L’abandon de l’Unyanyembe et l‘orphelinat de Kipalapala

Fin 1885, soixante-cinq enfants vivaient dans l’imposant orphelinat de Kipalapala, près de Tabora. Les relations avec les autorités locales étaient bonnes. Les pères étaient prudents et évitaient de se mêler aux querelles entre les différents pouvoirs. « Le mieux, je crois, note un des pères de l’orphelinat, est de ne s’occuper nullement de leurs affaires, si ce n’est afin d’intervenir pour avoir la paix, mais pour cela Il faut attendre que nous ayons de l’influence ». Le pays restait assez calme, malgré toutes les rumeurs qui y circulaient. « Les Arabes qui sont bien au courant de ce qui se passe actuellement à Zanzibar, n’en disent absolument rien et en paraissent peu émus », écrit le P. Hautte-cœur. Il semblait en être de même du «  sultan Sike », auquel le supérieur de Kipalapala avait « fait connaître toutes les nouvelles politiques ». Il n’en paraissait nullement inquiété.

La vie dans l’orphelinat s’organisait. Dès que les travaux de construction étaient terminés, il fallait songer à « mettre la main à la pioche pour les cultures. En 1885, la récolte de patates douces permit de nourrir les soixante-cinq orphelins « pendant trois mois entiers ». Ce ravitaillement de l’orphelinat posait un vrai problème. Au fur et à mesure que le nombre d’enfants augmentait, il fallait une quantité toujours plus grande de vivres divers. En 1887, 95 rachetés peuplaient l’orphelinat. Or, cette année-là, la saison des pluies avait été très courte : « elle était venue très tard, et avait fini trop tôt ». Il avait été impossible de cultiver comme les autres années une quantité suffisante de produits pour alimenter les enfants. La disette régnait dans les environs de Kipalapala. Un des pères de l’orphelinat partit pour acheter « tout ce qu’il put trouver de maïs dans les environs ». Cela ne plut guère au chef Sike. « Il a peur, notait le père Hauttecœur, que nous n’affamions le pays, en achetant tous les vivres qui s’y trouvent ». On parvint à s’arranger finalement, mais cet aspect de la vie de l’orphelinat, n’améliora guère les rapports avec le souverain local. Nous aurons l’occasion d’en reparler bientôt.

Dans ce centre caravanier qu’était Tabora et la région avoisinante, la population était constamment en mouvement. L’Islam y était solidement implanté. Aussi, aucune perspective d’apostolat auprès des gens de condition libre ne semblait se présenter. Les pères avaient fait diverses tentatives de prédication. « Depuis quelques mois, écrit un missionnaire, je parcours les villages pour y distribuer des remèdes et pour enseigner la vérité, mais je ne trouve presque personne, beaucoup de femmes, quelques vieillards, des hommes point (…) Voilà donc un sérieux obstacle, il me semble, à l’évangélisation de ce pauvre pays ». La situation se présentait donc d’une façon toute différente de celle du Buganda. Dans l’Unyanyembe les pères étaient ainsi pratiquement forcés de concentrer leurs efforts sur la formation chrétienne de leurs rachetés. Bientôt une nouvelle question se posa au sujet de ces derniers. Les rachats n’avaient porté que sur des garçons. Certains étaient maintenant devenus trop âgés pour rester dans l’orphelinat et avaient atteint l’âge de prendre femme. Il fallait songer à les marier. La solution la plus plausible pour les missionnaires semblait être d’agir pour les filles comme on l’avait fait pour les garçons : le rachat. On se procura donc des jeunes filles auprès des esclavagistes et on constitua ainsi des couples. Onze ménages furent formés en 1888 et installés aux abords immédiats de la mission. Ce fut l’ébauche d’un village chrétien. Ce n’était pas une solution idéale, les pères s’en rendaient bien compte. « Un de nos enfants se marie, écrit un missionnaire ; comme la femme est une païenne, il n’y a aucune possibilité de faire de cérémonie religieuse ». Et le père ajoute, comme en soupirant :

« Quand donc, nous sera-t-il possible d’avoir des religieuses pour élever chrétiennement des jeunes filles ; les enfants qui se marient ainsi, sont réellement à plaindre ; mais il n’y a aucun moyen de faire autrement».

L’ambiance du centre commercial de Tabora exerçait une attirance très grande sur ces jeunes ménages. Les missionnaires qui gardaient autorité sur eux, avaient élaboré un règlement très strict. Ceci souleva pas mal de mécontentement. Certains jeunes couples s’enfuirent même, mais, dans la plupart des cas, ils vinrent demander ensuite leur réintégration. De fait, la situation sociale du pays rendait des individus isolés très vulnérables. L’appartenance à un groupe bien déterminé était indispensable à la survie.

