsindiyingoma(contraction de Abatsindiye-ingorna) = Les Triomphateurs pour la Dynastie (le Royaume ou la Royauté, autant de significations que figure le -terme ingoma = tambour), fut créée par KIGELI I MUKOBANYA, fils de CYILIMA I. Il en confia le commandement à MUZIMANGANYA, du Clan des Abacyaba. Comme nous l’avons vu plus haut, il s’agit du nom dynastique en cours chez les Chefs des Abahiza (n°10). Le nom civil dudit fonctionnaire reste inconnu

 

  1. A partir de ce règne, c’est le silence le plus absolu, jusqu,au règne de YUHI IV GAHINDIRO. Ce monarque en confia le commandement au notable BITUGANYI, fils de SENGATI, déjà Chef des Armées unies Intarenbaet Imitali(cfr. N° 130, 160), sonfils LITARARENCA en est dépossédé par KIGELI IV RWABUGILI parce que ce Chef avait obstinément refusé de boire au même chalumeau qu’un MutWaanobli le jour même (cfr. N° 176). Le nommé RUDAKEMWA, fils de SAKUFI, en fut investi. A ce fonctionnaire succéda son fils RUKABURA, qui légua ses biens à SEMUGESHI. A celui-ci succéda MAHINGÂ, mais à une époque où ces institutions étaient largement dépassées par l’évolution actuelle.

Prestations :

1)La section des Batutsi : peaux d’animaux et flèches en nombre indéterminé; signe que la milice comportait des chasseurs et des forgerons lorsqu’elle fut formée ;

2)La section des Bahutu : du bois de chauffage destiné à entretenir le «Feu» dit de GIHANGA, qui était allumé en permanence à la Cour.

 

  1. Ibidafungura = Ceux qui boivent sec.

 

59.Nous citons ici ces fameux guerriers, qui n’ont laissé dans les institutions traditionnelles aucune trace. Les ibidafungura= Ceux qui boivent sec (sans couper d’eau), constituaient la garde personnelle de KIGELI IMUKOBANYA. Ils lui servirent d’instrument pour mâter les Princes plus ou moins indépendants et supprimer le système ancien de structure fédérative, en vue do construire désormais un État unitaire fortement centralisé.

 

60.Suivant la norme traditionnelle, ces guerriers auraient dû constituer le noyau d’une Armée-Sociale permanente. Mais après le règne où ils accomplissaient tant de merveilles en faits d’armées, on n’en entend plus parler. L’Armée aurait-elle sombré dans la catastrophe que fut la mort de NDAHIRO II CYAMATARE, ou aurait-elle fusionné petit à petit avec une formation plus puissante, jusqu’à y disparaître complètement ?

 

61.On ne peut pas non plus supposer que ce fût une Compagnie de l’Armée Abatsindiyingoma, la seule du règne qui a subsisté jusqu’à notre époque et que nous venons de recenser. Dans ce cas, en effet, puisque les Ibidafungura étaient la Garde Royale, ils eussent formé la toute première Compagnie de la Milice et ils eussent donné leur nom. Ils ont donc disparu d’une des deux manières que nous venons de suggérer.

 

  1. Uburunga = le Rouge écarlate.

 

  1. L’Armée-Sociale Uburunga = Rouge-écarlate, fut créée par MIBAMBWE I MUTABAZI, fils et successeur de KIGELI I. Cette Milice si fameuse cependant dans nos traditions, comme principal artisan de tant de conquêtes territoriales, fut en principe condamnée à l’insignifiance par la volonté de son maître. MIBAMBWE I voulut en effet qu’elle fût liée à la Famille de FORONGO, l’un de ses fils tombé en Libérateur lors  de la dernière invasion des Banyoro. Liée à cette Famille et à la capitale-cimetière de Remera, au Buriza, elle ne po uvait que s’étioler. Attachée en effet au cimetière où reposait MIBAMBWE I, ellen’avait plus de contacts possibles avec la Cour. Elle n’avait en conséquence aucune raison, ni aucun moyen d’ailleurs, de s’amplifier.

Prestations : La Milice en tant que telle, n’était chargée d’aucune redevance à la Cour, puisqu’elle était commise exclusivement à la garde de tombeaux royaux. Mais la Famille des Abaforongo, en tant que groupe familial, était sujette à des redevances envoyées indirectement à la Cour, et appartenant au domaine ésotérique, sous le couvert de leur représentant officiel, à savoir le Chef des Abariza (n° 46 sq.).

 

  1. Abadaheranwa = les jamais définitivement défaits.

 

  1. L’Armée-Sociale Abadaheranwaremonte également au règne de MIBAMBWE I. La signification étymologique Est très claire en soi, mais difficilement traduisible ; c’est un substantif formé à partir du verbe guherana = ici infliger une défaite définitife; mais le nom renferme la particule négative da, qui en fait : Ceux qui ne subissent jamais une défaite définitive, ceux qui, en conséquence, dans la lutte auront le dernier mot, même s’ils perdaient initialement quelques batailles.

 

  1. L’Armée-Sociale sous examen comportait deux sections : l’une répandue dans le pays, et l’autre attachée à la capitale mortuaire de Remera, en parallèle avec la précédente. Aucun point de repère dans le commandement entre MIBAMBWE I et YUHI IV GAHINDI.Sous ce dernier monarque, les Abadaheranwafurent confiés à MUNANA, fils du Libérateur GIHANA,et ils suivent depuis lors le sort de l’Armée-Sociale Intaganzwa (n° 315;sq).

 

Prestations; Aucune, pour le même motif que les Uburunga: Armée-Bovine correspondante : Inshyaz’iRemera; celle des Uburunga.

 

SOUS YUHI II GAHIMA II

 

  1. Amatana-ngabo = les Cigognes blanches ( ?).

 

65.Nous mentionnons tout d’abord les Amatana-ngabo, duverbe gutana = courir dans la direction opposée à celle que désire le conducteur ; le substantif itana, au pluriel amatanarépond à cette signification purement nominale. Le deuxième  membre du nom est ingabo = Armés; le terme a perdu sa voyelle initiale en entrant en composition avec le précédent. Le nom composé répond cependant à la signification réelle n’ayant aucun rapport obvie avec ce qui vient d’être analysé. C’est le nom d’un bel ailé de grande taille, qui semble très probablement être la Cigogne blanche. C’est le nom que YHI II GAHIMA IIavait imposé à sa Garde personnelle, commandée en second par son cousin ZUBA, fils de GITORE(fils, celui-ci, de KIGELI I).

 

66.Nos bardes, surtout en poésie dynastique, célèbrent à l’envi les exploits des Amatana-ngabo, particulièrement au sujet de leur victoire sur CYUBAKA, fils de NYABIKEZI, Roi du Mubali, qui résidait alors à Nyagasiga, dans les environs immédiats de l’actuel poste missionnaire de Kiziguro. Le potentat y fut tué, son Tambour-emblème, le Sera, et son taureau de règne, le Rushya, furent amenés parmi le butin, Ne voilà cependant pas une Milice de plus qui aurait disparu sans laisser la moindre trace ! On se l’expliquerait facilement, vu que la catastrophe du règne suivant surprenait ces corporations au berceau, avant la stabilisation des cadres sociaux, si les deux autres Milices suivantes de la même époque n’avaient réussi à se perpétuer jusqu’à nous.

 

  1. Abazira-kubingwa = les Réfractaires à la déroute.

 

  1. L’Armée-Sociale Abazira-kubingwafut créée par YUHI II GAHIMA II, qui la confia à MATEKE, descendant de RUBIINGA L’ANCIEN (n° 12). Le nouveau Chef avait été chargé de l’éducation du prince, tandis qu’il passait ses premières années au Karambo dit de Rukore, loin des intrigues de la Cour, où sa vie aurait été en danger. A une époque inconnue de nous, le gros, sinon la totalité de la Milice, se concentra dans la même zone, à la frontière Nord, dans la Préfecture actuelle de Byumba, autour d’e la localité appelée Nyabishambi. Elle fut toujours sous la direction immédiate des descendants de MATEKE, mais dont il est impossible de dresser la généalogie. Le fonctionnaire gardait toujours le tambour appelé Muhabura = le Point de repèresouvenir du temps où YUHI II, encore prince, vivait en cachette était né, loin de la Cour et à l’insu de ceux qui l’auraient supprimé en vue d’exclure toute rivalité contre la candidature témérairement affichée du prince HONDI.

 

  1. Sous CYILIMA II RUJUGIRA, l’Armée-Sociale fut placée sous l’autorité supérieure de SEMAKAMBA, fils du Mutwa anobli BUSYETEfils de MYUGA, ancêtre éponyme de la Famille Abasyete. SEMAKAMBAlégua cette dignité à RUGIRA, auquel succéda KATABIRORA. Celui-ci la légua à RWAMUHUNGA, qui la laissa àonfils BIGANDA, SOUS KIGELI IV RWABUGILI.

 

  1. Lors du Coup d’État de Rucunshu, le bien nommé MUTWEWINGABO = Tête-des-Armées), descendant de MATEKE, partisan de MIBAMBWE IV vaincu, se révolta contre YUHI V MUSINGA. Il passa à l’attaque, descendant des régions de Byumba, et porta les armes jusqu’à Masoro (Rutongo) au centre du Buriza . Ilentendait faire introniser BIREGEYA, un autre fils de KIGELI IV et le tambour Muhaburaservit de signe de ralliement au mouvement insurrectionnel dénommé Ruyaga =la grosse-tempéte.MUTWEWINGABO put même atteindre le prince BIREGEYA avec sa mère MUSEREKANDE, qu’if amena avec lui vers le Nord. Le prince et sa mère, arrêtés au Gisaka et conduits vers la Cour qui devait décider de leur sort, avaient été enlevés à leurs  geôliers par des partisans de MUTWEWINGABO, dans le Bwanacyambwe.  On dit que, finalement vaincu, MUTWEWINGABO se serait suicide mais on ne trouva jamais son corps, pas plus que ceux de deux protégés.

 

  1. Lorsque BIGANDA fut destitué par les Autorités belges, et que son successeur désigné, RUDAHANWA, fut exilé à Kamembe, l’Armée-Sociale Abazira-kubingwaentrait déjà dans le tourbillo de l’évolution actuelle comme tant d’autres institutions similaires.

