{:fr}Le principe social de descendance était patrilinéaire. Trois ou même quatre groupes étaient fondés sur ce principe: zu, le groupe agnatique le plus petit, appelé « parentèle », « patrilignage primaire » ou « maison », ryango, appelé«famille », « patrilignage secondaire » ou « lignage », shanga, le sous-clan (chez les Rera) et oko, le patriclan. Le lignage ryango comprenait tous les consanguins qui pouvaient réellement déterminer leur relation patrilinéaire à un ancêtre éponyme commun. C’était un groupe transitoire en ce sens qu’après un certain temps il pouvait se scinder en deux ou plusieurs groupes de même nom. La formation de nouveaux lignages ne se produisait pas automatiquement après un nombre défini de générations mais des facteurs comme l’importance numérique du groupe, l’existence d’un homme riche et puissant ou réputé pour ses fonctions et le changement de résidence étaient co-déterminants. La profondeur du lignage dépendait aussi du souvenir qu’avaient les membres de leur descendance commune; elle dépassait souvent six générations. Vers la fin du XIXe siècle, le lignage pouvait encore être identifié facilement dans les régions peu inféodées du nord et du nord-ouest (chez les Rera, au Ndorwa et dans une moindre mesure au Bugoyi) où il constituait une unité politique autonome, disposant d’un domaine foncier collectif et formant un groupe résidentiel. CZEKANOWSKI qui l’a bien vu fonctionner l’appelait Clangemeinde. Plus au centre du pays, les contours du ryango étaient plus vagues, ses fonctions étaient plus difficiles à définir. Ceci provenait sans doute du fait qu’aux yeux des autorités politiques ce n’était pas le lignage mais le groupe zu qui était important. Celui-ci comprenait l’ensemble des parents consanguins qui avait été investi d’un domaine foncier, d’un cheptel bovin ou de pâturages par l’autorité représentant le gouvernement central. Généralement plus petit que le ryango dont il ne constituait qu’une section comprenant jusque quatre générations, le groupe zu pouvait cependant parfois s’identifier presque au lignage. Toutefois, il ne semble pas que pour le Rwanda dans sa totalité, l’investissement ait été une condition essentielle à l’existence du groupe zu car dans des régions peu inféodées celui-ci était explicitement conçu comme un pur groupe de parenté comprenant les membres du lignage qui descendaient d’un homme de la deuxième génération ascendante avec cette spécification qu’on se considérait comme membre du groupe zu auquel appartenait le père, aussi longtemps que celui-ci était en vie. La définition et l’importance relative des groupes ryango et zu différaient donc selon les régions.

Il existe peu de diversité de vues sur la nature du patriclan okoétait un groupe non résidentiel dont les membres se reconnaissaient un certain lien de descendance commune sans être capables de retracer les lignes qui les reliaient à l’ancêtre éponyme. Il y a peu de doute que le patriclan ait été à l’origine un lignage dont les membres, en devenant très nombreux et en se dispersant, ne gardaient plus qu’un vague souvenir de leur descendance commune. Mais cette vue semble difficile à concilier avec le fait que le même patriclan pouvait comprendre des membres des trois castes tuutsi, hutu et twa. Il faudrait expliquer cette difficulté sur le plan de la structure de clientèle: les serviteurs se seraient identifiés au patriclan de leur maître.

Il y avait une quinzaine de clans au Rwanda. Le critère d’identification d’un patriclan serait son association avec une espèce animale particulière. Mais pour certains patriclans, cette association différait d’une région à l’autre et des groupes qui se réclamaient du même animal étaient parfois considérés comme des patriclans différents, parfois (comme chez les Rera) comme des sous-clans (shanga), ensembles de lignages qui existaient au sein du groupe plus grand qu’était le patriclan.