Les cas de fuite ne furent pas seulement le fait des jeunes mariés. À l’orphelinat même, certains enfants ne supportaient pas la vie quasi monastique qu’on leur proposait. Au mois d’octobre 1887, le diaire de Kipalapala signale que « bon nombre d’orphelins se montrent beaucoup moins dociles », et qu’ « ils murmurent beaucoup et à propos de tout ». Les pères imputent les raisons de ce mauvais esprit au va-et-vient continuel des diverses caravanes de missionnaires qui, venant de la côté, se dirigeaient vers les différentes missions et venaient refaire leurs forces chez leurs confrères avant de continuer la route. Quelques mois plus tard, on peut lire dans le diaire que « ce triste état de choses est heureusement modifié » et que « les enfants sont meilleurs que l’année dernière ». On a l’impression, en parcourant le diaire du poste que les pères ne se rendaient pas toujours compte de l’extraordinaire changement que représentait cette vie d’orphelinat pour les jeunes rachetés. Cet « internat » avec son horaire fixe, ses études, ses exercices de piété, son travail manuel était comme l’opposé de leur vie extérieure. On est maintenant plutôt étonné de la relative facilité avec laquelle ces jeunes garçons ont accepté cette nouvelle façon d’envisager l’existence.

L’orphelinat de Kipalapala, comme le village chrétien qui l’entourait, restait un corps étranger au milieu de ce monde africain. Malgré tout l’effort d’adaptation missionnaire, le genre de vie des pères, des enfants et des ménages se distinguait par beaucoup d’aspects du milieu ambiant. Pères et enfants habitaient une grande et solide bâtisse, pratiquaient une religion nouvelle, sortaient peu, etc. Les jeunes mariés, étrangers à la région, vivaient, par la force des choses, repliés sur eux-mêmes. L’ensemble de la mission formait à l’intérieur de l’Unyanyembe coutumier et commerçant, islamisé en partie ou de religion traditionnelle, comme une cellule étrangère, dont le rayonnement était très limité. Ce caractère de nouveauté, de richesse et de puissance de l’installation missionnaire intriguait très fort le chef Sike. C’était une nouvelle source de tensions. Le souverain de l’Unyanyembe, devenu plus puissant par la mort de son rival Mirambo en 1884, se méfia, de plus en plus, à partir de cette date de cette imposante station. Il exigea que son autorité fût explicitement reconnue. Elle devait l’être en particulier par le versement de taxes considérables. Tous devaient s’y conformer, les missionnaires comme les autres. Les pères s’en plaignaient souvent. En 1886 déjà, le supérieur du poste écrivait : « Si Sike continuait à exiger tant et de si forts cadeaux, il nous serait impossible de rester ici ». Mais le père garde bon espoir : « J’espère cependant que nous n’en serons pas réduits à cette extrémité, et que la crainte de tout perdre, par notre départ, rendra Sa Majesté raisonnable ». L’année suivante, le supérieur de l’orphelinat constate que « les dispositions du chef du pays que nous habitons sont loin d’être favorables au développement de la mission ». Les exigences de Sike devinrent si importantes qu’elles pouvaient compromettre la vie matérielle du poste. La situation fut finalement intenable et força les missionnaires à abandonner Kipalapala en 1889.

Au Bukumbi

Toute la communauté : pères, enfants et ménages, vint alors se réfugier au Bukumbi. Cette région avait déjà servi de lieu de repli, après l’abandon du Buganda en 1882. Le 4 août 1889, le groupe s’établit à Nyegezi, où avait été créé, quelques mois auparavant, le poste de « Notre-Dame-des-Exilés, refuge fondé par le père Lourdel pour ses Ganda ». Il fallait d’abord construire pour héberger tout ce monde. On peut lire dans le diaire de la station :

« Depuis plusieurs semaines, nos orphelins sont occupés à faire des briques qui sèchent au soleil. Il nous en faudra un grand nombre pour le travail qu’il y a à faire cette année. Nous voulons du côté sud de la mission faire un grand mur d’enceinte avec des bastions. Notre chapelle sera ainsi renfermée et nous serons plus en sûreté en cas d’attaque. Ce mur doit renfermer dans une seule enceinte la maison des pères, les dortoirs des enfants, le village de nos mariés qui restent ici et l’orphelinat des filles. Nos plus grands orphelins qui bâtissent ce mur, sous la conduite du Frère Marie, y mettent beaucoup d’ardeur et ne s’en tirent pas trop mal ».

C’était, comme on peut le constater, un véritable village fortifié, un peu comme une grande abbaye du moyen âge qui s’érigeait sur les rives du Victoria. Cet aspect extérieur de forteresse inexpugnable n’était certainement pas favorable à une plus grande intégration dans le milieu, et accentuait encore, sans doute, le caractère étranger de l’établissement.

