Aviculture.

La poule indigène (inkoko) est petite et légère : 500 à 750 grammes, médiocre pondeuse : 50 à 80 œufs par an de 35 à 40 grammes, bonne couveuse et excellente mère. Le plumage est varié, souvent beige ou brun, la crête est simple et petite. Il est à se demander si cette poule est originaire d’Afrique car on ne l’y rencontre pas à l’état primitif. Une fois de plus, les Batutsi Banyiginya du clan royal des Basindi se prétendent les introducteurs de cette gallinacée au Ruanda-Urundi.

Dieu envoya aux frères Mututsi et Sabizeze arrivés au Mubari la poule Intunda et le coq Rutunda. Alors que la poule est universellement connue des Bantous, ce trait de la tradition doit nous amener à conclure que lors de leurs migrations, les pasteurs batutsi et bahima étaient également éleveurs de poules. A l’époque précoloniale, cette bestiole était détenue uniquement en vue de pratiquer la divination par aruspicine sur les coquelets, en effet aucun des groupes ethniques de ce pays ne consomme ni la chair ni les œufs de poule. Afin d’empêcher celles-ci de picorer dans les cultures, on les attache lors des semailles de haricots et bien souvent on leur coupe les orteils, elles semblent alors marcher à l’aide de béquilles. Le soir venu, elles se retirent dans la hutte. Il ne viendrait à l’idée de personne de nourrir cette volaille. Serait égorgé séance tenante le coq qui se permettrait de grimper sur la hutte et la poule qui imiterait le chant du coq. Le fait que le coq qu’on tient en main se mette à chanter est un signe de longévité pour le porteur.

Le fait d’écraser un poussin est un signe de mort prochaine ; pour éloigner de soi le mauvais sort, il convient d’absorber un peu de levure de bière de sorgho (umusemburo w’amasaka).

Les coqs, à chair particulièrement coriace, et les œufs sont vendus aux Européens. Dans la plaine de la Ruzizi, quelques indigènes, notamment des islamisés, élèvent le canard de barbarie.

La chasse (guhiga).

Il est hors de doute qu’avant son peuplement par les hommes, le Territoire du Ruanda-Urundi fut fortement occupé par les animaux sauvages ainsi que l’atteste encore à l’heure actuelle la toponymie de lieux où l’on ne rencontre cependant plus de gibier : Kinyanzovu (le grand éléphant), Bwambarangwe (le pays des léopards), Ruvubu (la rivière des hippopotames), Bumbogo (la région des buffles), etc.

A présent la faune est cantonnée :

Au nord, dans le secteur des volcans du Parc Albert, où l’on trouve le gorille (ingagi), le chimpanzé (impundu), le cercopithèque doré (inkima) et argenté (inyenzi), le buffle (imbogo), l’éléphant (inzovu), le daman (impereri), le porc-épic (ikinyogote), etc. ;

Le long de la crête de partage des eaux Congo-Nil où l’on retrouve une faune sensiblement identique à la précédente ;

Dans la plaine de la Ruzizi où l’on rencontre l’éléphant, l’hippopotame (imvubu), le python, les antilopes et du gibier d’eau : bécasses, canards, sarcelles, etc. On trouve encore l’éléphant, le buffle et les antilopes au centre peu habité du Ruanda ;

A l’est, et tout spécialement dans le Parc National de la Kagera où se rencontrent le lion (intare), le léopard (ingwe), l’hyène (impfyisi), le chacal (imbwebwe), le chat sauvage (inturo), le zèbre (imparage), le buffle, les antilopes : éland (itamu), chevaline (inkoronko), waterbuck (isama), Acpyceros (impala), des marais ou Limnotragus (situtunga, inzobe), topi (inyemera), bushbucks (impongo), bushduiker ou Sylvicapra grimii (isha), redbuck (isasu), oréotrague ( ingeregere-igishinga), oribi (isilabo) ; le phacochère, l’hilochère, le potamochère (ingurube), l’hippopotame, le crocodile (ingona), le varan, la loutre (inzibyi), le putois (agasamunyiga), l’oryctérope (ikinyaga,) etc.

Parmi les oiseaux on trouve le cormoran, la grue couronnée, le héron, les oies, les canards, etc. ;

Les lacs et rivières récèlent des loutres (inzibyi). La viande de chasse constituant en principe un aliment tabou aux deux grands groupes ethniques du centre du Ruanda-Urundi essentiellement pasteurs et agriculteurs, sa recherche ne présente d’intérêt que pour les Batwa sylvicoles et pour quelques populations de l’est, notamment pour les Banyambo (T. Kibungu). La chasse se pratique principalement en forêt de la crête de partage des bassins Congo-Nil et dans les savanes du centre et de l’est. Chose curieuse, les Batutsi dont le mwami Mutara Rudahigwa , et les Bahutu la pratiquent par sport, pour trouver de la nourriture pour leurs chiens de chasse. Les bami du Ruanda avaient érigé en réserve de chasse à leur profit toute la province du Cyanya (T. Kigali). En Urundi, à l’occasion de la fête des premières semailles de sorgho (umuganuro), se pratiquait une chasse rituelle aux animaux sauvages déprédateurs des cultures : antilopes, lièvres, phacochères, dont les dépouilles étaient amenées au roi qui participait à la fête, il prélevait les plus belles peaux pour en faire des pagnes (inkindi) destinés à ses danseurs ; quant à la viande, elle était abandonnée aux chiens et aux chasseurs Batwa. Certaines dépouilles intervenaient dans les tributs remis au mwami et aux chefs : ivoire des éléphants, peaux de léopard, de loutre, d’antilope, etc.

