La tradition littéraire et historique officielle reflétait l’image que les dirigeants cherchaient à se donner d’eux-mêmes. Elle distinguait plusieurs genres littéraires : le code ésotérique de la dynastie, la généalogie dynastique, la poésie dynastique, la poésie guerrière, la poésie pastorale, les récits historiques et les chants guerriers. Chaque genre avait ses règles propres de composition. J. Vansina a estimé à 180 le nombre des poèmes dynastiques, à 900 leurs variantes et à une centaine celui des aèdes habilités à les transmettre. Quant aux poèmes à caractère historique, il en a évalué le nombre à 400, certains très répandus, d’autres réservés à quelques familles ou régions.

La cour royale et celle des grands nobles étaient les lieux privilégiés où cette littérature était produite, le soir venu, lors de longues et brillantes veillées consacrées à la musique, aux danses, à la poésie, aux joutes oratoires, voire aux défis guerriers. Le vin de banane et l’hydromel y circulaient en abondance. Ces réunions pouvaient prendre l’aspect de véritables salons littéraires où se faisaient et se défaisaient les modes du moment.

Pour retenir par coeur des répertoires parfois considérables sans support écrit on usait de moyens mnémotechniques. La métrique elle-même et le jeu des assonances et des allitérations pouvaient être une aide. En certains cas on intériorisait d’abord une mélodie avant d’apprendre le texte. La langue rwandaise, par sa structure même, invite à la concision du style. Mais l’aède se devait aussi d’user de toute son intelligence pour sélectionner et coordonner de manière judicieuse les idées, les images et les allusions, d’autant plus que toute vérité n’était pas bonne à dire.

Le comportement des auditoires variait évidemment d’un genre à l’autre. Le plus souvent les récitants étaient écoutés dans un silence profond, ce qui n’excluait pas les acclamations et les rires s’il y avait des passages très appréciés. Cette production littéraire était contrôlée par des spécialistes pour en assurer la fidélité ; mais cela n’entravait pas forcément la diversification des traditions, des styles, voire des modes.

Le code ésotérique ou rituel dynastique

Parmi les textes officiels, il en était un qui, ayant un statut à part, était entouré du plus grand secret et n’était récité qu’en milieu clos : le rituel dynastique, qu’on a dénommé aussi “code ésotérique”. Or qui dit ésotérie, dit initiation pour les rares qui y avaient accès. Le texte n’était connu en entier que de quatre abiru, les autres n’en retenant qu’une des dix-huit sections (ou “voies”), chacune d’elles étant conservée par un lignage différent et transmise en son sein. L’ensemble décrit les procédés par lesquels le roi acquiert, utilise et préserve la puissance magique qui assure la prospérité du pays. On donnait à ce code une apparence d’immutabilité ; en fait, il était sans cesse réarrangé et, selon les besoins, on ajoutait et on retranchait. Le ton en était prescriptif et didactique, le style simple, dépouillé, sans archaïsme, même si au vocabulaire courant s’ajoutaient des termes techniques. Quelques idées-force le dominaient : Imana privilégie le Rwanda ; comme le roi “n’est pas un homme”, il faut un vocabulaire spécial pour parler de lui ; il s’identifie au pays ; s’il vieillit, le pays s’affaiblit ; il y a une hiérarchie entre Tutsi, Hutu et Twa ; etc. Les prescriptions rituelles concernaient les activités de subsistance, le feu sacré, les phases de la lune, la célébration des prémices du sorgho, la guerre, les funérailles royales, etc.

 La poésie dynastique

La poésie dynastique était le genre le plus prestigieux, lié directement à la monarchie sacrée et glorifiant les gestes des rois. Ses détenteurs remplissaient une fonction officielle et faisaient partie d’une corporation privilégiée, exempte elle aussi de la juridiction des chefs et restreinte à quelques lignages qui devaient toujours avoir un représentant à la cour pour déclamer les poèmes de leur catégorie. Ils étaient chargés de la conservation de ces textes sous la direction d’un fonctionnaire spécial et d’en assurer la transmission sur des siècles. Ils se réunissaient régulièrement pour s’entraîner et réciter en choeur. Pour être compris, ces poèmes d’un rythme très libre avaient besoin d’un commentaire : en effet, leur langage raffiné, allégorique et crypté, “labyrinthe de figures” (A. Kagame), s’écartait de l’ordinaire, multipliait les archaïsmes, les désignations indirectes, voilées et ambiguës, ainsi que les stéréotypes liés à la dithyrambe. La présentation d’un nouveau poème était récompensée par le don d’une vache. Certains d’entre eux étaient chantés.

