{:fr}Agriculture.

C’est principalement par l’agriculture que la majorité de la population du Rwanda assurait sa subsistance. L’agriculture incombait aux Hutu: les Tuutsi et les Twa hunyu dédaignaient les tâches agricoles, les premiers parce qu’ils les considéraient comme étant en dessous de leur dignité, les seconds parce qu’ils préféraient des occupations moins monotones. Ce n’est que vers le début du XXe siècle que quelques groupements twa situés à la lisière de la forêt commencèrent à s’adonner sporadiquement à l’agriculture.

Le travail agricole se faisait à la houe et à la serpette; parfois on avait recours à un bâton pour planter et à une grande branche fourchue à bout ferré pour sarcler. On ne connaissait pas partout l’utilité de la fumure; afin de ne pas trop épuiser le sol, on mettait les champs en jachère selon une rotation déterminée. Dans certaines régions, on pratiquait l’irrigation artificielle. Les espèces végétales cultivées étaient les haricots et les pois, le sorgho, l’éleusine et le maïs, les patates douces et le manioc. Plusieurs variétés de courges, des arachides, des ignames et le poivre rouge constituaient des cultures supplémentaires. Les montagnards du nord, en particulier les Goyi et les Rera, plantaient du tabac. Les habitations étaient entourées de vergers de bananiers dont les fruits étaient utilisés principalement pour la fabrication de la bière de bananes qui joue un rôle important dans toutes les relations sociales.

Le travail agricole rythme encore maintenant la vie des Hutu; il est fort variable d’une région à l’autre. Etant donné l’irrégularité des pluies, la question de savoir quand il faut commencer à semer et planter est souvent résolue au détriment de l’agriculteur. Dans le passé, les famines semblent avoir été fréquentes. Elles se produisaient inévitablement lorsque les cultivateurs d’une région donnée devançant deux fois de suite le début de la saison des pluies, plantaient ou semaient trop tôt; car on n’attendait pas que les pluies soient devenues très abondantes pour commencer le travail agricole. Il existe un calendrier agricole idéal, assez vague, qui est basé sur des mois lunaires dont les noms peuvent varier d’une région à l’autre. Le point culminant de ce calendrier était anciennement l’époque de la récolte du sorgho. Chez les montagnards hutu, c’était vers le mois de juillet (nyakanga k’abahutu). Après un intervalle nécessaire à la préparation de la bière de sorgho, on célébrait, pendant le mois de nyabiheke, le rituel saisonnier des prémices et le culte annuel des esprits des ancêtres du lignage. La grande fête nationale du Rwanda central éthiopide, appelée fête ganura, était également une cérémonie des prémices, célébrée au début du mois de juin (kamena‘).

 Gros bétail.

L’introduction du bétail bovin au Rwanda est controversée mais ce sont incontestablement les Tuutsi qui l’ont importé en masse. Les vaches du Rwanda appartiennent à la race nkore; il y a divers types régionaux ou obtenus par une sélection méthodique. A la fin de l’année 1956, il y avait au Rwanda plus d’un demi-million de têtes de gros bétail.

La vie des pasteurs n’était pas rythmée par des migrations saisonnières. Le matin, les bergers sortaient le bétail du kraal situé près des habitations et l’y rentraient le soir. Selon les saisons, les vaches pouvaient paître dans les vallées, sur les flancs des collines ou dans les champs qui avaient été moissonnés. En période de grande sécheresse, les pasteurs étaient parfois amenés à faire conduire leurs troupeaux dans une autre région. Les droits de pacage, réglementés au XIXe siècle par le roi Yuhi IV Gahindiro, étaient complexes. Les connaissances vétérinaires étaient assez étendues.

Dans l’ensemble, le bétail contribuait peu à la satisfaction des besoins de subsistance. La production laitière par vache était très faible. Seules les vaches qui nourrissaient des veaux étaient traites. En règle générale, seuls les Tuutsi pouvaient se procurer un nombre suffisant de vaches pour nourrir une famille. Le lait frais ou caillé constituait l’élément principal de la nourriture de la minorité pastorale. La viande de vache était très appréciée tant par les Hutu que par les Tuutsi mais il fallait une circonstance exceptionnelle (accident ou mort d’une vache, abattage pour cause de stérilité) pour qu’elle puisse être mangée car le bétail n’était pas élevé pour sa viande. Les riches Tuutsi faisaient appel à des experts pour faire examiner, dans les cas douteux, la qualité de la viande de vache.

Quoique l’élevage ne déterminât pas les activités de la majorité des Rwandais dans la même mesure que le travail des champs, le bétail occupait la place prépondérante dans la structure sociale et politique du royaume. Il en sera question plus loin. Cela était surtout vrai au centre du pays, dans une moindre mesure en des régions plus typiquement hutu. L’élevage était entouré d’un rituel très détaillé. L’intérêt majeur que la population lui témoignait s’exprimait dans la langue: toutes les vaches étaient l’objet d’un souci elles portaient un nom particulier. Il existe un nombre impressionnant de vocables pour désigner les caractéristiques individuelles d’une vache. L’élevage était à l’origine d’un ensemble de métaphores, de symboles et d’un genre littéraire.