C’est principalement la chasse au chien courant qui est pratiquée, il s’agit du chien de race «basenje» qui n’aboie pas, il porte au cou, attaché à un collier, un grelot dont le battant est rendu insonore par l’introduction d’herbe. Le chasseur part armé de sa lance, de son arc et de ses flèches, il abat la bête traquée par ses chiens qu’il excite constamment en poussant des cris spéciaux et parfois au son d’olifants.

Pour aller à la chasse, l’autorisation du chef politique n’est pas traditionnellement requise, seule à l’heure actuelle la réglementation de l’Administration a apporté certaines obligations. Les autorités prenaient l’initiative de grandes battues collectives ; dans ce cas, le chef de chasse était toujours un Muhutu.

Au nord-est, on emploie des filets d’une trentaine de mètres de longueur que les chasseurs mettent bout à bout dans les plaines, barrant ainsi parfois plusieurs centaines de mètres. Des rabatteurs amènent le gibier dans les filets où il s’empêtre et est abattu à coups de lance ou de massue en bois.

Les pièges fixes sont de plusieurs sortes :

1) Les niches en pieux, véritables souricières, où l’on dispose une chèvre comme appât et où les fauves viennent s’emprisonner après le déclic de la trappe ;

2) Les lacets placés devant les terriers ou au passage obligé des antilopes ; dans ce cas, ils sont réunis à un arbre faisant ressort qui se replie en l’air tandis que la bête est prise dans le nœud coulant du lacet ;

3) Des trous bien dissimulés sous un tapis de branchages et d’herbes, qui sont examinés matin et soir ; ils sont spécialement destinés aux éléphants ;

4) Pour piéger, les Banyambo confectionnent une couronne ingata de 15 cm de diamètre en papyrus, laquelle est garnie sur tout son pourtour de longues épines d’acacia dont les pointes sont dirigées vers le centre, où elles se rejoignent. A un morceau de bois de 0,60 m de long est attachée une corde dont l’extrémité se termine en nœud coulant posé au-dessus de la couronne précitée. Celle-ci est posée sur un trou de ± 0,12 m de diamètre et 0,20 m de profondeur, creusé le long du sentier suivi par les animaux vers les points d’eau.

La pièce de bois de 0,60 m, à laquelle est attaché la corde est enterrée. Plusieurs pièges de ce genre sont placés le long de la piste et tout est soigneusement camouflé par de l’herbe.

L’animal empruntant le sentier, pose une patte sur une des multiples couronnes d’épines, et comme le vide est fait en dessous de celle-ci, le membre s’enfonce brusquement à travers l’engin. L’animal, sous la douleur et la peur, s’enfuit mais la couronne dont les épines sont profondément entrées dans la chair, retient le nœud coulant qui, lui, se referme sous le poids du morceau de bois ; celui-ci le handicape dans ses mouvements et finalement la corde lui lie les membres ensemble. La bête tombe ainsi à la merci des chasseurs.

5) Les mêmes Banyambo piègent les crocodiles en plaçant à 0,50 m au-dessus de la rivière un double hameçon retenu par un filin en acier, auquel ils m ettent comme appât un morceau de viande de situtunga (antilope des marais).

La perdrix est assommée à coups de bâton vers cinq heures du matin alors que l’aurore pointe à peine, et qu’elle est encore endormie.

Pour abattre les oiseaux, l’on dispose de l’impiru, flèche assommoir possédant un gros bout en bois. En principe, on s’abstient de chasser l’hyène et le lycaon.

L’Administration organise des battues collectives ayant pour but de supprimer les animaux sauvages déprédateurs des cultures : phacochères, éléphants, etc.

Les flèches sont fréquemment enduites de poison de chasse ubumara (de kumara : finir, exterminer) qu’on confectionne dans l’est du Ruanda-Urundi et notamment au Migongo.

Ce poison de chasse est préparé par des spécialistes appelés abatetsi b’ubumara (litt : les cuisiniers du poison exterminateur). Ils ne peuvent le faire que s’ils sont complètement exempts de lésions superficielles : plaies, écorchures, abcès, et s’il n’y a pas eu de mortalité humaine ou canine sur la colline. Par ailleurs, ils n’opèrent pas chez eux mais sur place, là où ils trouvent les arbres umusagwe (Fagara cfr Lemairei D. W.) et amadwedwe dont les racines sont employées à la fabrication de ce poison. Ces végétaux se rencontrent dans certaines régions de l’est : Parc National de la Kagera, Karagwe et Bugesera. Les spécialistes précités travaillent toujours par groupe de trois. Il est strictement interdit aux femmes et aux chiens de s’approcher du lieu de la préparation, celle-ci raterait sous l’effet de leur influence occulte néfaste. Les racines sont débitées en minces morceaux qui, à leur tour, sont réduits en copeaux à coups du dos de vieille houe if uni. Le produit obtenu est mis à cuire dans une cruche d’une contenance de 20 à 25 litres, emplie d’eau qu’on met bouillir à feu vif durant 5 à 6 heures. On ajoute une noisette de beurre pour empêcher l’eau de déborder. Au fur et à mesure de l’évaporation, on enlève les copeaux qu’elle ne submerge plus. En fin d’opération, il ne reste qu’un litre et demi à deux litres de solution noirâtre qui est à son tour réduite par ébullition dans un tesson de cruche. Au bout de deux heures environ, il ne reste plus qu’une masse ayant l’aspect et la consistance du goudron. Au fur et à mesure de sa formation, le produit est enlevé et malaxé à du beurre sur une pierre plate bien dure par l’un des opérateurs à l’aide d’un marteau, d’un couteau de bois ou d’une pierre à moudre intosho.

