1. TERRITOIRE DE NYANZA

 

  1. Le 6 novembre à Gihizi, sous-chefferie Semushi, chefferie Kabagali, vers 19 heures, la famille SECYUGUse trouvait paisiblement dans sa maison peu avant de prendre le repas du soir. Soudainement les portes et les fenêtres furent enfoncées et les vitres brisées par une troupe d’indigènes forcenés qui se précipita dans la maison et se mit à piller, dévaster et massacrer tout sur son passage. SECYUGU et sa femme furent ainsi surpris dans leur chambre à coucher où ils avaient cherché refuge et où le malheureux SECYUGU fut sauvagement tué.

Les prévenus en aveux sont tous formels et unanimes pour dénoncer le leader unariste RUKEBA comme ayant été le donneur d’ordre pour l’arrestation de SECYUGU et pour l’envoi d’une bande armée conduite par le mutwa RWEVU dans ce but. Quant à RWEVU, il est accusé d’avoir dénoncé la victime comme membre du mouvement politique hutu Aprosoma et comme ayant, lorsqu’il partit de l’Ibwami vers la maison de SECYUGU, annoncé à plusieurs son intention de le tuer.

Dès son entrée dans la maison, RWEVU chercha SECYUGU et le tua sans aucune hésitation. Appréciant la gravité des faits mis à charge de RWEVU, le Conseil de guerre conclut en estimant

…ne devoir retenir dans son chef le bénéfice d’aucune circonstance atténuante. En effet c’est lui qui dénonça la victime avec laquelle il avait un différend d’argent et qui, en réalité, n’était nullement affilié à l’Aprosoma ou du moins activiste de ce parti. Délibérément, ayant reçu l’ordre de l’arrêter — ce qui constitue déjà une mesure arbitraire très grave —, il décida de le tuer sauvagement, entraînant avec lui une bande de Twa et de Hutu excités par les événements qui, alors, régnaient dans le Ruanda et qui étaient amplifiés d’une manière démesurée à l’Ibwami où régnait une atmosphère survoltée (Cdg Ru, 30/12/59, Président LAMY).

  1. Le 6 novembre un moniteur soupçonné d’appartenir à l’Aprosoma fut attaqué à Remera, chefferie Kabagali, alors qu’il revenait de son travail. Ce fut par l’effet d’une simple rencontre que la bagarre eut lieu. Le 10 novembre ce fut par contre une bande armée et organisée qui se rendit chez lui et chez son père et se mit à piller,saccager et brûler leurs quatre maisons (Cdg RU, 23/2/60, Président LAMY).
  2. Le 6 novembre à la limite des territoires de Nyanza et de Gitarama, en sous-chefferie Nyundo, chefferie Buganza-Nord, un administrateur de territoire assistant arrête deux personnes qui n’ont pas de pièces d’identité et les laisse le long de la route pendant qu’il se met à la poursuite d’une bande d’incendiaires et pillards. Quand il revient l’un des deux est mort et l’autre est gravement blessé. La bande tutsi qui les attaqua se dirigeait vers le nord pour aller combattre des Hutu du Marangara et était forte de plusieurs centaines d’hommes. Les victimes ont été considérées comme des espions Aprosoma épiant les opérations du camp adverse. Le 7 novembre des gens faisant partie de la bande de la veille sont rencontrés porteurs d’armes (Cdg RU, 15/2/60, Président GUFFENS).
  3. Le samedi 7 novembre 1959 le leader Aprosoma Jean SAGAHUTUfut arrêté à la colline Gihisi, sous-chefferie Kavumu, chefferie Busanza, par une forte troupe d’indigènes. Dès son arrestation la victime fut l’objet de violences multiples, recevant gifles et coups de poings et fut dépouillée de tout ce qu’elle portait. Sous la pression et la brutalité de cette troupe, SAGAHUTU fut finalement dirigé vers l’Ibwami et détenu sur la barza de l’habitation du Mwami. Une foule très importante, en armes et excitée, se trouvait devant cette maison et se montrait menaçante à l’égard de la victime qui fut interrogée sur les activités de l’Aprosoma, la date de fondation de ce parti, le nom et la résidence de ses principaux représentants, au sujet du rôle soi-disant joué par Monseigneur PERRAUDINen tant que conseiller ou aumônier de ce parti. Ce même jour un autre Hutu fut également arrêté de force et placé sur la véranda de l’Ibwami devant la foule qui exigea leurs têtes.