Le nombre de rachetés augmentait assez rapidement, et la vie s’y organisait comme à Kipalapala. L’orphelinat de Nyegezi vivait ainsi sa propre vie, tandis que, dans le poste voisin de Kamoga, l’apostolat auprès de la population s’amorçait. Les perspectives s’avéraient bonnes et, dès 1887, un mouvement « sérieux » semblait se dessiner : des habitants de la région venaient se faire instruire par les pères. Ce mouvement vers la mission se maintint. En février 1891, une nouvelle station fut fondée dans l’Unyanyembe : Ushirombo. La mission y rencontra d’emblée un accueil favorable. Le diaire signale, quelques mois à peine après la fondation : « beaucoup de gens viennent lire : ils manifestent du goût pour l’instruction». Ce fut le deuxième démarrage de la mission de l’Unyanyembe.

Jusqu’à présent, le travail missionnaire dans cette vaste région d’Afrique orientale s’était concentré sur le rachat de jeunes esclaves, et sur leur éducation dans des orphelinats. Les pères se rendaient compte, petit à petit, des multiples inconvénients de cette façon d’agir. Les anciens rachetés, une fois mariés, restaient dépendants de la mission et continuaient à tout attendre des missionnaires. Ils demeuraient en plus, comme nous l’avons déjà souligné plusieurs fois, étrangers à la région, non seulement par leur origine, mais également par leur façon de vivre. Leur influence dans leur nouveau milieu était donc quasiment nulle. Les résultats n’étaient cependant pas totalement négatifs. Les orphelinats avaient par exemple permis aux missionnaires de se familiariser avec les différentes régions et les divers peuples du pays. Ces établissements avaient en plus donné aux pères des auxiliaires, qui les secondèrent non seulement dans les travaux d’installation, mais aussi dans le travail apostolique. En 1888, par exemple, une petite école de catéchistes put être constituée. « Nous avons choisi les plus pieux et les plus intelligents de nos jeunes rachetés », écrivait à l’époque Mgr Livinhac. Ils « sont destinés à devenir plus tard, les auxiliaires des missionnaires ». Le travail des pères s’orienta dans la suite de plus en plus vers une action auprès des populations locales. Au Tanganyika, au contraire, l’oeuvre des rachats continua pendant cette période à absorber presque entièrement l’activité missionnaire.

Les « royaumes chrétiens » du Tanganyika

Le dernier jour de l’an 1883, tous les supérieurs de la mission du Tanganyika s’étaient réunis à Kibanga dans le but de faire le point sur la situation et d’élaborer en même temps un plan d’action pour l’avenir : Kibanga, poste le plus central et le plus important, abriterait l’orphelinat, tandis – que les autres stations, Mulweba et Uzigue, seraient des centres de prédication. Les événements politiques devaient changer considérablement ces prévisions : l’Uzigue fut abandonné en octobre 1884, et Mulweba en janvier 1885. Au début de l’année 1885, la mission du Tanganyika ne possédait plus que Kibanga, et un nouveau poste, Mkapakwe, fondé quelques mois auparavant. Le choix de cette station avait été suggéré aux pères par le rapport favorable qu’en avaient fait, à Kibanga, certains des rachetés originaires de cette région. Le poste n’eut cependant qu’une existence éphémère : dix mois après sa fondation, on devait déjà l’évacuer. Le chef local et ses sujets s’étaient pourtant montrés satisfaits de sa présence par la possibilité de protection que la station pouvait leur assurer. Ils n’avaient cependant manifesté que peu d’enthousiasme lorsque les pères avaient commencé l’instruction religieuse.

L’abandon du poste fut provoqué par la décision prise à Bruxelles de transférer les deux stations de l’Association Internationale africaine, Mpala et Karema, aux Pères Blancs. Le 5 juin 1885, l’ordre d’accepter ces deux postes atteignit Mkapakwe. La question fut très vite réglée : Le représentant de l’Association, le capitaine Émile Storme, au mois de juillet, remit les stations au père François Coulbois, pro-vicaire du Tanganyika. Les missionnaires s’en montrèrent fort peu enthousiastes. Faute de personnel suffisant, il leur fallait abandonner le poste de Mkapakwe, qui promettait d’heureux résultats. Mais, il fallait bien obéir. Mpala, sur la rive occidentale du lac, et Karema sur la rive opposée restèrent deux postes de mission. Après un début inévitablement difficile, ils allaient même devenir les premiers postes définitifs du Tanganyika.

À partir de ce moment, l’histoire de l’Afrique orientale fut gravement bouleversée par la mainmise européenne qui progressait à partir de la côte, et par les réactions arabes dans l’intérieur du continent. Nous en avons brièvement parlé, lorsqu’il fut question du Buganda et de l’Unyanyembe. Les pères du Tanganyika y furent encore plus directement impliqués. Ils le durent, en grande partie, à la position de leurs postes, établis au milieu du réseau de communications des Arabes. La mission était concentrée sur trois points : Kibanga, Mpala et Karema. Pendant une dizaine d’années, ces régions allaient être bouleversées par des guerres successives. L’ampleur de ces conflits semble même faire passer au second plan la raison essentielle de l’existence de la mission : l’évangélisation. Préoccupés par le souci constant de se défendre et de sauvegarder leurs fidèles et leurs biens, les pères passèrent une grande partie de leur temps à construire des postes fortifiés et à organiser la protection de leurs domaines.