Chasse et pêche.

Sauf pour les Twa hunyu des forêts de la crête et des volcans et quelques populations du Rwanda oriental, la chasse ne contribuait pas à la satisfaction des besoins de subsistance. Elle se faisait à l’arc, à la lance et au javelot. Il y avait des pièges à masse (assommoirs), à ressort et des pièges à récipient, mécaniques ou non; ils étaient presque exclusivement employés par des chasseurs hutu. Parfois, les flèches étaient enduites de poison, Les Twa étaient accompagnés de chiens portant au cou une petite clochette pour indiquer la direction; les chiens dépistaient et traquaient la bête. Les chiens de chasse appartenaient généralement à des Hutu qui les prêtaient aux Twa contre une certaine quantité de peaux. La viande de chasse était méprisée par les Tuutsi et, dans l’ensemble, aussi par les Hutu; seuls les Twa en mangeaient régulièrement. Les grands Tuutsi s’adonnaient à la chasse comme à un sport qui leur donnait l’occasion de montrer leur adresse et leur courage. La chasse leur procurait en outre de l’ivoire et des peaux qui servaient à leur habillement et à l’ornementation de leurs habitations.

Au Rwanda central, manger du poisson était considéré comme répugnant. La pêche n’a jamais été très pratiquée sauf aux abords du lac Kivu et dans les lacs du Rwanda oriental et septentrional. Elle se faisait à l’aide de nasses coniques. Au nord, les Rera et les Kiga chassaient la loutre au harpon.

Animaux domestiques.

Les Rwanda élevaient des chèvres, des moutons sans laine, des poules et des chiens. Les peaux de chèvre et de mouton servaient à l’habillement et à l’équipement de l’habitation des Hutu. Les hommes de cette caste mangeaient de la viande de chèvre, mais dans certains lignages celle-ci était considérée comme impure; c’était le cas également dans la caste tuutsi. Chez les Hutu, la chèvre jouait un rôle important dans les relations sociales, L’élevage des moutons était réduit. Le mouton était considéré comme un symbole de paix; sa destination était souvent religieuse même chez les Twa qui mangeaient pourtant sa viande. Des poussins servaient à la divination. Le chien était employé pour la chasse ou comme gardien. Certains Twa et Hutu savaient le dresser.

Apiculture.

Les habitants du Rwanda, surtout les Hutu septentrionaux et les Twa, pratiquaient l’apiculture. Ils employaient une ruche en forme de cylindre (long d’environ 1 m, diamètre environ 0,30 m), soit un tronc d’arbre évidé, soit une ruche tressée en roseau, bambou ou papyrus, qu’ils suspendaient entre les branches d’un arbre. Le miel était mangé à l’état naturel mais servait surtout à la fabrication de l’hydromel qui était la boisson par excellence des grands Tuutsi. Certains lignages hutu étaient spécialement astreints à fournir du miel de qualité à leurs seigneurs éthiopides.

Nourriture.

Les Twa avaient la réputation de manger et boire énormément. Les chasseurs toutefois étaient dépendants des bonnes fortunes de leur chasse; les autres Twa des libéralités d’un seigneur ou de la population pour qui ils dansaient et chantaient de sorte que leur alimentation était plutôt irrégulière. Bien que les Twa se nourrissaient d’aliments qui étaient défendus aux autres castes ou à l’une d’elles, il serait faux de prétendre qu’ils n’étaient soumis à aucune prohibition alimentaire. Leurs polygames ne mangeaient pas de viande de mouton; la viande d’une série d’animaux de chasse était défendue à tous; seuls les enfants mangeaient des oeufs.

Chez les Hutu, la fréquence des repas était variable, Certains ne mangeaient qu’une seule fois par jour, assez tard le soir; d’autres prenaient encore une collation au début de l’après-midi; les Hutu montagnards n’étaient liés par aucune heure particulière pour manger. La nourriture des Hutu était composée de haricots, de pois et de maïs, présentés sous forme de porridge; de farine de sorgho, d’éleusine ou de manioc, cuite à l’eau et durcie en pâte (tsima); de patates douces, parfois d’un peu de viande de chèvre, rarement de vache, elle aussi toujours cuite à l’eau. Certains Hutu et Twa mangeaient encore des sauterelles et des fourmis blanches, cuites ou grillées. Ces mets pouvaient être assaisonnés d’un peu de sel gemme ou de potasse, mais le beurre entrait rarement dans la préparation des repas.

Les Tuutsi buvaient plus qu’ils ne mangeaient. Le soir, ils prenaient un repas solide qui ne différait pas essentiellement de celui des Hutu. L’attitude des Tuutsi par rapport à la nourriture solide était plutôt négative; ils n’en parlaient jamais et s’en dispensaient si c’était possible. Cette attitude a été interprétée comme une tendance à souligner leur indépendance par rapport à la production agricole des Hutu et à affirmer une sorte de différence fondamentale entre leur caste et celle des paysans.

L’alimentation des Rwanda actuels révèle un manque de graisses, de protéines animales et de légumes verts.

