RELATIONS FAMILIALES EN RAPPORT AVEC LE MARIAGE   

1.Ce chapitre prépare, d’une façon éloignée, une meilleure compréhension du foyer (famille dans la culture européenne). On est obligé de s’avouer qu’il est bien difficile de trouver une marche logique, aisée, lorsque l’on veut situer exactement le foyer dans son contexte rwandais, et peut-être même centre-africain en général. Le mariage ne peut se comprendre que dans un réseau d’institutions et de conceptions sociales spécifiquement africaines. De plus, le foyer n’est viable, au Rwanda décrit, que dans le cadre de la législation politico-sociale, régissant l’acquisition ou l’obtention de ce que, dans le chapitre précédent, nous avons appelé fief. Voilà la raison pour laquelle la description préliminaire du foyer sera ici accompagnée d’une documentation inaccoutumée en la matière. Le mécanisme des relations familiales, non seulement entre les vivants, mais encore entre les vivants et les défunts, pourra peut-être, à d’aucuns, paraître bizarre à première vue. La méthode adoptée aura cependant l’avantage d’éviter une description en quelque sorte chétive. Il me semble en effet, qu’un appareil de renseignements touffus, en cette matière, vaut mieux qu’une schématisation logique certes, mais en fin de compte artificielle, et de ce fait faussée parquelque côté.

2.Un autre aspect de la question défie toute marche rigoureusement logique. Mon intention première était de suivre le Rwandais, pas à pas, depuis sa naissance jusqu’à sa mort. Il est cependant difficile de parler du nouveau-né, en faisant abstraction du foyer et du milieu culturel au sein duquel il voit le jour et où il est éduqué. Voilà pourquoi il a semblé plus aisé de compléter, par de nouvelles données, les éléments des chapitres précédents. Il sera dès lors plus naturel de suivre notre Rwandais depuis son berceau jusqu’à sa mort. Entrons immédiatement dans le sujet.

3.Quelles sont, au point de vue clans et familles, les conditions préalables aux fiançailles ? Tout d’abord, les premières démarches viennent de la famille du jeune homme. Remarquons toujours que le terme famille est Umulyango (chap. III). Toute alliance tend à renforcer ce groupe, et c’est pour cela que le choix de la fiancée intéresse la parenté entière. Les premiers contacts avec le père de la jeune fille ne seront jamais effectués par le jeune homme. C’est son père qui ira amorcer les pourparlers, et parfois ce sera plutôt le chef de la famille (chap. IIIno 45). Il s’agit d’amorcer les pourparlers, car le père de la fille, chef du foyer, ne pourra, non plus, décider du sort de son enfant, indépendamment de la famille.

 4.a) Le choix de la jeune fille est conditionné par le symbole héraldique (totem) des deux parties. L’endogamie est interdite pour tous les clans, sauf pour celui des Basindi.

b) Ainsi donc, si le jeune homme et la jeune fille appartiennent au clan dynastique, celui des Basindi, ayant pour totem la grue couronnée (umusambi), le mariage est permis.

c) Cette licence d’endogamie, pour le clan dynastique, peut en principe s’étendre jusqu’à l’échelon famille (Umulyango). Etant donné cependant les habitudes contraires de l’ambiance, les Basindi pratiquent l’exogamie familiale, quoique les exceptions ne manquent pas.

5.Si donc le jeune homme et la jeune fille appartiennent au même clan, autre que celui des Basindi, et répondent conséquemment au même totem, il leur est interdit de se marier. L’interdiction en question est d’ordre religieux et non juridique. Elle ne souffre donc pas d’exception. En cas de contravention, les terribles sanctions sont supposées immanentes et automatiques (chap. I, no 55 sq.).