Enfin, on ajoute, au produit obtenu, la tête et les glandes venimeuses d’un cobra (incira) préalablement réduites en poudre. Les expériences de laboratoire ont prouvé que cette addition est inutile, le produit originel étant suffisamment nocif.

Lors de la préparation du poison sur le feu, le spécialiste répète constamment ces mots en chantonnant : « Nkuragiriye imbogo, nkuragiriye intare, nkuragiriye isatura, nkuragiriye impongo, nkuragiriye isasu, nkuragiriye inturege, nkuragiriye inyemera, nkuragiriye indonyi, nkuragiriye isha, nkuragiriye impara, aliko icyo ntakuragiriye ni umuntu » : « Je vous réserve le buffle, je vous réserve le lion, le phacochère, le léopard, l’impongo, l’isasu, l’inturege, l’inyemera, l’indonyi, l’isha, l’impara, mais ce que je ne vous réserve pas, c’est l’homme ».

L’incorporation de beurre a pour but de permettre au poison d’adhérer facilement à la flèche. A défaut de beurre, on emploie la sève de Yumukoma qui s’écoule lorsqu’on en détache l’écorce. L’ubumara n’est employé que pour la chasse au gros gibier tel que buffle, éland, éléphant, phacochère, léopard, lion. On l’applique sur la tige en dessous de la pointe de flèche spéciale ingobe en forme d’ancre qui demeure accrochée au gibier en se détachant de son manche de bois. Préalablement à son application, on le réchauffe. On place la pointe de la flèche dans la cavité du manche après y avoir craché, on y applique ensuite le poison.

Celui-ci conserverait son efficacité durant deux années. Le chasseur qui détient Yubumara ne peut commettre d’adultère, le poison se retournerait contre lui. Lorsque sa femme est enceinte, s’il atteint une bête à l’aide d’une de ses flèches empoisonnées et qu’elle s’enfuit sans succomber immédiatement, le chasseur ne peut se porter à la recherche de la bête ni la poursuivre. Après avoir tué une bête, le chasseur peut commettre impunément l’adultère. Lorsque des flèches empoisonnées se trouvent dans une hutte où survient un décès, on les enlève et on les dépose dans une hutte miniature construite à cette occasion, on l’incendie tout en retirant les flèches et en disant : « Je récupère mes flèches et j’irai à la chasse», elles ne peuvent réintégrer la hutte mortuaire qu’une fois l’enterrement accompli. Mais le plus souvent on les vend à un étranger à la famille, car elles sont censées avoir perdu toute leur efficacité pour leur propriétaire.

La veille d’une expédition cynégétique, le chef de groupe de chasseurs réunit ceux-ci au son de l’olifant et les prévient (kurarika) du jour et de l’endroit de la chasse. Après que le conseil a été tenu, les chasseurs doivent s’interdire :

1) D’avoir des rapports sexuels, même avec leur propre femme ;

2) D’avoir des rapports adultérins (la même interdiction frappe également la femme du chasseur).

Si la femme du chasseur traverse une période menstruelle, son mari ne peut aller chasser. Il en sera de même si la veille de la chasse une naissance, un décès, un mariage ou la mort d’un chien ont eu lieu sur la colline habitée par le chasseur.

Préalablement à leur expédition, les chasseurs pratiquent la divination par la graisse de vache, de chèvre ou de mouton, graisse qui prend à cette occasion le nom de nyarigina ; ils n’entameront la chasse que si la graisse a révélé des augures favorables.

En cours de route, les chasseurs s’abstiennent de saluer qui que ce soit, pas même leur père ou un autre membre de leur famille ; ils ne peuvent toucher personne.

Les chasseurs ne prêtent jamais leurs armes : arc, flèches, lance, etc., à une tierce personne, fut-elle chasseuse elle-même ; il est d’ailleurs strictem ent interdit à quiconque de toucher ces armes, même s’il s’agit de compagnons de chasse.

Lors du jour décidé pour l’expédition, un chasseur, désigné à cet effet par le chef de groupe, doit se rendre très tôt le matin sur le terrain envisagé et y allumer un feu réservé uniquement à lui et à ses compagnons, il est interdit aux passants de s’approcher de ce feu et a fortiori d’y prélever des braises. L’endroit où le feu se consume est intitulé urugerero (lieu où l’on se réunit en vue d’accomplir un but défini). Au moment de partir, les chasseurs touchent leurs chiens à l’aide de la cucurbitacée amère umutanga (de gutanga : vaincre) pour les rendre bénéfiques.

