Nous arrivons ainsi à la veille de la septième et der-nière campagne de Rwogera contre Ntamwete : « cya Bwiriri » (la surprise de Bwiriri), campagne qui s’ouvrira en 1852 (Année de la conquête du Gisaka par le Ruanda : Le R. P. Pagès- seul historien ayant fait mention de la conquête du Gisaka par le Ruanda – indique d’abord que « l’événement se passa entre 1850 et 1860 » (op. cit.,p. 91). Mais ensuite (ibidem, p. 151) il affirme qu’il « eut lieu entre 1840 et 1850». Les recoupements auxquels nous avons procédé de notre côté nous permettent d’affirmer que la campagne décisive entreprise par le Ruanda contre le Gisaka, débuta en 1852 ; que Ntamwete périt vers la fin de la même année ; que l’annexion du Migongo, achevant la conquête du Gisaka, eut lieu en fin 1853 (ou, au plus tard, au début 1854) et que le tambour Rukurura passa aux mains de la dynastie du Ruanda en 1855. Le point de départ de cette reconstitution chronologique fut l’étude des prémices solennelles célébrés annuellement à la cour du Ruanda, tels qu’ils ont été classifiés par l’abbé Kagame, en remontant le cours des années. Les prémices de 1854 furent présidées par le Mwami Kigeri IV Rwabugiri ; ceux de 1853 l’avaient encore été par son prédécesseur Mutara II Rwogera. Or, les prémices se célébraient toujours en juin, au début de la grande saison sèche. On a pu en conclure que Rwogera rendit l’âme entrejuin 1853 et mai 1854).
Ce sera l’expédition décisive, appelée à régler le sort – non seulement du Gihunya, – mais du Gisaka tout entier.

Il n’est peut-être pas sans intérêt, avant d’aborder les péripéties de cette ultime campagne, de jeter un coup d’oeil en arrière et de faire le point.

Comment le florissant royaume hamite du Gisaka a-t-il pu s’effondrer aussi vite ?
Les facteurs externes – dont, en premier lieu, la puissance croissante du Ruanda – ne suffiraient pas à l’expliquer.
Il semble bien, qu’en fait, ce soit la décomposition morale des représentants de la dynastie umugesera qui fut à l’origine de la ruine politique de leur pays : tarissement, à la fois, du sens de la raison d’état et de la solidarité clanique ; médiocrité des ambitions ; basses rivalités se transformant rapidement en luttes fratricides.
Ainsi, dès Kimenyi IV – dont l’âge mûr connut la perte des conquêtes extérieures (conséquence du désastre de Kabirizi) et dont la vieillesse sans grandeur vit le morcellement du Gisaka proprement dit – l’indépendance des Bagesera bazirankende vis-à-vis des Banyiginya paraissait vouée à une fin prochaine.

Les générations suivantes déterminèrent la débâcle : rivalité entre Mukerangabo et Kakira ; sourde hostilité entre eux deux et leur cousin Sebakara ; pénible intermède de Rugeyo ; révolte de Mushongore, fils de Kakira contre Ntamwete, fils de Mukerangabo et asservissement par Ntamwete de Rushenyi, fils de Sebakara ; finalement, fuite de Rushenyi au Ruanda et son inféodation au Mwami Mutara II Rwogera.

Celui-ci accueille le transfuge avec une aménité calculée, mais prend bien garde de ne lui laisser aucun rôle dans l’expédition qui se prépare. Rushenyi connaîtra auprès de son nouveau maître la vie d’un otage choyé, alors que son frère Gwiza sera utilisé en qualité de guide des armées ruandaises, dont le commandement suprême reviendra à Rugereka, fils de Byavu.
Pour mieux surprendre les défenseurs du Gisaka, les stratèges banyaruanda imaginent de pénétrer dans le pays par une voie inusitée : à travers la grande forêt du Bugesera, jusqu’à Rwinzaka.