 6.a) Notons que les Basindi, auxquels est permise l’endogamie clanique, peuvent à plus forte raison se marier dans n’importe quel autre clan.

b) Toutefois, un interdit particulier pèse sur les Basindi descendant du roi Yuhi III Mazimhâka (8e ancêtre de l’actuel Mlitâra III), qui ne peuvent prendre femme dans le clan des Bacyaba (totem Hyène). Ainsi donc le jeune homme du clan des Basindi, dans le cas où sa famille descend dudit monarque, ne pourra épouser une fille d’entre les

7.a) Sur quoi se base la licence de l’endogamie clanique (et en principe familiale) reconnue aux Basindi, ou clan dynastique ? Le récit mythique concernant le premier ancêtre de la lignée, Kïgwa (le Tombé-du-ciel), affirme qu’il épousa sa soeur Nyamhundu. Il ne voulait pas se marier avec les filles des terricoles ! En souvenir de ce mariage incestueux, les membres du clan descendant de Kïgwa continuent la coutume (voir Chap. II, no 18).

b) Il est superflu de souligner que le récit en question, quoique inacceptable en son sens littéral, renferme cependant une vérité évidente ; à savoir que le premier chef de la lignée (peu importe son véritable nom) arriva réellement au Rwanda.

c) D’autre part, puisque l’interdiction matrimoniale, en cette matière, est d’ordre religieux, nos Basindi, superstitieux comme tout le monde, ne purent pas inventer ce privilège pour leur propre compte à une époque ultérieure. Nous pouvons donc supposer que le chef des premiers Basindi avait réellement épousé sa soeur.

d) Le cas n’est pas unique pour le clan des Basindi: d’autres lignées pratiquaient pareilles alliances, propres à une catégorie de civilisations ethnologiquement spécifiées (C’était bien plus fort, en Égypte par exemple, où l’on a relevé des tables généalogiques, qui démontrent indubitablement qu’un homme se mariait avec sa propre mère et sa propre fille. En ces conditions, le mariage avec sa soeur devient un cas presque compréhensible pour nous. (Voir principalement MARGARET A. MURRAY, The Splendour that was Egypt, p. 321-323).

8.Voilà donc les conditions que l’on doit préalablement vérifier, ayant trait au clan et à la famille, avant d’entamer les démarches aboutissant aux fiançailles. D’autres aspects du problème ne sauraient être clairement exposés que sous forme de références aux tableaux qui vont suivre. Reprenons la table généalogique qui nous est maintenant familière, en nous bornant à la première ligne horizontale, de Mihigo à Ntwali.

 

9.La table généalogique est envisagée par rapport à NTWALI :

a) à la première personne

MIHIGO

RWÉMA

RUGERO : sogokuruza                           = Mon arrière-arrière grand-père

+ sa femme — A: mukaka                            = Mon arrière-arrière grand-mère

MUSHI: sogokuruza                                = Mon arrière grand-père

+ sa femme — B : nyogokuruza                   = Mon arrière grand-mère

MUTWA : sogokuru                                                     = Mon grand-père

+ sa femme — C : nyogokuru                       = Ma grand-mère

BUGABO : data                                       = Mon père+ sa femme — D : mama                             = Ma mère

NTWALI

 

b) à la deuxième personne.

 

MIHIGO

RWEMA

RUGERO: Sogokuruza                          = Ton arrière- arrière grand-père

 

+ sa femme — A: mukaka                            = Ton arrière-arrière grand-mère

MUSHI: sogokuruza                                = Ton arrière grand-père

+ sa femme — B : nyogokuruza                   = Ton arrière grand-mère

MUTWA : sogokuru                                        = Ton grand-père

+ sa femme — C : nyogokuru                       = Ta grand-mère

BUGABO : so                                          = Ton père

+ sa femme — D : nyoko                              = Ta mère

C) à la troisième personne

MIHIGO

RWEMA

RUGERO: Sekururuza                           = Son arrière- arrière grand-père

+ sa femme — A: mukaka                           = Son arrière-arrière grand-mère

MUSHI: sekuruza                                   = Son arrière grand-père

+ sa femme — B : nyirakuruza                   = Son arrière grand-mère

MUTWA : sekuru                                          = Son grand-père

+ sa femme — C : nyirakuru                      = Sa grand-mère

BUGABO : se                                        = son père

+ sa femme — C : nyina                            = Sa mère

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

= Mon arrière-arrière-gd-père =

=Mon   arrière-arrière-gd-mère

= Mon arrière gd-père

= Mon arrière-gd-mère

= Mon grand-père

= Ma grand-mère

= Mon père

= Ma mère

 

  1. Au delà de l’arrière-arrière-grand-père, il n’y a plus de terme servant à exprimer la relation familiale. D’autre part, l’arrière-arrière-grand-mère est désignée par un terme tout à fait spécial, quoique l’on pourrait également l’appeler nyôgékururuza, qui est le féminin régulier de cet échelon. A partir du 5e ancêtre en remontant,. tous les ascendants portent l’appellation collective de abasékuruza (les aïeux).

