1. Géographie physique
A. Superficie. Le Ruanda-Urundi, situé aux confins de l’Afrique centrale et de l’Afrique orientale, s’étend entre les parallèles 1°04’30” et 4°28’30” de latitude sud, et entre les méridiens 28°50′ et 30°53’30” de longitude est de Greenwich. Sa superficie totale est de 54.172 km2 dont 27.834 km² pour l’Urundi et 26.338 km² pour le Ruanda.
B.Géologie. Les formations géologiques fort anciennes qui constituent le sol du Ruanda-Urundi peuvent être réparties en trois systèmes :
a) Le système de la Ruzizi, qui est le plus ancien, représente le complexe cristallophyllien et comprend un ensemble de schistes cristallins variés, gneiss, mica-schistes etamphibolites avec par-ci, par-là des masses de quartzites feldspathiques.
La région qu’occupe ce système est limitée par une ligne allant de Nyanza-lac (sur la rive du lac Tanganika) au lac Kivu, par Kitega, Ngozi et Astrida, approximativement à hauteur du deuxième degré de latitude sud.
b) Le système de l’Urundi qui est stratigraphiquement supérieur à celui de la Ruzizi, comprend surtout au Ruanda des schistes foncés avec ou sans quartzites, et, en Urundi, des arkoses qui cèdent la place, dans le sud, à des conglomérats, et, vers le nord, à des quartzites. Les plissements, très accentués, se dirigent généralement vers le nord-est en Urundi, et vers le nord-ouest au Ruanda.
c) Le système de la Lumpungu qui est le plus récent, présente des étages, légèrement inclinés, composés de grès feldspathiques, de psammites et schistes argileux, de calcaires à chertsdolomitisés. Il règne en Urundi sur une largeur maximum d’une trentaine de kilomètres. La faille qui le limite au nord-ouest est d’abord à peu près parallèle au cours supérieur de la Malagarazi puis elle suit, à quelque distance, la Lumpungu pour traverser la frontière non loin des sources de cette rivière. Des laves volcaniques récentes recouvrent la région de l’extrême nord-ouest du Ruanda et des basaltes se remarquent en territoire de Shangugu, au sud du lac Kivu. En quelques endroits, se rencontrent des travertins calcaires tandis que les terres latéritiques sont répandues un peu partout mais surtout dans la partie orientale où les grenailles sont nombreuses.

C. Orographie. Le Territoire du Ruanda-Urundi possède un relief généralement élevé dû au bouleversement géologique d ’où est né le Graben central africain concrétisé par le fossé des grands lacs. Les fossés étant par définition des zones de moindre résistance de l’écorce terrestre, il est normal que des massifs volcaniques aient jailli. Ainsi s’explique la présence de la chaîne des Virunga dans le nord du pays, où l’on distingue parmi les plus élevés, les volcans Muhabura (4127 m), Gahinga (3474 m), Sabyinyo (3647 m), Visoke (3711 m) et Karisimbi (4507 m), point culminant du pays.
De cette tête, descend à travers le Ruanda et l’Urundi, telle une colonne vertébrale, la crête de partage des bassins du Congo et du Nil, bordant en ses points les plus élevés les lacs Kivu et Tanganika, points qui atteignent parfois 3000 mètres d’altitude. A l’ouest de cette crête, se trouvent le lac Kivu (1460 m d’altitude et profond de près de 500 m), puis la plaine de la Ruzizi d ’une altitude inférieure à mille mètres, qui se poursuit le long du lac Tanganika (altitude 771 m et profond de plus de 1.000 m) sous le nom de plaine du Tanganika qui s’étale sur des largeurs parfois considérables.