Au commandement de leur chef, les chasseurs se dispersent sur l’aire de chasse et se m ettent à crier pour lever le gibier.

Une fois la bête entrevue et levée, le chasseur qui l’a aperçue avise ses co-équipiers en poussant un cri spécial [kurangira : signaler aux chasseurs) et sans les interpeller par leur nom ni en leur parlant.

De même, celui qui parvient à tirer sur la bête et à la toucher mortellement, ne peut en aucun cas appeler ses compagnons par leur nom, il doit pousser un cri spécial qui constitue un signal convenu (urukomo).

Si la bête a reçu un premier coup de flèche et qu’elle s’enfuit, les chasseurs se garderont bien de piétiner l’endroit par où elle a passé, ils se garderont également de poser le pied sur le sang que la bête a perdu dans sa fuite, il est même interdit d’indiquer ce sang du doigt, de l’arc ou de la flèche, le chasseur ne pourrait le faire que s’il se munissait préalablement d’une baguette qui serait ensuite laissée à l’endroit envisagé.

Dès qu’ils parviennent sur les lieux où la bête mourut, les chasseurs poussent des cris de joie (gusetsa ishyamba : faire rire la forêt).

La bête abattue doit être portée la tête en arrière. Il est strictement interdit à toute autre personne que les chasseurs de s’approcher du lieu où la bête gît morte.

Si une personne passait outre cette interdiction, les chasseurs pourraient l’arrêter, la ligoter et la soumettre à la torture : la coutume le leur permet sans qu’il y ait délit répréhensible de leur part.

Pour être certain de trouver du gibier durant la chasse, un ou deux chasseurs du groupe doivent porter l’amulette urusango, bout de bois tiré de l’arbre de même nom (de gusanga : aller à la rencontre de).

Ce charme doit être inséré dans les cheveux ou attaché à l’extrémité de l’arc (uruhembe rw’umuheto), il protégerait également contre les accidents de chasse.

Les chasseurs ne confectionnent pas leurs armes eux-mêmes ; elles sont l’œuvre de spécialistes bahutu, les flèches sont tirées du bois d’urukurazo.

Les chasseurs rentrent chez eux en chantant si la chasse a été fructueuse, et amènent la bête abattue chez celui qui lui a porté le premier coup. A cette occasion, la maîtresse de céans doit allumer un feu dans son enclos, feu devant lequel sera déposée la bête, les chas­seurs pénètrent ensuite dans cet enclos et le vainqueur leur donne de la bière à boire.

Enfin la bête est amenée au dehors, à l’écart, pour être dépecée. Le premier morceau est débité à l’intention du chef de groupe, il s’intitule itako ry’umutware (la part du chef), il consiste en une patte arrière complète. Une autre part (kuramura) consistant en une patte avant revient au chasseur uwasonze (de gusonga: achever) qui porta le coup de grâce à la bête ; cette coutume s’effectue même si la bête trouva la mort dès le premier coup, à cette occasion on lui coupe un bout d’oreille. Celui qui, la veille, a convoqué les chasseurs à coup d’olifant, a désigné l’endroit propice et a accompagné les chasseurs pendant la battue, reçoit un morceau du cou de la bête. Seuls les chasseurs peuvent assister au dépeçage ; toute autre personne serait lynchée si elle s’en approchait.

Lors d’une contestation entre chasseurs sur le point de savoir qui le premier a tué la bête pour le cas où elle aurait reçu plusieurs coups de lance, il incombe au chef d’équipe de pourvoir au partage.

Les petits piquets qui ont servi à tenir la peau étendue sur le sol pour en assurer le séchage sont conservés dans un recoin bien caché de la hutte, il est interdit de les utiliser pour le séchage de peaux d’animaux domestiques.

Lorsque la meute de chiens a pris sa septième bête d’une même espèce, on lui remet un charme en fer umudende, espèce de clochette allongée. Le chien le plus ancien de la meute porte l’umudende ; à sa mort, le talisman passera au puîné. Ce charme est destiné à protéger magiquement la meute.

Seul le sexe masculin peut s’adonner à la chasse, les femmes, surtout si elles sont enceintes, ne peuvent même pas assister en spectatrices.

Les chasseurs ne peuvent, en cours d’opération, prononcer le nom des bêtes qu’ils chassent sinon les animaux mis en méfiance s’enfuiraient ou s’attaqueraient aux chasseurs. Aussi ceux-ci usent-ils de circonlocutions : pour désigner le léopard, ils diront : nyiramahore (celui dont l’on tait le nom), muyaga (rapide comme le vent), rwara (la griffe par excellence), bugondo (animal à peau tachetée), kimizi (le vorace) ; on intitule le lion : iwabwiga (le glouton).

Le jour de l’expédition, les chasseurs ne peuvent se croiser les jambes, ni regarder des personnes qui se croisent les jambes : ils rentreraient bredouilles.

S’ils rencontrent en cours de route un membre des clans au « mauvais œil » porte-malheur : Abitira, Abashingo, etc., ils doivent faire demi-tour sinon leur chasse serait infructueuse et dangereuse.

Afin d’éviter de conserver par hasard avec des membres de ces clans, les chasseurs n’adressent en cours de route la parole qu’à des personnes dont ils connaissent l’identité.