La mission du Tanganyika se basa ainsi plus encore que par le passé sur le rachat de jeunes esclaves et leur éducation en orphelinat. Mgr Bridoux, écrivit dans ce sens aux pères et frères des deux territoires du Tanganyika et du Haut-Congo :

« L’oeuvre qui offre le plus de chances de succès est celle du rachat et de l’éducation chrétienne des enfants que nous recommandait récemment, avec autant d’onction que de force Notre Saint Père le Pape. Elle est humble, obscure et pénible, mais maintenant que nos premiers rachetés ont grandi et qu’un grand nombre sont déjà devenus de bons chrétiens et de bons pères de famille nous ne pouvons que nous féliciter […] de son succès. Nous développerons donc, autant que nos ressources nous le permettront, l’oeuvre des rachats et des orphelinats, surtout à Karema et à Kibanga qui sont comme les orphelinats centraux de nos deux vicariats. Nous continuerons à y élever nos enfants, conformément aux sages instructions de Notre Vénéré Père […] Avant tout, cherchons à en faire de bons chrétiens, solides dans la foi et dans la vertu ».

À Kibanga, où un grand orphelinat fonctionnait depuis la fin de l’année 1883, l’action missionnaire se porta essentiellement et à peu près exclusivement sur le travail d’éducation et de formation des rachetés. Un très gros effort fut fourni dans ce sens. Nous avons déjà eu l’occasion de parler de l’introduction de l’écriture et du livre dans les sociétés africaines qui vivaient dans l’oralité jusqu’à la venue des Arabes. L’enseignement, tel que les missionnaires le concevaient, les obligeait à rédiger des livres, à traduire en langue africaine les écrits qu’ils jugèrent importants et utiles pour l’instruction des enfants. Ainsi, en 1885, le P. Vyncke fait savoir au supérieur général qu’il envisage de traduire en swahili « le chemin de croix, les prières du matin et du soir, l’ordinaire de la Messe, les prières pour la confession et la communion ». « On pourrait imprimer, ajoute-t-il, au fur et à mesure par petits cahiers, et ainsi, au bout de quelque temps, nous aurions tout le petit volume, qu’on pourrait rééditer avec soin ».

On aura remarqué dans cette énumération que les traductions portent essentiellement sur le domaine religieux. C’est normal, puisque, pour le missionnaire, l’orphelinat, comme l’école, n’a qu’un seul but : convertir d’abord, former religieusement ensuite.

L’instruction « profane » fut plutôt négligée dans l’orphelinat de Kibanga. Les tâches d’organisation et de direction de leur vaste établissement absorbèrent presque entièrement les missionnaires. Si au début de l’existence du centre de Kibanga, de réels progrès avaient été réalisés dans le domaine de l’enseignement, ce ne fut plus le cas par la suite. Aussi, lorsque Mgr Charbonnier y arriva en 1886, il constata que l’instruction des enfants avait été reléguée au second plan. Il communiqua ses constatations au cardinal Lavigerie, en commençant par une large description de l’institution :

« L’orphelinat de Kibanga, écrivait-il, compte cent onze nègres âgés de trois à quinze ans. Ceux qui sont capables de travailler, se lèvent avec le soleil, c’est-à-dire vers six heures, font la prière en commun avec les catéchumènes du village voisin dans une salle ou plutôt un vaste hangar de l’orphelinat, et s’en vont aux occupations assignées par le père directeur des travaux, sous la surveillance immédiate de leurs Kirongozis (espèce de caporaux). La plupart sont employés aux travaux des champs. Le retour du travail est signalé à onze heures […] Ils reviennent ordinairement au pas de course et en chantant ; arrivés à la maison, les uns viennent causer avec les pères, les autres dorment couchés au grand soleil ou se livrent à leurs jeux favoris, tandis que ceux de leurs compagnons qui sont de corvée pour faire la cuisine, préparent le repas sous la conduite des Kirongozis […] À deux heures et demie, ils sont encore envoyés au travail jusqu’à six heures. As s’en reviennent alors comme le matin au signal donné et préparent de même leur repas […] Leur souper terminé, ils prennent un peu de récréation sous la surveillance d’un Missionnaire. Ayant déjà fait leur prière à six heures, ils vont se coucher vers huit heures et demie après avoir recommandé à Dieu leur sommeil par une courte invocation ».

La vie dans l’orphelinat ressemblait, comme on peut le constater, plus à une colonie agricole qu’à une école. Le vicaire apostolique s’en montra mécontent et ordonna de reprendre l’instruction au moins cinq jours par semaine. L’effort ne fut sans doute pas longtemps poursuivi. Dans la correspondance des pères, comme dans le diaire du poste, on ne rencontre quasi jamais une allusion à l’enseignement donné aux élèves. Certains enfants, toutefois, les plus intelligents, recevaient des cours de lecture et d’écriture en swahili. « Notre but, écrit le P. Josset, est d’en faire des catéchistes ». C’est à peu près la seule instruction dont il est question dans les lettres des missionnaires.