Fonctions Des Groupes

Le patriclan n’avait pas de chef et ses membres ne participaient pas à des activités collectives. L’animal avec lequel il était associé était une sorte de symbole du patriclan mais aucune défense n’interdisait aux membres de le tuer. La bergeronnette du clan gesera était seule l’objet d’une protection générale parce qu’elle était considérée comme un oiseau d’augure. Le patriclan était agame mais une règle d’exogamie pouvait exister dans tel ou tel patriclan ou sous-clan. Les patriclans gesera et zigaba jouissaient d’un statut rituel privilégié. En certaines circonstances, par exemple lors de l’installation d’une demeure ou de la purification après un décès, il fallait faire appel à un spécialiste rituel, appelé umuse. Sa fonction ne dépendait pas de qualifications individuelles mais seulement de son appartenance à des deux clans précités. Mais il y avait en ce domaine d’intéressantes variations régionales, par exemple chez les Rera, les Goyi et les Twa hunyu, chez qui des patriclans et parfois des sous-clans étaient liés deux à deux par cette institution (muse) et par des relations de plaisanterie (guteranaubuse). Le patriclan  sindi était en possession de la royauté; les patriclans ega, kono, ha et gesera donnaient des reines-mères au Rwanda. Ces clans font l’objet de dispositions spéciales dans le code ésotérique (-biru) de la dynastie.

Les fonctions du lignage étaient plus faciles à définir au nord-ouest qu’au centre du pays. Dans les régions hutu du nord-ouest, par exemple chez les Rera, le lignage avait un chef, élu par ses membres. Celui-ci était assisté dans ses fonctions par un conseil auquel tous les membres masculins pouvaient participer mais qui se limitait en fait à quelques anciens importants. Le chef surveillait l’occupation du domaine foncier. II pouvait édicter des règlements généraux intéressant tous les membres du lignage. Sa fonction la plus importante était juridique: les différends entre les membres pouvaient lui être soumis directement ou il pouvait les examiner après qu’un chef de ménage ou de « maison » eut prononcé un premier verdict. Etant donné des rivalités entre les groupes zu qui composaient le lignage, le chef de celui-ci éprouvait souvent des difficultés à se faire obéir. Le chef du lignage était considéré par les autres lignages de la région comme le représentant de son groupe, par exemple lors de l’arrangement pacifique d’une vendetta (-hora). Lorsque la région fut effectivement soumise par le gouvernement central, il continuait à représenter ses hommes auprès des chefs politiques et il devait collecter les impôts dus par le lignage. Le lignage était exogame. Il arrivait que tous ses membres se réunissaient chaque année pour faire des offrandes aux esprits des ancêtres (guterekera) mais cela n’était pas le cas dans tous les ryango.

La politique des envahisseurs tuutsi consistait à désintégrer les lignages hutu en des unités plus petites. Au nord-ouest, ce processus se déroulait encore au début du XXe siècle. Au Rwanda central, parallèlement au morcellement du domaine collectif, le lignage avait perdu beaucoup de son importance. Lorsqu’il avait un chef, l’autorité de celui-ci était religieusement acceptée par les membres. Le chef pouvait donner des ordres aux différentes « maisons » et siéger comme juge d’appel pour les différends dans son groupe. La vendetta continuait à être considérée comme une obligation sacrée par tous les membres, si dispersés fussent-ils, mais elle n’était pas aussi cruelle, semble-t-il, qu’au nord-ouest et le roi pouvait imposer une solution pacifique aux lignages intéressés.

Le groupe de parenté du meurtrier devait dans ce cas donner un certain nombre de vaches et une jeune fille au lignage de la victime. Ce qui caractérisait le lignage au Rwanda central, c’était la diminution de son importance politique. Les autorités n’entraient pas en contact avec le ryango comme tel et ne sanctionnaient pas la dignité de son chef. Cependant, chez les grands Tuutsi le lignage revêtait encore souvent une importance politique.Il formait un groupe puissant, uni par le sang et le devoir sacré de la vengeance, numériquement assez fort et dont les membres pouvaient occuper des postes importants dans le pays. Le monarque, aussi absolu fût-il en théorie, ne pouvait pas gouverner sans ménager les intérêts établis des grands lignages tuutsi.

Le groupe zu constituait le cadre par excellence dans lesquels les Rwanda exprimaient les rôles qu’ils avaient dans le système de parenté. Dans la sphère rituelle, on y célébrait les initiations au culte de Ryangombe et le culte des esprits des défunts. Le chef du groupe dont la charge était plus ou moins héréditaire, était assisté d’un conseil de membres importants qui discutaient des propositions de mariage, de l’aide à accorder à un membre qui était dans le besoin et aussi de la répartition des prestations vis-à-vis des autorités politiques. Au Rwanda central, le groupe zu était à la base de l’organisation militaire et administrative.

{:}{:rw} 

{:}{:en} 

{:}