Les successions.

  1. Bases du droit successoral.

Les principes qui régissent le droit successoral sont:

1° Les femmes et les filles sont exclues de la succession, car elles ne peuvent ni tester ni hériter de valeurs;

2° La succession reste en principe dans la ligne masculine paternelle (Il se peut qu’un garçon hérite, également dans la famille de sa mere, mais seulement si le défunt, parent de sa mère, a exprimé sa volonté avant de mourir et, bien entendu, s’il n’a pas d’héritiers naturels. Il arrive aussi qu’un étranger recueille la succession du défunt si celui-ci n’a pas d’héritiers);

3° Le nouveau chef de famille est normalement, mais non nécessairement, l’aîné des fils, sans distinction de lits.

  1. Désignation du nouveau chef de famille.

Le temps de deuil (kwirabura : litt : devenir noir) et les cérémonies de la purification ( kwera : litt. : devenir blanc) achevés, à savoir deux mois après le décès(Le délai est réduit a quelques jours quand le ménage n’a pas eu d’enfant)il est procédé à la désignation du nouveau chef de famille (umutware w’urugo rwa se : litt. : le chef du rugo de son père).

Si le père est mort sans avoir pu faire connaitre ses volontés, ce soin incombe au chef d’umuryango, qui prend au préalable l’avis des anciens. Peu importe que les fils soient de lits différents (polygynie ou mariages successifs), qu’ils soient légitimes, nés d’une concubine ou adultérins. Seules sont prises en considération dans le choix les qualités qui sont requises d’un futur chef de famille.

Mais le plus souvent, sentant sa fin proche, le père appelle le chef d’umuryango et deux amis. Il leur dicte ses dernières volontés. Les épouses d’un polygame ne se privent généralement pas d’intriguer en faveur de leur fils et s’efforcent de circonvenir leur mari — ou même son frère — en usant à la fois de leurs charmes et de leur plus subtile dialectique. La situation est identique dans le cas de mariages successifs.

On comprend donc aisément que souvent les autres fils, surtout s’ils sont issus de mères différentes, se jugent lésés à tort ou à raison. Mais la faculté leur est donnée de demander justice au Mwami, au chef de la province ou au chef de colline, selon qu’ils sont fils d’umutware w’intebe, d’igisonga, simples Batutsi ou Bahutu. Ces autorités ratifieront le choix fait par le père ou l’oncle ou bien décideront quel autre garçon succédera à son père.

A défaut de descendance masculine, la dignité du chef de famille revient au frère le plus âgé du défunt. Dans ce cas, l’héritier sera à la fois chef de son rugo et de celui de son frère.

Il se peut même qu’il soit en temps chef d’umuryango, c’est-à-dire du clan. C’est l’umutware w’umuryango (ou encore l’umutware w’urugo rwa bo). Si tous les frères sont disparus, leurs fils héritent par droit de primogéniture.Si le défunt n’a ni fils, ni frères, ni neveux dans sa ligne, son père lui succédera ou, à son défaut, le frère de celui-ci ou l’un de ses descendants mâles par droit de primogéniture.

Les Bahutu el les Batwa ont leur propre umutware w’urugo. Mais ils dépendent du même chef d’umuryngo que les Batutsi.

  1. Composition de la succession.

En outre de la dignité du chef de famille, la succession comprend :

1°Le gros bétail;

2° Les clients (abagaragu);

3° Chez les Bahutu surtout, les chèvres et les moutons;

4° Les immeubles.

50 Les meubles.

Les donations (kugabira : faire une donation) faites par le père à l’un de ses fils, etqui sont appelées inkazibiti quand elles consistent en vaches, restent acquises au donataire, A moins d’indignité : irrespect marqué, désobéissances multiples, etc. (kunyaga : reprendre).

Les obligations actives aussi bien que passives passent à la succession. Faute de pouvoir rembourser, les descendants du défunt en ligne directe — et eux seuls — seront tenus de travailler un jour ou deux par semaine au profit des héritiers du créancier — que ce soient ses fils ou même ses frères — et ce jusqu’à extinction complète de la dette.

  1. Dévolution des biens.

Les biens sont attribués aux héritiers, deux mois après le décès chez les Batutsi, un mois après chez les Bahutu. Toutefois, les instruments et objets peuvent être utilisés tout de suite.

Le fils qui est maudit par son père (igicibwa ou ikivume) doit restituer tout ce qu’il a reçu de celui-ci (inkazibiti, indemano); il est contraint de s’en aller au loin, seul, sans sa femme et ses enfants, en abandonnant tous ses biens.