La raison principale de cet état de choses était sans doute d’abord, la nécessité de procurer des vivres à l’orphelinat, qui était pour ainsi dire condamné à vivre en autarcie, à cause de l’état d’insécurité du moment. Les pères étaient en plus absorbés par les problèmes d’organisation, non seulement de l’orphelinat, mais aussi du village chrétien, dans lequel vivaient les orphelins mariés, et aussi des villages des « suivants ou Fwasi». Ils avaient le souci de la sécurité de tout ce monde. Enfin, n’oublions pas que de 1886 à 1887, les missionnaires construisirent un immense complexe de bâtiments divers en briques et en pierres du pays, à plusieurs kilomètres de la première résidence, jugée insalubre à cause des marécages formés par le retrait du lac.

Le nombre des orphelins croissait régulièrement. En juillet 1886, il y avait cent quinze enfants rachetés à Kibanga ; quarante habitants peuplaient le village chrétien et cent soixante les villages des « suivants ». Deux ans plus tard, deux mille personnes vivaient à Kibanga, se répartissant ainsi : orphelinat, trois cents ; un village chrétien, deux cents et trente villages de « suivants », mille cinq cents.

Le village chrétien était, on s’en souvient, constitué par les ménages des orphelins mariés. Au début de leur présence sur le lac, les missionnaires avaient, comme dans l’Unyanyembe, racheté des femmes pour en faire les épouses de leurs grands enfants. Mais bientôt, ils constatèrent avec joie que la population locale acceptait sans trop de difficultés de marier leurs filles aux jeunes rachetés des pères. Dans l’esprit de ces derniers, ces unions devaient enraciner davantage la mission au milieu de la population locale.

De tels mariages furent conclus à partir de 1885. Selon la coutume régnante, les missionnaires, tuteurs des garçons, avaient la charge de leur trouver une compagne. Le diaire de l’orphelinat indique, par exemple, en 1886, que les PP. Coulbois et Vyncke se rendent chez un chef de la montagne avec deux de leurs plus grands orphelins qui cherchent une épouse. « Le voyage se borne, lit-on dans le journal du poste, à des pourparlers préliminaires ; c’est d’ailleurs une affaire longue à conclure dans ces pays, que celle du mariage et de son payement. Nous avons reçu des promesses ». Le couple une fois formé, construisait sa case, et recevait un terrain pour ses cultures, et divers ustensiles.

À partir de 1886, les pères commencèrent également à racheter des fillettes. Elles furent placées dans les ménages chrétiens ou catéchumènes. Au mois de mai de l’année suivante, il y en avait déjà une douzaine. Devant ce nombre en croissance rapide, les missionnaires décidèrent de les réunir en orphelinat, dont la direction fut confiée à « une matrone chrétienne, femme de notre garde-champêtre ».

Kibanga était donc en train de devenir un centre important. Les missionnaires s’en réjouirent profondément. « Comme jadis en Europe, écrivait l’un d’eux, les monastères ont été le noyau de grandes villes au moyen âge, de même nous pouvons espérer de voir affluer autour de nous une foule de familles qui cherchent la paix et la protection ». En décembre 1888, le P. Guillemé décrit avec enthousiasme l’oeuvre réalisée dans la station :

« Un orphelinat dans le genre de celui de Kibanga ressemble à une ruche d’abeilles (la comparaison peut se faire), où les enfants grandissent, se fortifient, pour sortir ensuite et aller s’établir à leur compte dans les villages chrétiens. Cette année, une dizaine parmi les grands, en âge d’être mariés, sortiront de l’orphelinat. Nous commençons pour eux la fondation d’un nouveau village, aux alentours duquel ils cultiveront le manioc, le maïs, le riz nécessaire à leur nourriture ». Ces merveilleuses perspectives d’avenir n’allaient cependant point se réaliser.

