LES ÉCOLES SPÉCIALES

St. Mary à Rubaga

Les péripéties de la fondation

Notons d’abord que dès leur arrivée sur le sol du Buganda, tes Pères Blancs avaient songé à y établir une école importante. Une lettre du père Lourdel de 1879 développe cette idée très longuement. « Un des moyens qui me paraît le phis efficace pour transformer ce peuple de l’Uganda serait l’institution d’un collège », écrivait-il. Cet établissement s’adresserait principalement aux fils de chefs. Ils y recevraient une éducation chrétienne, et grâce à celle-ci et l’influence qui serait la leur, ils pourraient répandre le catholicisme dans leur pays. e Je parle de ce moyen, concluait-il, comme d’un moyen extrême et à défaut de tout autre car le rôle du missionnaire n’est pas celui d’instituteur mais bien celui d’évangélisateur ».

On retrouve dans ce document une des grandes idées du début de la mission : convertir les chefs pour toucher l’ensemble de la population. Cette option de base restera au centre des préoccupations le jour où on créera effectivement une école secondaire au Buganda. Remarquons également la conclusion du père Lourdel : le missionnaire est évangélisateur et non instituteur. Ceci aussi est un thème que nous avons déjà rencontré fréquemment : les Pères Blancs ne veulent être que des propagandistes de leur Foi.

À la même époque aussi, le père Livinhac proposait la fondation de « centres industriels » pour y apprendre aux jeunes gens des « métiers utiles ». On était au début de la mission et les pères cherchaient les meilleures méthodes d’action. Ces diverses propositions restèrent cependant à l’état de projets pendant vingt ans environ. Les circonstances ne permirent pas de les réaliser à ce moment.

En 1898, les Pères Blancs apprirent par l’intermédiaire d’un chef catholique, Stanislas Mugwanya que la mission protestante de Namirembe près de la capitale, envisageait de fonder une école d’arts et métiers, et cela avec l’appui du gouvernement colonial. L’inquiétude était grande parmi les catholiques, surtout dès l’annonce que cette école devait servir, dans l’esprit du colonisateur, à toute la jeunesse des classes dirigeantes du pays, indépendamment de leur appartenance religieuse. On comprend que dans le contexte tendu de l’époque, cette nouvelle émût profondément les responsables catholiques.

L’initiative protestante fut ainsi à l’origine du projet de fonder un établissement catholique semblable. L’accent fut mis, dès le début, sur la nécessité d’y enseigner la langue anglaise. L’aspect professionnel de l’école passa très vite au second plan et ne fut bientôt même plus pris en considération.

Il fallait avant tout convaincre les supérieurs de Maison-Carrée de la nécessité d’enseigner l’anglais dans une école au moins du vicariat. Lorsqu’en septembre 1899 deux pères du Nyanza septentrional partirent comme délégués au chapitre général de la congrégation, ceux-ci étaient fermement décidés à plaider l’idée de pourvoir l’Uganda d’une école destinée à la formation de la jeunesse des classes dirigeantes. Les délégués adressèrent une motion dans ce sens à l’assemblée du chapitre ainsi qu’au conseil de la congrégation. Ils y brossèrent un tableau assez sombre de la situation. L’administration coloniale se développait rapidement et demandait des fonctionnaires de phis en plus nombreux. « Les protestants son prêts, aucun catholique n’est prêt », écrivaient-ils. Et un peu plus loin, les deux pères notaient : « il y a une absolue nécessité d’être à 1a tête du mouvement de la civilisation dans l’Uganda ».

Les capitulants prirent le projet en considération et une circulaire fut envoyée aux chefs de missions, dans laquelle on peut lire :

« Le chapitre constate qu’il est urgent de prendre les mesures nécessaires pour qu’un certain nombre de jeunes catholiques indigènes, soigneusement choisis, soient appliqués à l’étude de la langue du peuple européen conquérant dans nos diverses missions, afin qu’on ne soit pas exposé à voir les fonctions ou emplois qui donnent de l’influence confiés exclusivement à des protestants ou à des musulmans, au grand détriment de nos oeuvres. Il appelle donc sur ce point important l’attention des chefs ecclésiastiques des diverses missions ».

L’initiative étant venue principalement de la mission de I’Uganda, il était assez normal que la décision du chapitre concernant l’enseignement de l’anglais fut mise en application dans ce territoire. Toutefois, pendant six années environ, les choses allaient encore trainer en longueur.

À partir de 1901, un père du poste de Rubaga rassemblait bien régulièrement, le soir, « quelques amateurs de nonveautés » pour leur enseigner l’anglais, mais il n’y avait pas de véritable école. Cela dura ainsi trois ans. Certains missionnaires s’inquiétaient de cette situation et pressèrent leur évêque de créer un établissement valable. Le synode du vicariat, réuni à Mitala-Mariya en octobre 1904 décida alors d’établir à Rubaga e une école payante où serait enseigné l’anglais ».