Pendant qu’une opération de diversion est entreprise dans la direction de Kirwa par des forces secondaires (Abakemba, sous le commandement de Rutebuka, fils de Rwihimba, Abakwiye sous Semalara et Ababito sous Nyankiko, chef du détachement), l’umagaba Rugereka avec le gros des troupes ruandaises (Mvejuru sous le commandement de Rubabazangabo, Abashakamba sous Rwampembwe, Intaganzwa sous Nyirimigabo, Uruyange sous Giharamagara et Inzirabwoba sous Nkoronko) traverse la Nyabarongo à Rwimo et déferle sur le Gihunya par le Bwiriri (l’actuelle sous-chefferie de Lubago).

De leur côté, les Barasa, négligeant de prendre la moindre précaution du côté de l’Ouest, s’avancent résolument vers le Nord, à la rencontre du détachement de Nyankiko. Et les troupes de Rugereka atteignent Kanazi (au pied de Nshiri) quand le commandant des réserves Barasa (Mafubu, frère de Kabaka) est averti de leur approche. Aussitôt, il alerte Ntamwete et lui-même se porte avec ses guerriers au-devant de la principale colonne ennemie. Mais il est trop tard : la tenaille s’est fermée, l’une de ses extrémités partant de Ngoma-Kavogo (au sud-ouest de l’actuelle Mission catholique de Zaza), l’autre de la ligne Kirwa-Vumwe (à l’Est de Zaza). Les Barasa, complètement désorientés, se disloquent en petites bandes, bientôt taillées en pièces. Cependant, leur flanc droit a échappé à l’encerclement et les troupes qui le composaient vont se reformer sur la rive Est de la Kibaya, entre Buliba et Rurama.
Malheureusemct, Ntamwete (qui se trouvait du côté de Kirwa) n’en sait rien. Au lieu de tenter de rallier la partie intacte de ses troupes à Rurama, il se dirige, avec ce qui lui reste de sa compagnie personnelle « Impanzi», vers le Butama (extrême Sud du Gihunya), dans l’intention de passer ensuite dans l’Urundi. Mais, arrivé à Mutenderi (à Murwa ?), en vue de la Kagera, il éprouve une profonde défaillance et s’abandonne à son sort en gémissant : « Que puis-je entreprendre encore ? Je suis vieux et je n’ai plus d’avenir. Mon armée a cessé d’exister. Rushenyi m’a vendu et Mushongore m’abandonné. Il ne me reste plus qu’à aller faire ma soumission à Rwogera. Et je ne lui demanderai rien d’autre qu’une petite colline où finir mes jours en paix ».

Suivi de ses proches et de ses vétérans, il rebrousse chemin et fait étape à Rwambohero. Mais il envoie en avant ses trois plus jeunes fils : Marala, Rugarama et Nyamubali – avec mission d’annoncer son dessein de capituler au généralissime Rugereka et ensuite au Mwami.
Le lendemain, il poursuit sa route par Vumwe, Kirwa et Birambi. A Birambi, il passe la nuit. Il y laisse les enfants, les femmes et les serviteurs. Puis, avec ses derniers Impanzi, il marche jusqu’à Kaduha, où il arrivera à la tombée de la nuit. Là, en face du bivouac de ses vainqueurs, il fait halte, se rafraîchit la figure et met de l’ordre dans sa toilette. Ensuite, il se rend avec son escorte, au camp ennemi établi à Bukinamisakura (entre Kirwa et Kaberangwe).

On l’invite à s’asseoir et les officiers banyaruanda fument avec lui le calumet de la paix. Cependant, le général des Bakemba, Rutebuka, s’est imperceptiblement détaché du groupe. Il va se placer derrière Ntamwete et, subitement, d’un mouvement rapide, lui plonge une lance dans le dos.

Ntamwete n’est pas tombé sous ce coup terrible. Il se redresse d’un bond et, tout inondé de sang, riposte avec courage. Les siens se groupent autour de lui et le soutiennent. Ils offrent à leurs ennemis une résistance farouche. Mais ils combattent à un contre cent et tous, les uns après les autres, sont massacrés : Ntamwete, Muyoboke, Kayagiro, Rwamuhoza et une trentaine d’autres.

Cette lâche tuerie fut exécutée suivant les ordres donnés par le Mwami du Ruanda en vue de satisfaire à des raisons supérieures. En effet, c’eut été violé une prescription fondamentale du Code dynastique que de laisser la vie sauve à un Prince ennemi vaincu : celui-ci ne pouvait ni être laissé en liberté, ni être offert – captif – en risée au vulgaire ; il devait mourir.