On se souvient que, dès 1886, les missionnaires s’étaient plaints de l’insalubrité du site, « à cause d’un marécage formé par le retrait du Tanganyika ». On fut obligé de déplacer les bâtiments sur une colline voisine. Mais, note un des pères, « les miasmes paludéens empoisonnèrent tellement l’air que les noirs pas plus que les blancs n’y purent résister ». De fait, l’endroit se révéla tellement insalubre que « la population allait en diminuant » et que « la colonie aurait fini par disparaître par extinction». Il y avait d’autres raisons encore qui poussèrent les pères à abandonner la région : la pression arabe d’abord, qui représentait une menace sinon constante, du moins régulière pour l’établissement. Enfin, la maladie, les guerres internes et les razzias d’esclaves « avaient complètement dépeuplé la presqu’île d’Ubwari, le Massanze et l’Ubembe ». En dehors des limites de la propriété des pères, il n’y avait plus que « des léopards, des buffles et des antilopes ». Et le père de conclure : « Telle était la situation au moment où commença le déménagement. Il faut avouer que c’eût été tenté la Providence que de rester plus longtemps dans cet endroit malsain, où la mission n’avait aucun avenir et où elle pourrait s’attendre soit à périr par la famine, soit à tomber sous le fer de tous les Arabes conjurés contre elle ». Le déménagement se fit de mai à août 1893. Toute la colonie s’établit à Kirungu-Baudouinville, qui venait d’être fondée par le père Roelens, le futur vicaire apostolique du Haut-Congo. « Les premiers jours du mois d’août nous amenèrent les dernières escouades de la colonie émigrante, écrivait-il. Il fallut songer à tout organiser, car cette colonie doit constituer une petite république, dont je serai le président ».

À Karema, la mission s’était développée dans le même sens. « Nos missions du Tanganyika se ressemblent un peu toutes », écrivait le vicaire apostolique du moment. De fait, Karema ressemblait beaucoup à Kibanga. Ici aussi, l’activité missionnaire s’était orientée avant tout vers les rachats, la constitution d’un établissement pour l’éducation des rachetés, et la création de villages habités par des ménages chrétiens issus de l’orphelinat, ou par des « suivants ».

« Lorsqu’on arrive à Karema, notait Mgr Bridoux […], on aperçoit cinq petits villages dont deux sont habités par nos ménages de rachetés qui se livrent à la pêche et ont la surveillance de nos barques. Les autres dépendent de la mission, car leurs habitants sont venus se fixer auprès d’elle pour bénéficier de la paix et de la tranquillité que notre présence leur assure s [….] Les constructions de la mission, qui ont l’aspect d’un fort du moyen âge, forment un vaste tembe ou village fortifié, ayant la forme d’un hexagone irrégulier de 243 mètres de tour (…) Notre tembe est maintenant trop étroit pour nos nombreux orphelins ».

En 1890, la station rassemblait en effet un millier de personnes, dont une proportion de rachetés plus forte encore que celle de Kibanga puisqu’elle se montait à deux cent septante orphelins et nonante-huit ménages. Ce nombre augmenta encore par la suite. L’activité des orphelins était surtout d’ordre pratique : on cultivait, on entretenait la maison, on construisait. On parle très peu d’enseignement, en dehors de l’instruction religieuse.

La situation de MpaIa était peut-être un peu différente, mais ressemblait quand même fondamentalement à celle des autres postes. Ici deux cents enfants peuplaient l’orphelinat et deux cents ménages étaient répartis en quatre villages chrétiens.

Cette méthode missionnaire, qui se basait en principe sur les rachats d’esclaves rencontra à cette époque au Tanganyika l’approbation générale des missionnaires. Le P. GuilIemé s’en fait l’interprète, quand il écrit : « En face des résultats obtenus nous sommes plus que jamais convaincus, que de la bonne éducation de ces orphelins dépend le succès le plus certain, le plus durable de nos missions. Si jusqu’à ce jour où la sécurité semble être assurée, nous avons pu tenir tête à la tourmente et aux esclavagistes acharnés contre nous, c’est grâce à ces enfants élevés par nous et mariés, qui sont devenus à leur tour nos défenseurs sincèrement dévoués. Ils ont plus d’une fois prouvé leur gratitude, lorsque se battant pour la liberté, sous les ordres du capitaine Joubert, plusieurs sont restés morts ou blessés sur le champ de bataille ».

L’ère des orphelinats et des « royaumes chrétiens » avait atteint son apogée en 1892. Les événements allaient cependant bientôt opérer des transformations radicales dans le travail missionnaire. La lente mais progressive mise en place d’administrations européennes, et l’arrivée au Tanganyika des expéditions antiesclavagistes allaient créer un cadre nouveau à la mission. Les soucis à peu près permanents des pères, causés par l’insécurité et par le morcellement des autorités politiques locales, diminuèrent sensiblement à partir de cette date. Un changement d’orientation dans l’activité missionnaire devint possible. La mission du Tanganyika allait maintenant s’orienter davantage vers un travail auprès des populations locales. En vue de s’adjoindre des auxiliaires indispensables, les missionnaires allaient concentrer leurs efforts sur la formation de catéchistes. Les écoles allaient suivre.