Pourquoi n’avait-on pas fait plus? Deux raisons furent avancées par les responsables du vicariat : on ne disposait pas de local adéquat, et puis, où allait-on trouver le personnel compétent pour cette entreprise. Cette dernière objection allait bientôt disparaitre. Un des premiers Pères Blancs de nationalité britannique, le père Arthur Prentice venait d’arriver à Rubaga. Il fut chargé de l’école, dès 1904. Il organisa un double cours, dans un local de fortune mis à la disposition de la mission par le chef Mugwanya. Dans une première classe, seize grands garçons de quinze à dix-huit ans, « soigneusement choisis parmi les plus intelligents et surtout les plus pieux » assistaient régulièrement aux leçons d’anglais et d’arithmétique. On leur y apprenait aussi « le système des poids et mesures usité en Angleterre, ainsi que le système monétaire »

Une deuxième section rassemblait les plus jeunes que le père voulait former plus solidement.

Telle était la situation en 1906: des garçons d’un certain âge recevaient une initiation pratique à l’anglais, d’autres plus jeunes venaient d’entamer un cycle de cours plus importants, niais très peu définis. Rien de très sérieux n’avait été réalisé. L’école spéciale de Rubaga en était toujours à ses débuts.

Le chapitre général des Pères Blancs de 1906 se montra assez sévère devant cet état de fait. « On demande, écrivaient les délégués, la fondation dans le plus bref délai possible d’écoles où l’on enseignera la langue officielle des divers États européens dominant en Afrique ». Ayant examiné la situation dans l’ensemble des territoires de l’Afrique centrale, les capitulants estimaient que c’était « une honte pour les catholiques d’être sur ce point en retard ». Ils considéraient que l’absence de ces écoles constituait « un des plus graves dangers » pour les jeunes chrétientés.

Pourquoi? Parce que « les catholiques indigènes se trouvaient ainsi exclus des emplois administratifs » qui pourraient leur donner de l’influence. Tous ces postes n’allaient-ils pas être occupés par des protestants et des musulmans? « La solution de cette très grave question est d’une urgence extrême », concluaient les délégués.

Il fallait prendre des mesures immédiates. Le conseil général de la congrégation décida d’envoyer du personnel et des fonds à Mgr Streicher afin de créer à Rubaga dans les plus brefs délais, une véritable école. Le P. Malet, visiteur, serait chargé de contrôler de près l’exécution des ordres de Maison-Carrée.

Le P. Modeste Raux, qui avait enseigné comme prêtre diocésain au collège de Montreuil avant d’entrer chez les Pères Blancs, fut désigné au mois de juillet 1906 comme fondateur et premier directeur de l’école de Rubaga. Conscient de sa responsabilité, ce père prit sa tâche à cœur avec un sens du devoir extraordinaire. Il se rendit en Angleterre, où il visita diverses écoles catholiques; il se renseigna autant qu’il le put sur le système scolaire britannique et sur son application dans les colonies de l’empire. Prêt à entreprendre son travail le mieux possible, le P. Raux s’embarqua pour l’Uganda, le 10 octobre. Le P. Malet de son côté signalait à Livinhac que non seulement l’ensemble des missionnaires du vicariat désirait ardemment le développement de l’école spéciale d’anglais, mais également les notables ganda catholiques. Le seul personnage qui montrait peu d’enthousiasme pour l’entreprise était le vicaire apostolique. « Il a été un peu surpris de ce grand développement que l’on veut donner à l’oeuvre », écrivait le P. Malet.

Le conseil général de la Société des Pères Blancs décida d’octroyer une allocation de 7.000 francs à l’école. Le directeur de l’école seul pourrait gérer ce budget n.

Arrivé à Rubaga le 1er  novembre 1906, le P. Raux, enthousiaste, espérait pouvoir entreprendre son oeuvre dans les plus brefs délais. S’il rencontrait une profonde compréhension auprès de nombreux missionnaires, il se heurtait par contre à une opposition tenace de la part de Mgr Streicher. Ce dernier ne prisait guère les procédés de Maison-Carrée, qu’il considérait comme des empiètements sur sa propre autorité. Le P. Raux, qui devait traiter avec lui diverses questions pratiques, fut profondément déçu par cette attitude. De nombreuses rencontres avec le vicaire apostolique lui révélèrent que ce n’étaient pas seulement des questions d’ordre juridique qui irritaient l’évêque, mais toute une conception de la mission. Mgr Streicher estimait, selon le P. Raux, que l’école telle qu’elle fonctionnait sous la conduite du P. Prentice répondait largement aux besoins du pays.

« Une école telle que le conseil de la Société le veut est prématurée, affirmait Streicher. Elle ne peut faire dans l’Uganda que des déclassés. Votre école, disait-11 encore au père Baux, sera exclusivement payante. Or, bon nombre de chefs ne sont catholiques que de nom. Ils vous enverront leurs enfants pour s’en débarrasser et ceux-ci, une fois instruits, s’en iront dans toutes les directions ».