Prestations : Un nombre indéterminé de houes, de cruches de miel et de paniers de vivres (haricots et sorghos) trois foispar an.

Armée-Bovine : inexistante dans les traditions.

 

  1. Nyaruguru = les Palatins.

 

71. L’Armée-Sociale Nyaruguru = les Palatins (litt. Ceux du lieu élevé, circonlocution pour désigner la Cour), fut créée sous YUHIII GAHIMA II. Il confia ce commandement à MUTEYI, fils de NYABUTAMA (celui-ci fils de MIBAMBWE I). Ce dignitaire toucha accidentellement de sa javeline un tambour, acte jugé comme un crime de lèse-majesté de la pire catégorie. Aussi – fut-il immédiatement exécuté et sa maison fut-elle proscrite et vouée à l’extermination, car elle devenait une impureté source de malheurs incalculables pour tout le pays.

 

  1. Le commandement passa alors au prince GHINDIRO (Rappelons que les trois monarques du nom Mibambweeurent des fils appelés Gahindiro, lesquels devinrent ancêtres de Familles :

Gahindiro,fils de MIBAMBWE I, ancêtre des Abenegahindiro; Gahindirofils de Mibambwe II, ancêtre des Abakebya(de Nkebya n°237),Gahindiro (Yuhi IV) fils de MIBAMBWE III, ancêtre des Abahindiro).

Fils de MIBAMBWE I. Ce prince légua sa dignité à son fils RUTAHA. A partir de ce moment, c’est le silence le plus absolu jusqu’au CYILIMAII RUJUGIRA, soit en gros quelques 230 ans plus tard, en nous basant sur le genre de supputation plus d’une déjà utilisée. CYILIMA II confia le commandement de la Milice à son fils RWAMAHE et l’envoya à la frontière Sud-Ouest du pays pour y fixer un campement permanent, en vue de défendre cette élite contre les Armées de MUTAGA III SEBITUNGWA, Roi du Burundi qui la harcelaient. Ce fut ainsi que l’élite de ladite Milice seporta en masse et se fixa définitivement dans la région qui prit dans la suite le nom de Nyaruguru.

 

  1. Le prince RWAMAHE, sous KIGELI III NDABARASA, légua ses commandements à son neveu SENYAMUDIGI, fils de BIDELI, lequel fut destitué sous YUHI IV GAHINDIRO pour incapacité guerrière. Il venait d’être rapporté à la Cour, qu’une bande de Barundi armés avait pénetré dans la province jusqu’à Coko. De leurs bâtons ils avaient flagellé le sol, en disant : « Supporte bien les coups de bâton, ô Rwanda, car tu n’as personne qui puisse te défendre ». Le Chef jugé indolent fut donc écarté et à sa place fut nommé NYARWAYA, fils de MBYAYINGABO, celui-ci fils du prince GAKOMBE (fils de YUHI III). Le nouveau Chef passa immédiatement à l’attaque au moyende commandos que dirigeait son lieutenant RUHAGAZI, du Clan des Abasinga, ancêtre éponyme des Abahagazi. Ce genre de guerre incessante, par batailles de surprise, mit fin aux incursions des bandes venant du Burundi. NYARWAYA établit ensuite un puissant camp des Marches, dirigé par son autre lieutenant KUBANJI, de la Famille des Abenegitore.

 

  1. Il prit part à l’expédition de kuMuharuroau Burundi, mais son armée y fut taillée en pièces :(Depuis que CYILIMA II avait inauguré le système des Camps des Marches le long de la frontière, les Barundi avaient renoncé aux invasions ; YUHI IV, troisièmesuccesseur de CYILIMA II, voulut envahir le Burundi et dirigea deux expéditions monstres sur la région du poste missionnaire actuel de Kanyinya. Ce fut deux fois de suite un échec retentissant ; non seulement les Armées y subirent deux désastres, mais encore plusieurs Chefs y perdirent la vie. Et les deux fois ce fut autour de la localité appelée kuMuharuro, mais devenu depuis Kirundo, c’est-à-dire Tas, parce qu’on y avait fait un tas de cadavres des vaincus : ikirundocy’ Abanyarwanda= le tas des Rwandais. Cette localité reviendra plusieurs fois au cours de cette monographie, car les deux désastres font époque dans l’histoire militaire du Rwanda).

 

Il dut son salut à la fuite àtravers la forêt des environs et en atteignant péniblement le marais de la Kanyaru, escorté d’une poignée de braves, dont RUHOGO fils de SENTAMA, et les deux frères RUBARE et RUGIMBANA, fils de MATABARO, un Muhutu immigré du Gisaka.  Ce MATABARO avec ses huit fils constituèrent pratiquement dans la suite une Armée au sein de  l’Armée Nyaruguru. Ils se livrèrentà des attaques nocturnes contre le Burundi et se rendirent bientôt si fameux, que la Cour les prit sous ses ordres et en fit espions attitrés de la frontière. MATABARO reçut même de YUHI IV GAHINDIRO un carquois remplis de flèches, avec autorisation d’assister aux combats et de tirer sur tout Rwandais fuyard. La Famille des Abatabaro fut si prolifique qu’ils constituèrentsous le règne suivant, un camp des Marches à eux seuls, avec cette spécialité que pour y passer la nuit il fallait être un homme mariéet en compagnie de son épouse. De cette manière on excluait la possibilité d’y laisser pénétrer un espion. Cette Famille constitua ainsi la sous-milice, d’entre les Nyaruguru, que l’on appelle: Abahebyi en langage guerrier ; c’est-à-dire : les Volontairement voués au danger, ou plus littéralement : Ceux qui ne font plus casde leur vie = A bahebye amagara. Mais ils n’atteindront ce stade que plus tard, après la mort de NYARWAYA, qui aura eu le mérite de leur en avoir donné initialement les possibilités. .

 

  1. NYARWAYA était lui-même un guerrier fameux, « de son propre arc », comme on dit, il n’encourageait pas de loin ses subalternes, mais il se battait lui-même. La Compagnie qu’il avait trouvée en activité, la toute première connue de la Milice, s’appelait Abatakwa = Ceux auxquels on n’arrache pas les victimes (s. e. pour les empêcher de leur enlever le trophée) :(Le trophée: les organes génitaux de l’ennemi abattu. Cette coutume des zones hamites et Nilo-Hamites a été introduite par les Hamites interlacustres en notre zone. La Coutume Rwandaise pose comme taboule prélèvement dudit trophée sur un Rwandais ;il fallait donc que cc fut toujours sur un étranger. C’était une honte à nulle autre pareille que de laisser mutiler son compagnon d’armes; aussi sur les champs de batailles les guerriers luttaient-ils avec acharnement en défendant les cadavres, afin que l’ennemi ne pût les mutiler).

Il forma lui-même la Compagnie Abadaheranwa I (il y en aura plus tard une autre du même nom) = Ceux qui ne subissent jamais une défaite définitive. (A ne pas confondre Milice et Compagnie, car ce nom  désigne également une Milice ; cfr. no 63 sq.).

 

  1. A la mort de YUHI IV, le Burundi envoya contre le Rwanda une expédition monstre, appelée Rwagetana = l’Entr’ égorgement. NTAREIV RUGAMBA s’y était pris soigneusement : toute la frontière Sud fut envahie, de manière à empêcher les Rwandais à porter mutuellement secours. Un espion Rwandais, appelé RUHISO, avait bien averti la Cour que l’expédition aurait lieu à la pleine lune, mais il en avait tellement annoncé antérieurement qui n’eurent pas lieu, que cette fois-ci encore on ne le prit pas au sérieux. Voyant qu’on se moquait de ses expéditions imaginaires, il avait éclaté en sanglots ; la Reine Mère avait dit : «Mon espion mentait, mais il ne pleurait pas. Qu’on fasse tout de même attention dans le cas où il aurait enfin raison. » Parmi les Chefs du Sud, seul NYARWAYA veilla : les colonnes qui débouchèrent la nuit sur sa frontière furent dignement reçues et battues. Les envahisseurs étaient placés sous le commandement de MAKUNGU, fils de SEBIHUZENGE, et NYARWAYA le connaissait pour l’avoir combattu antérieurement. Sur les autres zones de la frontière, les Barundi avaient passé au cour s de la nuit, en évitant d’alerter les camps des Marches. Ceux-ci n’en furent avertis que bientard et ils se mirent à la poursuite des envahisseurs qui s’étaient enfoncés à l’intérieur. La tactique des Barundi les perdit, car ils ‘fuient entièrement encerclés ; ce fut un désastre compensant celui que, sous le règne précédent, les Rwandais subirent à kuMuharuro.

 

  1. NYARWAYA mourut environ un mois avant MUTARA II RWOGERA ; notons qu’on l’appelle NYARWAYA-NYAMUTEZI, pour ledistinguer de NYARWAYA-URUTESI, fils de BYAVU, Chef, des Imvejuru. Les deux Chefs vivaient sous le même règne. Leur homonyme antérieur, NYARWAYA fils de YUHI III, dans cette même ligne de précision, est appelé NYARWAYA-KARURETWA (cfr. H.A.B,n° 110).
  2. Le successeur de NYARWAYA-NYAMUTEZI fut son fils NYANTABA. Il sera l’un des soutiens les plus solides de KIGELI IV, successeur de MUTARA II. Aux Abadaheranwa 1 encore en activité, NYANTABA ajoutera la Compagnie Intwali= Les Preux, ainsi que celle des Abahebyi. Il fut destitué par KIGELI IV, du vivant de la Reine Mère, soit avant 1861. Son commandement fut alors donné à GIHARAMAGARA, fils de RWAKAGARA. Mais les Nyarugurun’acceptèrent pas de bon coeur le nouveau chef du fait qu’il commandait une autre Milice de premier plan, les Uruyange: à ses yeux les Nyarugurupassaient au second plan. Aussi notables intriguèrent-ils pour se libérer de ce Chef. Ils firent entrer dans leur jeu le nommé KARAMA, fils de BARAHIRA et neveu de la Reine Mère. Une fois KARAMA gagné à 1’idée, il fallait trouver une faute à reprocher à GIHARAMAGARA. Ce fut laCompagnie des Abahebyiqui s’en chargea : elle organisa, à l’insu du Chef, une expédition au Burundi ; la localité visée fut le Byuya, dit de Samutuku. Ils y firent un butin important et rentrèrent dans le pays. Ils décidèrent de se rendre à la Cour pour faire défiler le butin, toujours en dehors de leur nouveau Chef.