Ayant appris qu’un commis hutu et le moniteur Jean SAGAHUTU se trouvaient arrêtés à l’Ibwami, Monsieur DE JAMBLINNE, Administrateur de territoire, chef du territoire de Nyanza, se rendit vers 19 heures à l’Ibwami pour réclamer leur mise en liberté. Il obtint du Mwami KIGERI la libération immédiate du commis, tandis qu’au sujet de SAGAHUTU le Mwami déclara ignorer sa présence et que, s’il était là, il importait de l’interroger d’abord. Monsieur DE JAMBLINNE revint à l’Ibwami vers 21 heures et à nouveau, courageusement, exigea la mise en liberté de SAGAHUTU qui lui fut amené dans un état tel qu’il ne put le reconnaître de visu mais seulement à la voix.

Le Conseil de guerre, recherchant si les prévenus se rendirent compte de ce que SAGAHUTU avait été arrêté d’une façon illégale et arbitraire, relève que l’un des prévenus est un ancien sous-chef et l’autre un ancien agent de l’ordre judiciaire, ancien juge du tribunal du Mwami, à l’époque étudiant en droit d’une Université belge, tous deux parfaitement aptes à déceler le caractère illégal et arbitraire de l’arrestation (Cdg RU, 21/4/60, Président LAMY).

  1. Le 7 novembre 1959, sur la route axiale Astrida-Nyanza, à la hauteur de la mission de Kiruhura, une bande armée et hostile contrôlait la route et avait édifié des barricades en vue d’arrêter toute circulation. Cette foule excitée, qui était sur la route depuis le matin, avait déjà arrêté une patrouille de gendarmerie et avait voulu contrôler le convoi pour voir si on n’emportait pas le Mwami ou si, au contraire, on ne cachait pas le leader Aprosoma GITERAqui était considéré comme un homme néfaste qu’il fallait tuer.

Vers 15 heures le chef BWANKOKOdu Buyenzi, se rendant chez le Mwami à Nyanza, fut arrêté par cette formation armée, forte d’au moins trois cents personnes. Pour éviter celle-ci le chef prit la route conduisant à la mission mais la foule le poursuivit. Lechef et ses deux compagnons, menacés et suspectés d’être GITERA et sa suite, se réfugièrent dans l’église et s’enfermèrent dans la sacristie. La foule, de plus en plus excitée, assiégea la sacristie, jeta des pierres, força la porte, tandis que d’autres, pour y accéder, commencèrent à forer un trou de l’extérieur. Le chef BWANKOKOparvint cependant à s’emparer d’une lance qui lui fut jetée par l’entrebâillement de la porte et se défendit avec elle.

Pendant ce temps un père de la mission cherchait à parlementer avec les assaillants et essayait, mais en vain, de leur faire comprendre que ce n’était pas GITERA qui se cachait dans l’église. Toujours à l’intervention du père, les deux compagnons du chef BWANKOKO purent être mis en sécurité dans le réfectoire de la mission, après avoir été cependant sérieusement frappés. Finalement le chef, dans une situation de plus en plus critique, quitta la sacristie, se dirigea vers les chambres des pères, se jeta dans les jambes du Père supérieur et se protégea la tête sous la gandoura du père, tandis qu’il recevait des coups de lance dans les jambes. A ce moment des personnes venant de l’Ibwami et qui, sans doute, parvinrent à calmer cette foule acharnée, arrivèrent et permirent au chef en danger de mort de se réfugier dans la voiture de l’un d’eux. Relevons aussi que deux pères qui tentèrent de calmer ces gens et de protéger les victimes furent aussi l’objet de sévices et de coups, mais mineurs, et que, pendant ces événements qui durèrent environ deux heures, la voiture du chef fut détruite au point d’être totalement inutilisable.

Il apparaît nettement de cette relation des faits que toute cette bande était décidée à tuer les victimes qu’ils avaient prises pour Gitera et sa suite et qui, suite à une propagande de plus en plus intense, était considérées comme des ennemis jurés du pays et du Mwami (Cdg RU, 28/1/60, Président LAMY).