La bête abattue doit être couchée la tête vers le bas de la montagne, jamais vers le haut. En principe, le chasseur ne se rendra pas à la chasse si sa femme est enceinte, surtout pas à celle à l’éléphant : il risquerait de se faire tuer par celui-ci. Les Batwa, en pareil cas, font usage d’une astuce : voyant la bête, ils en prononcent le nom, brandissent un petit arc et décochent une flèche miniature, ils croient avoir ainsi tué l’esprit de l’animal qui désormais n’aura plus la volonté de se défendre.

On ne peut reprendre la chasse le lendemain du jour au cours duquel on a abattu une bête : c’est un jour de deuil ; si l’on passait outre cette interdiction, il arriverait malheur au chasseur et à ses chiens.

Les chasseurs qui ont donné la mort à un animal dangereux : lion, léopard, éléphant, buffle, ne peuvent avoir des rapports sexuels : ils doivent préalablement se purifier (kwera) comme après une période de deuil (kwirabura) pour les humains. Chez les Batutsi, le chasseur prenait des liquides exorciseurs amasubyo, puis accomplissait une copulation rituelle avec une servante sur laquelle il déchargeait son potentiel de danger.

Un chasseur qui en rencontre un autre sur la limite de sa réserve ne peut continuer ce jour-là, Ils ne s’asseyent pas sur une termitière (kisindu) car ils ne tueraient rien. Ils ne peuvent toucher une bête tuée de la pointe du bas de la lance, ni porter une serpette à la main.

La chasse aux animaux totémiques est interdite sauf en ce qui concerne le léopard et le lion, encore faut-il en remettre la peau à l’autorité coutumière.

Les Batwa sylvicoles pratiquent la chasse et la vénerie en employant l’arc, la javeline et des chiens qu’ils obtiennent et dressent pour le compte de certains Bahutu. Les flèches, en bambou durci au feu, sont réservées à la chasse aux singes. La corde de l’arc est en écorce de bambou, l’arc est complètement entouré d’une lamelle de liane (umuhande), pourvu à l’intérieur d’une baguette faisant ressort. La pointe de la flèche est bien souvent en fer, jamais en pierre. Le rôle des chiens consiste à dépister et à forcer la bête.

Ils emploient également des pièges à lacet ; toutefois, ils ignorent la trappe, la fosse, lassommoir, les filets et les enceintes de chasse.

Ils exécutent des rites de deuil auxquels participent hommes et femmes, à l’occasion de l’abattage d’un éléphant mâle dont ils craignent la vindicte de l’esprit considéré comme résidant dans l’organe viril de l’animal. Ils revêtent l’éléphant de l’herbe fétide umwishywa, d’umurembi (de kuremba : réduire à l’impuissance) et d’umutanga (de gutanga: devancer, vaincre) et l’implorent, en des prières rituelles, de ne pas se venger sur eux ni sur leur famille : « Détourne donc de moi ta colère, que ma famille ne périsse pas », en compensation de sa mansuétude, ils lui promettent de la bière comme dans le culte des mânes. Ils enterrent l’organe viril de l’animal adorné des plantes magiques précitées. Après cette cérémonie, ils peuvent dépecer et manger l’éléphant en toute quiétude.

Au Ruanda existait, sous l’ancien régime, des corporations de chasseurs dont la plus importante était celle des batezi (les piégeurs). Elle fut organisée par le mwami Mutara II Rwogera ; placée sous les ordres du chef Nyarwaya, elle s’étendait aux territoires de Kisenyi, Ruhengeri, Byumba et de Kigali. La corporation des batezi était dirigée par un chef investi directement et destitué par le mwami auquel il devait présenter tribut : peaux de léopard, d’antilope, de singe et du miel.

Les Batwa ont divisé la forêt en secteurs de chasse dévolus à leurs familles et clans respectifs. Hors de ces secteurs, le chasseur ne pourrait s’approprier que de la bête qu’il blessa dans son propre ressort.

La pêche.

Le lac Kivu et la Ruzizi comportent le Tilapia, les silures, l’isasi, l’ishimina, le mushimbili, le musege et l’intana. Les lacs de l’intérieur du Ruanda-Urundi comportent surtout des Tilapia nilotica d’introduction récente due à l’initiative européenne.

L ac K ivu.

Pêche à la ligne (kuroba).

Elle est pratiquée sur les rives. La canne est constituée par un simple jonc, l’hameçon est pourvu d’un appât constitué de quelques algues poussant dans l’eau sur les berges, on n’annexe jamais de flotteur et le pêcheur ne cesse de lancer et d’agiter sa ligne, il en utilise parfois deux ou trois en même temps. Aux lacs intérieurs du Ruanda-Urundi, la pêche à la ligne est surtout pratiquée par des enfants qui emploient des vers de terre pour appâter le poisson qui est un Tilapia. Ils utilisent jusqu’à cinq lignes à la fois et s’avancent sur l’eau à l’aide de petits radeaux confectionnés en troncs de bananier, ils ne cessent de crier à l’adresse du poisson : « Viens, viens ».

Pêche au harpon (kuyubira) (Lac Kivu).