 

  1. RUGAGAZA, fils de GIHARAMAGARA, qui saisissait bien la gravité du cas, tenta de barrer la route aux Abahebyi et de leur enlever ce butin, mais les Abahebyi furent plus fort que lui. Son intervention constituait plutôt une faute de plus : il avait tenté de combattre ses sujets. Ceux-ci rentrèrent chez eux, avec le butin que RUGAGAZA n’avait pu leur enlever, et le nommé MPAMO, fils de NYARWAYA, s’en fut à la Cour pour faire connaître le détail de l’incident. Immédiatement GIHARAMAGARA fut destitué: il était devenu évident qu’il n’avait aucune autorité à la frontière, puisque des expéditions s’organisaient ainsi à son insu. Et puis il était tellement en conflit avec sa Milice, que son fil s voulait se battre contre une Compagnie de celle-ci. Et qui plus est, il l’empêchait d’aller montrer le butin à la Cour.

 

  1. KARAMA,neveu de la Reine Mère fut alors placé à la tête des Nyaruguru. Entre temps, NYANTABA. était remonté dans l’estime du monarque, et la Milice comptait tant de membres de sa Famille, qu’on aspirait à l’avoir de nouveau à la tête des Nyaruguru. KIGELI IV proclama alors l’expédition contre le Bumpaka, région située à l’Est du lac Édouard. Au retour de l’expédition, le monarque arrivé à Kigali donna un ordre sévère à tous les Chefs, leur défendant de laisser passer le butin de leurs Milices à l’Ouest de la Nyabarongo. Il désirait faire le partage à Kigali même. Les Chefs portèrent cet ordre à la connaissance de leurs subordonnés. Mais le gué de Nzovi, au pied du Nyamweru, était commandé par MUKULIRA, fils de NYARWAYA-NYAMUTEZI et frère de NYANTABA. Avec sa connivence, les Nyaruguru traversèrent toute la nuit et firent passer les troupeaux du butin, sans que KARAMA se doutât de rien. Le Roi apprit la nouvelle que d’immenses troupeaux du butin avaient traversé la rivière au cours de la nuit. Il convoqua les Chefs et demanda lequel  d’entre eux s’était permis de transgresser ses ordres, ou de négliger de les transmettre à ses subordonnés. Tous jurèrent sur la vie du Roi et KARAMAqui ignorait tout en fit autant. On s’aperçut cependant assez vite que les Nyaruguru n’étaient plus à l’Est de Nyabarongo. KARAMA fut destitué séance tenante. Après les pourparlers et les jeux d’influence, NYANTABA fut de nouveau nommé à son ancien poste.

 

  1. Il sera de nouveau destitué peu avant l’expédition dirigée coutre la région du Gikore (non loin de la ville de Kabale au Kigezi), et même sera livré au bourreau peu de temps après. L’expédition du Gikore se place entre juin 1878 et juin 1879. Le successeur de NYANTABA fut KINIGAMAZI, fils de KABATENDE, de la Famille de Abaka : il commanderait les combattants ; tandis que les éleveurs de la Milice étaient placés sous les ordres NZIGIYE fils de RWISEYURA, qui se fit remplacer sur les lieux par son frère SABUHORO. Les deux fonctionnaires étaient nommés temporairement : le vrai successeur de NYANTABA était le prince MUHIGIRWA, fils de KIGELI IV ; mais il n’était pas d’âge à exercer le pouvoir.

 

82. KINIGAMAZI fut impliqué dans le complot qui aurait été ourdi contre NYILIMIGAEO (Cfr n°316-318). Il s’exila au Burundi et en n’entendit plus jamais parler de lui. Il fut remplacé par SHANKUMBAfils de NYAMURWANA, de la Famille des Abaya. Ce nouveau fonctionnaire voulut s’emparer des biens de NYANDERA, fils de NYARWAYA-NYAMUTEZI. Il se rendit à Rubengera où se tenait la Cour et assura le monarque que NYANDERA n’avait laissé aucun héritier. Il confirma ses dires en jurant par là vie du Roi. Celui-ci lui accorda le fief sollicité. Mais le bénéficiaire quittait à peine la Cour, que RWANAZA, fils de NYANDERA, se présenta à KIGELI IV et démontra que SHANKUMBA avait menti. Les envoyés du monarque rattrapèrent le parjure sur la route du retour et le ramenèrent à Rubengera : il fut livré au bourreau pour avoir juré mensongèrement par la vie du Roi.

 

83.Arriva le moment où le prince MUHIGIRWA entra dans le Nyaruguru et prit lui-même les affaires en mains. Ce fut rage d’or des Nyaruguru.Iirecruta les Compagnies Ijuru = le Firmament et Abaganwa = les Princes (dénomination empruntée  aux institutions du Burundi). Il forma celle appelée Intera-rubango = Les Virtuoses dans le jet de la Javeline d’entre les Abahebyi commandée celle-ci par RUBINDO, fils de MATABARO.Le prince forma aussi celle des Batwa de la for.ée , les Ishabi(étymologie inconnue). La Milice passa pratiquement au premier rang de toutes les organisations similaires ; surtout lorsque MUHIGIRWA fut intronisé sous le nom dynastique de Mutara-Muyenzien fonction de symboles que voulait reproduire KIGELI IV. A partir de ce moment, en effet, le prince s’empara de toutes les Milices de son territoire administratif : les Abashumba, les Abashubije, les Abadahemuka, les Abashahuzi et les Indilira. Tous les guerriers de ces Milices furent versés dans les Compagnies dont il vient d’être question et MUHIGIRWA que son père laissaitfaire, devint le plus grand Chef du pays. Les Nyarugurudevenaient la Milice la plus fte qu’on n’eût jamais vue, tous les annexés perdaient leur personnalité propre pour gonfler celle du nouveau trône. Le prince MUHIGIRWA devenait l’indispensable à toute expédition et il serait superflu de dire que ses valeureuses Compagnies accomplissaient des exploits complaisamment colportés par nos Bardes. C’était à la bataille de Shongi près Butaka, dans le Nkole, par exemple, durant la dernière expédition du règne de KIGELI IV, que les Bahima armésfusils, furent battus, laissant 98 cadavres sur le terrain, grâce principalement à la Compagnie Ijuru, dirigée par BUYENGE, fils de RWANKUBITO. Lors de cette bataille mémorable, le guerrier MUHUZI, fils de RUHOGO (n° 74), accomplit un geste que les auditeurs du poème épique n’entendent pas sans essuyer unelarme. La corde de son arc s’étant cassé au plus fort de la mêlée, s’est simplement assis par terre, en s’écriant : Que ceux qui veulent fuir s’en aillent ! Mais qu’ils rapportent à ma femme que je suis mort en refusant de fuir, moi ! »

 

  1. A la mort de KIGELI IV, MIBAMBWE IV commit la faute psychologique d’offenser MUHIGIRWA, en lui enlevant son titre de « roi ». Tout le monde s’accorde pour dire que si MHIGIRWA avait été de son côté, le Parti de MUSINGA n’eut même pas pu se former. Dépité par cet affront, MUHIGIRWA se retira de la Cour, non sans avoir promis son adhésion à la Reine Mère NYIRAMIBAMBWE IV KANJOGERA, mère naturelle de MUSINGA et adoptive de RUTARINDWA, qui allait quelques mois plus tard devenir NYIRAYUHI V. Le prince venait de prendre part à la malheureuse expédition de Shangi, contre les Officiers belges, qui avaient décimé la Compagnie Ijuru, lorsqu’il fut atteint par la maladie du pian.

Il se retira chez lui et permit au Parti de MUSINGA d’agir en son absence : il avait trouvé dans sa maladie un motif valable de ne pas se mêler directement aux événements. Il retint sa Milice que RUTARINDWA réclamait avec insistance. Cette abstention sera aussi la perte du prince si puissant.

 

  1. Après le triomphe de YUHI V, en effet, le prince communiqua avec la Cour par l’intermédiaire de son échanson appelé MAKABUZA, fils de MURINZI. Celui-ci était de coeur partisan de RUTARINDWA et il imaginait les moyens de le venger. II trahit la confiance de son maître en lui faisant croire que la nouvelle Reine Mère avait repoussé les présents envoyés par son intermédiaire. MUHIGIRWA crut à la réalité de cette histoire inventée de toutes pièces et il se révolta, seul moyen, à ses yeux, de sauver peut-être quelque chose. Lorsque le nommé SERUTWA, de la Compagnie des Abahebyi, vint annoncer cette nouvelle à la Cour, Il faillit être livré au bourreau. Il était en procès avec MUHIGIRWA, sa communication fut prise pour une manoeuvre grossière. Comment le prince qui venait d’envoyer des présents, et auquel la Reine Mère avait envoyé un message de haute bienveillance, pouvait-il se révolter ? SERUTWA en danger demanda qu’un homme de confiance fût envoyé vers le Sud pour vérifier sa communication, et qu’on le tuât s’il se révélait qu’il avait menti. La proposition fut acceptée et il resta sous bonne garde. On dut se rendre à l’évidence ; l’ahurissante nouvelle était vraie.

 

  1. Les Conseillers de la Reine Mère (car YUHI V était encore trop jeune), KABARE, BUTISHEREKA et RUHINANKIKO, qui travaillaient encore en équipe, décidèrent de bloquer MUHIGIRWA dans le Nyaruguru. « S’il réussissait à en sortir et à se déployer dans le Nduga (Préfecture de Nyanza), se disaient-ils, nous serions en danger mortel !» Les Milices disponibles furent immédiatement dépêchées vers le Sud, sous le commandement de KABARE et de RUTISHERERA ; elles campèrent en masses dans le Busanza-Sud, dans les localités de Mbazi, Mwulire et Kibabara, en bordure immédiate du Nyaruguru. Il était grand temps, car

 

MUHIGIRWA venait de faire introniser son fils MUHUNGIYISHONI, sous le nom dynastique de RUGWE II (appellation cependant bizarre, car ce nom n’était pas dynastique), et il venait de se mettre en mouvement à la tête de ses guerriers. Ils campèrent à la limite du Nyaruguru, dans les localités Nyanza, Sovu et Mpungwe, face aux Milices de la Cour.