Habitation.

La hutte rwandaise était construite en forme de ruche, type commun parmi les peuples interlacustres. La base circulaire avait un diamètre d’environ 4 m chez les gens ordinaires et un peu plus chez les Tuutsi aisés. Les matériaux employés étaient des perches, des branches, des roseaux et de l’herbe. L’intérieur n’était habituellement pas divisé en pièces; seule une cloison séparait le vestibule de l’intérieur proprement dit. Chez les riches, des para-vents finement ornés délimitaient l’espace qui était réservé comme lieu de réunion. Généralement, la hutte servait à la fois d’endroit pour manger, dormir et cuisiner, voire même d’étable pour le petit bétail. Chaque hutte n’avait qu’un seul lit, réservé aux parents; les enfants dormaient sur des nattes dans le vestibule. Les fils pubères dormaient dans une hutte séparée.

Sauf chez les Twa hunyu, la hutte était située dans un enclos circulaire entouré d’une haie de ficus, plus haute qu’un homme, parfois d’un rempart en pierres dans le nord-ouest. Dans l’enclos se trouvaient un ou plusieurs greniers (sorte de très grandes corbeilles, hautes et larges d’environ 1,5 m à 2 m, posées sur des piquets en bois et recouvertes d’un toit) et les huttes minuscules réservées aux esprits des ancêtres et aussi à Nyabingi chez les montagnards septentrionaux. Le mot go[urugo : ndlr] désignait cet ensemble de hutte, greniers et enclos. Plusieurs enclos pouvaient se couper et communiquer entre eux. C’étaient ceux des différentes femmes d’un Hutu polygame et des fils mariés; ils constituaient l’unité résidentielle de la famille patrilocale étendue. Mais ce type d’habitation était assez rare, sauf dans le nord. Le plus souvent, les fils mariés et les femmes habitaient à proximité de chez leur père, respectivement leur mari, mais pas dans le même ensemble d’enclos. Chez les Tuutsi, les femmes d’un polygame habitaient généralement des enclos assez distants les uns des autres et les fils, après leur mariage, se dispersaient plus souvent que chez les Hutu. Les femmes d’un Twa polygame pouvaient résider dans la même hutte.

Même s’il y avait plusieurs enclos dans une résidence, une seule entrée livrait passage aux habitations. Elle était soigneusement fermée la nuit par crainte des voleurs. Des deux côtés de l’entrée, on plantait souvent des arbres auxquels on attribuait des puissances bénéfiques, habituellement une érythrine et un ficus. Choisir un terrain, bâtir une hutte et en prendre possession étaient des activités entourées d’un rituel complexe.

Les habitations étaient dispersées dans le pays. Le village compact était inconnu mais une certaine concentration d’habitation était typique pour les groupes locaux de parenté. Chez les Hutu du nord et du nord-ouest,cette concentration était très prononcée. Les Twa hunyuse concentraient par familles patrilocales étendues; une résidence comprenait une dizaine d’habitations.

Habillement.

Jusqu’à l’âge de dix ans environ, filles et garçons étaient complètement nus. Les filles pubères tuutsi portaient une ceinture d’environ vingt centimètres de largeur, faite en peau de vache ou de loutre et pourvue de franges qui pendaient presque jusqu’aux pieds. Le vêtement des filles hutu consistait également en une sorte de ceinture sans franges mais avec une rallonge par devant et par derrière et une bandoulière qu’on passait sur l’épaule gauche. Les Twa portaient des peaux d’antilope, de chèvre ou de mouton, les Hutu une jupe en étoffe d’écorce de ficus, allant de la taille jusqu’aux genoux, ou une peau de chèvre. Les adolescents avaient souvent une ceinture en écorce de ficus cordée. Les femmes (hutu) portaient leur enfant sur le dos dans une peau de vache. Le vêtement des hommes tuutsi était une ceinture pourvue de franges, pareille à celle des filles. Chez les chefs et le roi, cette ceinture était en peau de lion ou de léopard. Avant l’arrivée des Européens, les riches Tuutsi avaient adopté des étoffes de couleur habituellement claire, importées par des marchands africains venant de la côte orientale du continent. Hommes et femmes les portaient de la même manière, élégamment drapées. Tous les Rwandais marchaient pieds nus.

Parure.

 Les hommes de la caste supérieure, et, dans certaines régions, ceux de la caste hutu, ainsi que les filles se coupaient les cheveux en laissant des houppes dont le dessin était très variable. Les houppes étaient un élément très important de la parure. Les femmes mariées et en général les hommes –hutu et twa avaient la tête rasée. Les hommes portaient souvent une barbe en pointe.

Les Tuutsi et les Twa, moins généralement les Hutu semble-t-il, pratiquaient des scarifications sur leurs bras et leur poitrine en se faisant une suite de petites incisions semi-circulaires dont les concavités se faisaient face; on y appliquait ensuite de la sève. Il y avait différents motifs.