11. Une remarque, qu’il importe de souligner tout spécialement :

a) Les termes exprimant les degrés de l’ascendance sont grammaticalement irréguliers. Nous avons affaire à des mots presque entièrement différents, suivant le sexe des ascendants, leur degré de parenté, et la personne grammaticale.

b) Ces termes comportent, en leur signification interne le correspondant des adjectifs possessifs: mon, ton, son, ( ma, ta,sa), notre, votre, leur.

 

1° data= mon (notre) père

mama = ma (notre) mère

2° so = ton (votre) père

nyoko = ta (votre) mère

3° se = son (leur) père

nyina = sa (leur) mère

Il en va de même pour les ascendants antérieurs.

c) Ces ascendants antérieurs au père et à la mère, sont dénommés par deux mots composés :

1° Du qualificatif kuru = ancien, ou grand, auquel on ajoutera, suivant le cas, une désinence appropriée.

2° De la deuxième et la troisième personne de père et mère. On y reconnaîtra so et nyoko (ton père, ta mère), ainsi que se et nyina (son père, sa mère), qui seront pliés diversement à certaines modifications exigées par l’euphonie du Kinyarwanda.

3° Les termes à la première personne (data, mama = mon père, ma mère) n’entrent pas dans la composition de ces dénominations de l’ascendance. On emploie, pour cette première personne grammaticale, la forme de la deuxième.

  1. a) Reprenons maintenant la même lignée, mais cette fois-ci en sens inverse. Les termes exprimant les degrés de la descendance sont parallèles à ceux de l’ascendance : un degré de parenté innommé en montant, ne saurait, en effet, logiquement avoir une désignation correspondante en descendant. b) Contrairement à ce que nous avons souligné sur le caractère grammaticalement irrégulier des termes exprimant les degrés de l’ascendance, ceux ayant trait à la descendance sont réguliers. Bien plus, les personnes grammaticales y sont indiquées par le correspondant approprié de l’adjectif possessif. c) La table suivante est envisagée par rapport à RUGERO

 

RUGERO

sa femme-A :umugore             = femme

MÛSHI : umwana                    = enfant

sa femme-B : umukazana       = bru

MÜTWA : umwuzukuru           = petit-fils

sa femme-C

BUGABO : umwuzukuruza     = arrière petit-fils

sa femme-D

NTWA.LI : ubuvivi                   = arrière-arrière petit-fils

femme

enfant

bru

petit-fils

= arrière-petit-fils

= arrière-arrière-petit-fils

 

13. On se demandera peut-être ce que vient faire cette table généalogique dans ce chapitre consacré au foyer. Sans doute, ces ancêtres sont morts depuis longtemps, mais ils sont d’une actualité hallucinante dans la vie de leurs descendants. On sait que l’esprit du Noir, au centre africain, est obsédé par l’intervention des Bazimu (esprits des défunts) dans les affaires de la vie courante. C’est un sujet que nous ne pouvons détailler ici. Soulignons cependant que dans la culture rwandaise, les ascendants directs, — auxquels il faut joindre les oncles et tantes paternels, ainsi que les frères et soeurs défunts, — forment une catégorie à part. Ils ne sont pas des Bazimu nuisibles, mais des Bakura-mbere ou protecteurs. Le terme de Bakurambere signifie littéralement : Ceux-qui-ont-grandi-avant.

14.Si les Bakura-mbere forment le collège d’esprits protecteurs en général, chaque personne se réclamant d’eux doit choisir parmi eux un protecteur porte-chance dit Ingâbwa, terme ayant le sens général de : intermédiaire, espèce de patron personnel. Cet esprit porte-chance est assigné à chacun par oracle divinatoire. Chaque jeune homme hamite, dès qu’il est en âge de fréquenter les autorités politiques, d’amorcer ses relations personnelles avec ceux dont dépendra son avenir, se fait en général déterminer le Mukura-mbere en question. Ses parents y veillent. Quand le jeune homme sera marié, il tiendra à construire une case spécialement dédiée à son Ngâbwa. Il passera régulièrement en cette case la nuit qui précèdera son départ pour la Cour, ou pour un procès quelconque. Le protecteur Ngâbwa, préposé à la fortune de l’intéressé, influencera soit les autorités, soit les juges en faveur de son client.