Pour faire saisir plus clairement le mécanisme de la dévolution des biens, nous choisirons les quatre types de successions qui se présentent ordinairement et nous en ferons un schéma.

Schéma I. — Succession d’un riche Mututsi (chef de province ou umugaragu du Mwami).

Nyirimigabo, chef de province, meurt en laissant cinq fils issus de deux femmes. Ce sont :

Bihutu, fils de Mujijima, marié;

Nyagatoma, fils de Mujijima, marié;

Nturo, fils de Nyirampunga, non encore marié;

Rusagara, fils de Mujijima, encore enfant;

Mahira, fils de Mujijima, encore enfant.

A la mort du père, Nturo, le troisième fils, devient chef de l’urogo rwa se.

Voici comment les biens vont être répartis :

VACHES.

— Nturo, non encore marié, reçoit :

1° L’ingarigari de son père, deux mille têtes, par exemple;

2° Les indabukirano données par les abagaragu (simple faculté):

3° Les intore données par les mêmes (obligation);

4°Les indabukirano données par ses frères, Bihutu et Nyagatoma, par Mujijima au nom de Rusagara et Mahira encore enfants et par les amis de son père (faculté);

5° Une partie des inyarurembo de sa mère Nyirampunga;

6° De plus, ses abagaragu et ses amis peuvent lui donner chacun une vache indorano.

Bihutu, l’aîné, ne reçoit rien. Mais, marié duvivant de son père, il avait reçu de ce dernier, lors de son établissement, l’iminani, troupeau formé de vaches indemano.

Nyagatoma reçoit des indemano queNturo tire de ses inyaarurembo (vingt-cinq, par exemple). De la sorte, comme il est sur le point de prendre femme, il pourra s’établir. Son père lui donne en plus quelques inkazibiti (quatre ou cinq).

Rusagara reçoit des inkazibiti de Nturo. Jeune encore, il reste chez sa mère Mujijima. Celle-ci lui donnera plus tard des indemano prises dans les inyarurembo qu’elle a reçues de son mari.

Mahira, comme son frère Rusagara, continue à habiter chez sa mère. Nturo lui donne également des inkazibiti, et plus tard il lui remettra des indemano, car sa mère n’aura vraissableblement plus assez d’inyarurembo pour lui donner.

Les inyarulembo de Mijijima restent chez elle; elle en réserve quelques-unes pour les donner à Rusagara comme indemano et elle garde les autres. Les inyarurembo de Nyirampunga sont prises par Nturo, qui en laisse un certain nombre à sa mère.

Quand l’une de ses soeurs mariées vient annoncer la naissance d’un enfant. Nturo lui donne une vache y’ururugori ou y’ibihembo.

CLIENTS.

Les abagaragu que Nyirimigabo s’étaient acquis en leur donnant des inkazibiti passent tous à Nturo. On leur donne le même nom qu’à un troupeau de vaches indemano : iminani.

Les frères de Nturo, dès qu’ils sont pourvus de vaches, se cherchent eux aussi des abagaragu.

Les bouviers (abashumba) qui s’occupent des vaches des femmes du défunt suivent le sort des inyarurembo de celles-ci : ceux de Mujijima restent avec ses vaches, en attendant que certains d’entre eux accompagnent les vaches données comme indemano à Rusagara et à Mahira.

CHAMPS, BANANERAIES.

Nturo, en sa qualité de chef de famille, peut choisir des champs où il veut, sur l’une des collines de son père.

Bihutu et Nyagatoma, qui, en même temps que leur umunane, avaient reçu un champ, n’ont plus le droit de  rien demander.

Rusugara et Mahira recevront un champ de leur mère  ou de Nturo.

PATURAGES.

Les règles régissant l’attribution des champs s’appliquent aux pâturages.

RUGO.

Chaque femme du défunt continue chacune habiter son rugo propre, qui est entouré de bananiers, d’un terrain de culture et d’une pâture.

ARMES, INSTRUMENTS, ETC.

Ils appartiennent de droit au chef de famille.

VETEMENTS.

Il en est de même pour ces objets, mais le chef de famille a coutume de les distribuer aux serviteurs.

 Schéma II. — Succession d’un Mututsi moyen (chef de colline).

Il s’agit de Gakire, fils de Kanziga, qui, marié du vivant de son père Gafuku, a reçu trente indemano et trois inkazibiti.