Aux pieds on portait des anneaux en fil de cuivre ou de fer enroulé autour d’une touffe de poils de vache, ou des anneaux en fibre végétale qui provenaient de la région sise au nord-ouest du lac Kivu où ils servaient de monnaie; ils constituaient une grande richesse. On se passait des bracelets en cuivre et en fer autour des bras. Les colliers et bracelets ornés de perles blanches, bleues et rouges étaient très appréciés, mais d’introduction récente. En des circonstances solennelles, le roi se coiffait d’un bonnet richement orné. Tuutsi, Hutu et Twa portaient des charmes au cou ou autour de la tête. Les Rera [abarera, ndlr], population très guerrière, pouvaient s’orner la tête d’un pendant en fer chaque fois qu’ils avaient tué un ennemi. Les femmes mariées portaient une bande, de hauteur variable, autour du front dès qu’elles devenaient mère; cette couronne était faite en tiges de sorgho, de maïs ou en écorce de papyrus. La lance et la serpette faisaient partie de la parure d’un homme. Tous les habitants du Rwanda employaient du beurre ou de l’huile de ricin pour les soins de la peau.

Technologie et métiers

 Feu.

Le feu s’obtenait par giration entre les paumes d’un bois dur « mâle » dans l’encoche d’une baguette « femelle » en bois tendre sur laquelle on déposait une touffe d’herbes sèches ou un morceau de tissu d’écorce. L’ignition de cette matière inflammable se produisait après quelques instants.

 Vêtements d’écorce.

L’écorce de ficus dont on enlevait d’abord la pellicule verte était battue à l’aide d’un marteau constitué d’une corne de vache dont la surface battante était gaufrée ou d’un cylindre dont la surface battante était pourvue d’incisions circulaires. L’écorce était ensuite essorée, étirée, assouplie par les mains et séchée au soleil. Les tissus d’écorce pouvaient être parfumés par la fumée d’un feu fait avec le bois de certains arbres. Pour confectionner un vêtement, on cousait des morceaux d’étoffe avec un fil tiré d’une ortie ou avec des tendons d’animaux et à l’aide d’une alène.

Peaux.

La préparation des peaux était une longue et laborieuse opération. Les peaux étaient d’abord plongées dans l’eau pendant quelques jours, puis étendues et fixées entre des bâtonnets en plein air pour être séchées. Un spécialiste les assouplissait en en raclant la face interne et en les piétinant. Des femmes peignaient la surface extérieure avec des épines d’acacia. Les peaux pouvaient être imprégnées de beurre, parfumées et saupoudrées. Le pelletier était en même temps tailleur.

Poterie.

 Selon les usages auxquels elles sont destinées (cuisson, conservation des bières et des vivres, transport), les jarres diffèrent en capacité mais peu en forme ou en méthode de fabrication. Toutes ont une panse assez renflée, un col relativement court et pas de pied. Les potiers travaillent l’argile en la piétinant ou à l’aide d’un pilon; pour la dégraisser, ils y ajoutent du sable, de la poudre provenant d’une pierre rocheuse ou d’une ancienne cruche pilée. La poterie se fait au colombin. La décoration est appliquée à la base du col et sur la lèvre extérieure au moyen d’une cordelette faite en écorce de papyrus. Le dessin est variable. La jarre doit sécher plusieurs jours avant d’être cuite. La cuisson se fait en plein air sur un feu d’herbes et de branches. Les potiers fabriquent également des pipes dont il existe deux types principaux: le petit modèle de forme ronde des Hutu et le typle plus grand et pointu des Tuutsi.

 Travail du bois.

 Les menuisiers (-baj [ababaji, ndlr]i) fabriquaient des objets de ménage (pots à lait, à beurre et à parfum; bols, coupes, pilons, spatules, tabourets, cuveaux à bière, peignes), une sorte de jeu de dames (-soro, [igisoro, ndlr]), éventuellement des tambours et des pirogues. Ils montaient les pointes de flèche, de lance et les lames de glaives et de poignards sur des fûts et des manches, bien qu’il y eût aussi des forgerons qui faisaient ce travail. Ils fabriquaient en outre des arcs du type hutu (l’arc twa étant en bambou), des carquois et des boucliers. Le bouclier en bois, de forme oblongue et peint en rouge, blanc et noir, était utilisé par les Tuutsi pendant leur entraînement militaire; le bouclier en osier tressé, plus grand que le modèle en bois, était employé à la guerre. Ce dernier était une production caractéristique du Rwanda septentrional. L’équipement des menuisiers consistait en une hache, une herminette, une gouge, différentes sortes de couteaux et des Pointes de fer.

A l’aide de plumes de vautour, les tanazi([abatanazi, ndlr]), « empenneurs », pourvoyaient les flèches d’un empennage.

 Travail des métaux.