Quelques jours plus tard, l’évêque tint encore un langage pareil en expliquant :

« Ne rêvez point de collège ; vous ne feriez que des déclassés. Les protestants eux-mêmes n’auront que des déboires. Ils développeront bien dans leurs élèves l’amour du lucre, mais non celui du travail et du foyer. À quoi bon toute cette politique ? Imitons Notre Seigneur et les apôtres, et soyons missionnaires ».

Mgr Streicher désirait avant tout rester maître dans son vicariat, mais appréhendait également de voir introduire chez lui une trop grande nouveauté. Une école importante au programme développé, qui visait à former des intellectuels, lui semblait un danger. Le vicaire apostolique désirait continuer la mission comme lui l’entendait, c’est-à-dire, un travail lentement progressif, en milieu rural, dans lequel le missionnaire continuerait à jouer le premier rôle. Il nous semble que Mgr Streicher craignait de voir surgir une nouvelle classe d’hommes, qu’il traitait déjà de déclassés avant même qu’ils ne soient formés.

Le P. Malet intervint dans le conflit avec sa sérénité habituelle.

« Cette école, écrivait-il à Mgr Streicher, est demandée par nos supérieurs, les pères de la capitale la jugent absolument nécessaire, les chefs vous la demandent depuis longtemps. Or, il faut l’avouer bien franchement, Monseigneur, Votre Grandeur n’en veut pas_ Vous voulez à tout prix maintenir le statu quo. Au lieu de s’entendre avec le P. Raux, de l’aider de votre grande autorité, il me semble que vous faites le possible pour laisser les choses telles qu’elles sont. Je me crois obliger en conscience de dire à Votre Grandeur qu’elle assume de graves responsabilités devant Dieu et devant les supérieurs en s’opposant à cette oeuvre. Si l’école n’est pas fondée, les chefs réclameront l’instruction pour leurs enfants (…) ils iront la chercher dans les écoles protestantes et y perdront la foi. Inutile de vouloir les laisser dans l’état d’ignorance où ils ont vécu jusqu’ici. Les choses vont trop vite. D’autre part, aux yeux du gouvernement anglais nous passerons pour nous désintéresser de la civilisation du pays ». Et le père visiteur concluait sa lettre en notant : « Je dois avouer à Votre Grandeur que j’ai été profondément peiné de l’entendre dire plusieurs fois que ces pères de l’école ne comptaient pas pour le vicariat ».

Mgr Streicher, mis en demeure par un ordre formel du conseil général de la congrégation, accepta finalement, mais bien à contrecœur sans doute, la fondation de l’école spéciale de Rubaga.

Le P. Baux pouvait donc se mettre à l’oeuvre. Ce qui comptait pour lui, c’était d’acquérir au plus vite un terrain et d’y construire un véritable collège. Il ne voulait commencer les cours qu’à cette condition. Le P. Malet n’était pas de cet avis et estimait, au contraire, qu’il fallait entamer les classes tout de suite. Le père visiteur envoya immédiatement à Maison-Carrée un rapport très négatif sur le P. Raux.

« On peut se demander, estimait-il, si l’oeuvre de l’école entre les mains du P. Raux aboutira à quelques résultats, j’en doute fort. Le père se perdra dans les projets grandioses et ne réalisera pas ce qui serait actuellement possible. Je connais ici un missionnaire qui serait tout désigné pour cette oeuvre. II l’aime beaucoup et certainement, il aboutirait. C’est le P. Dupupet ».

L’affaire allait encore traîner plusieurs mois. Il est inutile d’entrer ici dans tous les détails de ses divers rebondissements. Mgr Streicher, qui avait fini par se déclarer pleinement d’accord avec l’oeuvre, se montrait cependant peu coopératif. La nouvelle raison qu’il avançait pour retarder l’ouverture de l’école était qu’elle viderait son séminaire t De fait, remarquait le P. Malet, beaucoup de séminaristes désireux d’apprendre l’anglais quitteraient le séminaire. Mais ce serait un signe que leur vocation n’est pas sérieuse».

Le P. Raux, qui rêvait encore de construire un grand établissement, se décourageait de plus en plus. Sur les instances du P. Malet, les supérieurs de Maison-Carrée le déchargèrent de sa mission et nommèrent à la tête de l’école, le premier Père Blanc français de l’Uganda qui parlait convenablement l’anglais, le P. Célestin Dupupet. Ce dernier prit l’affaire en mains dès le mois de décembre 1907. Il envoya à tous les postes du vicariat une circulaire pour annoncer l’ouverture de l’école pour le 7 janvier 1908.

Le fonctionnement de l’école

St. Mary’s school débuta avec quarante élèves. Le programme comprenait comme matières principales : l’anglais et le catéchisme. À côté de cela, on y enseignait l’écriture, l’arithmétique et la géographie, la grammaire, le chant et des notions élémentaires de dessin. Le premier rapport de l’école indiquait également : « mentionnons aussi, puisque la culture physique a une si grande place dans les écoles anglaises, le jeu de ballon et quelques exercices de gymnastique ».