 

87.Mais les Conseillers de la Reine Mère avaient fait plus : ils avaient fait nommer des Chefs en remplacement du prince révolté. Et les Chefs avaient été choisis d’une manière telle, que la positon de MUHIGIRWA s’en trouvait affaiblie. KAMPAYANA, fils deNYANTABA devenait Chef des Nyaruguru ; les principaux d’entré les notables de la Milice étaient des descendants de NYARWAYA NYAMUTEZI, et ils n’auraient pas manqué d’être sensibles à l’idée de voir la Milice rentrer dans leur Maison et d’être commandée qui par son oncle, qui par son cousin. Les Abashumba-Abashubije étaient donnés à KABERA, fils de RUGA GAZA, MUHIGIRWA avait supplanté en principe (n° 273). Or cette double Milice était en majeure partie dominée par les membres de la Famille des Abamanuka, proches parents de KABERA. Le calcul réussit à merveille.

 

88. Dès que les Armées se trouvèrent en présence, le prince ne prit pas les devants pour l’attaque, tandis que ses adversaires désiraient justement temporiser, car les nouveaux Chefs étaient chargés de prendre contact avec leurs parents et de créer progressivement le vide autour de MUHIGIRWA. Il fut convenu entre les nouveaux Chefs et les émissaires de leurs futurs sujets (émissaires qu’ils recevaient régulièrement la nuit), que pour sauver l’honneur de l’Armée Nyaruguru il y aurait une bataille de parade. Les choses étant au point, KABARE et RUTISHEREKA donnèrent le signal d’attaque. C’était fin mai-début juin 1897, à l’époque où le sorgho est en fleur et assez haut pour dépasser la taille des hommes. Seuls les Abahebyi et les Ishabi engagèrent des combats quelque peu sérieux, et les premiers par accident : leur colonne  ayant débouché à Sovu, elle s’était trouvée en face des Inzirabwoba commandés en personne par le Chef BIKOTWA. Or celui-ci avait eu antérieurement un échange de paroles peu amènes avec le commandant des Abahebyi. Ce dernier en profita pour vider la querelle antérieure. BIKOTWA y perdit quelques dizaines de ses sujets et il aurait été perdu lui-même, sans l’intervention  énergique de la Milice linpama-kwica qui venait derrière lui.

 

  1. Le prince MIHIGIRWA était battu sans combat : sa Milice avait fait que l’accompagner jusqu’au suicide. De fait, pour ne pas tomber vivant entre les mains des adversaires, il fixa sa javeline en terre et se jeta dessus. Il faut ajouter qu’il aurait été fait prisonnier, mais que les commandants de la Cour qui venaient l’encercler n’osèrent plus avancer dès qu’ils aperçurent le prince en personne. Ils le respectaient dans son malheur, et ne s’approchèrent qu’après le suicide. Ce fut en ce moment que le chef BIKOTWA, promena le fer de sa lance sur le corps du prince, en prononçant des paroles de mépris (n°146).

 

  1. KAMPAYANA entra donc dans le Nyaruguru. La Cour fit faire une enquête pour arriver à s’expliquer la volte-face de MUHIGIRWA, et le coupable fut finalement identifié. Lui et sa Famille, appelée Abahondano, furent condamnés à l’extermination. KAMPAYANA ‘osa pas aller jusqu’au bout de la sentence qu’ilétait chargé d’exécuter. S’y ajoutant le fait de son appartenance au Parti de KABARE et de RUTISHEREKA, il tomba en disgrâce et fut exécuté fin avril ou début mai 1900. Son frère KAYIJUKA, membre du Parti triomphant de RUHINANKIKO, lui succéda. Comme on le remarque dans les récits d’alors, chacun des deux Partis avait un personnage de rechange par rapport à certains fiefs. On en a conclu que l’appartenance de ces personnages à l’un ou à l’autre des deux Partis avait été déterminée par la rivalité et le calcul des chances de succession.
  2. KAYIJUKA fut destitué en 1905, en même temps que l’équipe SEBUHARARA-CYARA (n° 298). Ils appartenaient au Parti de RUHINANKIKO ; celui de KABARE, revenu au pouvoir en 1903, avait temporisé pour certains Chefs, à cause du fait que la Garde Royale, les Indenga-baganizi, était autour d’eux. Il fallait d’abord disperser cette Compagnie, la faire « envoyer en vacances ». On s’y était employé durant plus d’une année, en dépossédant les parents qui ne voulaient pas éloigner leurs fils ; de cette manière ces derniers étaient obligés de quitter la Cour par manque de ravitaillement. KAYIJUKA sera condamné à la crevaison des yeux en février 1906. Son successeur fut RWAMANYWA, fils de MMILIMO, de la Famille des Abahenda, celui qui avait fait changé la victoire de camp à la bataille de RUCUNSHU(no 215).

 

  1. Les Nyaruguru recevaient ainsi un Chef qui ne sera guère aimé. Aussi ses sujets parviendront-ils finalement à le faire destituer quelques années après la 1ère Guerre Mondiale, Son successeur fut SEBAGANGALI, fils de RUNANIRA, (celui-ci fils du prince RUBEGA, fils de YUHI IV). Il passa sa fonction à son fils SENDASHONGA en 1929 et se retira dans la vie privée. NDASHONGA, atteint de tuberculose, dut se reirer en 1944 et mourut peu après. Il léguait son commandement à son fils RUSA.
  1. Il faut noter que les Nyaruguru, en tant que Milice, ont longtemps contrebalancé les impératifs de l’évolution en ce qu’elle avait d’opposé aux anciennes institutions. La raison en fut que, d’une part, le gros de la Milice se trouvait concentré dans un territoire déterminé, et que d’autre part le commandement « guerrier » coïncidait chaque fois avec le commandement administratif de l’ordre nouveau.

Armée-Bovin correspondante : Inkondera (H.A. B. N°69-71)

Prestations :

1)La section des Batutsi : un certain nombre de taurillons en vue des consultations divinatoires à la Cour ;

2)La section des Bahutu : Impôts vivriers (haricots et sorgho) aux époques annuelles de la récolte ;

3)Une section spécialisée : la construction artistique de certaines cases de la Cour ;

4)La section de PygmoidesIshabi : les peaux d’animaux, et spécialement du colobe, ainsi que du morfil.

 

Notons que pour les deux premières sections mentionnées ci-dessus, les contribuables étaient ceux qui habitaient à l’intérieur du pays. Quant à ceux qui habitaient dans la zone frontière, dans la province appelée Nyaruguru, ils en étaient dispensés pour raison du service militaire en permanence.

 

SOUS NDAHIRO II CYAMATARE.

 

  1. Inkindi – Ingata –Abahunga.

 

  1. Nous mentionnons sous ce même numéro les Milices du règne de NDAHIRO II CYAMATARE, Suivant la procédure de

Création d’Armées, ces trois corporations n’eurent pas le temps d’être organisées. Leurs élites périrent en même temps que le monarque à la bataille de Rubi près Nyundo, au Bugamba ; s’il y eut des survivants, ils n’avaient aucune raison de se faire spécialement remarquer, tout au contraire.

 

Les Inkindi = Ornement guerrier (vêtement porté pendant les combats)

LesIngata feraient songer, d’une manière plus obvie, au coussinets; pour une Milice, et encore bien de la Cour, la dénomination  manquerait de poésie, ou dénoterait un manque d’imagination. Il faut plutôt traduire ce nom par la vieille signification de Compact, Dru, Touffu. Le langage actuel a conservé ce même sens au radical gata, dans rugataqui ne s’emploie du reste que dans la seule expression imvurarugata = la pluie d’une densitéinouie.

 

95.Les Abahungaprêteraient également à confusion ; le nom se prononce, en effet, exactement comme le participe présent abahunga = ceux qui fuient (du verbe guhauga= fuir). Admettez que ce serait impossible de dénommer ainsi une Compagnie guerrière et surtout que ses membres l’acceptent. Il faut ici recourir à, la vieille racine hunga, homophone certes de hunga = fuir, mais dont les dérivés se présentent sous une forme régulièrement différente. Lorsqu’un guerrier, même de notre époque se déclare impunga, ou que vous rencontrez les noms propres : Mihunga, ,Ruhunga, Mpugna, vous ne pouvez songer à la fuite, à la peur. Il s’agit tout simplement de Colosse, colossal, gigantesque,

Mais figuré et au moral, toujours au combat. Ainsi devons-nous traduire Abahungaen nous basant sur ce radical homophone de guhunga, mais aussi en supposant que le radical en question était, au XVI e siècle, muni d’un verbe guhanga, actuellement disparu, et qui signifiait : se comporter en colosse de preux sur le clhamp de bataille.

 

96.Notons que dans la langue des Basumbwe, si proche de la nôtre, et grâce à laquelle j’ai pu découvrir la signification de nombreux noms rwandais actuellement inexplicables si l’on s’en tient au Kinyarwanda seul, le nom Ruhunga = Étendard de guerre. Vous y devinez quelque chose de très visible, de surélevé qui anime le courage des combattants.

 

SOUS RUGANZU II NDOLI

  1. Ibisumizi = les Lutteurs en corps à corps:

 

97.L’Armée-Sociale Ibisumizi= les Lutteurs en corps à corps (litt. ceux qui saisissent à bras le corps), fut créée

par RUGANZU II NDOLI ; c’est la Milice la plus fameuse dans nos traditions, celle. ,à la tête de laquelle le grand RUGANZU II NDOLI commença à zéro pour ainsi parler, en reconquérant d’abord le Rwanda lui-même, puis en lui ajoutant un territoire nouveau double de celui sur lequel son père avait régné. L’Armée se composait de plusieurs Compagnies, dont Ibisumizi, de l’âge du monarque, la toute première qui donna son nom à toute la Milice ; venaient ensuite :.

Imisambi = les Grues couronnées;

Abadakonja= les Réfractaires au froid,

Abakonja-byuma = les Tordeurs d’armes en fer

Insambuzi = les Destructeurs d’habitations;

Abaganda = les Marteleurs.

 

98.Le prince SEMUGESHI, le futur successeur de RUGANZU II,était membre de cette dernière Compagnie. C’est la premièreMilice dont on ait retenu, non seulement les noms des Compagnies, mais encore ceux de plusieurs héros, et même de leur éloges guerriers, sans parler des hauts faits attribués individuellement à certains de ces derniers. Le commandant en second de l’Armée était le héros MUVUNYI, fils de KAREMA, de la Famille des Abaturagara.