15.On ne songe pas non plus aux fiançailles, sans avoir consulté les devins. Le jeune homme va fonder son foyer ; mais en l’honneur de quel esprit d’entre les Bakura-mbere ? Un oracle divinatoire a déjà déterminé que le jeune homme,  ici par exemple Ntwali se mariera en l’honneur de Mutwa, son grand-père. C’est-à-dire que Mutwa sera constitué comme esprit tutélaire du nouveau foyer. La case principale de l’enclos lui sera dédiée et il règlera les relations entre Ntwali et les autres esprits qui tenteront de s’introduire au foyer. Il peut arriver que le Mukura-mbere tutélaire du foyer coïncide avec le protecteur Ngâbwa (porte-chance), mais ce cas n’est pas nécessaire.

16.Notons que la catégorisation des Bazimu en protecteurs et en nuisibles est commune dans le Rwanda. Les Hamites cependant y mettent plus de solennités que les autres. La chose est compréhensible, puisque les Batutsi (Hamites) ont plus de moyens à leur disposition. Il est évident cependant que cette conception n’appartient pas à la culture bantu et hamitique sur le même pied d’égalité. L’une des deux cultures l’a empruntée à l’autre. Ce n’est pas ici cependant que nous devons discuter ce problème : il nous suffit d’en prendre connaissance pour comprendre ce qui va suivre.

17.Voilà donc notre Ntwali qui est maintenant bien fixé. Il sait déjà que le Mukura-mbere tutélaire de son futur foyer est son grand-père Mutwa. Or nous savons déjà que cette famille (Umulyango) des Bahigo appartient au clan des Bagesera (totem bergeronnette). La jeune fille qu’on va demander pour lui a comme totem la grue couronnée (Umusambi); elle appartient donc au clan des Basindi. Le même oracle divinatoire qui a déterminé Mutwa comme tutélaire du futur foyer, a assuré que la jeune fille en question devait être une femme porte-bonheur. L’esprit de Mutwa, grand-père de Ntwali, a marqué, par le même oracle, qu’il agréait la future épouse de son petit-fils.

  1. a) Cet aspect du problème représente des éléments complexes dont on doit tenir compte dans les jugements portés sur les mariages en nos régions. On déplore habituellement le manque de liberté chez la jeune fille. Le jeune homme lui-même était-il libre dans son choix ? Ce n’était pas tout qu’il trouvât une jeune fille à son goût ; il fallait également que le hasard de l’oracle divinatoire tombât d’accord. L’oracle sollicité dépendait d’un hasard ; mais ce hasard était indépendant du devin, comme nous nous promettons de le décrire ultérieurement.  b) C’est un aspect de la divination rwandaise qui, à ce jour, semble avoir échappé à ceux qui se sont penchés sur ce sujet. Les formes de divination, recevables en cette matière, du moins chez les Hamites, se basent sur l’interprétation de certains signes, que l’aruspice déchiffre dans les viscères des poussins, de bêliers ou de taureaux. Le devin ne peut donner une interprétation différente de celle que les créateurs de ce système ont établi de temps immémorial. Il n’est pas seul, rappelons-le : les aruspices opèrent en groupe, lorsqu’il s’agit d’une consultation d’importance. Les signes sur lesquels se base l’oracle sont accessoires dans la bête mactée ; ils peuvent faire défaut ou se déplacer. Les viscères de l’animal sont examinés à l’instar d’une carte géographique. La présence du signe dans telle localité signifie un oracle déterminé, qui sera invariable dans tous les cas. Dans l’esprit des aruspices, la formule divinatoire qui a été déclamée avant la mactation, a seule déterminé l’absence des signes ou leur présence en tel endroit. Voilà tout le système. Il est dès lors évident que le devin interprète un hasard indépendant de sa volonté. Cette coïncidence des approbations divinatoires faisant défaut, la jeune fille devenait une femme porte-malheur, et par conséquent le jeune homme devait renoncer aux fiançailles projetées.