Le nombre des élèves croissait d’année en année. En 1909, on en comptait déjà soixante-dix, en 1910, cent douze, en 1911, cent soixante-cinq, et en 1912, cent quatre-vingts.

On pouvait donc se féliciter. L’école marchait bien et semblait promettre pour l’avenir. Plusieurs missionnaires regrettaient toutefois que l’oeuvre ait démarré si tard. En novembre 1908, le P. Prentice signalait que les premiers élèves d’une école protestante, la King’s school venaient de terminer leurs cours de trois ans, et que la moitié d’entre eux avaient été engagés immédiatement par l’administration coloniale. « Hélas, écrivait le père, lés protestants nous ont devancés. Nous n’en aurons pas prêts avant trois ou quatre ans ».

Quelques années plus tard, le nouveau père régional van Wees notait : «La question de l’enseignement et de l’éducation prend de grandes proportions. Les protestants multiplient de plus en plus leurs écoles. Ils en ont dans tous les centres ». Pourquoi les catholiques n’en faisaient-ils pas autant? « Nous sommes absorbés par le ministère et n’y suffisons pas », constatait le P. van Wees. Les Pères Blancs du vicariat étaient pris par le travail pastoral dans les diverses stations missionnaires. Cette activité était considérée comme primordiale. Nous avons vu que telle était aussi l’idée de Mgr Streicher. Cela devait mener finalement au même résultat que celui que nous avons constaté dans le vicariat du Nyassa : une stratification de la société ganda coloniale en une paysannerie en grande partie catholique et une élite plutôt protestante.

Un des buts essentiels de l’école était d’enseigner l’anglais aux jeunes gens de la classe dirigeante du pays. Or, c’était là une des faiblesses du nouvel institut. Parmi les professeurs, seul le P. Prentice était britannique. Le directeur, le père Dupupet, parlait l’anglais convenablement, mais ses nombreuses occupations, comme la construction du collège, l’empêchaient de prendre une part active à l’enseignement. Le père directeur reconnaissait que c’était là une des grandes lacunes de l’école, et le P. Prentice regrettait que les autres professeurs parlent si mal la langue qu’ils devaient enseigner. Pour remédier à cet inconvénient, ce dernier père suggérait de grouper les pères professeurs dans une maison particulière où ils ne parleraient que l’anglais. Ceux-ci vivaient à ce moment dans les bâtiments de la station de Rubaga, où on n’utilisait que le français ou le kiganda. Le vicaire apostolique ainsi que l’ensemble des missionnaires jugeaient cette situation indispensable, autrement, estimaient-ils, les professeurs de l’école « ne seraient plus au courant de la mission ». Le P. Prentice, quant à lui, se demandait s’il était « préférable d’avoir des pères sachant l’anglais et n’ayant pas de mission, que d’avoir des pères connaissant la mission, mais ne sachant pas l’anglais ».

L’école d’anglais était payante. On l’avait voulu ainsi pour deux raisons. L’établissement de Rubaga s’adressait avant tout à la classe dirigeante. Celle-ci détenait, à côté d’une partie du pouvoir, aussi un avoir important. Elle pouvait donc payer l’école pour ses enfants, ce qui réduisait une partie de la charge financière qui incombait à la mission. Les pères estimaient, d’autre part, qu’il fallait éviter que les parents se déchargent sur les missionnaires de leur part de responsabilité dans l’éducation des enfants. Il fallait exiger des parents l’accomplissement de leur devoir éducatif, estimaient les pères.

St. Mary’s school devint ainsi une école de classe, pour enfants riches. Dès 1909, le P. Dupupet se rendit compte des lacunes d’un pareil système. «II y a beaucoup d’enfants pauvres très intelligents, écrivait-il, qui pourraient obtenir les premières places de l’école, et sont empêchés d’y entrer par leur pauvreté ». Que faire? Ne pourrait-on pas s’adresser au gouvernement du protectorat pour obtenir des subsides ? Celui-ci disposait d’un budget pour l’instruction, et subventionnait déjà la King% school protestante. Mgr Streicher, que le père Dupupet avait consulté, jugeait cependant la démarche périlleuse. « Une allocation du gouvernement amènerait certainement de sa part des règlements», Mais, le supérieur de St. Mary ne craignait pas ces « règlements », et la demande fut introduite auprès du gouvernement. L’école spéciale de Rubaga devint ainsi la première — et la seule à l’époque institution catholique subsidiée par le pouvoir colonial de l’Uganda.

Le développement de l’école

St. Mary’s school était depuis sa fondation une école dans laquelle on donnait la priorité à l’enseignement de l’anglais. Le père Dupupet remarqua, après quelques années, que cela ne suffisait pas. Il exprima ses idées au sujet d’un éventuel changement de programme dans une lettre adressée à Maison-Carrée, en 1011:

« L’oeuvre de l’école d’anglais s’affermit chaque jour davantage, notait-il. Le but principal étant, non de former des interprètes mais des chefs sérieux pouvant répondre aux désirs du gouvernement et donner l’élan au peuple, une école d’agriculture s’impose. La C.M.S. l’a compris et elle a déjà commencé ».