 

99. A la mort de RUGANZU II NDOLI, son échanson, un Muhutu appelé RUSENGE, se suicida, ne se résignant pas à survivre à son maître. Cet acte provoqua dans l’Armée une réaction inattendue: « Comment se pourrait-il raconter, se dirent les guerriers, que ce RSSENGE qui n’est qu’un simple Muhutu, ait regretté si vivement la mort du Roi notre maître, et que nous ayons, nous, l’air de ne l’avoir pas aimé davantage que lui ? » Ils décidèrent en conséquence de se suicider collectivement, mais sur le champ de bataille, en provoquant un pays étranger. Ils quittèrent la nuit la localité appelée depuis Rusenge, du nom de l’échanson, en la province du Nyantango, et se dirigèrent vers l’Est. Ilsallaient peut-être attaquer le Bugesera. Ils arrivèrent au lever  du jour au lieu- dit Butantsinda entre Kigoma et Muyange, dans la province du Busanza-Nord. « Pourquoi nous imposer une fatigue inutile, se dirent-ils ; divisons-nous ici en deux camps et commençons le suicide. » Nos Bardes renchérissent, en assurant que le camp dans lequel se trouvait MUVUNYI massacrait davantage le camp opposé, et qu’alors on rompait pour recommencer le partage, afin d’équilibrer, de part et d’autre, le nombre des battants. Tous les guerriers ayant été tués, MMUVUNYI, fils de KAREMA, se trouva être le dernier survivant ; il se serait alors suicidé. Le Butantsinda, il y a quelques dizaines d’années seulement était  encore renommé dans tout le pays, pour la hardiesse et l’agressivité des hyènes qui en faisaient leur quartier général. On expliquait le fait en assurant qu’elles tenaient cela par hérédité, vu que leurs ancêtres s’étaient repues des cadavres des fameux guerriers.

 

  1. On ne doit tout de même pas exagérer ; si le fait ainsi affirmé s’est produit effectivement, toutes les Compagnies ne s’y étaient pas donné rendez-vous. La chose eût été impossible en soi.Aussi voyons-nous, sous MUTARA I SEMUGESHI, le notable MPANDE-YA-RUSANGA à la tête des Ibisumizi. Il en était donc resté en vie, et heureusement pour le nouveau monarque. Le fonctionnaire en question était considéré comme membre de la Famille desAbaturagara, celle même de MUVUNYI, fils de KAREMA. (On doit toujours ajouter le nom de son père, vu que quelques

autresMuvunyi se trouvaient être membres de la même Compagnie.) Mais MPANDE-YA-RUSANGA était un enfant trouvé : sa mère, pendant une famine, l’avait abandonné aux côtés du taureau dynastique appelé Rusanga, et on avait remarqué sa présence le matin. Aussi lui donna-t-on le nom composé qui signifie justement « Aux-côtés-du-Rusanga ». Il fut élevé à la cour, comme un enfant de la maison. Peut-être ses parents se firent-ils reconnaître dans la suite, ce qui aurait déterminé son appartenance à la Famille ainsi identifiée !

 

  1. Un conflit opposa cependant. MPANDE-YA-RUSANGA à la nouvelle Reine Mère et il quitta la Cour pour un lieu inconnu. Lorsqu’on le découvrit finalement et que les supplications du Roi le décidèrent à rentrer à la Cour, (il détenait des secrets de RuGANzu IIqu’il était seul à connaître), ses commandements avaient déjà passé à un autre membre de sa propre Famille. Apartir de ce moment, c’est le grand silence sur les vicissitudes de la Milice, jusqu’au règne de CILIMA II RUJUGIRA.

 

102. Sous ce monarque, le nommé HURAKO, de la même Famille des Abaturagara, commande les Ibisumizi. Son fils, TURATSINZE lui succéda et mourut sous MUTARA II RWOGERA. (L’annonce de sa mort à la Reine Mère provoqua un incident qui aurait pu mal finir ; le messager était le nommé BIHIBINDI =les choses font place â d’autres, dicton dont l’application est : personne n’est éternel ici-bas !La Reine Mère crut qu’en lui envoyant un homme ainsi appelé, pour lui annoncer la mort de quelqu’un, on avait voulu malicieusement lui faire comprendre qu’elle mourrait aussi. Elle se fâcha, et MTARA II intervint pour donner congé au messager et mettre fin à l’incident qu’il trouvait ridicule.)

 

103. Le successeur de TURATSINZE, son fils NYAMUGANZA, géra le commandement sous MUTARAIl et sous KIGELI IV RWABUGILI, qui en fit son échanson. Il ne fit malheureusement pas que servir: il se servit aussi et même plus que de raison. Ce fut ce qui se vérifia, tandis que le Roi se trouvait à Nzaratsi, dans la province du Nyantango, tout en face de l’ancien Rusenge. Comme le Roi envoyait commander des cruches  d’hydromel pour les notables assemblés autour de lui, l’échanson… en état d’ivresse se fâcha qu’on le dérangeât, et, sous le coup de l’indignation, il présenta au Roi sa démission, non seulement, de la fonction d’échanson, mais encore de ses commandements. Il n’en fallait pas tant pour KIGELI IV qui prenait, pour ainsi dire, du plaisir à destituer. Il accepta la démission présentée ; lorsque NYAMUGANZA revint à lui, il setrouva pauvre comme Job. Les Ibisumizifurent alors donnés à RUKANGIRASHYAMBA, fils de KANYAMUHUNGU. A partir de ce dignitaire, la succession s’opéra comme pour l’Armée-Sociale Gakondo (n° 35).

 

104. Les Ibisumiziétaient commis officiellement à la garde des tombeaux royaux, du mont Rutare, où s’étaient ultérieurement transportés et fixés les principaux de leurs représentants, à partir du temps où y fut inhumé la momie de MUTARA I SEMUGESHI sous CYILIMA II RUJUGIRA (Le Mont Rutare fut reconquis sous CYILIMAII RIUJUGIRA (no 225). On y enterrait les monarques aux appellations de KIGELI, de CYILIMA et de MUTARA).

Il semble qu’avant cette époque ils gardaient la même momie à Gaseke et constituaient ainsila Cour de cette résidence mortuaire. Du fait de cettefonction, ils ne devaient aucune prestation à la Cour. Pour la même raison, il n’y a pas question d’Armée-Bovine correspondante, car même si elle a existé dans les débuts, comme on peut le croire, elle n’avait plus de raison de rester en activité, puisqu’elle ne pouvait entrer en contact, sauf indirectement, avecla Cour.

 

  1. Dans ce même ordre d’idées, nous savons qu’il existe deux Armées-Bovines symboliques (H.A.B., n° 18-22) et une autre effective (ibd. n° 23-24), dont la création remonte au règne de RUGANZU II. Ne pourrait-on pas y retrouver un parallélisme avec la présente Milice ? L’Armée-Bovine Indorerospécialement, fut initialement placée sous le commandement de MPANDE-YA -RUSANGA, lequel était en même temps Chef des ibisumizi. Bien que les traditions n’établissent aucune relation à ce sujet, ne eut-on pas supposer que ces bovidés correspondaient aux Ibisumizi, mais qu’ils en furent tôt séparés sous le règne du successeur de RUGANZU II,à partir du moment où il prit la décisionde lier à la Milice la tâche que nous, lui connaissons ?

 

  1. Abaruhije =les Intraitables.

 

  1. L’Armée-Sociale Abaruhijefut créée sous RUGANZU II et confiée à MHANDE-YA-RUSANGA, lequel commandera en même temps les Ibisumizisous le règne suivant. Lorsque ce fonctionnaire disparut de la Cour, comme il vient d’être raconté, les Abaruhijesuivirent le sort des Ibisamizi, et leur double commandement fut désormais jumelé jusqu’à notre époque. Les Abaruhijeparticipaient, avec les Ibisumizi, à la garde des, tombeaux royaux, au massif du Rutare.

 

  1. Nyakare = les Précoces.

 

  1. L’Armée-Sociale Nyakaredont la signification étymologique semble être les Précoces ou les Matineux (du radical kare= initialement, de très grand matin) remonte au règne de RUGANZU II.Le noyau en fut formé de guerriers immigrés du BURUNDI en compagnie de leur Chef BASHANA L’ANCIEN, de la Famille- Clan des Abashingo. Le Chef immigré était si important; que RUGANZU II donna à son fils RUKOBA L’ANCIEN, la main de sa propre fille, la princesse NYIRANTEBE. BASHANA légua sa dignité à son fils RUKOBA. A partir de ce fonctionnaire, c’est le silence le plus absolu jusqu’au règne de CYILIMA II RUJUGIRA. Le commandement resta cependant dans la lignée de Bashana.

 

108. Sous CYILIMA II,l’Armée est sous le commandement de NKOKO, descendant de RUKOBA. Nous sommes à l’époque oùla Cour organise, sur des bases nouvelles, la défense des frontières, car le pays doit maintenant lutter à la fois contre le Ndorwa, le Gisaka et le Burundi. Contre ce dernier pays, CYILIMA II choisit la tactique de la défensive, tandis qu’il passe à l’offensive contre les deux premiers. En ce moment l’Armée-Sociale Nyakarereçoit, à 1a frontière Sud, une zone où elle doit fixer des campspermanents, pour s’opposer aux Barundi. Le camp fut établi à Fugi. Le territoire qui porta dans la suite le nom de Nyakare ne couvre pas entièrement la zone initiale, car à cette époque les Armées Abashakamba et Imvejuru n’étaient pas encore fixées dans la région.

 

109. A NKOKO succéda son fils BASHANA LE JEUNE, qui, sous YUHI IV GAHINDIRO, sera tué au Burundi, lors du désastre de Ku Muharuro(autour du centre actuel de Kirundo-Kanyinya). Sa fonction passa à son fils MURENGEZI, auquel succéda SERISHANGA ; celui-ci mourut SOUS MUTARA II RWOGERA. Le commandement passa à son fils RUKOBA LE JEUNE. A l’avènement de KIGELI IV RWABUGILL ce fut ce fonctionnaire qui se porta accusateur public dans le procès intenté à la famille de NYARWAYA-URETESI, fils de BYAVU et qui se terminera par la proscription des Abagereka (n°.198). RUKOBA légua sa fonction à son fils NTABWOBA,.