Remarquons cependant que le crâne de Ntamwete ne servit point d’ornement au Karinga, car, aux yeux des Biru, le malheureux prince n’avait été qu’un « chef de sang royal », non point un vrai souverain. Et comme il n’avait pas été « sacré » par les cérémonies de l’intronisation, sa mise à mort ne pouvait constituer pour son vainqueur un « triomphe », au sens propre de ce terme.
Pendant que Ntamwete, défait, allait à la mort, son allié Mushongore – après de longues hésitations – finissait par rassembler l’armée du Migongo (les Bahilika) et se portait à son secours.
Au crépuscule, ses éclaireurs – arrivés à la hauteur de Buliba – se trouvèrent en présence des avant-postes d’une armée étrangères : en fait, des débris barasa. Averti de la chose, Mushongore décide de surprendre l’ennemi. Sous le couvert de la nuit, il dispose ses troupes en demi-cercle, à quelques centaines de pas de ce qu’il prend pour un campement ruandais. A l’approche de l’aube, le signal de l’attaque est donné. Il se produit alors, de Buliba à Rukira, une mêlée désordonnée, les Bahilika croyant attaquer les banyaruanda et les Barasa croyant à la trahison des Bahilika.
Aux premières lueurs du jour, les banyagisaka vont revenir de leur commune méprise ; mais déjà, de la vallée de la Kibaya, surgissent les troupes ruandaises de Nyankiko.
Celles-ci profitent du désarroi dans lequel elles trouvent leurs adversaires pour lancer contre eux une attaque impétueuse.

Les Bahilika, démoralisés par le combat fratricide qu’ils viennent de mener et par la nouvelle de l’écrasement de Ntamwete à Kirwa, ne tardent pas à lâcher pied et à battre en retraite vers Kirehe. Ce que voyant, les Barasa se rendent les uns après les autres.
La défaite du Gihunya est ainsi totale. Tout son bétail est bientôt razzié. Les enfants et les femmes des notables sont emmenés en captivité. Parmi celles-ci : Bugondo, femme de Kabaka et soeur de Ntamwete et Nyirawejeje, femme de Cyamwa et belle-fille de Ntamwete, alors enceinte de l’héritier du nom, Hishamunda (« celui qui est caché dans le ventre »).

Il semble que, sur ces entrefaites, des difficultés aient surgi entre le commandant en chef Rugereka et le chef d’armée Nyankiko d’une part, le chef d’armée Nkoronko, frère du Mwami régnant d’autre part. Les deux premiers seront bientôt rappelés au Ruanda, le dernier, seul, demeurera au Gisaka. Il contrôlera le Mirenge et le Gihunya, mais afin de laisser au Mwami le temps de regrouper ses forces et de dresser un nouveau plan d’action, il ignorera délibérément le Migongo et ses dépendances du Mubari, poussant la non-intervention à son égard jusqu’à retirer ses avant-postes à l’Ouest de la Kibaya (évacuant Buliba, Rurama et Rukira).

Le Mwami Rwogera, de son côté, pressé de monter une expédition décisive contre le Ndorwa, et désireux pour cela d’avoir les mains libres à l’Est va entreprendre des efforts multipliés pour se concilier la sympathie des banyagisaka.
Il commence par autoriser Rushenyi à reprendre, en son nom, le gouvernement du Mirenge. Puis, en sous main, il encourage Kabaka à venir lui faire sa soumission, lui faisant promettre biens et honneurs.
Kabaka quitte alors le maquis et – avec ce qui lui reste de guerriers – va se rendre à la merci du Mwami. Celui-ci réserve aux Barasa un accueil charmeur. Il donne à Kabaka, au titre de «vaches du feu» (“), cinquante