Conclusion

Au Tanganyika se terminait ainsi l’« époque des pionniers ». Les missionnaires avaient dû abandonner l’un après l’autre de nombreux postes. Seuls subsistèrent les grands centres ; mais même Kibanga avait dû être sacrifié. Ces stations s’étaient développées en de véritables petits «royaumes » peuplés de rachetés, de ménages chrétiens et de « suivants ». C’est en s’appuyant sur ces bases que la mission put, en définitive, préserver son existence au moment où de nombreuses difficultés de toutes sortes perturbèrent la région. Mais, il y eut plus. Les pères avaient, entre autres, préservé des dizaines de milliers de personnes des razzias qui se donnaient libre cours dans les pays voisins. Entre les missionnaires européens et les populations africaines, une certaine communauté s’était créée. Deux types de civilisation se rencontraient. Dans leur désir de convertir les Africains au catholicisme, les pères avaient regroupé des populations entières sous leur direction. Ils avaient créé de « nouvelles tribus ». Les orphelinats du Tanganyika se voulaient des centres d’instruction religieuse, plus que de simples refuges. Les enfants y étaient éduqués et formés en vue de devenir des chrétiens solides. Une fois mariés, ils pouvaient, sous la haute surveillance des missionnaires, pratiquer la nouvelle religion. L’espoir des pères était d’en faire des messagers convaincus de la doctrine catholique. Les meilleurs élèves recevaient à cette fin une formation supplémentaire.

Maintenant que le calme était revenu sur les rives du lac, la mission allait prendre progressivement un autre visage. Le cadre isolé et fermé des « royaumes » allait éclater pour permettre aux missionnaires de pénétrer davantage, comme au Buganda, dans le milieu traditionnel.

Nous avons peu parlé d’écoles. Il n’y en avait pas au sens strict du terme. On n’enseignait et on n’instruisait que dans le cadre de l’orphelinat et du village. L’objet de cet enseignement était la connaissance religieuse. La seule science « profane » enseignée à tous, c’est la lecture. Savoir lire est jugé sinon indispensable, du moins très important pour le nouveau chrétien. Les nombreuses traductions en swahili des divers écrits catholiques doivent servir à entretenir la foi des néophytes. Il faut beaucoup de livres. Les pères introduisent ainsi de plus en plus leurs fidèles dans le monde de l’écrit. La mission va maintenant continuer dans ce sens. Les écoles vont bientôt et rapidement faire leur apparition et couvrir l’ensemble du pays.

Essai d’installation au Nyassa

En 1888, le cardinal Lavigerie fut contacté à Paris par deux envoyés du gouvernement portugais. Ceux-ci proposèrent au fondateur des Pères Blancs l’aide de leur gouvernement pour l’établissement d’une station missionnaire au lac Nyassa.

Ces propositions rencontraient les préoccupations de Lavigerie. Responsable des missions d’Afrique centrale, l’acheminement des caravanes lui posait un problème crucial, et il avait déjà pensé à leur faire emprunter la route de Nyassa. Cette voie se présentait comme plus sûre et plus facile que le long parcours terrestre à partir de la côte orientale. N’oublions pas que 1888 fut une année de troubles et d’incertitudes pour cette région d’Afrique. Les possibilités qu’on offrait maintenant aux missionnaires de fonder une station sur le lac et une procure à Quilimane, leur permettaient d’y poser des jalons indispensables et de pénétrer en Afrique centrale rapidement et sûrement. Lavigerie et le conseil général de la Société des Missionnaires acceptèrent l’offre. Le 18 juin 1889, un accord était signé.

L’oeuvre pouvait démarrer. La mission du Nyassa fut érigée en provicariat apostolique par un décret de la Propagande en date du 31 juillet 1889. Une caravane de cinq missionnaires sous la conduite du père Lechaptois avait déjà quitté Alger, pour atteindre le Mozambique au mois d’août de la même année. Les pères y furent bien accueillis et se rendirent à Quilimane pour gagner leur destination finale. Le centre prévu pour la nouvelle fondation était le village de Mponda, situé à une faible distance de l’endroit où le lac Nyassa se déverse dans le Shire. Le 28 décembre 1889, les missionnaires atteignirent l’endroit prévu et fondèrent la mission de Saint-Louis de Mponda.

À peine installés, les pères entamèrent leur ministère en donnant des soins aux malades, et surtout en créant une école. « Nous avons commencé les classes, il y a une dizaine de jours, écrivait le supérieur du poste. Nous nous sommes contentés de commencer tout doucement et sans aucun bruit, en prenant tout d’abord les enfants qui venaient le plus souvent à la maison et qui montraient les meilleures dispositions. Nous n’en avons à cause de cela qu’une quinzaine d’à peu près réguliers, mais nous espérons que ces premiers une fois formés, ils nous aideront à former les autres ».