 

110.Dans la suite KIGELI IV destitua ce fonctionnaire et son commandement passa au prince BICUNDAMABUNO, demi- frère du monarque. Lorsqu’il mourut en 1875 (année qui suivit la Comète de Coggia), son fils MUNYUZANGABO lui succéda.

Lors de l’affaire de ku Mira, il fut destitué (L’affaire de kuMira reviendra plusieurs fois au cours de l’étude. Mira est une localité située au Bushi (ou Bunyabungo) sur la rive sud-occidentale dulac Kivu. La préposition ku qui précède le nom signifie simplement  à ku Mira -= à Mira. KIGELI IV y avait établi un camp guerrier en 1894, semble-t-il. “Il s’en retourna au Rwanda et les guerriers, manquant de vivres et de lait, par suite de la peste bovine, décidèrent d’abandonner le camp et de rentrer chez eux. Cet acte d’insubordination fut puni par le monarque, en destituant de leurs fiefs tous les guerriers qu’il avait laissés au camp. Lorsque ces derniers n’étaient pas détenteurs du fief familial (le cas des jeunes gens remplaçant la Famille au service), la destitution frappait la Famille. L’Affaire de kuMira fait époque dans les traditions du commandement ; on voit qu’à partir de ce moment, bien peu de fiefs restèrent entre les mains de leurs anciens détenteurs.

Il fallait un KIGELI IV pour oser prendre une mesure pareille : les déserteurs avaient justement pensé qu’il n’oserait pas punir tant de monde),il eut pour successeur le nommé BIGIRIMMANA, fils de BARAHIRA, cousin maternel  du monarque. Mais le nouveau fonctionnaire fut tué en 1896 à Rucunshu, en défendant la cause de MIBAMBWE IV RUTARINDWA. Son commandement passa au prince KANYANGEMWE, fils de  MATARA II. Disgrâcié, il s’exila au Burundi en 1905, pour échapper à la mort. Son commandement passa alors à SEZIKEYE, fils de  NTURO, de la Famille des Abaka. Il eut pour successeur :son fils MUTEMBE,  qui, au cours des troubles, a été tué en 1960. Comme toutes les Milices groupées en un territoire déterminé, celle de Nyakare, a longtemps survécu à la dissolution des institutions traditionnelles.

Armée-Bovine correspondante : I byiza (cfr. II.A ,B. , n° 74-77).

Prestations : Aucune, en raison du service guerrier permanent à la frontière.

 ,

21.Nyantango = les Initiaux (ou l’Encerclement).

 

  1. L’Armée-Sociale Nyantango, dont la signification pourrait être aussi bien Ceux-du-début (ou les initiaux) que l’Encerdenent, remonte au règne de RUGANZU II NDOLI. Les effectifs les plus nombreux de la Milice étaient concentrés dans la région à laquelle elle a donné son nom (la province du Nyantango), bien qu’elle était représentée en d’autres zones. Ellefut commandée dès le début par MPANDE-YA-RUSANGA, et elle suivit fidèlement le même sort que les Ibisumizi et les Abaruhije,jusqu’à la démission de NYAMUGANZA, en état d’ivres. Le Roi en investit alors CYIGENZA, fils de RWAKAGARA.

 

112.Il est évident que toutes les autres Milices jadis commandées par la Famille des Abaturagara, jusqu’à NYAMUGANZA, avaient la fonction de garder les tombeaux royaux. Seuls Nyantango font exception, et on ne peut pas dire qu’ils en furent dispensés en passant sous le commandement de CYIGENZA, car il s’agit là d’une tâche liée au tabou, dont une Milice n’aurait pu être libérée.

 

113.Comme nous l’avons rappelé, les Nyantango débordaient largement  la région à laquelle ils avaient donné leur nom. Ils étaient disséminés surtout dans les provinces du Bwishaza, du Budaha et du Kabagali, en plus de Nyantango. Sans cette précision, on risquerait de ne pas comprendre l’ordre de succession, en confondant le commandement de la province avec celui de la Milice.

 

  1. A CYIGENZA succéda son fils RWIDEGEMBYA. Ses cornmandements passèrent à son filsRWAGATARAKA, auquel succéda FUNDI. Lors de troubles de 1959,cedernier passa au Congo où il séjourne actuellement. Mais la Milice en question avait pratiquement disparu en tant que telle ; cette dissolution fut hâte par le fait que la province du Nyantango était gouvernée par desfonctionnaires étrangers à la descendance de CYIGENZA, depuis ,1940, après l’avoir été par NDAKEBURA, fils de RWIDEGEMBYA et par FUNDI lui-même. Mais leur passage était trop court que pour influencer, en la zone, la résistance prolongée de l’ancien ordre des choses.

 

115.Notons qu’il existe une catégorie, d’entre les Nyantango, que 1a Cour se réservait. Il s’agit des Abakuro, nom dérivé du verbe gukura= arracher, ou retirer. Leurs ancêtres retirèrent, de l’oeil du grand RUGANZU II NDOLI mourant, la flèche barbelée dont il avait été blessé dans une ambuscade en lieu-dit Isyiki près Murama, dans le Rusenyi, tandis qu’il rentrait d’une expédition. Ces Abakurohabitent principalement la localité appelée ityazo =pierre à aiguiser, dans la province du Nyantango.

Armée-Bovine correspondante : Inconnue dans les traditions,

Prestations : Aucune, vu que la Milice était confiée à des Chefs commis à la garde des tombeaux royaux.

SOUS MUTARA I SEMUGESHI.

 

  1. Abagânda =les Marteleurs.

 

  1. L’Armée-Sociale Abaganda, nous l’avons vu, existait déjà sous forme de Compagnie recrutée parmi celles des Ibisumizi. SEMUGESHI lui-même en était membre. Lorsqu’il fut intronisé, il fit de sa propre Compagnie le noyau de son Armée personnelle. C’est donc à partir de lui qu’elle exista en tant que Milice sociale. Apartir de cette époque lointaine cependant, ce sera le silence plus absolu, jusqu’au règne de CYILIMA II RUJUGIRA. Lorsque nous les retrouvons, les Abaganda ont été jumelés avec les Ibisumiziet les Abaruhije, sous le commandement de HURAKO, et les trois Milices s’occupent de la même fonction, parce que telles furent les dernières volontés de MUTARA I SEMUGESHI. LesAbagandasuivirent ainsi les vicissitudes des Ibisumizi, passant de la Famille des Abaturagara, lors de la démission de NYAMUGANZA à celles des Abatsobe, comme il a été indiqué sous les n°103 el 106, et cela dans les mêmes conditions, c’est-à-dire la garde des tombeaux royaux et exemption des prestations vis-à.-vis de la Cour.

 

  1. Impara = les Chantres Initiatiques.

 

  1. Nous plaçons sous ce règne de MUTARA Ila création éloignée de l’Armée-Sociale IMPARA, nous basant sur les faits .

Les traditions rapportent d’une manière qui ne saurait être valablement contestée, que le fameux LYANGOMBE, fils de BABINGA, apparut au Rwanda avec sa troupe des Imandwa, sous RUGANZU II NDOLI. Ces étrangers arrivaient du Gitara, région du Royaume actuel du Toro, en Uganda. Ils étaient du Clan des Abacwezi, lequel régna initialement sur une vaste aire de ce dernier pays. (A ne pas confondre l’Uganda, entité du régime colonial, avec le Royaume du Bugandaqui lui a certes donné Son nom, mais qui n’en est qu’une province.) Les nouveaux venus appartenaient à une Société secrète, celle des Imandwa, dont on devient membre par initiation et communication de

 

mystères qu’il est strictement interdit de révéler aux non initiés. Le groupe des I bicwezine faisait nullement de propagande mais il circulait dans le Rwanda d’alors, traversait les principautés indépendantes du Sud (dans la Préfecture actuelle d’Astrida) et se rendait aux Byerwa dit de Ngozi (dans le Burundi actuellement, mais au Bugesera à cette époque lointaine). Finalement LYANGOMBE fut tué dans un accident de chasse, à la colline de KIBINGO, affirme-t-on, dans la province du Nyakare, préfecture d’Astrida. Il aurait été tué par une antilope blessée, mais les fidèles de la secte préfèrent mettre l’accident sur le compte d’un buffle, pour ennoblir en quelque sorte le triste événement.

 

118.Il arriva cependant que, sous MUTARA I SEMUGESHI, le Rwanda fut ravagé par une épidémie. Les devins mirent en cause l’esprit du grand magicien LYANGOMBE et de ses compagnons, les Ibicwezi qui, assure-t-on, se seraient livrés à un suicide collectif pour ne pas survivre au Chef du groupe. Les devins affirmaient que l’ordre devait être donné à tous les citoyens s’initier à la secte, afin que ces magiciens détournassent du pays leur colère en reconnaissant en chaque citoyen un membre de la famille. La Cour aurait donné à tout le pays l’ordre en cesens et la secte des Imandwa se serait ainsi implantée dans le Rwanda.

 

119.Or les initiés, au cours de leurs cérémonies, doivent parfois se prosterner devant le président de séance qui incarne en ce moment l’esprit de LYANGOMBE. Se mettre à genoux est cependant une attitude absolument interdite au Roi, car elle symbolise la soumission. Le monarque qui se mettrait à genoux, symboliserait sa défaite et sa soumission à un autre, et pariantla perte de l’indépendance du pays et son annexion par un autre.

C’est pour cela qu’il était interdit au Roi de s’initier à la secte des Imandwa. MUTARA I tourna la difficulté en instituant la dignité du roi des Imandwa, dont le titulaire accomplirait les cérémonies en lieu et place de son maître, se comportant en son suppléant, ou mieux, en son incarnation. Le nouveau dignitaire, comme bien l’on pense, devint brusquement un gros personnage, grâce à son autorité morale sur tous les initiés du pays.

 

  1. .Nous ignorons cependant les tout premiers titulaires de dignité ; nous constatons tout simplement, à partir de MIBAMBWE III SENTABYO qu’elle est régulièrement attachée à la Famille des Abayumbu, qui se la lègue de pères en fils. Lorsque fut tué à Rucunshu le nommé RUBIBI, fils de MUDAKIKWA, qui était le titulaire et partisan de MIBAMBWE IV RUTARINDWA, les venqueurs n’aliénèrent pas la fonction et tinrent à en investir le cousin du disparu. La généalogie de ces dignitaires ne nous intéresse pas ici d’ailleurs, car les Imandwa en tant que tels ne constituent pas une Milice. Tout ce qui vient d’être dit nouspermettra de comprendre plus aisément l’origine de l’Armée- sociale Impara.