“La prodigieuse obscurité du langage idéalise la qualité fondamentale, l’ubwenge (l’intelligence), à la maîtrise de laquelle le Tutsi consacre des efforts constants. Celui-ci, enclin à égarer le profane dans un labyrinthe de paroles dont quelques initiés détiennent le fil conducteur, donne tort à qui comprend mal un texte équivoque et admire l’auteur qui se joue de l’auditoire… Plus que les autres, le genre dynastique provoquait l’émotion : manoeuvré par le rythme, troublé par la subtilité mystérieuse des paroles, ébloui par la splendeur des rois, des vaches et des guerriers, exalté dans ses idéaux, le Rwandais plongeait dans une réelle extase”.

D’après la tradition, ce fut une femme, la mère adoptive du roi Ruganzu Ndori au XVIe siècle; qui lança ce genre poétique en regroupant de petits textes en de longs poèmes qui exaltaient les actions de plusieurs souverains.

 La poésie pastorale

Ce type de poésie, fondé sur des vers brefs à périodicité constante, lui aussi fortement institutionnalisé, était consacré à la louange des vaches inyambo, propriétés du roi, en mettant en scène deux clans ennemis. Les poètes pastoraux étaient des serviteurs directs du roi et leurs poèmes ne pouvaient se réciter qu’en sa présence. Les chefs de guerre, responsables du bétail de leurs armées, étaient tenus de veiller à ce que les inyambo de leur commandement soient correctement exaltées. Lors des nouvelles portées, ils invitaient un poète à consacrer une strophe à chacune des plus belles bêtes en reprenant un refrain caractéristique du troupeau entier. Une fois que les vaches avaient grandi, le même chantre revenait pour proclamer les louanges de la plus gracieuse en un nouveau poème.

 Les récits historiques

Les récits historiques consistaient en une chronique des règnes selon la version officielle où l’histoire était habilement manipulée et arrangée. Il s’agissait là d’une littérature idéologique de propagande en faveur de la monarchie, expurgée de tout ce qui aurait pu faire de l’ombre à celle-ci, et dont le but était certes de rapporter des événements, mais surtout d'”édifier” les auditeurs. Elle chantait en des odes guerrières les exploits de la dynastie nyiginya et visait ainsi à justifier son hégémonie. Chemin faisant elle s’est enrichie de toutes sortes de légendes et de mythes. Les héros étaient présentés comme des êtres hors normes qui ne reconnaissaient que leur propre loi. En entretenant le souvenir d’actes de bravoure et d’abnégation et en magnifiant le passé, on cherchait à cultiver la fierté patriotique de la jeune génération et à lui faire prendre conscience de son appartenance à une communauté.

Sur la trame historique intangible, le récitant pouvait greffer toutes sortes de détails touchant par exemple au mode de vie, et ainsi allonger ou abréger sa narration en fonction de son auditoire. Quand il s’agissait d’histoire ancienne, qui s’étendait sur une vingtaine de règnes, les récits étaient souvent longs et hautement élaborés, et ils pouvaient revêtir un caractère épique. Les événements étaient inscrits dans une réflexion sur l’histoire, pour ne pas dire une “philosophie de l’histoire”.

La généalogie dynastique, en particulier, dont les dépositaires s’appelaient les “forgerons de la science”, constituait le socle sur lequel s’appuyait la légitimité de la dynastie en remontant jusqu’aux ancêtres fondateurs “tombés du ciel”. Toute référence aux usurpateurs qui plus d’une fois ont troublé le cours normal des successions était évidemment bannie.

L’histoire récente, dont les témoins étaient encore vivants, était l’objet du genre moins noble des “informations” ou “nouvelles”. Ces récits étaient considérés comme “vrais”, mais, notent A. Coupez et Th. Kamanzi, “il est difficile de séparer dans la langue rwanda la notion de vérité objective de celle de conformité à l’opinion reçue” (1962, p. 8). Une fois qu’on s’est éloigné des faits dans le temps, les gardiens de la tradition tiraient de cette matière première une version officielle élaborée, expurgée et accommodée aux impératifs du genre.

Poésie guerrière et autopanégyriques

La poésie guerrière exaltait sur un mode parfois épique les exploits héroïques des guerriers et la force des armes ; de l’impétuosité collective au combat elle faisait un signe de virilité. Elle se conjuguait elle-même selon diverses modalités. Parmi les héros figuraient ceux appelés “libérateurs” ou “sauveurs” qui, soit se sacrifiaient pour écarter du pays une calamité publique, soit se faisaient tuer intentionnellement en terre étrangère de sorte que le sang ainsi versé en assurât magiquement la conquête au Rwanda : leur mémoire faisait l’objet d’une vénération particulière. L’hypothèse a été émise qu’en fait il pourrait s’agir là de récits destinés à masquer élégamment des échecs.