Il faut remarquer d’abord que le supérieur de l’école s’était une nouvelle fois inspiré d’un exemple protestant. Notons aussi que l’oeuvre dirigée par le père Dupupet visait surtout la formation des chefs, et principalement ceux qui coopéraient le mieux avec le gouvernement colonial.

Mgr Livinhac se montra très intéressé par la proposition et promit au père une subvention importante durant une période de cinq ans. Une propriété de quatre-vingts hectares mise à la disposition de la mission par le chef Stanislas Mugwanya pouvait être utilisée pour exercer aux travaux agricoles les élèves de l’école.

St. Mary’s school inscrivait maintenant dans son programme un cours de formation agricole. Ceci est assez nouveau. Il s’agissait d’un véritable enseignement agricole. On avait, bien sûr, beaucoup parlé déjà d’écoles d’arts et métiers ou d’écoles professionnelles.

Mais, il nous semble que, jusqu’à ce jour, on donnait plutôt une formation pratique aux enfants scolarisés, obtenue par un travail plus ou moins rémunéré sur les champs ou dans les ateliers de la mission. Ce travail profitait aux enfants certes, mais surtout à l’ensemble de l’oeuvre missionnaire. Maintenant, on a l’impression que la situation est autre. Les pères veulent former des futurs chefs et il leur apparaît nécessaire que ceux-ci acquièrent des notions d’agriculture indispensables pour mettre plus tard leur propriété en valeur et augmenter ainsi leur influence ».

L’école se développait donc considérablement. Mgr Streicher, qui l’avait bénite solennellement le 8 décembre 1909 (5, la supportait cependant assez mal. Pour lui, comme pour un groupe de pères travaillant dans les stations, les missionnaires professeurs de St. Mary perdaient un peu leur temps. C’est en partie pour cette raison, qu’à partir de 1912, les supérieurs de Maison-Carrée se mirent à la recherche d’une congrégation de frères enseignants. Mgr Streicher fut prié d’introduire lui-même une demande officielle aux Petits Frères de Marie de Grugliasco. Le vicaire apostolique s’exécuta promptement et exposa au supérieur général de la congrégation des frères la situation de l’école de Rubaga :

« Ce collège, écrivait-il, est une oeuvre de propagande catholique et de combat contre le protestantisme. Non seulement, iI ne rapporte rien à la mission, mais il lui est une charge assez lourde. Présentement Si. Mary’s school compte un personnel enseignant de cinq prêtres professeurs”. Cela ne pouvait plus durer, estimait Mgr. Streicher, car, * dans une mission comme celle-ci, le ministère pastoral est si écrasant que nos établissements scolaires devraient céder au ministère ordinaire des âmes tous les prêtres professeurs qui ne leur sont pas absolument nécessaires. Or des cinq prêtres immobilisés à Si Mary’s school, deux ai-je pensé, suffiraient à maintenir la direction de l’établissement, les trois autres pourraient être remplacés par trois ou quatre sujets de votre très estimée congrégation ».

L’espoir de Mgr Streicher fut déçu. La réponse des Frères fut négative ; un manque de personnel empêchait d’accepter la proposition. Le P. Dupupet regrettait cette décision « pour le bien de l’école». « Tout le monde ici, écrivait-il à son supérieur général, espère que vous essayerez de nouveau à attirer au Buganda une congrégation de frères instituteurs ». Ce ne fut finalement qu’en 1926 que les Frères de l’Instruction chrétienne de Ploërmel s’occupèrent de l’oeuvre.

En 1913, les missionnaires catholiques observaient avec une certaine amertume que la C.M. S. possédait plusieurs écoles importantes, largement fréquentées : Mengo high school, King’s school à Buddo, Namirernbe Normal school et Kamuli high school. Le P. Dupupet était conscient du retard important des catholiques dans le domaine de l’enseignement. Aussi exposa-t-il à Mgr Livinhac un plan pour la transformation de l’école dont il avait la charge. Il faudrait, selon lui, faire de St. Mary une vraie high school et créer dans chacune des principales régions du pays des écoles intermédiaires pour préparer les candidats à suivre avec fruit, les cours de l’école de Rubaga. Le conseil de la Société se montra favorable à ce projet qui « permettait de faire face aux exigences de la situation présente dans le Buganda, où les écoles protestantes menaçaient de prendre une avance considérable ».

La transformation de l’école spéciale d’anglais de Rubaga en high school se fit rapidement. En 1914, le changement était déjà réalisé. La mission catholique du Nyanza septentrional disposait d’une véritable école secondaire. Les supérieurs de Maison-Carrée, le P. Dupupet et les professeurs de St. Mary s’en réjouissaient. Pour eux, c’était une victoire. Mais, si on regarde les choses en face, il faut bien constater que c’était peu, surtout si on compare cette situation à celle des Églises protestantes.