Kagabo, fils de Ligoga, marié également, a reçu de son père vingt-cinq indemano et trois inkazibiti.

Kinyogote, fils de Ligoga, encore enfant, a reçu de son père deux inkazibiti.

Kanziga et Ligoga ont reçu chacune vingt inyarurembo de leur mari.

Gafuku, à sa mort, possède un ingarigari de quatre-vingts bêtes.

VACHES.

Gakire, nominé chef de famille, prend :

1° Les quatre-vingts ingarigari;

2’° Les indabukirano offertes par ses frères et les clients ainsi que les intore données par les abagaragu;

3° Une partie des inyarurembo de sa mère Kanziga.

Kagabo ne peut rien recevoir.

Kinyogote reste chez sa mère. Quand il sera en âge de se marier, il recevra de Gakire vingt vaches dont dix prélevées par celui-ci dans ses inyarurembo, cinq autres qu’il prendra dans les inyarurembo de Kanziga, et cinq prises dans les indemano de Kagabo. En outre, Kinyogote recevra cinq inyarurembo de sa mère Ligoga. De la sorte, il aura vingt-cinq indemano.

CLIENTS.

Les serviteurs de Kanziga restent, dans son rugo à elle. Ceux de Kanziga appartiennent à Gakire, qui en laisse un certain nombre à sa mère. Les clients de Gafuku passent également au nouveau chef de famille.

CHAMPS ET PATURAGES.

Gakire se choisit de nouveaux champs sur la colline.

Kagabo ne reçoit rien.

Kinyogote restera chez sa mère jusqu’à son mariage. A ce moment, Gakire et Kagabo lui donneront chacun un champ et un pâturage.

RUGO.

Les veuves restent chacune dans leur rugo jusqu’à leur mort, le retour dans leur famille ou leur remariage.

ARMES, INSTRUMENTS, VETEMENTS.

Leur attribution est la même que dans le tableau I.

Schéma III. – Succession d’un simple Mututsi.

Gakuba, simple homme quoique Mututsi, a eu quatre fils de son mariage avec Kampororo :

Karekezi, marié du vivant de son père, a reçu de celui-ci deux vaches inkazibiti. Gakuba est en effet trop pauvre pour donner à ses fils des vaches en nombre tel qu’elles méritent le nom d’iminani. En plus, Karekezi a reçu unevache inka y’igiti.

Kambanda, marié lui aussi, a reçu également deux vaches dont unevache inka y’igiti.

Gapyisi et Kayibanda sont encore tout enfants à la mort de leuer père et n’ont rien reçu de lui.

Gakuba, en mourant, laisse vingt vaches inyarurembo.

VACHES

Elles sont divisées comme suit :

  • Kambanda, nommé chef de famille, reçoit sept vaches plus une comme itako ry’umutware (afin de pourvoir aux besoins de ses frères et soeurs.) : (litt. : cuisse de chef).

Chacun des autres fils reçoit un nombre égal de vaches (quatre). Il peut se faire que des vaches restent en dehors du partage. S’il n’y en a qu’une, elle appartient de façon indivise à tous les fils. S’il y en a deux, chacune d’elles est la propriété de deux des fils.

CLIENTS.

Ils ne sont guère que deux ou trois et ils passent au chef de famille.

CHAMPS ET PATURAGES.

Les deux aînés  avaient  reçu au moment de leur mariage un champ et un paturage. Des terres possédées par le père à sa mort, Kambanda prendra les deux tiers et le tiers restant sera partagé plus tard entre les deux cadets.

URUGO.

Il continue à être occupé par la mère.

ARMES , UNSTRIMENTS.

Sont du lot de Kambanda.

Schéma IV. — Succession d’un Muhutu.

Kimonyo meurt en laissant cinq fils issus de trois femmes :

Tabaro, fils de Nyirangunzu, marié du vivaul de son père et ayant reçu un champ de lui-

Fuku, fils de Nyirambeba ;

Shumbusho, fils de Nyirangunzu ;

Karifuni, fils de Nyirambeba:

Nzabandora, fils de Nyiramatama.

CHAMPS, ARBRES.

Shumbusho, nommé chef de famille, reste chez sa mère. Il reçoit comme itako ry’umutware, en nue propriété, une grosse partie de la bananeraie de Nyirangunzu, le reste étant divisé en parties égales entre lui et son frère Tabaro) (en nue propriété également).