Les pirogues s’éloignent deux par deux à cent ou deux cents mètres de la rive, chaque groupe de deux possède une longue corde allant d’une pirogue à l’autre, cable d’une longueur de trois cents mètres parfois auquel pendent, de vingt en vingt centimètres, des roseaux d’un mètre de hauteur environ lestés de pierres. Les pirogues se ramènent vers la rive, tandis que le poisson effrayé par le rideau de roseau y afflue. C’est à ce moment que les pêcheurs (abubizi) quittent les pirogues, se laissent tomber, dans le lac, les pieds en avant, et harponnent le poisson à l’aide d’un grand stylet umugera en fer de 1,50 m de longueur, effilé à l’une des extrémités et garni d’une grosse boule à l’autre ; ils reviennent déposer le poisson dans les pirogues et repartent de suite à la pêche. Quelques pêcheurs savent se tenir sous l’eau durant plusieurs minutes. Ils emploient également un harpon en bambou garni de 5 pointes de fer, de 20 cm de longueur chacune, disposées en ombelle à l’une des extrémités.

Pêche à la senne (akeshimulaga).

Les filets employés sont longs de 20 à 100 m et haut de 1 à 2 m, ceux (akeshi) qui sont destinés à la prise des petits poissons ont des mailles de 3 cm de diamètre, ce diamètre mesure 7 cm chez les autres filets (mulaga) qui servent surtout à prendre le Tilapia.

La corde supérieure est pourvue, de 20 en 20 cm, de morceaux de roseau de 0,25 m, faisant office de flotteurs, tandis que le bas du filet est lesté de pierres. La pêche s’effectue uniquement de nuit lorsqu’il n’y a pas lune ; afin d’attirer le poisson, les pêcheurs allument un petit feu à l’avant de leur pirogue. Après avoir étendu leur filet d’une embarcation à l’autre, ils rabattent le poisson vers la berge en criant et en donnant des coups de rame à leur pirogue afin d’effrayer le poisson. Arrivés à la rive ils relèvent le filet. Parfois l’opération s’effectue entièrement au large.

Pêche à la nasse (guhukura).

Elle se pratique de jour, le long des rives, là où les eaux sont peu profondes. Les nasses (cishenge-bikunguru) sont fixées dans des anfractuosités de rocher. Elles sont fabriquées en joncs et sont divisées en deux compartiments dont l’un est enduit d’intobe (moelle de sureau) afin d’attirer le poisson qui y est rabattu par un filet tendu entre deux pirogues. Le poisson, effrayé, fuit vers les rochers pour s’y cacher puis s’engouffre dans les nasses dont les ouvertures sont orientées vers la berge. Dans ce genre de pêche, les pêcheurs s’intitulent bahukuzi.

Rivière Ruzizi.

Les nasses (bigona) en forme d’entonnoir, faites de joncs, hautes de 2 m et d’un mètre environ de diamètre à l’ouverture dirigée vers l’amont, sont fixées parmi les rochers jalonnant les rapides ; elles sont visitées de bon matin par le pêcheur.

Pêche au filet.

 L’indigène barre la rivière d’une rive à l’autre à l’aide d’un grand filet (kagwesi) qu’il fixe à des piquets fichés en terre à la berge.

Pêche à l’épervier (rusango).

Deux pêcheurs remontent le courant en tram ant derrière eux un filet en forme de poche.

Pêche au carrelet (ngoro).

La pirogue est pourvue tan t à l’avant qu’à l’arrière, d’un axe en bois sur lequel pivote une tige de bambou d’environ cinq mètres de longueur, les deux bambous sont réunis à leur extrémité par un troisième, il existe un filet tendu entre eux que le pêcheur (mudoroso) abaisse dans l’eau pour pêcher le poisson et qu’il relève ensuite pour le déposer dans la pirogue.

Pêche par barrage.

Celui-ci, construit à l’aide de pierres et de roseaux juxtaposés, a la forme d’un V dont la pointe demeure entrouverte afin de laisser passer le poisson, lequel est soit assommé à la sortie, soit recueilli dans une souricière en roseaux.Lac Tanganika.

Le lac Tanganika constitue un réservoir spécialement riche en poissons, parmi lesquels on distingue notam ­ ment les ndagala (Clupéïdes), petits poissons argentés qui font avec les migwebuka et les lumbu l’objet de transactions commerciales intéressantes, des espèces de hareng : banga, bidoda, lufukuzi, des anguilles mulimbu : des silures miomi ; des Tilapia makoki, des Citharinus, Bathybates, Sates microlepsis, Hydrocyon, Barbus, etc. (x).

Pêche à l’épuisette (rusenga).

Cette pêche des alevins umugara s’effectue le long des côtes au moyen de filets constitués par du tulle moustiquaire ou du tissu, tendu en forme d’épuisette ovale sur des branches que deux hommes manipulent sur les plages.

La pêche du ndagala (Clupéide) à l’épuisette s’opère lors des nuits sans lune, en pirogue, à la lueur d’une grande torche de roseaux de 4 à 5 m de longueur, ou d’un feu de bois placé à l’avant de l’embarcation dans le but d’attirer le poisson à la surface. L’épuisette, soutenue par le manche, est plongée dans l’eau jusqu’à cinq mètres de profondeur, elle est manipulée d’avant vers l’arrière car le poisson suit la pirogue, c’est-à-dire la direction de la lumière. Le pêcheur chante, crie, frappe du pied ou de la pagaie contre son embarcation afin de faire remonter le poisson vers la lumière.