Le minerai de fer était fondu dans un fourreau d’argile, d’environ 1.5 m de hauteur et 0,70 m de diamètre au sommet, la base étant un peu plus large. On y déposait alternativement des couches de minerai et de charbon de bois. A la base, six à vingt soufflets activaient le feu. La forge était installée sous un abri fait de perches et ouvert sur les côtés. Les instruments principaux du forgeron étaient le soufflet, (composé de deux réservoirs d’air faits de roseaux et d’argile et recouverts d’une peau à laquelle une tige de roseau était attachée verticalement), une pierre comme enclume, une pince pour tenir la pièce forgée, un burin et un marteau (grosse pièce de fer allongée, d’environ 0,25 m; la partie battante était en forme de parallélépipède et se prolongeait en un cône servant de poignée). Les forgerons produisaient des houes, des haches, des pointes de flèche, des lances, des glaives, descouteaux, des poignards et des anneaux. Ils étaient nombreux au Rwanda, principalement au Buberuka (Rwanda septentrional) où se trouvaient les gisements de fer les plus importants. Les forgerons de cette région connaissaient une sorte de soudure réalisée à l’aide d’une poudre de quartz. Le tréfilage du cuivre était pratiqué par certains forgerons. Le fin fil de cuivre servait à la fabrication d’anneaux de parure.

 Vannerie.

La gamme des produits de vannerie était très étendue au Rwanda : greniers, corbeilles, vans, nattes, assiettes, paravents, étuis et une extraordinaire variété de paniers tressés par les femmes hutu et tuutsi surtout. Les matériaux employés étaient le bambou, les tiges de papyrus et d’éleusine et l’écorce du bananier. Différentes techniques, par exemple la vannerie diagonale et la vannerie spiralée, étaient connues. Les motifs géométriques dont les nattes, assiettes, paravents et paniers étaient ornés constituaient un terrain où les femmes et filles de la caste supérieure pouvaient exprimer leur sens artistique. Les travaux de vannerie remplissaient aussi leurs loisirs. Trois teintes étaient employées dans la décoration: la couleur jaune naturelle de la paille séchée, le noir et parfois le rouge. Le noir était obtenu par l’emploi de fibres d’écorce de certains bananiers qui noircissaient en séchant, ou par une suspension de suie et de sève; le rouge par une suspension de terre et d’eau dans laquelle on trempait les fibres.

TRAVAIL

Famille.

L’unité fondamentale de coopération et de production économique était la famille nucléaire, composée des époux et de leurs enfants. Elle produisait pour une large part tout ce dont elle avait besoin et en premier lieu la nourriture. Sous l’autorité du père de famille, la femme et les enfants y contribuaient. Quand la famille était polygyne, chaque famille nucléaire constituait en principe une unité de production indépendante mais le mari pouvait réglementer la distribution du travail et des produits. Chez lesTuutsi, il arrivait souvent que le mari confiait la gestion d’un domaine à chacune de ses femmes tenues responsables comme de véritables intendantes.

La condition de la femme hutu était très dure. Sa tâche était non seulement de veiller à la propreté de l’enclos et de l’habitation, de baratter le lait, nettoyer les légumes et les grains, moudre le sorgho, chercher le bois et l’eau, préparer la nourriture et la bière, entretenir le feu, s’occuper des enfants, mais aussi de labourer le sol, semer, planter, sarcler et récolter. En outre, elle faisait des nattes et des paniers, confectionnait et entretenait l’habillement. Aux hommes étaient réservés les plus durs labeurs des champs, comme le défrichage, la construction des huttes, le soin du bétail, éventuellement la chasse; les Hutu participaient aux travaux agricoles de leurs femmes. Les grands enfants aidaient leur mère particulièrement en surveillant les plus petits.

Les membres de l’unité résidentielle patrilocale, surtout dans le nord, contribuaient aux travaux et à la satisfaction des besoins de subsistance des autres. Les fils mariés aidaient leur père aussi longtemps qu’il vivait et étaient tenus de lui présenter une partie de leurs récoltes, parfois les meilleurs produits de leurs champs. Le chef de famille, soit nucléaire soit patrilocale étendue, contrôlait le travail d’éventuels serviteurs (hommes et femmes très pauvres, captifs, enfants trouvés). On échangeait de nombreux cadeaux, en particulier de la bière, entre les membres de la famille étendue.

« Working Bees » :Umuganda/Ubudehe

Lors de certains travaux qui nécessitaient une grande coopération comme la construction d’une hutte, et à l’occasion de travaux agricoles, comme les moissons, il était souvent fait appel à des travailleurs du voisinage, de même parenté ou non. La récompense des travailleurs consistait en une beuverie, le soir après les travaux.

Division du travail.

 Les tâches agricoles n’étaient pas différenciées par sexe bien qu’il y eût une certaine division du travail des champs: les tâches qui requéraient une grande force physique ou qui demandaient un déplacement considérable étaient accomplies par des hommes. Il était interdit aux femmes de s’occuper du bétail. Des croyances magiques relatives à l’impureté justifiaient cette restriction car avant la puberté et après la ménopause cette défense ne jouait pas. Dans la petite industrie, il existait une division du travail par caste et par sexe et une spécialisation. Les objets en bois et en fer, les greniers et les grandes corbeilles étaient fabriqués par des hommes, surtout de caste hutu. La poterie pouvait être faite aussi bien par des hommes que par des femmes de caste twa, parfois hutu, mais la préparation des tissus d’écorce et des peaux était du domaine des hommes. Les femmes hutu et tuutsi fabriquaient des nattes, des paniers et des paravents; les femmes de la caste supérieure visaient moins, dans leur vannerie, l’utilité que le raffinement et l’esthétisme. Les hommes twa fabriquaient un type d’arc différent de celui des Hutu et des Tuutsi. Bien que tous les habitants du Rwanda eussent quelques notions de la petite industrie dont les produits leur étaient nécessaires et qu’ils s’y exerçaient dans leurs loisirs, on s’adressait en général à des spécialistes.