(Les « vaches du feu)) (inka y’umuliro) étaient des vaches « de pardon », données (gutunga umuliro = « donner du feu ») par un supérieur à un inférieur qui avait été «légalement » dépossédé (généralement en guise de châtiment pour une faute grave ; mais aussi, parfois, par application du « droit » de conquête) de ses bovidés à une époque antérieure. (Le dernier cas connu est celui du grandfeudataire umwega Kayondo, auquel le Mwami régnant envoya des « vaches du feu » en 1943, à l’occasion de son baptême).
Les locutions « vaches du feu » et « donner du feu » sont particulièrement expressives. Elles indiquent, en effet, l’octroi d’une ou de plusieurs vaches dans le but d’attester que le bénéficiaire peut rallumer le feu de son kraal (celui que les possesseurs de gros bétail ont coutume d’allumer à la nuit tombante, pour protéger les veaux et les génisses contre la fraîcheur de la nuit et surtout contre les piqûres des moustiques).
En remettant de telles vaches à Kabaka et à ses guerriers, le Mwami Rwogera les autorisait à avoir du feu dans leurs kraals, c’est-à-dire à entretenir et à acquérir des bovidés ; du même coup, il en faisait ses vassaux pastoraux directs (abagaragu b’ ibwami). Mais c’est en 1867 seulement que le Mwami Rwabugiri, successeur de Rwogera, allait créer au Gisaka une «armée bovine ». Il le fit avec une partie du butin ramené d’une fructueuse expédition au Bumpaka (Nord-Ouest du Nkole), auquel il ajouta bientôt des bêtes razziées au Murama (Ndorwa Nord) et au Mubari (audétriment des « mazinga » banyambo). A partir de ce moment les banyagisaka, in corpore, prirent rang dans l’organisation pastorale ruandaise.
L’armée bovine qui « se partagea » le Gisaka avait pour nom INGA JU (c’était l’une des cinq «armées » créées avec le bétail du Bumpaka). A cette armée bovine appartiennent notamment la plupart des bêtes du chef actuel du Gihunya, Gacinya Faustin, celles de la famille du notable umugesera Bashosho Pierre au Migongo (les bene-Rwabikinga) et celles du sous-chef Rutaneshwa Gervais au Mirenge. Mais, dans les trois chefferies du Gisaka, on rencontre aussi des bovidés n’appartenant pas à l’armée INGAJU. Ainsi le Mirenge, qui ne connut pas la spoliation de 1852-1854, a gardé du bétail gisakien proprement dit (exporté jadis du Karagwe, du Mubari et du Mpororo) auquel sont venus s’ajouter des bovidés d’origines les plus diverses, amenés par les notables du Ruanda. De même, il existe actuellement des bovidés hétéroclites au Gihunya. Enfin, au Migongo, à côté des INGA JU introduits entre 1867 et 1870, existent également des représentants d’autres armées bovines, par exemple des INGORABAHIZI (du Nduga) donnés par le Mwami Rwabugiri au notable mugesera Rwagaju, actuellement aux mains de ses petits-enfants (les bene-Rwagaju) et des RUGAGA détenus par le chef du Migongo Kanyangira Antoine, qui proviennent – avec quelques têtes ARUSHABANDI – de l’héritage de l’ex-chef mugesera du Mutara et du Migongo, Rukarakamba. (Soit dit en passant, la légalité de cette possession est contestée à Kanyangira par le chef Lyumugabe Gervais, frère et successeur politique immédiat du chef Rukarakamba) bovidés et à chacun de ses hommes deux bovidés. Ceci fait, il charge Kabaka de négocier la soumission de Mu-shongore : ce dernier sera vice-roi du Gisaka, à la seule condition de livrer, au préalable, le Tambour Rukurura… ce qui aurait pour résultat, ipso facto, la fin de la souve-raineté de la Maison des Bagesera bazirankende et la suppression juridique du Gisaka en tant qu’État indépendant.

Pressenti par Kabaka, Mushongore louvoie. Il proteste de ses sentiments d’amitié et d’admiration envers le Mwami du Ruanda et envoie à celui-ci comme « intore » (page) son fils Rwagaju. Mais il n’a garde de renoncer au Tambour-palladium de sa Dynastie. Pressé de s’exécuter, il prétendra que le précieux symbole lui a été ravi de façon mystérieuse.., et promettra de le retrouver. En réalité, plutôt que de passer aux yeux de la postérité pour le fossoyeur de l’indépendance nationale, il va tenter de préparer un soulèvement général du Gisaka contre l’occupant. Le Mwami Rwogera a bientôt vent de la chose. Il renonce alors à sa tactique pacifique et passe à l’action directe.