Fuku et Karifuni recevront chacun la moitié du champ et de la bananeraie de leur mère.

Nzabandora se verraattribuer le champ et la bananeraie de Nyiramatama.

Shumbusho a cependant le droit de prélever un itako sur les biens de ses frères.

VACHES, PATURAGES.

Le Muhutu ne possède généralement pas de paturages, car même lorsqu’il a une ou deux vaches, elles sont inkazibiti et rarement imbata. Ces bêtes appartiennent indivisément aux fils du défunt, qui vont demander à un Mututsi aisé l’autorisation de continuer à mener paitre les bêtes dans ses pâturages.

PETIT BETAIL.

Le troupeau de chèvres et de moutons est divisé entre les fils. Le chef de famille prend en plus

L’itako.

RUGO

Chacune des femmes reste dans son rugo et dispose des récoltes faites à l’entour.

ARMES, INSTRUMENTS

Sont pris par le chef de famille.

Succession d’un Mutwa.

L’héritage d’un Mutwa se résume à peu de chose : quelques chèvres et moutons, des instruments et des ustensiles. Il arrive cependant qu’il comporte un petit champ (ingobyi y’urugo), parfois même un terrain d’une certaine importance (igikingi), reçu le plus souvent en récompense de prouesses chorégraphiques.

  1. Sort des veuves.

Le temps du kwirabura et du kwera expiré, la veuve (umupfakazi) a la faculté de se remarier. Si elle accepte comme nouvel époux un membre de la famille de son mari : le chef de famille (à l’exclusion de son propre fils) (Le fils chef de famille peut prendre pour femmes une ou plusieurs des veuves de son père si elles n’appartiennent pas à la famille de sa mere. Un oncle ne peut épouser su nièce), un de ses beaux-frères (frères de son mari) ou son beau-père, la femme reste dans son rugo, où son nouveau mari viendra lui rendre visite. Il n’est versé aucune dot (inkwano) pour une veuve qui se remarie et le mariage a lieu sans aucune des cérémonies habituelles.

Si la femme décline toute offre de mariage pour se consacrer à l’éducation de ses enfants, il lui sera permis quand même de ne pas quitter son rugo. Elle garde les vaches inyarurembo, ses serviteurs, le champ et le pàturage qu’elle a reçus de son mari avec le droit d’en retirer des avantages. Ces biens ne constituent pas pour elle un domaine, mais sont conservés par elle à titre provisoire. Elle ne fait en somme que les gérer dans l’intérêt de ses fils mineurs qui restent avec elle. De la sorte, elle peut continuer à vivre comme du temps de son mari, sans craindre de tomber dans la misère. Au surplus, même lorsque ses fils prélèvent une partie de ces biens pour s’établir, ils ne cessent pas de témoigner une tendre sollicitude à leur mère et pourvoient à ses besoins.

Si la veuve désire rentrer dans sa famille, elle doit, dans ce cas abandonner le rugo et ce qu’il contient, sauf ses objets personnels. Ses enfants devront être laissés à la famille de leur père dès qu’ils seront sevrés, c’est-à-dire vers l’âge de quatre à cinq ans,  à moins que la dot n’ait pas été entièrement versée.

Il arrive qu’une veuve avec enfants se remarie avec un étranger à la famille du défunt. En principe, il ne lui est pas interdit de vivre dans son rugo avec le nouveau mari. Mais ces unions, mal vues d’ailleurs, sont généralement précaires. A la moindre difficulté, les parents du défunt interviennent souvent et le second mari est chassé sans pouvoir rien emporter, en étant, même contraint, d’abandonner les enfants qu’il a eus de la femme.

Quant à la veuve sans enfants, elle doit rentrer dans sa famille, à moins qu’elle n’accepte d’épouser un membre de la famille du défunt.

  1. Situation du veuf.

Le plus souvent, la mort de la femme ne met pas fin aux relations du veuf avec sa belle-famille, surtout, si des enfants sont nés du mariage.

Les beaux-parents ont la faculté de donner à leur gendre une, parfois même deux vaches indorano (Les Bahuttu donnent comme indorano des cruches de bière).

Si le veuf reste avec des enfants en bas àge, pour que les orphelins n’aient pas pour maratre une étrangère, les beaux-parents proposent généralement à leur gendre de prendre une de leurs autres filles pour femme• Loin de réclamer pour celle-ci une nouvelle dot, ils offrent au contraire une vache indongoranyo (une houe chez les Bahutu) qui normalement cependant est la contre-partie de la dot versée.