Travail imposé et travail contractuel.

 Les gouvernants éthiopides contrôlaient le travail de leurs sujets et s’assuraient de la main-d’œuvre par l’intermédiaire de l’armée (par exemple pour l’entretien des résidences royales ou la corvée dite « de la palissade royale » et en temps de guerre lorsque des porteurs hutus étaient mobilisés) et par le canal de l’administration (travaux de toutes sortes imposés aux Hutu à certaines époques ou pendant un certain nombre de jours par semaine). La structure de clientèle (ubuhake) par laquelle un individu de rang inférieur offrait ses services à une personne de rang supérieur dont il attendait des vaches, assurait à la caste tuutsi une main-d’œuvre hutu permanente dont les prestations n’étaient que très vaguement définies.

Dans la partie occidentale du Rwanda, il existait une forme de servage foncier. Les patriarches-devins hutu et les chefs de lignage, de même que les parents de ceux-ci, pouvaient accorder des terres faisant partie de leur propriété (ubukonde) a des étrangers. Ils recevaient en retour des prestations en travail, vivres et houes. Les relations entre les propriétaires et leurs clients fonciers étaient moins formalistes que celles qui étaient de règle entre des personnes liées par un accord de clientèle.

Echange De La Production

Dans la plus grande partie du Rwanda ancien, le commerce était peu développé. L’échange de la production agricole, pastorale et artisanale était

pour une large part assurée par les structures administrative et militaire, ou de clientèle. Le surplus économique était drainé vers la caste tuusi, en particulier vers les gouvernants. Au niveau de la structure administrative, les Hutu devaient des vivres au chef du sol; les Tuutsi fournissaient du lait au chef du bétail. Les chefs administratifs devaient transmettre les produits au roi, à ses épouses et concubines et à ses favoris; ils avaient le droit d’en garder une partie pour eux-mêmes. Dans les fiefs-enclaves qui étaient indépendants de l’administration locale, les grands dignitaires (abiru) ou gardiens des traditions dynastiques profitaient des redevances de la population. Au niveau de la structure militaire, les lignages qui possédaient des vaches étaient obligés d’envoyer du bétail au roi et aux chefs d’armée en certaines circonstances; les Hutu donnaient des vivres, des brebis ou des objets forgés, les Twa des produits de chasse et de poterie. Enfin, au niveau de la structure de clientèle, les seigneurs tuutsi recevaient des vivres et d’autres produits de leurs clients.

En second lieu, les produits économiques circulaient, de façon institutionnalisée ou non, au niveau des relations de parenté, rituelles et interpersonnelles : prix de mariage et contreprestations, cadeaux donnés lors des naissances, cadeaux entre membres d’un lignage et des entrants, cotisations à l’occasion des réunions rituelles du lignage, présents donnés lors d’un décès dans la parenté, entre frères de sang, entre membres de deux clans. Des marchés existaient dans les régions frontalières du nord-ouest et de l’ouest. Il n’est toutefois pas certain qu’ils étaient très anciens, Vers la fin du siècle précédent, ils étaient bien organisés et visités par un grand nombre de personnes. Ils pouvaient dépendre d’un lignage local qui prélevait des taxes. Le commerce se faisait par échange. On affirme que des intermédiaires offraient leurs services à des personnes qui étaient peu familiarisées avec les usages du marché. Toutefois, se rendre au marché restait une entreprise dangereuse. On n’y allait qu’en groupe et bien armé.

Des commerçants ambulants .(-bunzi) visitaient les différentes régions du pays et y colportaient leurs marchandises. Il ne semble pas qu’il y eût beaucoup d’étrangers parmi eux jusqu’à une époque assez récente. Les commerçants écoulaient les produits locaux (produits de métallurgie du Buberuka et du Mulera, chèvres du Mulera et du Gisaka, tabac du Bugoyi, nattes du Kinyaga, corbeilles en bambou et peaux de loutres du Ndorwa, etc.) et importaient des marchandises étrangères dont ils prenaient livraison aux marchés frontaliers (sel du lac Edouard, anneaux en fibre végétale de la région de Masisi, étoffes et perles en provenance de la côte orientale). Tout le commerce se faisait par troc mais la houe fonctionnait quelque peu comme unité standard dans la conversion des valeurs.

 Propriété foncière.

Les droits de propriété étaient complexes et diversifiés selon les régions. Le roi avait un droit éminent sur toutes les terres du Rwanda ce qui signifiait qu’il pouvait en principe priver un sujet de tout bien foncier, mais il n’exerçait ce droit que rarement et de façon punitive.

