1) L’initiation (Kwatura).
La cérémonie de l’initiation débute dans la soirée et se poursuit jusqu’aux petites heures du matin. Les profanes n’y sont pas admis. On commence par faire peur au postulant sous prétexte de le contraindre en quelque sort à se laisser initier ; on l’insulte grossièrement ; on le menace de l’écorcher tout vivant ; on l’accable d’obscénités en paroles et en actes ; on lui ordonne de faire des choses irréalisables comme de briser avec les dents l’épée de Lyangombe, de s’emparer d’une étoile, etc. Il finit par supplier qu’on le laisse tranquille puisqu’il n’a d’autre désir que d’être initié.
Alors, celui qui a été désigné par le devin pour être son parrain (ou sa marraine si c’est une fille) et qui joue le rôle de Lyangombe apprend à son filleul (ou à sa filleule), en les lui faisant répéter, les byivugo (Ibyivugo sont des formules assez brèves qui relatent les faits et gestes des Imandwa et de Lyangombe ; chacun d’eux a la sienne) et le cri propre à chacun des Imandwa ; il lui montre leurs insignes distinctifs et ce que l’on offre à chacun d’eux ; il lui révèle les secrets de la secte qu’il ne devra pas divulguer sous peine de s’exposer aux pires malheurs. Ces secrets, c’est tout ce qui a été dit et fait au cours de l’initiation. L’initié s’engage avec force imprécations et jurements à ne pas les violer. Enfin, il lui fait remarquer qu’il est entré dans une nouvelle famille et lui montre tous les assistants : hommes et femmes, en disant : « Voici ton père, ta mère, tes frères et tes soeurs ; n’oublie jamais ceux qui t’ont adopté ».
Suivent des chants exécutés en choeur et qu’on appelle imihara ( Imihara sont des chants assez longs que les assistants exécutent en choeur en frappant des mains et en agitant des hochets (Ibinyuguri). Parmi ces chants l’un est réservé plus spécialement aux hommes, un autre aux femmes, un troisième aux garçons et aux filles).
La cérémonie se clôture par un repas (ukugaburirwa: être nourri) pris en commun, pendant lequel le parrain fait avec son filleul un semblant de pacte de sang en buvant un liquide teint en rouge au moyen de la cendre d’une plante, le mwisheke ; puis ils se mettent mutuellement dans la bouche une boulette de pain de sorgho (umutsima w’amasaka) et se couchent un instant ensemble sur la même natte. Des chants et des danses terminent la réunion.
Dès ce jour, le nouvel élu ne sera plus un inzigo, un profane, mais un ruzingo, un initié.
Il convient de noter que les adeptes usent d’un vocabulaire que seuls ils sont censés comprendre. Ainsi, le lait (amata) se dit ameza ; la bière (inzoga) iganda, etc.
Autre détail, à l’occasion des cérémonies du kubandwa, on prend généralement la précaution d’aller déposer une petite offrande, par exemple de la bière, dans tous les édicules (amararo) dédiés aux bazimu familiaux, afin qu’ils ne viennent pas troubler la cérémonie en cours.