  1. Le 6 novembre 1959 le mutwa RWEVU tua le leader Aprosoma SECYUGU. Soupçonné d’avoir été un ami de SECYUGU, le plaignant fut inquiété dès le 7 novembre 1959 au matin, subit quelques violences et fut conduit chez le sous-chef qui affirma qu’il n’était pas un ennemi du Rwanda, ce qui lui permit de rentrer chez lui. L’après-midi il fut averti de ce qu’une bande de plusieurs dizaines d’hommes se dirigeait vers son habitation et il s’enfuit tandis que la bande saccageait, pillait et détruisait sa maison (Cdg RU, 14/1/60, Président GUFFENS).
  2. Le 7 novembre 1959 à Ntyaze un agronome indigène avait appris qu’il allait être attaqué comme Aprosoma et se réfugia chez lui. Le sous-chef local arriva et vit, autour de la maison de l’agronome, des gens armés qui réclamaient les Aprosoma qui y étaient cachés, spécialement GITERA. Le sous-chef tenta de les calmer et profita de ce que la bande se divisait pour prendre l’agronome et sa famille dans sa voiture et s’enfuir chez lui. Les gens le poursuivirent dans une camionnette. A nouveau le sous-chef parlementa et tenta de les convaincre qu’il n’y avait que l’agronome mais ils disaient qu’il devait être arrêté comme Aprosoma. Enfin, pour les refouler, le sous-chef déclara qu’il allait l’envoyer chez le Mwami. Le chef de la bande marqua accord parce qu’alors, selon lui, il n’échapperait pas. Finalement, d’ailleurs, l’agronome fut conduit chez le Mwami (Cdg RU 30/12/59, Président LAMY).
  3. Le 7 novembre 1959 à Ruhare, chefferie Kabagali, une bande sous les ordres du sous-chef local se dirigea vers la maison d’une personne réputée membre d’un parti politique hutu. Celle-ci et sa famille purent prendre la fuite devant le danger. Le sous-chef donna ordre de détruire sa maison tandis que deux membres de la bande cherchaient à s’emparer de sa personne en allant à sa recherche dans les huttes voisines. Le 10 novembre 1959 le même sous-chef conduisant une bande armée amena ses hommes (dont le nombre est évalué à plusieurs dizaines) à la recherche d’une autre personne accusée également d’être un responsable politique Aprosoma. Voyant qu’il était absent, il donna l’ordre d’incendier sa maison. (Cdg RU, 15/1/60, Président GUFFENS).
  4. Le 7 novembre 1959 à Muyunzwe, sous-chefferie Kinihira, chefferie Kabagali, un vieux Tutsi fut tué. Le Conseil de guerre a estimé que, suite à l’examen critique des dépositions des témoins, on pouvait croire, comme l’attestaient les prévenus, que les plaintes déposées contre eux constituaient un complot, d’autant plus que le lendemain, dans une action généralisée, leurs biens furent pillés et incendiés. Cependant, si les prévenus ont dû être acquittés du chef de meurtre, ils étaient néanmoins porteurs d’armes en période de mouvement insurrectionnel (Cdg RU, 4/2/60, Président LAMY).
  5. Le dimanche 8novembre 1959 en chefferie Kabagali, dans la sous-chefferie Kinihira qui était sous l’autorité du sous-chef BENZINGE, 29 propriétés appartenant à des Hutu furent incendiées, pillées et détruites. Neuf maisons furent aussi dévastées sur la colline Kirwa et un Hutu fut tué. A Muyunzwe six maisons et leurs dépendances subirent le même sort et un Hutu fut aussi tué. BENZINGE qui avait envoyé ces deux groupes armés à Kirwa et Muyunzwe restait en arrière avec une autre bande et, après le regroupement, descendit avec toutes ses troupes vers l’église où de nombreux Hutu s’étaient réfugiés. A ce moment les assaillants voulurent forcer les portes de l’église mais BENZINGE tenta de les distraire en les poussant à aller au-delà de la mission vers la demeure du leader hutu UTUMABAHUTU qui était spécialement visé par ce raid systématique commandé par BENZINGE. C’est aussi vers ce moment que se situe le meurtre d’un autre Hutu qui s’était d’abord réfugié dans l’église et qui crut bon de quitter ces lieux et de se revêtir de feuilles de bananiers comme en portaient les assaillants afin de faire croire qu’il était des leurs.

Lors de cette même journée deux caniveaux furent détruits sur la route allant vers le centre administratif de Karambi et aussi vers la grand-route Nyanza-Kigali d’où pouvaient arriver les forces de l’ordre. Cette destruction avait comme but nettement stratégique d’empêcher toute intervention éventuelle d’éléments motorisés des forces de l’ordre.