19. Que l’on juge par là, combien grave, en ses conséquences, était le refus essuyé par le jeune homme, lorsque la famille (Umulyango) de la jeune fille n’acceptait pas le gendre. Cela devenait une inimitié inextinguible entre les deux familles. Car en refusant au jeune homme la main de son élue, les parents de cette dernière étaient censées avoir brisé l’avenir du prétendant. On lui refusait celle que les oracles avaient désignée comme le porte-bonheur du foyer, le gage assuré de la fortune que l’évincé ne pourra plus atteindre. Il se rabattra certes sur une autre jeune fille, mais ce sera un pis-aller : l’avenir ne sera plus ce qu’il aurait été, si sa première élue avait été accordée.

20.a) Nous venons de voir les dénominations par lesquelles on exprime les relations ascendantes et descendantes en ligne directe. Arrivons-en maintenant aux relations parallèles de consanguinité et les dénominations d’affinité. La table suivante semble les résumer parfaitement. Nous les compléterons au besoin, par des additions, concernant des personnes qu’il n’était pas aisé d’y faire figurer. Pour plus de clarté, les personnes mâles seront indiquées par les noms en majuscules, tandis que les noms des femmes seront précédés d’une croix.

Abasinga                       Abagesera                      Abaha

MUKORE + E                MUTWA + C                            MAKARE + F

+ Geza   TEGERA          + Hirwa   RUGIRA + Z            +Gakima  NGABO

BUGABO + D

RUGAZA              + Gato                  + Kabera     + Humura

SEBASHI             NTWALI

 

 

  1. b) – Le Clan Abasinga : MUKORE (de sa femme- E) a deux enfants : TEGERA et + Geza.

II.- Le Clan Abagesera : MUTWA (de sa femme-C) a quatre enfants : RUGIRA,

BUGABO, Hirwa et Gakima.

III. – Le Clan Abaha : MAKARE (de sa femme-F) a un fils : NGABO. TEGERA, fils de MUKORE, a épousé + Hirwa, fille de MUTWA ; ils ont un fils appelé RUGAZA. RUGIRA a épousé + Z; ils ont deux enfants ‘

SEBASHI et ± GAto. BUGABO a épousé + D; ils ont deux enfants : NTWALI et + Kabera. NGABO, fils de MAKARE, a épousé + Gakima, fille de MUTWA ; ils ont une fille :  Humura. Il est évident que cette table renferme des relations déjà notées plus haut, à savoir les relations généalogiques (dans le sens vertical). Nous les laissons donc de côté, pour ne décrire que les relations collatérales et croisées (Sur ces dénominations indiquant les rapports de parenté, voir VAN HOVE, OP. cit., pp. 11-16. — M. PAUWELS, Le mariage chez les montagnards Bahiitu , dans Kongo-Overzee, XIX (1953), 4, Anvers, pp. 338-342).

  1. Comment s’appellent les quatre parents de deux époux?

MUKORE et sa femme-E ont donné le jour à TEGÉRA.

MUTWA et sa femme-C, ont donné le jour à  Hirwa. Les deux enfants se sont mariés. TEGERA appelle Hirwa = umugore wanjye (ma femme) et + Hirwa appelle TEGERA = umugabo wanjye (mon mari). Ce mariage a créé une relation d’affinité entre les parents du couple. Comment exprime-t-on cette relation ? Par le terme bamwana = parents du mari de ma fille (et parents de la femme de mon fils). Le terme bamwana est invariable.

b) Retrouve-t-on cette même relation sur la table généalogique que nous avons sous les yeux ? Oui. MUTWA et sa femme-C ont eu une autre fille : Gakima, épouse de NGABO, celui-ci fils de MAKARE et de sa femme-F. Ces deux derniers sont donc bamwana de MUTWA et de sa femme-C.

 

  1. Comment s’appellent les maris de deux soeurs?

TAGERA et NGABO ont épousé deux soeurs :  Hirwa et  Gakima. Ce double mariage a-t-il créé quelque relation entre les deux hommes ? Oui. Les deux hommes sont en ce cas, appelés : basanzïre (au singulier musanzire) = maris de deux sœurs.

  1. Comment s’appellent entre eux, le frère et sa soeur?

TEGERA, mari de Hirwa, a une soeur appelée Geza. Geza appelle TEGERA : musaza wanjye (mon frère). Trois remarques :

a) Le mot musaza se dit uniquement d’un garçon par rapport à sa soeur : un garçon ne peut l’employer à l’égard de son frère. D’où il suit que pour traduire exactement ce terme en français, on devrait dire : musaza = frère de la soeur.

b) Ce mot de musaza doit être toujours accompagné de l’adjectif possessif correspondant, qui doit en déterminer l’attribution. On n’est pas musaza tout court, mais musaza d’Une-telle.

c) Le mot musaza ne peut comporter le préfixe u– au singulier (umusaza), ni a- au pluriel = (abasaza). En ce dernier cas, en effet, il signifie : vieillard.