2) La confirmation (gusubira ku ntebe: retourner sur le siège).
Au Rwanda, si les initiés sont nombreux, les confirmés (abasubiye ku ntebe) le sont beaucoup moins parce qu’ils redoutent les dépenses à faire alors qu’on n’y gagne rien qu’un titre honorifique, celui d’imandwa.
Tout comme dans l’initiation, le parrain et son filleul imitent les gestes, les cris, etc, de chaque Imandwa. Ce qui marque le caractère propre de cette cérémonie, ce sont les ibisingizo (louanges), formules moins brèves que celles des ibyivugo, mais qui, comme elles, relatent les exploits imaginaires de Lyangombe et de ses Imandwa. Ces ibisingizo sont débités ou chantés par le parrain et ensuite répétés par son filleul dans le but de parfaire son instruction, puis repris par tous les assistants qui y ajoutent parfois de petites additions de leur crû.
Enfin, le parrain donne à son filleul un surnom qu’il portera désormais au cours des cérémonies du kubandwa, et l’on chante en choeur les mihara déjà mentionnés.
La cérémonie terminée, un ou plusieurs des imandwa, revêtus de leurs insignes distinctifs, se répandent dans les environs pour quémander des vivres et de la bière. Personne n’ose les leur refuser par crainte de leurs insultes et de leurs représailles. La quête terminée, ils se retrouvent pour festoyer.
Il arrive qu’à quelque temps de là l’un ou l’autre des quêteurs organise chez lui une fête à laquelle il convoque non seulement ses amis mais aussi ceux dont il avait reçu quelque chose lors de cette cérémonie.
Il est d’usage également que tout confirmé qui se respecte invite une fois l’an ses collègues à un copieux repas. A cette occasion il tue une vache (kubaga inka) qui ne sera habituellement qu’un petit taurillon. Il profite évidemment de cette circonstance pour offrir cette bête à Lyangombe ou à l’Imandwa qu’il veut honorer. C’est pourquoi ce genre de fête est toujours agrémenté de pratiques propres au culte du kubandwa.

3) Le guhiga et le guhigura.
Le guhiga consiste à faire à Lyangombe la promesse solennelle de lui offrir, soit une grande cruche de bière (intango ya Lyangombe), soit un bovin, mais à la condition d’obtenir telle ou telle faveur, par exemple la guérison d’une épouse.
Le guhigura est l’accomplissement de ce voeu.

4) Des cérémonies moins importantes ont lieu parfois pour honorer seulement l’un ou l’autre Imandwa.
Il peut arriver en effet que le devin consulté déclare à son client : « Si tu honores Binego, Kagoro et Mugasa en leur offrant un peu de bière, tu peux espérer la fin de tes maux ». Rentré chez lui notre homme s’empresse d’inviter quelques amis, dont l’un jouera le rôle de Binego un autre celui de Kagoro et un troisième celui de Mugasa. Ensemble ils invoquent leur protection et leur bienveillance en recourant aux formules et chants appropriés à chacun d’eux. Les autres invités peuvent cependant en toute liberté, honorer le ou les Imandwa de leur choix. Bref, ce sont là des cérémonies assez simplifiées qui consistent principalement à boire un peu de bière entre amis en ayant soin d’y ajouter quelques pratiques propres au kubandwa.

5) Et il en est de plus simples encore, car c’est en toutes circonstances que les dévôts du kubandwa implorent la bénédiction et l’aide de Lyangombe et de ses Imandwa : lors d’une naissance, d’un mariage et parfois même lorsqu’ils offrent quelque chose à un quelconque muzimu. Par exemple : consulté par un père de famille dont l’enfant est malade, le devin lui prescrit d’offrir un peu de bière à tel muzimu, mais en ayant soin d’invoquer Lyangombe afin qu’il mette le coupable à la raison !
Rentré chez lui, il commence, comme on le fait toujours, par allumer un petit feu dans l’édicule (indaro) du muzimu en question ; il y couche le malade ; au moyen d’un faisceau composé de branchettes magiques il l’asperge ainsi que l’indaro et tous ceux qui sont présents ; il jette quelques grains d’éleusine dans le feu. Le bruit et l’odeur des grains qui pétillent sont censés attirer le muzimu curieux et gourmand !
Il pousse alors un long rugissement : hou-hou-hou-hou (le cri de Lyangombe) qui a sans doute pour but de faire comprendre au coupable à qui il aura à faire s’il se montre intraitable. « Lyangombe, un tel (le muzimu) ne cesse de me frapper, empêche-le donc de me tourmenter de la sorte ». Puis s’adressant directement au muzimu il l’admoneste : « Pourquoi tant de colère ? Apaise-toi, rends la santé à mon enfant ; voici la bière que tu réclames ; ris donc et sois bienveillant » et, ce disant, il plonge un chalumeau dans la calebasse qu’il tient dans la main et laisse tomber quelques gouttes dans le feu. Il aspire ensuite lui-même une gorgée, et en fait boire un peu au malade et à tous les assistants (communion rituelle).