« Il faudrait avoir quatre ou cinq écoles comme celle de St Mary, écrivait un missionnaire. II me semble que c’est ainsi que font les jésuites et les pères du Saint-Esprit. En lisant l’histoire de la mission des Indes, j’ai été frappé des sacrifices que firent les jésuites, en hommes et en argent, pour fonder et développer leur collège de Trichinopoli ».

Ce n’était là que l’idée de quelques missionnaires cependant. L’ensemble des pères du vicariat avec Mgr Streicher en tête, estimait au contraire qu’on sacrifiait déjà assez de prêtres à l’enseignement pour obtenir des résultats aléatoires.

Les élèves de St. Mary’s School

Jusqu’à présent nous avons parlé très peu des jeunes qui fréquentaient l’école de Rubaga. Comme on l’a déjà indiqué plus haut, St. Mary s’adressait avant tout aux fils ou parents de chefs. Elle voulait jeter e les bases de la fine fleur de la future société ougandaise ». L’école devait servir tes intérêts de l’Église catholique en aidant à la formation chrétienne des futurs dirigeants du pays. Pour permettre aux jeunes originaires des régions éloignées de la capitale de suivre les cours, on avait décidé, sur l’initiative de Mgr Streicher, de leur fournir des bourses d’études. « Ces enfants, tous fils de chefs, notait le rapport de 19084 909, et choisis parmi les plus sérieux, pourront, de retour chez eux, contrebalancer du moins en partie, l’influence qu’y ont déjà les chefs protestants ». Tous les sortants n’allaient pas obtenir une fonction de chef. Quels pouvaient être les débouchés pour les autres anciens de St. Mary?

On a relativement peu d’informations à ce sujet. Deux rapports annuels du vicariat seulement en parlent. Dans un premier compte rendu de l’école, le père Dupupet répond aux questions de ses confrères. « On nous demande parfois, écrivait-il, ce que deviendront nos élèves quand ils auront fini leurs études e. Il ne sera pas difficile de leur trouver des emplois, estimait le père directeur. « Le gouvernement voudrait non seulement des interprètes, mais aussi des clercs. La poste demande des employés, les colons deviennent de plus en plus nombreux et demandent des régisseurs ou contremaîtres ». Ce sont tous les secteurs de la vie publique auxquels les anciens peuvent accéder, selon le père Dupupet.

Deux ans plus tard, clans le rapport pour l’année 1913-1914, on peut lire qu’un ancien de St. Mary, après avoir passé quelques années au service du gouvernement, venait d’être nommé sous-chef de province. La mission pouvait se féliciter, l’école avait atteint un de ses principaux objectifs.

Dans le même rapport, on apprend aussi que deux anciens étaient entrés au séminaire du vicariat. « La vocation de quelques autres se dessine, notait le père Dupupet, et probablement, nous enverrons encore des aspirants au sacerdoce à la prochaine rentrée ». Mgr Streicher avait craint, au moment de la fondation du collège de voir son séminaire se vider, c’est le contraire que se passait maintenant. Le caractère catholique de l’école se remarque encore dans le fait que cette même année, deux élèves se présentèrent comme volontaires pour travailler comme catéchistes dans la préfecture apostolique du Bahr-el-Gazal. « Ces détails, écrivait le rédacteur, prouvent que, malgré quelques ombres, le moral des enfants est consolant ».

Conclusion

La fondation de l’école spéciale d’anglais à Rubaga apparaît comme une grande nouveauté dans le développement de la mission du Nyanza septentrional. Habitué à travailler dans un monde essentiellement rural et occupé par une tâche pastorale, un groupe important de missionnaires semblait difficilement admettre que des prêtres se transforment en professeurs d’anglais. Ce qui précède confirme encore ce que nous avions déjà remarqué si souvent : les écoles fondées et dirigées par les missions catholiques des Pères Blancs étaient considérées par ceux-ci comme des outils de conversion et de formation chrétienne. Le pouvoir colonial britannique les considérait d’ailleurs comme tels. « Un district-commissioner m’a dit qu’aux yeux du gouvernement nos écoles de missions n’étaient que des écoles de religion », écrivait un missionnaire. La fondation et le développement d’une high school dans ce milieu devait nécessairement provoquer des remous considérables.

Notons ensuite que, malgré les recommandations des chapitres de 1900, 1906 et 1912, une seule école spéciale fonctionnait en 1914 dans l’ensemble des territoires confiés aux Pères Blancs en Afrique centrale. On rencontrait bien des écoles de catéchistes et des séminaires dans la plupart des vicariats, mais des instituts du type de celui du Rubaga n’existaient nulle part ailleurs. Il y eut bien quelques tentatives dans ce sens. Nous allons maintenant en dire un mot.

L’école allemande de Bukoba

Parmi les tentatives de création de centres scolaires comme celui de Rubaga, nous voulons mentionner le projet de fonder une école d’allemand à Bukoba.

Dans la ligne de la politique scolaire allemande en Afrique orientale, que nous avons déjà évoquée plus haut, le gouvernement colonial avait installé dans le district de Bukoba des écoles officielles dans les principaux centres. Cela se passait vers les années 1910-1911, et # un bon nombre de jeunes gens appartenant à la classe dirigeante étaient forcés d’y aller ».