Il place son fils Nyamwasa à la tête du Gihunya et enjoint à son frère Nkoronko de réaliser la conquête du Migongo, qui deviendra son fief. En même temps, il fait comparaître par devers lui, Rwagaju, fils de Mushongore, et lui tient à peu près ce langage : « Rwagaju, je vous ai traité comme mon enfant. Je vous aimais et je voulais faire de vous un grand chef. Mais voici que votre père m’a trompé et qu’il se prépare à me faire la guerre. Je ne puis vous garder auprès de moi, mais je ne veux – non plus – vous faire aucun mal. Prenez ce carquois (il lui tend un carquois plein de flèches) et allez le porter au prince Mushongore, pour qu’il en accroisse ses forces. En les lui remettant de ma part, vous lui direz que ce n’est pas le petit Migongo qui m’effraiera, alors que les trois provinces du Gisaka réunies n’ont pu résister à mes armées. » Et Rwagaju s’en retourna tristement auprès de son père.

En apprenant que son jeu était démasqué et que les armées ruandaises étaient sur le point d’envahir ses terres, Mushongore sentit son courage fondre et il préféra s’expatrier plutôt que de subir le sort de Ntamwete. Il s’enfuit donc au Bushubi, emmenant avec lui ses fils Rwabikinga, Ruhurambogo, Rwagaju et Rwamuyumbu, ses femmes, ses serviteurs et une partie de ses troupeaux… mais, non point le Tambour royal qu’il cacha au Migongo. Nkoronko y pénétrait sur ses talons.

Le Gisaka ayant été entièrement conquis, le Mwami Rwogera, déjà très touché par la maladie qui devait l’emporter, put enfin lancer contre le Ndorwa de l’Uganda l’expédition depuis longtemps projetée. C’est au cours de cette expédition (passée à la postérité sous la dénomination « Igitero cya Hunga») que l’on devait voir, pour la première fois, des contingents banyagisaka – les Barasa, conduits par Kabaka – aller au combat pour la gloire du Karinga.

Au demeurant, la campagne ne dura guère : à peine les armées ruandaises avaient-elles opéré leur jonction à Hunga (au Mutara) que leur parvenait la nouvelle de la mort de leur Mwami (fin 1853 ou début 1854), mort survenue à Kaganza, non loin de Nyanza. Cette nouvelle mit fin à l’expédition et les troupes réintégrèrent leurs quartiers.

A l’avènement du Mwami Kigeri IV Rwabugiri, fils adoptif et neveu de Mutara II Rwogera défunt, le Mirenge était encore commandé par Rushenyi ; le Gihunya avait pour chef le «frère» du nouveau Mwami, Nyamwasa et le Migongo, son oncle Nkoronko.
Rwabugiri, désireux d’activer l’assimilation du Gisaka, ne tarda pas à s’y rendre pour un séjour d’une certaine durée (1855). Son premier acte fut de déposer Rushenyi et de placer à la tête du Mirenge un umunyiginya du nom de Gacinya. Ensuite, il établit sa résidence à Sakara (colline du Gihunya surplombant du côté Ouest la vallée de la Kibaya). De là, il fit entreprendre d’actives recherches pour retrouver le Tambour Rukurura et les efforts de ses hommes se trouvèrent finalement couronnés de succès (Quand les Biru du Ruanda ouvrirent en grande cérémonie le tambour Rukurura ils trouvèrent sous sa peau un rameau de l’arbre umugenge et quelques feuilles de tabac. L’umugenge était un arbre maléfique ; le tabac représentait l’extinction de la vie : cendre et fumée. Les Biru du Gisaka avaient donc eu le temps de substituer aux talismans que recélait originairement le Rukuruta des symboles présageant sa fin «tabac » et les malédictions du Gisaka à ses vainqueurs« umugenge »).
C’est alors – et alors seulement – que le Gisaka cessa d’exister en tant qu’entité nationale et devint, à jamais, terre ruandaise.