  1. TEGERA appelle + Geza = mushikï wanjye. Ce mot devrait également se traduire en français par : soeur du frère. Une fille ne peut l’employer à l’égard de sa soeur. Il doit également s’accompagner toujours de l’adjectif possessif correspondant qui en détermine l’attribution, car la fille n’est pas mushiki tout court, mais mushiki de quelqu’un.
  2. Comment s’appellent deux femmes dont l’une est la soeur du mari de l’autre?

TEGERA mari de + Hirwa, a une soeur Geza. Ce mariage a créé une relation d’affinité entre les deux femmes. L’une est pour l’autre muramukazi = femme de mon frère (soeur de mon mari) ; au pluriel : baramukazi.

  1. Comment les deux époux appellent-ils leurs beaux parents respectifs et réciproquement?
  2. a) Pour MUKORE et sa femme-E, Hirwa, épouse de leurs fils, est umukazana. Hirwa, de son côté appelle MUKORE : data- bukwe = mon-père-matrimonial. Elle appelle sa belle-mère, la femme-E : mabukwe = ma-mère-matrimoniale.

(1ère personne : data-bukwe : mon-père-matrimonial (et notre-père-matrimonial.

 2e personne : so-bukwe : ton-père-matrimonial (et votre-père-matrimonial.

3e personne : se-bukwe : son-père-matrimonial (et leur-père-matrimonial).

1ère personne: mabukwe : ( = abréviation de mama-bukwe) à la 1ère personne : ma mère matrimoniale (et notre-mère-matrimoniale).

2e personne : nyoko-bukwe: ta-mère-matrimoniale (et votre-mère-matrimoniale).

3e personne : nyira-bukwe : sa-mère-matrimoniale (et leur-mère-matrimoniale).

b) TEGERA, de son côté, désignera par les mêmes termes de mon père matrimonial et ma-mère-matrimoniale, le père et la mère de sa femme.

  1. Comment s’appellent mutuellement une femme et l’enfant de son frère?

Nous voyons que TEGERA a un fils appelé RUGAZA. Il a une tante paternelle, du nom de + Geza, soeur de TEGERA. RUGAZA l’appellera : ma-senge = soeur de mon père. De son côté, + Geza appelle RUGAZA : umwisengeneza ; au pluriel abisengeneza .  (Ma-senge (abréviation de mama-senge), répondant à la première personne des deux nombres ; ainsi de même nyogdo-senge et nyira-senge, respectivement pour la 2e  et la 3e personne. Que signifie ce terme senge qui entre dans la composition du mot ? Dans la langue actuelle, le mot isenge signifie : la largeur de la poitrine, mesurée d’une extrémité à l’autre des épaules. — Dans la vieille langue de nos bardes, le mot isenge signifie la pensée intime, les préoccupations du coeur. — S’il y a eu évolution du sens attaché à ce mot, ce n’est évidemment pas la signification des bardes, actuellement disparue du langage, qui est dérivée. Les générations plus récentes auront fait sortir de l’intimité du coeur le sens de isenge, pour l’étaler sur la poitrine.

 Ma-senge, mot dont la signification étymologique resterait autrement inexplicable, semble avoir une connexion intime avec le sens que les bardes attachaient au terme isenge. Au Rwanda, comme dans tous les pays où j’ai pu observer les mêmes réactions, les femmes portent aux enfants de leurs frères une tendresse extrême. Le fait est proverbial au Rwanda. On sait également que la soeur porte à son frère une sollicitude quasi-maternelle. Je crois donc que ma-senge signifie, étymologiquement : ma-mère-affectueuse, ou quelque chose de ce genre.)

  1. Comment s’appellent réciproquement deux hommes, dont l’un est le mari d’une soeur de l’autre?

TEGERA a épousé + Hirwa, sœur de RUGIRA. Ces deux hommes s’appellent l’un l’autre, muramu wanjye = le mari de ma soeur (frère de ma femme), au pluriel baramu banjye/bacu. La même relation, cela va de soi, est exprimée entre TEGERA et BUGABO.