A l’est de la crête de partage Congo-Nil, le terrain descend lentement en une succession de plateaux de moins en moins ondulés, entrecoupés de vallées dans lesquelles coulent les tributaires les plus méridionaux du Nil : Nyabarongo, Ruvubu, Kanyaru ; finalement l’altitude à la frontière orientale oscille entre 1300 et 1500 m. Le nord-est de l’Urundi et le sud-est du Ruanda forment une cuvette, dite du Bugesera, où s’étalent plusieurs lacs.
D. Hydrographie. Un cinquième du Ruanda-Urundi, par le système Kivu, Ruzizi, Malagarazi, Lumpungu, Tanganika, appartient au bassin du fleuve Congo, tributaire de l’Océan Atlantique. Aucune des rivières coulant dans cette partie du Territoire n ’est navigable. Les quatre autres cinquièmes du pays font partie du bassin du Nil qui, au cours du XIX e siècle, fit l’objet d’explorations si passionnées. Dès 1892, l’Allemand Baumann crut reconnaître dans la Ruvubu la source la plus méridionale du Nil ; puis c’est à la Nyabarongo amorcée par la Rukarara qu’en 1898 le docteur Kandt décerna ce titre ; en 1938, on en revint à la Ruvubu.
Trois rivières principales : la Nyabarongo, la Kanyaru et la Ruvubu drainent les eaux des plateaux centraux et convergent pour former la Kagera qui est navigable. La Kagera s’étend en larges marais envahis par les papyrus et va se jeter dans le lac Victoria, au Tanganyika Territory. Des lacs, de superficie parfois importante, se rencontrent à l’intérieur du pays, se déversant les uns dans la Nyabarongo : Bulera, Muhazi, Cyohoha, Rwero, les autres dans la Kagera : Mugesera, Sake et Karago.

E. Climat. Il est très capricieux, caractérisé par un régime de pluies déconcertantes et irrégulières tant par leur volume que par leur répartition ; il cause toutes les années et en toute saison une incertitude mêlée d ’angoisse. Il est influencé par l’altitude, le voisinage des montagnes, l’intensité et la direction dominante des vents, par la proximité des grandes masses d ’eau et des forêts. Ces éléments agissent tantôt isolément, tantôt ensemble, tantôt contradictoirement, en un enchevêtrement incroyable. D ’où l’existence d ’un grand nombre de microclimats qu’on peut répartir, grosso modo, de la manière suivante :
I. La vallée de la Ruzizi et la plaine du Tanganika.
Climat tropical, température sous abri s’élevant jusqu’à 33°, pluies relativement rares : 791,6 mm à Usumbura, par an.
II. Crête Congo-Nil.
Distante de moins de 20 km à vol d ’oiseau de la région précitée, climat rude, température descendant jusqu’à 0°, pluies fréquentes accompagnées de brusques refroidissements : 1462 mm à Kisozi.
III. Plateaux centraux.
Climat tempéré, température moyenne d ’environ 20°, pluies relativement abondantes : 1187 mm à Astrida ;
IV. Régions de l’est.
Climat de l’Afrique orientale : sec, chaud et pluies rares : 881,8 mm à Kiziguro. Dans l’ensemble, les pluies se répartissent en deux saisons de durée variable. La première va de septembre à décembre. Une petite saison sèche se situe en janvier. La grande saison de pluie va de février à mai, les précipitations étant les plus abondantes en mars et avril. Enfin, de juin à août, se place la grande saison sèche au cours de laquelle les précipitations sont réellement minimes, voire nulles.
Loin d’atteindre l’abondance équatoriale, les pluies pourraient cependant suffire si leur régime n’était pas aussi capricieux. L’irrégularité des pluies bouleverse trop souvent l’économie des travaux agricoles et fait peser sur le pays le danger des famines. Parfois une sécheresse anormale se produit en pleine période de croissance des récoltes qui se dessèchent alors sur pied ; parfois les pluies se précipitent avec une violence et une abondance telles qu’elles provoquent l’anéantissement des moissons arrivées à maturité.
F.Répartition de la population et du gros bétail.
La répartition des populations du Ruanda et de l’Urundi n ’est pas due à l’effet du hasard ; elle est au contraire la résultante de l’adaptation de l’homme aux conditions géophysiques qu’il rencontra au cours des âges dans ce pays. De cette adaptation résultèrent la surpopulation humaine et l’overstocking du bétail. Peu denses là où les conditions sont défavorables, les populations s’agglomérèrent aux hautes altitudes, spécialement aux points où les terres sont les plus fertiles et les pluies copieuses, sans aucun égard pour la concentration qu’elles provoquaient et sans la moindre attention pour l’épuisement du sol qu’elles appauvrissent sans cesse. En certains points, depuis des décades, la culture du sorgho succède inlassablement à celle des haricots ; et, finalement dépourvu de toute jachère, le terrain ne connaît, à l’occasion de cette rotation, qu’un repos de quelques mois à peine lors de la grande saison sèche.