Devant cette situation, plusieurs missionnaires éprouvèrent une certaine inquiétude. N’allaient-ils pas perdre toute influence sur cette jeunesse instruite? Celle-ci ne passerait-elle pas à l’Islam, vu que les maîtres d’école pratiquaient souvent cette confession? Il fallait faire quelque chose. On songeait, ici comme dans d’autres vicariats, à faire appel à une congrégation enseignante, ou à créer « quelque chose d’approchant de l’école de Rubaga ». «Malheureusement, écrivait le P. Nogaret, ces beaux projets n’ont pas été réalisés, faute de personnel, de local et d’élèves ».

On se contenta alors d’une école dans le genre de celle qui existait à. Rubaga avant la fondation de St. Mary’s School. Une soixantaine de jeunes gens fréquentaient l’école d’allemand de Bukoba. « Les plus avancés qui savent lire et écrire ont entre les mains un livre d’allemand et s’essayent à balbutier les premiers mots de cette langue, notait le P. Nogaret ; ajoutez un peu de calcul et de géographie et vous aurez tout le programme ».

Cette école était neutre en principe. Les pères n’avaient pas inscrit de cours de religion au programme « Mais, remarquait un missionnaire, ces jeunes gens, une fois qu’ils nous connaissent, nous estiment et nous aiment : ils ne nous quittent jamais sans avoir recueilli au passage soit un petit mot, soit un bout d’exhortation, lancé au moment psychologique ». Et 1e père concluait : « c’est autant d’arraché aux griffes de l’hérésie qui elle aussi a son école ». C’était, comme on le voit, une neutralité assez particulière. L’école, même celle où on n’enseignait pas la religion, restait, ici comme partout ailleurs dans les missions des Pères Blancs de l’Afrique centrale, un moyen direct de propagande religieuse.

L’école d’allemand de Bukoba n’était, avant la première guerre mondiale, qu’une école primaire dans laquelle on enseignait aux plus doués les rudiments de la langue allemande. Nous avons l’impression que l’idée de créer un centre « s’approchant de l’école de Rubaga », ne fut finalement qu’un désir assez vague. Il est frappant de noter que Mgr Hirth n’en parle jamais dans sa correspondance avec Maison-Carrée. Il était sans doute trop occupé par son séminaire, et la mission du Rwanda, pour songer beaucoup à la création d’une école spéciale dans un autre endroit de son vicariat.

L’école de Nyanza au Rwanda

Arrivés au Rwanda en février 1900, les Pères Blancs s’efforcèrent d’emblée d’entrer en contact avec la classe dirigeante du pays. Une école fut ouverte immédiatement à la capitale royale, Nyanza. Un catéchiste y enseignait le kiswahili au mwami et à son entourage.

L’idée des missionnaires était très claire : par l’école, ils avaient un pied dans la place. Même si on n’y parlait pas ouvertement de « tôt ou tard, quelles que fussent les matières enseignées, les préjugés devraient céder et les liens de sympathie s’établir entre Maîtres et élèves ». Mgr Hirth désirait vivement donner un développement plus grand à l’établissement. Dès 1906, il jugeait qu’il fallait à la capitale « un collège sérieux pour y instruire les fils de chefs, sinon, estimait-il, toute la classe dirigeante échappera à l’action des missionnaires, et deviendra la proie des musulmans ou des ministres hérétiques ».

On était encore loin d’avoir, à ce moment, un « collège sérieux » à Nyanza. Les rapports de l’école sont plutôt pessimistes. « À la capitale, écrivait un père, le peu de régularité des écoliers, leur manque d’application, rendent tout progrès impossible ». Le diaire du poste de Kabgayi nous apprend que « le roi et trois enfants à peine savent lire dans un livre » (9. Tout cela était donc bien maigre.

Le P. Malet, qui se trouvait à ce moment au Rwanda, exhortait vivement Mgr Hirth à développer l’école de Nyanza, « pour maintenir l’influence des missionnaires auprès du roi aussi absolu que Mteça [Mtesa] autrefois dans l’Uganda ». Le P. Classe fut chargé de construire un premier bâtiment à la capitale. Dans l’esprit du P. Malet, cette modeste construction devait devenir un jour le noyau d’une « école semblable à celle de Rubaga ».

Les missionnaires du Rwanda étaient partagés quant à l’opportunité de cet établissement. Certains estimaient qu’il le fallait à tout prix et le plus vite possible. Pourquoi? Parce que, comme le jugeait un missionnaire, « nous ne ferons rien dans le pays si nous n’accaparons par la classe-dirigeante ». D’autres au contraire, opposés à la cour et au mwami, trouvaient qu’on gaspillerait inutilement du personnel et de l’argent en s’occupant des notables du pays.