Parmi les troupes qui opérèrent dans la région, il y eut des apports venant de l’extérieur et qui arrivèrent de Nyanza soit en véhicule soit à pied. L’estimation du nombre des assaillants fluctue, suivant les prévenus et les témoins, de 2000 à 6 000. Sans doute ces chiffres peuvent être à un certain point exagéré, mais il est certain que cette expédition prit une vaste ampleur, dépassant très largement la participation de la majorité des hommes valides de cette sous-chefferie qui en compte environ 900.

Quelles raisons ont pu pousser le sous-chef BENZINGE à diriger ces opérations guerrières? BENZINGE reconnaît avoir donné l’ordre d’attaquer et qu’il savait que, lorsqu’il allait déclencher celle-ci, ses gens allaient dévaster les propriétés et les piller. D’autre part, chaque jour, depuis au moins le 6 novembre, le sous-chef faisait battre le tambour, énervant ainsi les gens et les mettant dans un état de surexcitation. Il n’y a donc pas de doute que le prévenu n’a pas suivi un mouvement qui le contraignait irrésistiblement mais qu’au contraire il l’a créé et orchestré.

Il faut aussi constater que BENZINGE, le dimanche, se rendit dans la matinée à Nyanza et plus particulièrement à l’Ibwarni et qu’il y fit rapport des faits qui se passaient chez lui. Selon lui le Mwami lui aurait prêché le calme. Cependant, vers le même moment, de l’Ibwami des hommes en armes se dirigeaient vers Muyunzwe qu’on disait attaqué. De plus, vers 14 heures, juste avant le déclenchement de l’attaque, il reçut la visite assez insolite de NKURANGAdésigné comme umugaba (grand chef des armées tutsi). BENZINGE déclara à l’audience que NKURANGA lui aurait dit qu’il était soupçonné de faire partie de l’Aprosoma et que ce fut cela qui le décida d’agir pour faire montre de sa fidélité (Cdg RU, 6/4/60, Président LAMY).

  1. Les 8 et 9 novembre 1959 dans les sous-chefferies limitrophes de Rwoga et Murama, chefferie Kabagali, différentes personnes réputées Aprosoma et partant ennemis (abagome) du Rwanda furent arrêtées et battues. Le 9 novembre, dans la camionnette de l’un des sous-chefs locaux, ces personnes furent conduites à Nyanza où, selon les dires des sous-chefs locaux, tous les Aprosoma devaient être amenés. En chemin, au marché de Karambi, au lieu-dit Buhanda, la camionnette s’arrêta. Les hommes qui étaient emmenés à Nyanza y furent battus et enfin dirigés sur l’Ibwami. En cours de route certaines personnes arrêtées furent encore victimes de coups. A Nyanza ces hommes furent, soit relachés, soit conduits à l’hôpital pour soins. Entretemps plusieurs maisons appartenant aux victimes furent saccagées ou pillées (Cdg RU, 12/3/60, Président GUFFENS).
  2. Le plaignant avait été désigné le 7 novembre 1959 comme un adepte du mouvement Aprosoma et, inquiet pour sa personne et ses biens, il s’en alla trouver le Mwami à Nyanza pour se mettre sous sa protection. Pendant son absence deux des prévenus conçurent le projet d’aller attaquer sa maison. Ils levèrent une bande dont ils prirent le commandement et, le 8 novembre, en chefferie Mayaga, à Gatonde, ils se rendirent chez lui et dévastèrent sa demeure (Cdg RU, 6/1/60, Président GUFFENS).
  3. Ce jugement examine d’une part une attaque hutu et d’autre part une contre-attaque tutsi suite à celle-ci. Le 5 novembre 1959 la sous-chefferie Mushubati du Marangara, territoire de Gitarama, limitrophe de la sous-chefferie Mwaka du Kabagali, territoire de Nyanza, était l’objet de pillages et de dévastations de la part des Hutu au préjudice des Tutsi résidant dans cette sous-chefferie. Suite à cette attaque, le sous-chef tutsi de Mwaka avait réuni ses gens (aussi bien Hutu que Tutsi) pour se défendre contre une éventuelle incursion venant de la sous-chefferie Mushubati.