On aura remarqué que la classe des pères est surtout constituée par des enfants du pays. Les missionnaires avaient bien, ici comme ailleurs, racheté quelques enfants à des caravanes de passage, mais leur action s’était tournée directement vers les jeunes de la région. Ils fondaient sur eux un grand espoir, et l’école de Mponda devait, bien sûr, aider à convertir ces enfants, mais aussi contribuer à la préparation d’auxiliaires de la mission. De plus en plus de jeunes vinrent bientôt se présenter. « Depuis quelque temps, le nombre des enfants est allé en s’augmentant, indique le diaire du poste à la date du 3 août 1890. Dans la journée d’hier nous comptions plus de cinquante présences. Il faut remarquer que ce n’est point l’appât des récompenses qui attire tout ce petit monde : nous ne promettons et ne donnons rien ». Ces jeunes, plus ou moins indépendants dans la société traditionnelle, étaient sans doute attirés aussi bien par l’accueil bienveillant des pères que par la curiosité propre à leur âge. Le 31 octobre, le diaire indique que « pendant ce mois, cent seize enfants sont venus en classe » et que « la moyenne de chaque jour a été de quarante », mais cette croissance n’était cependant pas constante. En février de l’année suivante, on note que « la classe est assez fréquentée », et qu’« une dizaine sont réguliers ». Ce va-et-vient dans l’école est facilement explicable. Rien n’obligeait ces jeunes à une présence quotidienne. Les pères n’en faisaient pas un drame. Ils ne recherchaient pas la quantité.

On sent que leur idée est plutôt de former des futurs auxiliaires. D’autre part, l’incertitude de leur situation les empêchait de songer à une conversion « en masse ». Un petit groupe d’élèves fut finalement assez fidèle à l’instruction. Les résultats étaient ainsi considérés comme « encourageants ». Après trois à quatre mois de présence à l’école, les élèves commençaient à se familiariser « avec les voyelles et les consonnes et à donner à chacune à peu près, le nom qui lui convient ». « Pourvu qu’on les fasse chanter l’alphabet au lieu de le faire lire, note un père, on est sûr qu’ils liront toutes les lettres ». Et il ajoute : « cette méthode de faire chanter le plus possible, ce qui doit s’apprendre de mémoire, a le double avantage d’intéresser extrêmement les élèves et de leur faire faire plus de progrès ». Ce système de classe chantée ne réussissait pas trop mal, car fin avril 1891, soit après environ huit mois d’instruction, les pères constatent avec satisfaction, que la majorité de leurs élèves fidèles lisent assez bien ».

Cet enseignement se donnait dans la langue locale, en yao, et non en portugais, comme en faisait obligation le contrat d’établissement entre Lavigerie et l’État lusitanien. Pour pouvoir enseigner en yao, les pères avaient d’abord dû fixer l’alphabet de cette langue. Ils résolurent ce problème par un travail en équipe.

« Nous sommes partis de ce principe, indique le diaire du poste, enseigner aux Noirs à lire et à écrire en caractères romains et non en caractères arabes, qui représentent absolument mal les sons du ki-yao. De là, nous avons conclu à écrire les mots tels que les prononcent les indigènes, aussi absolument que possible, à l’adoption d’une seule voyelle par syllabe et de vingt-quatre caractères, enfin à la réduction du rôle de la lettre k, devenue extra-radicale ou auxiliaire».

On remarque que, comme au Tanganyika et au Buganda, au Nyassa aussi, les pères n’étaient pas les premiers à introduire l’écriture dans la région. Avant eux, les Arabes avaient utilisé la leur, et avaient fondé leurs écoles également. On en comptait une dizaine à Mponda. L’écriture arabe était tellement répandue que même de nombreux européens l’utilisaient. Si les pères préfèrent « les caractères romains », c’est peut-être parce qu’ils estiment que « les caractères arabes représentent absolument mal les sons » du yao, mais c’est surtout, sans doute, parce qu’ils veulent éviter toute confusion entre l’Islam et leur message. L’enseignement de la mission se veut catholique, avant tout. En apprenant à lire aux enfants, les missionnaires leur enseignent les prières. Ils envisagent de traduire le catéchisme. Mais, même sans livres, on utilise déjà la doctrine chrétienne pour l’apprentissage de la lecture. «N’enseignant plus que le ki-yao, nous avons encore écrit sur des tableaux les premières leçons du catéchisme et les plus avancés de nos enfants, en même temps qu’ils font un exercice de lecture, y apprennent la doctrine chrétienne ».

Les objectifs de l’enseignement missionnaire apparaissent ici d’une façon très claire. L’école est un moyen direct de propagande religieuse. Là où l’on peut difficilement toucher les adultes, les enfants peuvent être contactés par l’école. L’enseignement profane, la lecture surtout, doit véhiculer le message religieux. L’école doit aussi former des auxiliaires, des hommes, qui devenus chrétiens, annonceront à leurs frères la doctrine catholique. Ce sont là, semble-t-il, à ce moment de la mission, les deux grands objectifs de l’enseignement catholique.

Le 16 juin 1891, les pères quittèrent Mponda pour aller s’établir beaucoup plus au nord, à Mambwe. Trois jours plus tard, le père Lechaptois fut préconisé vicaire apostolique du Tanganyika. Il conservait avec la charge de son nouveau vicariat, l’administration du provicariat du Nyassa. C’est par les frontières nord cette fois-ci qu’on allait tenter de pénétrer dans la région du Nyassa.