La poésie guerrière avait pour fleuron les auto-panégyriques ou “morceaux où l’on parle de soi-même”. Leur origine semble se situer dans les tirades débitées sur le cadavre d’un ennemi tué au combat ou sur la dépouille d’un animal abattu à la chasse ce genre littéraire, le plus humble et le moins sophistiqué des types officiels de littérature, était caractéristique de la classe dirigeante ; il était seul à autoriser les parodies et n’était que rarement transmis à la postérité. Déclamées lors de fêtes, de veillées d’armes, à l’issue de procès qu’on a gagnés, pour honorer quelqu’un, ces odes avaient un rôle hautement ostentatoire. L’emploi de la première personne du singulier en était une des caractéristiques majeures. Le récitant exaltait son courage et sa bravoure. Il racontait avec une certaine emphase, mais sans démesure ni pathos, ses actions d’éclat, réelles ou imaginaires, le tout dans un langage obscur, éloigné de l’ordinaire, en usant de jeux de mots, de métaphores, de noms propres- de personnes, de lieux-allusifs et symboliques, enfin de références à des événements que l’auteur était seul à connaître. L’exagération faisait partie du genre.

(Au Burundi) “l’attitude du diseur est caractéristique : impassible, le geste sobre, le torse à peine bombé, le regard perdu, le récitant clame, en marchant légèrement, la lance à la main, il clame, sans reprendre haleine, le maximum de syllabes jusqu’à la limite de son souffle. Le débit est précipité. D’une voix de tête il commence sur un registre élevé et son intonation baisse régulièrement. Une césure, nouveau souffle et nouvelle tirade. La délimitation des phrases n’est pas respectée. A la fin, d’un geste digne, le diseur met un genou en terre et clame une courte salutation devant celui qu’il veut honorer, chef ou noble, de qui il recevra une vache en récompense de son exploit”.

La partie poétique était suivie d’une énumération sèche des victoires. Chacun cherchait à surpasser ses compagnons en paroles, en vivacité et prolixité. Cette exaltation publique de sa propre valeur révélait pour le moins une conscience de soi et une force du moi exceptionnelles. En fait, certains de ces éloges étaient des parodies par lesquelles on parlait de sujets plaisants sur un mode sérieux : ainsi trouvait-on des éloges de la houe, du coq, de la foudre, du haricot, du voleur de bétail, etc. Dans d’autres encore on laissait libre cours à la fantaisie ou à l’ironie bouffonne en décrivant des faits purement imaginaires ou ridicules, ou en attribuant des actions d’éclat à des gens qui en étaient notoirement incapables.

Kagame, le principal collecteur de littérature de cour, disait de la poésie dynastique, qui avait pour but de dresser le panégyrique de la dynastie régnante, mais aussi des poèmes pastoraux et guerriers, qu’ils étaient comme les “citadelles de l’âme indigène”. Ils différaient les uns des autres par leurs techniques de versification et leur rythme. Ce dernier était à la base de toutes les productions culturelles : poésie, musique, danse.

 “Les assemblées déclamatoires étaient convoquées d’ordinaire en plein air, dans l’après-midi ; parfois aussi elles se tenaient sous forme de veillées poétiques, dès la tombée de la nuit, autour de quelque cruche de bière. Les assistants ne goûtaient à l’amphore d’honneur qu’après une récitation impeccable d’au moins un poème, débité debout devant les invités. Les jeunes gens doués d’une bonne mémoire recevaient, comme stimulant, quelque vache de leur père au titre de récompense et de félicitation”.

Aux genres littéraires codifiés il faut évidemment ajouter l’éloquence judiciaire qui avait une grande importance à la cour.

“A lui seul, chaque mage formait une bibliothèque vivante. Une tête conservait des milliers de vers récités sans aucune défaillance, sans jamais substituer un mot à un autre… Les historiens brillaient dans des exploits plus incroyables. Ils contaient les récits soigneusement reçus qui formaient l’histoire officielle : c’étaient les raconteurs. Au-dessus d’eux les “forgerons de l’intelligence” apprenaient au peuple, dans les grandes occasions, à situer les événements dans le cadre de la tradition royale… Pour être agréés au corps officiel, ces “forgerons” devaient connaître une multitude de faits passés : guerres, négociations, famines, épizooties, tremblements de terre, apparitions de comètes. Ils savaient tout : le fait et son exégèse… De leur côté, de père en fils, les poètes se léguaient leur fonds familial. Les généalogistes récitaient sans ciller les parentés royales de dix-huit règnes…