Le prix obtenu pour le ndagala péché et vendu est divisé en cinq parts, s’il échet :

Une pour le propriétaire de la pirogue ;

Une pour le propriétaire de l’épuisette ;

Une pour payer le fournisseur du bois ou des roseaux d’éclairage ;

Une pour le pêcheur ;

Enfin la dernière pour le rameur.

Pêche à la ligne de fond (kamamba).

Il s’agit de cordes de 200 mètres environ, lestées de pierres, sur lesquelles on dispose des hameçons amorcés espacés d’un mètre chacun. Ces lignes sont placées à 2 ou 300 m du rivage. Cette pêche s’effectue de jour, les lignes sont retirées vers midi lorsque le lac commence à donner des signes d’agitation.

Pêche de nuit à la ligne.

Chose curieuse, les pêcheurs du lac Tanganika s’adonnent à leur art, de nuit, en pirogue, à l’aide d’une canne constituée d’un roseau et d’une ligne de 0,50 à 1 m de longueur au bout de laquelle est accroché un hameçon pourvu, en guise d’appât, d’un bout de tissu blanc ou de plume blanche, seuls les poissons migwebuka viennent s’y faire prendre.

Pêche de nuit au filet (makwabo).

Deux ou trois hommes demeurent à la rive où ils maintiennent une des extrémités du filet habituellement long de 100 à 200 m, large de 2 à 3 m et pourvu de mailles d’environ 5 cm de diamètre. A l’aide d’une pirogue, deux autres hommes amènent le filet dans le lac et le ramènent ensuite vers la rive où il est retiré avec le poisson.

Pêche de nuit à la senne (makila).

Le filet employé est identique au précédent mais il est pourvu de flotteurs et lestés de pierres, ses extrémités sont accrochées, à la plage, à de grosses pierres ou à des pieux fichés en terre. Ces filets sont déposés vers cinq heures de l’après-midi et relevés le lendemain matin vers six heures.

En cours de voyage, les piroguiers ne peuvent comm ettre d’adultère : leur embarcation pourrait chavirer.

Le piroguier, en cours de route, ne peut jamais montrer du doigt le lieu d’où vient le vent habituellement (ce serait l’attirer), ni l’endroit d’embarquement. Pour indiquer quelque chose, le batelier doit préalablement fermer le poing.

Il ne peut laisser tomber sa pipe dans l’eau ni y secouer la cendre, de peur que la nicotine n’irrite les esprits malveillants qui hantent les lacs et les rivières.

Dans le même ordre d’idée, on ne peut jeter de la bière dans l’eau, sinon il y aurait risque de naufrage.

Avant de s’embarquer en pirogue, il faut s’enduire le corps d ’un peu de boue afin que l’embarcation glisse plus rapidement sur l’eau.

Le poisson est un aliment interdit à l’intérieur du Ruanda-Urundi. En fait, il n’était coutumièrement consommé, et ce en quantités très faibles, que par certains indigènes habitant près des lacs Kivu et Tanganika, immigrants venus du Congo belge et par les Banyambo à l’est du Ruanda. A l’heure actuelle, ce tabou marque une nette tendance à disparaître dans toutes les couches des trois groupes ethniques.

Coutumes diverses relatives à certains animaux.

Celui qui a été mordu par un chat doit manger immédiatement, en tout cas avant le chat, sinon la morsure enflerait.

Lorsqu’on entend une hyène hurler, on ne peut l’insulter de peur de mourir sous peu. Si une natte se trouve debout à ce moment dans la hutte, on y enroule un bâton et on la jette à l’extérieur en disant : « Voilà le cadavre que vous cherchez à manger », l’on croit que faute d’accomplir ce rite, celui qui se coucherait dans la natte y mourrait subitement.

Le fait de rencontrer un serpent en cours de route constitue un excellent présage annonçant la bonne réussite du but du voyage. On ne peut tuer le serpent, car les voyageurs ne s’entretuent pas, le faire serait s’attirer de la déveine.

Si l’on fait siffler un serpent en le battant ou s’il saigne, c’est un signe de mort prochaine pour soi.

Lorsqu’en cours de route on se trouve en présence d ’un serpent crevé, il faut le toucher de l’auriculaire au ventre, souffler ensuite sur ce doigt et se signer en disant, au front, « Sinkurota ku manywa » (que je ne rêve pas de toi pendant le jour), à la poitrine, « na n ’injiro » (et pendant la nuit), puis à l’épaule droite et à l’épaule gauche « hose nicaye sinkwibuke » (que partout où je suis, je ne me souvienne pas de toi).

L’on peut encore toucher le serpent crevé à l’aide du gros orteil du pied droit à la tête, à la queue, sur le flanc droit et sur le flanc gauche, en prononçant les paroles rituelles précitées. Lorsque couché dans une hutte, l’on aperçoit un serpent se faufilant dans les herbes du plafond, c’est un présage de mort imminente. Lorsqu’on vient de tuer une vipère, on lui sectionne la tête qu’on dépose dans le feu pastoral igicaniro consumé à l’intérieur du kraal à l’intention du gros bétail ; cette pratique favorisera la multiplication du troupeau dont les bovins seront à l’abri d’anthrax igikacyi.