 

  1. Les Imandwa = Initiés à la secte de Lyangombe n’étaient tous, du seul fait de l’initiation, placés sous l’autorité effective dudit dignitaire. Il commandait très directement deux corporations appelées Amaliza = Femme (ou Femelle) ayant enfanté la première fois, et Impara = Chantres en cérémonies des Imandwa cfr H.A.B., 135, où nous les avons traduits par Chantres initiatiques). Ces deux catégories dépendaient donc directement dudit dignitaire et prenaient part aux cérémonies organisées par lui à la Cour.

 

  1. Sous MIBAMBWE III SENTABYO – une époque troublée par les luttes de compétition au trône —, le dignitaire appelé KIZIKO, reçut l’ordre de mobiliser ses subalternes, du fait probablement que les Milices officielles étaient partagées par la guerre de compétition, et que les partisans de MIBAMBWE IIIdevaient rester disponibles pour parer à toute éventualité. Cette nécessité semble avoir présidé à la Mobilisation parallèle des Abiru =Détenteurs du Code ésotérique, (n° 286 sq.), qui, eux non plus, n’étaient pas officiellement chargés de prendre part aux combats.

 

  1. Les Imandwa recrutés alors furent appelés Impara, dénomination déjà en cours dans la corporation. Ils furent placés sous le commandement de RWANTELI, fils de BIRAGARA (celui-ci fils de MAKARA), du clan des Abega. Sa mission était d’occuper le Kinyaga (Préfecture de Cyangugu) et d’en déloger le nommé BIJELI, un guerrier de l’île Ijwi qui s’y était installé assez récemment. Comme il s’agissait là d’une affaire importante, la jeune Milice de Rwanteli fut renforcée par celle des Abiru, que commandait RUKOKO, fils de BILIMA.

 

Les deux Chefs agissant de concert, rejetèrent BIJELI hors du pays et mirent fin aux incursions des Bashi.

 

  1. RWANTELI fut condamné à mort par la Cour et il périt avec plusieurs membres de sa famille, sous YUHI IV GAHINDIRO. Le Chef se sera sans doute compromis en embrassant le Parti de GATAR.ABUHURA. Cette exécution massive de la famille se fit au lieu-dit mu mu Mutukura, dans la province actuelle du Mutara, à l’endroit même où MAKARA (grand-père de RWANTELLI) avait été massacré sous CYILIMA II. Malgré cependant ce fait indéniable de la condamnation de RWANTELI, la Cour lui donna un successeur en la personne de son fils SEKADEGEDE, le seul survivant de la famille. Nous devons supposer dès lors que la mère de ce nouveau fonctionnaire s’était désolidarisée de son mari, dans le même sens que la mère de NYIRAMPEK.A, sous le même règne (cfr n° 253). SEKADEGEDE légua sa fonction à son fils BIGARURANCURO,

 

  1. Sous MUTARA II RWOGERA, ce fonctionnaire fut destitué et sa charge passa à SERUTABURA, fils de MUREGANCURO celui-ci, de YUHI III MAZIMPAKA). En dehors des traditions: ordinaires, un poème du même règne nous affirme le fait ‘que ledit Chef venait d’être investi du commandement en question. Il légua sa fonction à son fils NGABONZIZA. Ce dernier fut destitué par KIGELI IV RWABUGILI, et son successeur fut RWATA; fils BUHAKE, du Clan des Abaha. Sous le même règne, R.WATA destitué et sa fonction passa à NTIZIMIRA, fils de MUSUHUKE, la Famille des Abahenda.

 

  1. Lorsque NTIZIMIRA tomba en disgrâce, sous l’inculpation d’avoir comploté contre le Chef NYILIMIGABO (qui venait de

périr au cours de l’expédition de mu Kamiywilili, cfr.n° 377);KIGELI IV nomma à sa place le prince RWABIRINDA, fils de MUTARA II RWOGERA. Il fut destitué en 1905 sous YUHI V MUSINGA, et son commandement passa à RWIDEGEMBYA, fils de CYIGENZA (cité ci-avant). Son fils RWAGATARAKA lui succéda de plein droit en 1931 et mourut en 1941, laissant sa dignité à son fils FUNDI.

 

  1. Nous devons signaler ici que les Auteurs de Historique et Chronologie du Ruanda (Kabgayi, s. d., p. 97-98), donnent d’autres noms comme Chefs des Impara. Nous croyons pouvoir faire remarquer que, ce faisant, ils ont confondu deux fonctions bien distinctes et qui marchaient de pair dans le Rwanda ancien ; à savoir le Chef du Sol (ou Chef administratif) et le Chef des Pâturages (ou Chef d’Armée). On y voit figurer évidemment le prince NYAMWESA, fils de MUTARA II RWOGERA ; il est évident que s’il ait exercé la fonction en la zone, sous le règne de son père, il aurait cumulé les deux dignités. Mais nos informateurs ne nous ont pas signalé qu’il ait été nommé à cette fonction. Il était plutôt Chef des Abarasa (n° 348) nouvellement conquis. En ce qui concerne le prince MASHAZA, placé sur la même liste, et qui aurait été nommé par son demi-frère MUTARA II, nous notons que les traditions ne font jamais de ce personnage un Chef à quelque époque que ce fût. Du reste s’il avait été nommé au Kinyaga, à la tête des Impara, on ne voit pas comment NYAMWESA y aurait été nommé à sa place, car sous MUTARA II RWOGERA aucun de ses frères ne fut jamais destitué. MASHAZA ne tomba disgrâce que sous le règne suivant et il se suicida tandis qu’on le conduisait en exil (cfr. H.A.B. n° 134, p. 76). Ce que nous affirmons avec netteté, c’est que ce prince ne fut jamais Chef. C’est donc en pleine connaissance de ladite liste que nous avons été obligé de maintenir l’ordre de succession ci-dessus établi dans le commandement des Impara.

Prestations :

1) Quelques 200 cruches de miel, des nattes fines (udusuna), des cruches de cidre de bananes et d’hydromel, des houes et des serpettes, toutes fournitures dont les informateurs ne pouvaient plus préciser le nombre.

2) Des charges de fibres ubuhivu, de l’écorce d’un arbre de la forêt appelé umuhivu ; des charges de cerceaux ubutega (faits de certaines tiges flexibles sur lesquelles court en très serré une écorce fine de papyrus ou de plantes similaires utilisées en vannerie). Les ubutega étaient destinés aux grandes dames qui en ornaient les jambes, des chevilles aux genoux.

3) Une cruche d’hydromel qui ouvrait la marche du convoi et dont le responsable était le Chef de la Famille des Abahendo, lesquels habitaient particulièrement la localité Cyiyi. La cruche était escortée par une section dite A bambara-ntama = les habillés de peaux de moutons, dont les

 

représentants, pour la circonstance, ornaient leurs têtes de queues de lièvres.

4) Des barattes (ibisabo) en courges ultra-géantes, propres à la région (n° 233, 289).

Armée-Bovine correspondante : Impara(H .A .B. n° 135-136).

 

SOUS KIGELI II NYAMUHESIIERA

 

  1. Inkingi = les Piliers.

 

  1. KIGELI II NYAMUHESHERA fut un guerroyeur infatigable, à la tête de sa Garde appelée Inkingi = les Piliers. On signale également sous son règne une autre formation guerrière, appelée Ingangura-rugo = Assaillants d’avant-garde, commandée par le nommé Gasimbuzi, fils de Senyamisange, de la Famille des Abenejuru. Les traditions rapportent que cette dernière Compagnie fut anéantie dans une expédition. Quant à la première, les Inkingi, qui devait former le noyau d’une Milice permanente, elle disparut sans explication. Il se fait donc que le monarque fameux ne légua aucune Armée aux institutions socio-guerrières du

pays.

 

Sous MIBAMWE II GISANURA.

 

  1. Imitali = les Javelines géantes.

 

  1. L’Armée-Sociale Imitali fut créée par MIBAMBWE II GISANURA ; c’était sa Garde et son futur successeur MAZIMPAKA en était membre ; c’est-à-dire qu’il fut incorporé dans l’une des dernières Compagnies du règne, puisque la toute première devait être de l’âge de son père. Nous n’avons rien pu apprendre concernant son commandement avant le règne de KIGELI III NDABARASA. Ce monarque en investit le nommé SENGATI, fils de SEBISOGO (celui-ci un immigré du Gisaka, parent de la Reine RWESERO, mère du monarque). SENGATI légua sa dignité à son fils BITUGANYI, un guerrier de renom sous YUHI IV GAHINDIRO. Le fils et successeur de ce dernier, appelé LITARARENGA (n° 58) en fut dépossédé par KIGELI IV RWABUGILI, parce que le dignitaire avait refusé de boire au même chalumeau que le Mutwa BUSYETE, fils de SUMIRANA, annobli par le monarque.
  2. Le notable BAPEUMU, fils de RUGEMA, de la Famille des Abaganzu, qui avait le premier accepté de partager le chalumeau avec le Mutwa annobli, fut investi du commandement. Lorsque prince KARARA reçut en fief le District de Gitovu, dont BAPEUMU était le Chef d’Administratif, ce dernier fonctionnaire fut déclaré Subalterne du prince. KARARA fut tué peu de temps après, avec son frère MIBAMBWE IV RUTARINDWA à Rucunshu. Le commandement passa alors au prince RUKANGAMIHETO, fils de MUTARA II, qui dut ensuite s’exiler au Burundi en 1903-1905, lorsque son Parti tomba en disgrâce, sous YUHI V MUSINGA. Son commandement fut donné à RUTEBUKA, fils de KATABIRORA qui légua sa dignité à son fils Buzizi. Lorsque ce dernier fit déposé en 1941, ses successeurs à la tête de la province du Mayaga ne le remplacèrent que sur le plan purement administratif.

 

  1. A une époque qui semble être le règne de MIBAMBWE II ou de son successeur immédiat, les Imitali tenaient un camp des Marches à Zivu, pour défendre la zone du Buhanga. On sait que les premières hostilités entre le Rwanda et le Burundi commençèrent nsous MMIBAMBWE II.