Il est de règle, à première vue paradoxale, de constater que les craintes de famine apparaissent en raison inverse de la densité de la population. Tandis qu’en 1949 le Migongo avec ses 15 hab. au km² soulevait des inquiétudes de famine eu égard à la sécheresse, le Bushiru comportant 226 hab. au km² détenait un excédent de 3000 tonnes de pois à écouler. L’on constate, au Ruanda, que les chefferies comptant plus de 150 hab. au km² n ’ont jamais connu de famine due à la sécheresse ; ce sont, au contraire, les greniers du pays.
Il serait toutefois simpliste de professer une confiance inébranlable dans l’avenir indéfiniment prospère de ces régions si les conditions de leur exploitation ne sont pas modifiées rationnellement. La marche des indigènes du Ruanda-Urundi vers les hautes altitudes avant 1931, sapant les forêts, apparaît comme leur seul moyen de trouver des terres réellement propices à la culture des pois et des haricots. Vivant du régime alimentaire le plus rudimentaire, l’indigène est végétarien. Comme les matières protéiques forment les tissus, c’est aux légumineuses précitées qu’il les demande et on peut les considérer comme étant à juste titre, la viande du pauvre. En effet, 100 grammes de viande de bœuf contiennent 20 grammes de protides, tandis que la même quantité de pois ou de haricots en comporte 24.
Vivement influencée par la température et par l’absence de pluie, la culture de ces légumineuses est précaire et peu rentable en dessous de 1500 m, elle s’améliore rapidement avec l’altitude, et les pois atteignent leurs meilleurs rendements au-dessus de 1800 m. Parallèlement, s’améliore la présentation physique de l’indigène qui ne devient réellement robuste et travailleur que vers 2000 m d’altitude.
G. Densité de la population et du gros bétail.

D’un récent discours du Conseil du Vice-Gouvernement général du RUANDA6urundi, nous extrayons ce qui suit :
Chaque famille dispose en moyenne de 2ha88 pour ses cultures, et chaque tête de gros bétail dispose de 1 ha 63 de pâturage. Dans les régions plus densément occupées, ces moyennes tombent respectivement en dessous de 1h50 et de 1ha. Or pour permettre aux hommes de vivre normalement il leur faut par famille 2 à 5 ha de terres selon la région, et, en moyenne, chaque tête de gros bétail a besoin de 3ha de terres de pâturage.
Ce qui aggrave cette situation, c’est que les terres cultivables sont d’un rendement insuffisant, résultat de plusieurs facteurs défavorables, notamment la situation hydrographique, l’érosion, le climat et l’exploitation intensive.

2. Géographie politique
A. Frontières

Le Territoire du Ruanda-Urundi est borné au nord par l’Uganda, à l’Est et au Sud par la TnganyikaTerritory et à l’Ouest par le Congo belge. Sa frontière occidentale est constiuée par le thalweg des lacs Tanganika et Kivu et par la rivière Ruzizi. C’est la seule frontière naturelle continue. Ailleurs, la frontière est formée par des thalwegs de rivières reliés par des droites conventionnelles.

B. Divisions administratives
Le territoire est divisé en deux résidences : le Ruanda et l’Urundi.
La première a pour chef-lieu Kigali et comprend neuf territoires : Kigali, Nyanza, Astrida, Shangugu, Kisenyi, Ruhengeri, Byumba, Kibungu et Kibuye.
La seconde a pour chef-lieu Kitega et compte neuf territoires : Kitega, Muramvya, Ngozi, Muhinga, Ruyigi, Rutana, Bururi, Bubanza et Usumbura. Ce dernier territoire ne comprend que le complexe urbain d’Usumbura, capitale administrative du Ruanda-Urundi, et quelques terres environnantes de faible étendue.
Sous l’aspect de l’administration indigène, le Ruanda-Urundi se divise en deux pays dont les imites se confondent avec celles des résidences : le Ruanda et l’Urundi. Ces pays sont divisés en chefferies, et celles-ci en sous-chefferies.