Les premiers propriétaires du sol étaient les défricheurs hutu. Jusqu’à l’époque de la pénétration européenne et même pendant un certain temps après celle-ci, une partie du Rwanda (notamment le nord-ouest, le nord et l’ouest) pratiquait le régime foncier des défricheurs. En s’assurant de la non-intervention des Twa hunyuou par la force, un agriculteur hutu délimitait dans la forêt la zone où il désirait occuper. Il s’entendait avec les défricheurs voisins sur les limites de leurs terres respectives. Un terrain défriché s’appelait ubukonde. Il constituait le patrimoine foncier d’un lignage (umuryango) et était exploité par tous les membres masculins de celui-ci qui en recevaient chacun une parcelle. Le chef de lignage veillait à la distribution équitable des lopins, particulièrement lors du décès d’un chef de ménage. Son accord devait être obtenu quand un membre désirait aliéner une terre. Il pouvait concéder des parcelles à des clients fonciers et des locataires étrangers moyennant certaines prestations. Il semble qu’au Bugoyi la propriété foncière du lignage pouvait être complètement redistribuée lorsque, par suite des circonstances, elle en était arrivée à être concentrée dans les mains d’une minorité. Lorsqu’une partie de la propriété ubukonde tombait en déshérence, elle rentrait dans le fonds commun du groupe de parenté.

Après beaucoup de difficultés, les Tuutsi étaient arrivés à contrôler quelque peu le régime de la propriété de défrichement. Ils introduisirent le principe de la prescription qui n’était pas connu avant : lorsqu’un propriétaire de celles-ci tombait sous l’autorité du fonctionnaire administratif représentant le gouvernement central. C’est notamment par l’institution de la structure de clientèle que les Tuutsi parvinrent à contrôler les terres konde : lorsqu’un défricheur devenait client d’un seigneur tuutsi, il ne pouvait plus opposer des droits fonciers à celui-ci. La politique des gouvernants éthiopides tendait à substituer au régime des défricheurs le système qui était en vigueur dans la partie du pays qu’ils contrôlaient plus efficacement.

Celui-ci révélait une grande affinité avec la structure de clientèle. Comme pour les vaches, une nette distinction était faite entre l’usufruit et la nue-propriété. L’usufruitier avait, vis-à-vis du nu-propriétaire, des obligations héréditaires. Les terrains dits isambu auxquels la distinction mentionnée s’appliquait auraient été le résultat du morcellement du domaine collectif de lignage. Pour aplanir leurs contestations sur une partie déterminée du domaine collectif, les membres d’un groupe de parenté auraient eu recours à l’arbitrage de Tuutsi importants. Ceux-ci assignaient aux plaignants des parts du domaine qui cessait d’être collectif. Le contrôle des terres isambu ressortissait finalement des seules autorités politiques. Les droits de ceux .qui acquéraient une terre se limitaient à l’exploitation et à la location. Un terrain sambu tombé en déshérence ou abandonné par son usufruitier s’appelait inkungu; il était acquis à l’autorité politique. Toutefois, s’il avait été exploité par le même groupe de parenté depuis deux générations au moins, ce terrain jouissait d’un statut spécial.

Mors qu’au début tous les éleveurs pouvaient disposer de pâturages selon les besoins de leurs troupeaux, le roi Yuhi IV Gahindiro, grand réorganisateur du royaume, réservait des terrains pour l’exploitation pastorale. Ces terrains étaient appelés ibikingi, ce qui signifie pâturage mais aussi sous-chefferie et district administratif. On peut voir dans l’extension de ce terme la destination qu’une caste dominante pastorale attribuait aux terres du Rwanda. Les bikingi étaient sous le contrôle des autorités politiques qui les concédaient moyennant des redevances. Celles-ci, comme la concession, étaient en principe héréditaires.

Droits Sur Le Gros Bétail.

Le roi était le suprême vacher du Rwanda; il avait un droit éminent sur toutes les vaches du pays. Il semble qu’il exerçait ce droit plus fréquemment que celui qu’il avait sur le sol et qu’il l’utilisait pour empêcher les grands Tuutsi de devenir trop puissants. Le roi se réservait la possession réelle et l’élevage méthodique des vaches inyambo, vaches hautes sur patte et aux belles longues cornes.

Toutes les vaches du pays appartenaient à une armée déterminée. La structure militaire était pour le roi un moyen de contrôler la possession bovine de ses sujets. En outre, le chef militaire avait une sorte de droit éminent sur les vaches de son armée.

Deux droits principaux sur le gros bétail s’inscrivaient dans la structure de clientèle. Le seigneur (shebuja) qui accordait des vaches à son client (-garagu) gardait sur celles-ci un droit de nue-propriété. Il pouvait en réclamer la restitution à tout moment. Le client possédait un droit d’usufruit. Le lait et les taurillons lui revenaient; il pouvait abattre les vieilles vaches stériles ou malades, constituer avec les vaches reçues le paiement de mariage de ses fils et mettre des vaches en location chez un tiers.

Jusque vers la fin du XIXe siècle, ces divers droits étaient peu explicites dans les régions septentrionales. Le droit éminent du roi et le droit de l’armée y étaient très vagues, voire même inexistants. La structure de clientèle y était peu développée. De temps en temps, le roi entreprenait des razzias de bétail dans ces régions; ces expéditions étaient de véritables conquêtes.