Les journées des 6, 7 et 8 novembre, dans la sous-chefferie Mwaka, furent apparemment calmes, en ce sens qu’il ne s’y passa aucune action violente. Cependant des menaces de plus en plus sérieuses venaient du côté des Hutu annonçant qu’ils allaient chasser les Tutsi de cette sous-chefferie. C’est ainsi que le 9 novembre dans la matinée, alors que le sous-chef s’était rendu à Karambi, chef-lieu de la chefferie, pour signaler à nouveau ses appréhensions au chef et lui demander conseil, des Hutu se mirent à attaquer les Tutsi dans leurs biens soit en incendiant, soit en pillant, soit enfin en dévastant les bananeraies et les cultures.

Dans l’après-midi, avec le retour du sous-chef, une contre-attaque des Tutsi, non seulement de Mwaka mais aussi d’autres sous-chefferies voisines, de Mutara, de Gishwere, de Murama etde Muyunzwe, plus violente que celle du matin, eut lieu, au cours de laquelle une cinquantaine de propriétés de Hutu furent à leur tour dévastées, pillées et incendiées. En même temps on eut à déplorer la mort de deux Hutu. Le mardi 10 au matin lesTutsi continuèrent leur contre-attaque, cette fois aussi bien dans la sous-chefferie Mwaka que dans la sous-chefferie Mutara et plusieurs Hutu subirent des blessures et des coups. La continuation de la contre-attaque du 10 au matin fut arrêtée par l’arrivée de la Force Publique qui parvint à disperser les troupes armées qui pillaient, dévastaient, incendiaient et massacraient.

Examinant le cas du sous-chef tutsi de Mwaka, le Conseil de guerre émet les considérations suivantes:

Il lui fut certes dit qu’il était en droit de se défendre lorsqu’il était attaqué. Ainsi le 9 au matin ses propres biens furent détruits ainsi que ceux de plusieurs Tutsi et ce en son absence. C’est dans une sorte de réflexe de défense, mais aussi de vengeance, que le prévenu organisa alors la contre-attaque. Celle-ci fut malheureusement hors de proportion avec celle des Hutu et surtout plus cruelle et se caractérisa par des meurtres et des lynchages qui constituent manifestement des actes de massacre. De plus cette représaille ne s’arrêta pas à l’après-midi du lundi 9 mais se prolongea le mardi 10 et n’eut sans doute pas plus d’ampleur et de violences grâce à l’arrivée des forces de l’ordre. Au surplus, en sa qualité de sous-chef, plus que tout autre, ce prévenu, malgré les provocations inadmissibles, se devait de ne pas se faire justice à lui-même et surtout de ne pas entraîner dans cette action tant d’autres qui y sont allés, étant donné l’autorité dont il jouissait vis-à-vis d’eux (Cdg RU, 19/3/60, Président LAMY).

  1. Le 9 novembre 1959 à Gasharu, sous-chefferie Bihembe, chefferie Kabagali, une bande détruisit une habitation sous prétexteque son propriétaire appartenait au mouvement Aprosoma (Cdg RU, 6/1/60, Président GUFFENS).
  2. Le 9 novembre 1959 le sous-chef de Nkole en chefferie Bunyambiriri fit battre le tambour pour convoquer ses gens et les incita ensuite à s’attaquer aux Aprosoma réputés ennemis du Rwanda. Il fit ainsi arrêter un moniteur alors qu’il donnait cours et désigna parmi la foule deux personnes également taxées d’être des militants Aprosoma. Il fit aussi arrêter le fils du moniteur ainsi que deux passants, toujours pour le même motif, et ordonna de conduire chez lui pour interrogatoire ces personnes qui, lors de leur arrestation et après, furent frappées et battues. De plus le sous-chef donna ordre d’aller détruire les maisons des personnes arrêtées et les habitations de quatre d’entre elles furent totalement ou en partie saccagées ou pillées. Enfin, après les avoir questionnées, il les obligea de signer une déclaration par laquelle elles jurèrent qu’elles n’étaient pas des traîtres au pays, à la suite de quoi elles furent relâchées dans la soirée (Cdg RU, 22/2/60, Président GUFFENS).

31. Les 9 et 10 novembre 1959, à Kibumbwe, chefferie Bunyambiriri le sous-chef tutsi de l’endroit fit arrêter arbitrairement trois Hutu qui subirent des tortures corporelles tandis que les habitations de deux d’entre eux étaient dévastées et que deux autres habitations hutu l’étaient également (Cdg Ruanda, 24/10/60).