Un veuf sans enfants peut réclamer la restitution de la dot. Il ne le fait généralement pas, car il sait que ses beaux-parents, pour éviter de rendre la dot, lui chercheront une nouvelle épouse parmi leurs propres filles ou celles de leur parenté.

  1. Tutelle des enfants

La mère veuve, non remariée au loin, continue à vivre dans son rugo et y élève ses enfants jusqu’au mariage de ceux-ci, qui, en ce qui concerne les garçons tout au moins, les émancipe.

Le fils qui est nommé chef de famille remplace effectivement son père, pourvu qu’il soit en àge de le faire; il possède les mêmes droits et obligations que lui, notamment celle d’établir ses frères (en leur donnant des indemano) et de marier ses soeurs; si plus tard l’une de celles-ci vient à être répudiée, elle se réfugie chez sa mère ou chez son frère, qui lui cherche un nouveau mari.

Si tous les garçons sont mineurs, le grand-père paternel ou, à son défaut, celui des oncles paternels qui paraît le mieux qualifié est choisi comme tuteur; il exerce en cette qualité les prérogatives de la puissance paternelle et gère pour ses pupilles les biens délaissés par le défunt.

Si les parents mâles du côté paternel sont disparus, c’est un des oncles maternels qui en sera tuteur. En effet, si chacun des époux continue à appartenir à son umuryango propre, les enfants, eux, sont membres des deux familles.

L’émancipation, qui se confond normalement avec le moment du mariage, arrive quand le jeune homme atteint dix-huit ans. Mais il peut se faire que les enfants, ayant des motifs de se plaindre de leur tuteur, aillent, selon leur rang social, demander justice au chef de colline, de province ou au Mwami. Devenus grands, il arrive même qu’ils s’émancipent (proprio motu » en chassant le tuteur indigne.

  1. Successions irrégulières.

Bien que le droit successoral exclue les filles de l’héritage, celles-ci sont toujours gratifiées de cadeaux par le nouveau chef de famille, tout au moins quand il est leur frère.

En ce qui concerne les Bahutu, le cas suivant peut se présenter : un Muhutu, umugaragu d’un riche Mututsi, a une fille servante chez son maitre, où elle est mariée à un autre serviteur; à la mort de son client, le maitre, au lieu de reprendre les vaches, peut les remettre au mari de la fille, qui devient ainsi son umagaragu.

Quand une femme meurt, les quelques parures qu’elle possède (colliers, bracelets) ne vont pas à sa fille, mais à ses belles-filles (filles de son mari). La mère peut aussi, avec la permission du chef politique, les donner à son fils qui vivait avec elle. Celui-ci en fera cadeau plus tard à sa femme.

Unhomme qui n’a pas de garçons (inshike) ou qui les a maudits peut adopter un fils de son frère (umuhungu wacu) ou, à son défaut, celui de sa soeur (umwishywa). Il lui promet son héritage et son neveu devient en toutvéritablement son fils.

Un homme qui a conclu le pacte du sang (kunywana) hérite de son frère de sang (umunywanyi) si celui-ci meurt sans laisser de parents mâles. Il peut épouser la femme du défunt mais non sa fille, qui est considérée comme étant son enfant, et il exerce la puissance paternelle sur les orphelins.

Si le défunt, lié à un patron par un bail à cheptel, n’a pas de frère, la tutelle des enfants mineurs revient au shebuja (kumuremera). Dans le cas contraire, celui-ci la partage avec un oncle paternel on maternel des orphelins. Si le patron a versé la dot de son client, il prendra les dots données pour les filles de son umugaragu et les gardera pour permettre aux garçons de se marier. Ainsi donc, dans ce cas, un Mututsi devient chef du rugo du Muhutu.

  1. Successions en déshérence.

Les femmes n’héritant pas, si, par impossible, le défunt n’a pas de parents mâles, son patron reprend les vaches qui lui appartenaient et s’approprie le petit bétail, les instruments, etc. (inzungu : de kuzungura : hériter sans être parent). Les champs, les bananeraies, pâturages délaissés dans les mêmes conditions (inkungu) vont au chef politique, qui les attribue à un autre homme. Mais les veuves sont autorisées à demeurer dans leur rugo.

Si le défunt n’est pas engagé dans les liens d’un contrat d’ubugaragu, tous ses biens vont au chef politique, qui en dispose comme il l’entend.