À la fin de l’année 1907, l’école était en partie établie mais le P. Classe écrivait :

« Nous ne pourrons y faire qu’une résidence intermittente. Le roi n’y veut pas plus de deux missionnaires et encore ce n’est gue toléré. Le gouvernement non plus n’admet pas davantage. De fait, la cour n’est même pas, je crois, au point où se trouvait Mtesa il y a – tuante ans. La présence des Européens établis d’une manière permanente aurait très probablement pour résultat de faire transporter ailleurs la capitale, faute évidemment qui nous serait imputée ».

Devant cette méfiance des dirigeants, la mission décida d’agir avec prudence. « Deux instituteurs sont chargés de cette école, sous la direction d’un missionnaire, indique le rapport de 1907-1908. Les pères vont à Nyanza une semaine sur deux ». C’étaient les missionnaires du poste de Kabgayi qui devaient surveiller l’oeuvre de près. Au mois de mars 1908, le père allemand Petrus Schumacher ouvrit les cours dans la nouvelle école de Nyanza. Il n’avait pas beaucoup d’élèves. La première lettre qu’il envoya à Maison-Carrée en témoigne : s Le roi m’envoya une douzaine de pages régulièrement tous les jours, écrivait-il, Musinga lui-même s’adonne avec ardeur à l’étude de l’allemand » ( 4 ). On le voit, l’école spéciale de Nyanza en était toujours au stade expérimental.

Le P. Schumacher était, malgré tout, profondément convaincu du bien-fondé de l’école et s’adonnait avec ardeur à son bon fonctionnement. « L’école de Nyanza va son petit train, écrivait-il à Mgr Livinhac. Je pense que cette année nous pourrons y mettre plus d’organisation ». Le désir de ce père était d’en faire s une fondation définitive », c’est-à-dire, une vaste école avec des prêtres-professeurs résidents. Le mwami et sa cour se montrèrent peu enclins à accepter une telle situation. S’ils voulaient bien une petite école qui permettait à quelques pages et au mwami d’apprendre les rudiments du kiswahili et de l’allemand, ils ne désiraient nullement une présence continuelle des missionnaires à la capitale.

Le P. Classe, qui partageait les idées du père Schumacher, poussait ce dernier à aller de l’avant. « Il faudrait faire de Nyanza une vraie école, estimait-il ; elle n’est pas encore ce qu’elle devrait être ».

Le mwami et son entourage, ayant appris que les missionnaires envisageaient de s’établir d’une façon plus ou moins définitive à Nyanza, alertèrent la résidence de Kigali. Le lieutenant Gudowius, qui gérait le territoire à ce moment, s’empressa d’écrire au père Classe pour demander des explications. Ce dernier apaisa les craintes du responsable allemand en expliquant que la # prudence et le désir de ne créer aucune difficulté au gouvernement » dictaient la politique scolaire de la mission catholique. Tout rentra dans l’ordre, et l’école spéciale de Nyanza resta ce qu’elle avait toujours été : un petit centre dirigé par un ou deux catéchistes et où un père faisait des apparitions sporadiques pour apprendre quelques bribes d’allemand à des élèves plus ou moins attentifs. Si Mgr Hirth semblait regretter cette situation, il n’entreprit cependant rien pour relancer l’oeuvre.

Le P. Schumacher au contraire trouvait qu’on laissait trop aller les choses. « On s’attache à fonder station sur station, écrivait-il à Mgr Livinhac. Ces fondations ont leur importance incontestable, mais toujours particulièrement à tel lieu ; tandis que l’école de Nyanza embrasse les intérêts de tout le pays ». Selon lui, on pourrait vaincre assez facilement les objections de Musinga, par des opérations diplomatiques ». II se déclarait même moralement certain de pouvoir aboutir à ce résultat. « En tout cas, notait-il encore, l’école comme elle est maintenant est une honte pour les Pères Blancs, tant au point de vue matériel (une maison en ruine), qu’au point de vue formel (pas de direction), et cela devant les yeux du gouvernement, des protestants et des visiteurs ».

Rien ne changea cependant. On trouve dans le registre des délibérations du conseil général des Pères Blancs une note dans laquelle on parle du désir exprimé par un missionnaire du Rwanda de fonder dans le pays une école « comme celle de Rubaga ». « Le conseil est assez disposé à entrer dans ces vues, peut-on lire dans le rapport, mais il faut, avant de rien décider, que Mgr Hirth adresse une demande expresse à Mgr le supérieur général ». Cette demande ne vint jamais. L’école de Nyanza resta toujours ce tout petit centre dans lequel quelques garçons apparaissaient de temps en temps et où le mwami venait passer ses moments perdus. L’école spéciale de Nyanza peut à peine être comparée à une école primaire missionnaire de l’époque. Les pères y tenaient pourtant parce qu’ils voulaient coûte que coûte pénétrer le milieu dirigeant du pays.

Le P. Schumacher, directeur de l’école, désirait en faire plus, mais l’ensemble des missionnaires ne semble pas avoir partagé ce souhait. On se contenta donc, devant l’opposition de la cour, d’être là et d’y garder une présence scolaire plus ou moins symbolique. C’était la seule qui était acceptée par ce milieu très fermé.