 

Prestations : 100 peaux d’animaux de marais, conjointement avec les intaremba(n° 160).

Armée-Bovine correspondante : aucune n’est signalée dans les traditions. Il dut y en avoir une, certes ; mais elle a dû en être séparée, ou ses troupeaux officiels furent anéantis par une peste bovine, à l’époque sur laquelle nous ne possédons aucun renseignement.

 

  1. Inyanga-kurushwa = les Insurpassables.

 

  1. L’Armée-Sociale Inyanga-kurushwa = Ceux qui se refusent à être surpassés, les Insurpassables, fut créée sous MIBAMBWE II GISANURA. Elle était alors commandée par KAZA, fils de NYABUSELI, de la Famille des Abenemugunga. Ce fut une Milice insignifiante, dont les effectifs étaient concentrés dans la province du Rukoma. A partir de ce règne, plus aucune trace dans les traditions, jusqu’au règne de MUTARA II RWOGERA. Lorsque ce monarque décida d’ériger à Kamonyi une résidence permanente pour honorer l’esprit de YUHI III MAZIMPAKA, cette Milice fut affectée à la nouvelle « capitale » mémorial. Leur Chef fut d’abord

 

GASISI, qui les légua à son fils MANYWA. SOUS KIGELI RWABUGILI, cette Milice fut donnée à KABARE, fils de RWAKAGARA qui la géra par l’intermédiaire de son demi-frère RWABIGWI, parce que ce dernier habitait dans la région de Kamonyi. Mais sous YUHI V MUSINGA, le nommé GAKWAVU, fils de SHYIRAMBERE, un homme très entreprenant, fut placé à la tête de la résidence de Kamonyi, en qualité de Chef du Sol (fonction purement administrative). Il s’empara de cette Milice et on n’en parla plus, du fait des modifications sociales qui rendaient inutile la structure antérieure.

 

Prestations : Antérieurement à MUTARA II RWOGERA, inconues ; à partir de son règne : entretien de la résidence de KAMONYI et solennités du culte rendu à YUHI III MAZIMPAKA.

Armée-Bovine correspondante : aucune trace dans les traditions.

 

  1. Abadacumura = les Irréprochables.

 

  1. L’Armée-Sociale Abadacumura = litt. Ceux qui ne se rendraient jamais coupables de faute, fut créée sous MIBAMBWE II et elle était commandée également par KAZA, fils de NYABUSELI. Aucune tradition permettant de savoir si elle était sous les ordres de GASISI et de MANYWA ; mais elle passa au Chef KABARE sous KIGELI IV RWABUGILI, à la même époque, semble-t-il, que la précédente. Étant donné l’insignifiance de ses effectifs, la corporation ne fit plus parler d’elle, sauf que le dignitaire devait à la Cour les prestations antérieurement payées. Le Chef KABARE légua ses biens à son fils NYANTABANA qui mourut prématurément de tuberculose, laissant ses commandements à un fils mineur. RWABUTUGO, autre fils de KABARE, fut le tuteur. Lorsque BANGAMBIKI, fils de NYANTABANA, devint majeur, la fonction de Chef d’Armée n’avait plus guère de signification.

Prestations : Non renseignées.

Armée-Bovine correspondante : on n’en mentionne aucune dans les traditions.

 

  1. Abangogo = les Habitants du Cyingogo.

 

  1. L’Armée-Sociale Abangogo ne fut pas initialement une Milice en tant que telle, puisque sa formation ne fut pas l’amplification de Compagnies guerrières. Il s’agissait de gens, choisis parmi les habitants du Cyingogo, que MIRAMBWE II déclara « Arméée » et plaça sous le commandement d’un Chef. Notons que la dénomination fut adaptée pour la circonstance ; lorsqu’on parle des habitants de la province du Cyingogo, on dit Abanyacyi-ngogo ; pour désigner la Milice, on dit Abangogo. De cette manière on distingue clairement les deux conceptions, car tout habitant du Cyingogo(Umunyacyingogo, au pluriel Abanyacyi-ngogo) ne relève pas de l’Armée en question, ou en d’autres mots il n’est pas Umungogo ,au pluriel A bangogo.

 

  1. Les premiers dignitaires nous sont restés inconnus, jusqu’au règne de YUHI IV GAHINDIRO. A la fin de son règne, ou peut-être sous le règne suivant, nous trouvons en fonction le nommé SEMISUNIKO, fils de NTAMBIYE, membre de la Garde de YUHI IV. Nous n’avons davantage pu apprendre si son commandement avait appartenu à son père NTAMBIYE, auquel il aurait succédé. Sous KIGELI IV RWABUGILI, SEMISUNIKO, pour raison d’âge, avait passé le commandement effectif à son fils BISEKURANINTI. Les deux tombent en disgrâce et ils sont destitués, et même SEMISUNIKO est livré au bourreau. Le commandement passa alors à RUTISHEREKA fils de SENTAMA, de la Famille des Abenegitore. Son fils RWAYITARE ayant été impliqué dans une affaire grave et se trouvant en danger d’être condamné à Mort, le choix fut donné à RUTISHEREKA : ou perdre tous ses commandements, ou perdre son fils. Le dignitaire n’hésita pas : il renonça à tous ses commandements. Celui des Abangogo fut alors donné à RUHINANKIKO, fils de RWAKAGARA, frère ainé du Chef KABARE.

 

  1. Après avoir été destitué, RUTISHEREKA rentra chez lui et fit laver toutes les gourdes utilisées pour la consommation de boissons et il les envoya au monarque, en lui faisant dire : « Prenez-les, vous qui avez encore de quoi vous en servir. » Le monarque jugea que le fin courtisan avait tout de même droit à quelque adoucissement, puisque la faute pour laquelle il était frappé ne lui était pas personnelle. Il lui renvoya ses gourdes, en lui faisant savoir : « Venez me voir et conservez-les car vous aurez encore le moyen de vous en servir vous aussi.» Il lui donna alors la section dont il sera question plus loin (no 359) des Urukundo.

 

  1. RUHINANKIKO commanda donc les Abangogo jusqu’en 1903, année où il en fut destitué sous YUHI V MUSINGA son Parti ayant été chassé du pouvoir par celui de KABARE, son frère et à la fois son ennemi juré. Le commandement passa alors à RWANGAMPUHWE, fils de NKANGURA, du Clan des Abakono. Il fut dans la suite remplacé par son subalterne NYILIMINEGA, fils de RUKESHA, de la Famille des Abakiza, qui légua sa fonction à son fils RUVUZANDEKWE. Lorsque son fils RWAMUNINGI le succéda, les Abangogo avaient pratiquement cessé d’exister en tant que Milice et avaient passé à l’état de simples contribuables au même titre que le reste des habitants de la province.

Prestations Impôts vivriers surtout, cruches de miel et cithares.

Armée-Bovine correspondante : la Milice n’en posséda jamais ; elle avait été formée en des circonstances particulières et habitait dans une zone considérée comme impropre à l’élevage du gros bétail, du moins sous l’optique traditionnelle.

 

  1. 2 Abarembo = les Habitants du Burembo.

 

  1. La procédure suivant laquelle fut créée la Milice Abangogo fut appliquée à une autre région, sous le même règne. Il parut à la Cour une magicienne du nom de NYIRANZANA, qui prétendait commander le mouvement des sauterelles et disposer du pouvoir de leur indiquer la direction à suivre en vue de nuire à qui elle en voudrait. Elle se vantait même de pouvoir faire taire la cascade de la Nyabarongo entre le Burembo (Ndiza) et le massif du Mbilima, et tant d’autres merveilles. MIBAMBWE II qui séjournait alors à Mbilima, dans le Bumbogo, voulut se l’attacher et lui accorda le commandement du versant oriental de la chaîne du Ndiza, composé de deux régions : le Gitoki et le Burembo. Les habitants de cette dernière zone, dits Abarembo donnèrent le nom à la Milice érigée pour le service de la magicienne. Celle-ci trouva même que sa province était exigue et s’appropria le versant occidental du Ndiza, formé des régions du Buyaza et d’Ivunja et le Roi approuva ces empiétements. Mais la Cour lui donna un adjoint, en la personne de KABIMBURA, du Clan des Abega, qui, pratiquement, commanda au nom de NYIRANZANA, laquelle ne comprenait pas grand chose à cet art.
  2. A la mort de NYANZANA, KABIMBURA se vit imposer la fonction, mais avec tout ce qu’elle comportait ; à savoir l’exercice des opérations magiques de la disparue. Il légua sa fonction à NYABAHIMA, lequel la laissa à MPONGANO ; celui-ci eut pour successeur SANGANO. Ce dernier légua le commandement à RUBONA, qui le légua à. son tour à MAREMBO.. (De RUKIZA, frère de RUBONA, descendent les Abakiza que nous venons de signaler à l’Armée-Sociale précédente, tandis que MAREMBO deviendra l’ancêtre éponyme des Abarembo. Faire attention aux signes diacritiques, qui différencient Abarembo =Famille et Abarembo = Milice). A MAREMBO succéda SERUTSINGA, qui légua sa fonction à RUNIGA. Son successeur GAKWANDI, sous YUHI V MUSINGA, désigna son fils KABERUKA, qui légua son commandement à GASEKURUME. Lorsque ce dernier fut dépossédé du commandement familial et transféré comme simple sous-chef dans une autre province, MUTARA III avait embrassé le Catholicisme et les fonctions attachées à la Famille et à la Milice avaient cessé d’exister. Les Abarembo en tant que Milice, d’autre part avaient déjà été intégrés comme simples contribuables dans les populations du Ndiza, par suite des modifications de l’ordre nouveau, suivant le même processus que pour les Abangogo du

paragraphe précédent.

 

  1. Prestations : Aucune qui soit connue dans les traditions, sauf les pratiques magiques auxquelles se livraient les Abarembo à l’occasion, sur commande de la Cour ; Et puis, sous YUHI V MUSINGA, le dignitaire GAKWANDI était préposé à une section des Greniers à la Cour et de ce chef son propre commandement en aurait été dispensé si besoin en était.

Année-Bovine correspondante : il n’y en eut jamais, pour les mêmes raisons données à propos des Abangogo du paragraphe

précédent.