Parmi beaucoup d’autres notions, il y en a trois qui reviennent constamment dans la description des droits sur le gros bétail, (Imbata) désigne une vache que son détenteur a acquise par son propre travail et dont il pourrait se considérer comme le propriétaire exclusif s’il n’y avait pas le droit éminent du roi qui fait qu’une vache mbata est appelée aussi « vache du roi ». Une vache gwate [ingwate : ndlr] est détenue par un individu en vertu d’un contrat de cession temporaire. Lorsque quelqu’un possède une vache stérile ou un taurillon, il peut l’aliéner contre l’usufruit, d’une durée bien définie, d’une vache appelée gwate et de son veau femmelle. A gwate s’oppose, surtout dans les régions septentrionales, la notion rundu qui désigne une vache complètement cédée par son propriétaire à une autre personne, en particulier lors du paiement de mariage.

Autres Droits De Propriété.

Les groupements twa avaient chacun une réserve de chasse, reconnue ou non par le roi, mais les droits qu’ils y exerçaient touchaient plus le gibier que le domaine. Un animal dépisté pouvait être poursuivi sur la réserve d’un groupe voisin. Le gibier était partagé entre les chasseurs, la peau appartenant généralement à celui qui avait tué la bête. Les Twa étaient censés livrer au roi les peaux de léopard et l’ivoire. Les Hutu ne pouvaient ni chasser ni mettre des pièges dans les réserves twa.

L’exploitation de gisements (par exemple de fer, d’argile et de kaolin), l’utilisation des sentiers et des eaux et, dans l’ensemble, la coupe de bois, d’herbes, de roseaux, de papyrus et de bambou ne faisait pas l’objet de droits privatifs.

Chez les Tuutsi et d’une manière générale au Rwanda central, le mari pouvait disposer des biens que sa femme avait apportés lors de son mariage; chez les Hutu septentrionaux, au contraire, le mari n’avait que l’usufruit de ces biens, sauf en ce qui concernait le bétail qui était sien.

Héritage Et Succession.

Les fils seuls reprenaient normalement la succession du père. Celle-ci était constituée par des droits fonciers (de konde, sambu et kingi) et des droits sur le bétail, par des produits agricoles, des installations et des objets d’équipement. Le patrimoine qu’un fils recevait s’appelait nani (umunani).

Habituellement, le père de famille dictait ses dernières volontés à une personne digne de confiance, par exemple au chef de son lignage ou à son seigneur pastoral. Il désignait également son successeur comme chef de famille, généralement mais pas nécessairement le fils ainé. Celui-ci était investi de l’autorité paternelle. Il devait veiller à l’exécution du testament et était responsable de l’entretien de la ou des femmes du défunt et de l’éducation des enfants mineurs. Le chef du lignage ou l’autorité politique avaient le droit de modifier le choix du père mais cela arrivait rarement. Le successeur du père avait droit à une plus grande part de l’héritage que les autres fils. Dans son testament, le père ne pouvait pas favoriser un fils sans motif sérieux. Les attributions des héritiers étaient examinées par le chef du lignage ou l’autorité politique. Un fils que le père avait maudit était exclu de l’héritage. S’il n’y avait pas de testament, l’ordre de succession était défini par la tradition. Les membres masculins du groupe inzu (voir système de parenté) avaient la priorité sur les autres membres du lignage. Au sein du groupe inzu, les fils du défunt étaient les premiers héritiers; à leur défaut, c’étaient les membres masculins de la génération du défunt classés comme « frères », puis les petits-fils du défunt, ses fils classificatoires et ses oncles paternels. En cas de déshérence, les droits sur le sol pouvaient aller à l’autorité politique (Rwanda central) ou les terres retournaient dans le patrimoine du lignage (Rwanda septentrional). Les droits sur le bétail allaient au seigneur pastoral ou à l’autorité politique.

En principe, la veuve et les filles n’héritaient rien. La veuve pouvait continuer à vivre dans la résidence de son mari surtout si elle avait de jeunes enfants. Elle jouissait du revenu d’une partie des champs et du bétail de son mari et ces biens, appelés « réserve » (ingarigari), n’étaient partagés entre les héritiers qu’après sa mort. Lorsque son âge le permettait, elle était prise en lévirat par un membre du lignage de son mari défunt, de même génération que celui-ci ou de la première génération descendante (pas son propre fils !). Une jeune veuve sans enfants qui s’y refusait était Tuutsi cependant, la veuve jouissait d’un statut très élevé et ne pouvait être dépossédée du fief que son mari avait reçu des autorités politiques. Une fille pouvait être désignée comme chef de famille dans les milieux tuutsi proches de la cour, lorsque cette fille jouissait des faveurs de la reine-mère. Investir une fille de cette qualité apparaissait comme une garantie de la stabilité de la fortune familiale. Chez les Hutu, particulièrement au nord et au nord-ouest, les filles recevaient quelques menus objets de ménage, une chèvre ou un mouton, à la mort de leur père.

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