On ne peut tuer le crapaud igikeri, totem des Bega ; sinon on m ettrait au monde des grenouilles. Même interdiction au sujet du lézard et de l’urutambara (grosse araignée), sous peine de sanction semblable.

Celui sur qui un rat a uriné s’en réjouit, c’est un présage qu’il aura une grande postérité comme les rats. Il dit alors à l’animal : « Remplissez de petits les parois de ma hutte, et moi je remplirai ma maison d’enfants ».

Le voyageur qui rencontre un certain petit rongeur rayé des champs, s’en réjouit, car dans le courant de la journée il pourra boire à satiété.

Lorsqu’on rencontre un caméléon, il convient de cracher dessus en disant : « Crache du sang », si la bête crache il ne résultera aucun mal pour le passant. Si l’on veut fertiliser un champ, il suffit de tuer un caméléon et de l’y enterrer ; on signale, afin qu’il ne soit pas enlevé, l’endroit où il a été déposé en y plantant un petit bouquet d’euphorbes : iimukoni, amadwedwe, igicuncu, umuyenzi, umutagara.

Il est interdit, sous peine de contracter l’amahumane, de tuer le gros ver rouge umuhopfu.

Lorsqu’on rencontre l’insecte nyakayoga, on le touche du gros orteil en disant : « Nyakayoga, donne-moi un akayoga » (un peu de bière), on est alors convaincu que dans le courant de la journée l’on boira à satiété.

Il est interdit de jeter, sans l’avoir préalablement écrasé entre les doigts, le pou qu’on trouve sur la tête ou dans les habits. Si on le jetait vivant, il faudrait aussitôt arracher un brin d’herbe quelconque, car on est convaincu que le pou le couperait lui-même, ce qui signifierait la m ort prématurée de l’individu dont il provient. Il en est de même de la puce. On ne peut jeter au feu un pou ou une puce qu’on a trouvés sur soi car on deviendrait fou.

Si par hasard on avale une mouche en plein vol, et qu’on la crache morte, on court le risque de tomber immédiatement malade. Si au contraire on l’éjecte vivante, on se donne un coup de poing sur la bouche en disant : « Ndijute » (que je me rassasie), « Sintongane » (que je ne me dispute point).

Si en cours de voyage l’on rencontre une caravane de fourmis rouges intozi, on ne peut l’enjamber de prime abord, il faut la toucher du pied, faute de quoi l’on éprouverait de la déveine et un mauvais sort frapperait le père du voyageur.

Afin de déplacer une caravane de fourmis en marche, on y place la pointe inférieure de la lance et désormais l’on s’interdit de poser encore cette pointe par terre sinon ce geste provoquerait l’arrivée des fourmis. On ne parle jamais de fourmis la nuit, à moins que ce ne soit pour les éloigner.

La bergeronnette inyamanza, totem des Bagesera, est protégée ainsi que ses œufs, afin de s’éviter des mortinatalités. Si par mégarde on tue une bergeronnette, il convient de l’enterrer en un endroit inoccupé et d’accomplir le sacrifice d’un mouton, d’une chèvre ou d’une vache à son intention. En s’abstenant d’exécuter ce rite, l’homme qui a tué la bergeronnette perdrait son fils, et la femme perdrait sa fille. On ne peut occuper une nouvelle hutte que lorsqu’une bergeronnette s’est posée sur le toit, si par après cet oiseau vient voltiger dans l’enclos, c’est un présage annonçant l’arrivée de visiteurs.

La grue couronnée umusambi, totem des Banyiginya, ainsi que ses œufs sont également protégés d’une manière intégrale.

Il en est de même du corbeau igikona totem des Babanda. Les indigènes professent une telle crainte à son égard qu’à l’heure actuelle ils n’osent même plus l’appeler de son vrai nom, mais l’intitulent icyiyoni (l’oiseau). Celui qui tuerait un corbeau devrait prendre le deuil, porter un talisman et se couper une houppe de cheveux. Lorsqu’on voit un couple de corbeaux se diriger vers la hutte, on s’en réjouit, car c’est un présage de fortune : chacun d’eux annonce l’obtention d’une vache.

Lorsqu’on entend crier une chouette, on jette dans sa direction un coussinet ingata ou un tesson de cruche car sa présence constitue un présage de malheur.

Il est interdit de tuer le merle inyombya, l’ibis inyirabarazana totem des Bitira et des Bungura, et le rwungeri ; celui qui tuerait ces oiseaux en mourrait.

Pour se débarrasser des oiseaux huppés imisure qui avagent les plantations, il faut d’abord traire une chèvre, en verser le lait dans un tesson de cruche et le jeter ensuite dans le champ attaqué en disant : « L’initié (au culte de R y a n g o m b e ) porteur (comme toi) d’une houppe (queue de putois, etc.), ne boit pas de lait de chèvre», l’on croit dès lors que les misure n ’oseront plus venir dans ce champ.

Si le matin, en se rendant à la recherche de vivres, l’on rencontre en cours de route une perdrix qui s’envole sans crier, c’est signe que l’on reviendra bredouille ; il ne reste plus qu’à faire demi-tour.