 Une fois gravé dans l’esprit, le texte séculaire se maintenait intact grâce aux “académies de déclamation”. A dates régulières, les mages se réunissaient secrètement pour réciter la partie du texte dont ils assumaient la responsabilité. Ils se formaient en deux choeurs, ou en un choeur et une voix solo afin de faire mieux apparaître les défaillances. Ainsi contrôlaient-ils infailliblement la mémorisation…

Un jour arrivait où (le mage) présentait à sa place son enfant le plus doué. Le père avait patiemment gravé dans la jeune mémoire le dépôt qu’il avait reçu naguère. Après un récit public impeccable, l’enfant venait siéger au sein du collège à la place que lui assignait son texte”.

C.Rugamba a décrit le chemin que parcourait un jeune homme né dans une famille de poètes et destiné à reprendre l’activité paternelle. Durant toute son enfance il baignait dans ce qui faisait la spécificité de son lignage et intériorisait les procédés et procédures de la création et de la mémorisation poétiques. Il assistait aux exercices auxquels se livraient ses aînés et aux déclamations par lesquelles le patrimoine familial était transmis. Vers quinze ans il devait savoir rapporter les événements de manière adéquate, jouer avec les ambiguïtés du langage et avoir une connaissance détaillée de l’histoire : il pouvait alors commencer à se produire en dehors de sa famille. Si sa vocation se confirmait, il recevait à la cour même une formation spécialisée. Un jour il était admis à présenter sa première production, et si elle était réussie il recevait une vache. A partir de là il était rattaché directement au roi et ne dépendait plus de personne d’autre.

D.Murego a montré comment les poètes fonctionnarisés attachés à la dynastie avaient pour mission de mettre l’art au service d’un dessein politique et représentaient ainsi un service de propagande extrêmement efficace. L’analyse de contenu de leurs poèmes, tels qu’ils ont été publiés en particulier par A. Kagame, montre qu’il s’agissait pour eux de défendre le roi contre toute opposition, de dénoncer les complots, de vanter les grandeurs et les mérites de la monarchie, de rendre le roi intouchable en en faisant un mythe, de se faire les chantres d’une véritable mystique de la royauté et de justifier les droits propres aux Tutsi. Il fallait enfoncer dans les consciences jusqu’au bas de l’échelle sociale l’idée selon laquelle le roi se situait par- delà l’humanité commune et se trouvait au-delà de tout clivage social :

“Le roi que voici ne fait que ressembler aux hommes,

il leur est semblable par la peau, non par le coeur !”

proclamait un des poèmes. La poésie était destinée à susciter enthousiasme et ferveur ; elle était utilisée comme instrument de prestige, de propagande, de régulation sociale et de mystification du peuple. Le poète devenait un porte-parole, “un agent de contrôle social”, “une machine de mise en condition de l’opinion”. Son action sur les imaginations a été très efficace grâce à un “martelage intellectuel qui naît de la répétition, par la voix, des mêmes thèmes, voire des mêmes couplets”.

On peut donc parler d’un rôle pédagogique éminent du poète : mais l’éducation qu’il dispensait relevait essentiellement de l’endoctrinement. Lui-même était soumis à un strict contrôle : l’histoire rapporte des cas de poètes soumis à la torture ou tués pour avoir pris trop- de liberté ou adressé des reproches au roi ; elle montre aussi qu’en cas de conflit au sein du lignage dirigeant ils se rangeaient avec ferveur du côté du vainqueur. On peut comprendre par là que, dans son conformisme, cette poésie n’était plus capable d’innover et qu’elle se contentait d’imiter des modèles anciens pris pour nonnes, amplifiant les thèmes et les motifs existants.

Seuls les poètes nous apparaissent comme les pédagogues attitrés du peuple… Dépendant totalement du roi, ils ne disent au peuple que ce qui agrée au roi ; ils ne produisent et n’interprètent que dans un sens dirigé, ce qui veut dire qu’ils sont soumis à des contraintes, à la censure. Le roi a donc le monopole de la parole comme de l’espace, et il en règle la distribution“.

Autant le code dynastique était tenu secret, autant les poèmes à visée idéologique étaient clamés sur la place publique, car explicitement destinés au peuple. D. Murego montre subtilement que, malgré tout et sans le vouloir, ils reflétaient aussi la profonde insécurité de la population.

 L’école” des pages (itorero)

La formation familiale du jeune aristocrate était complétée d’habitude par des temps de service à la cour du roi ou des grands chefs, auprès des gardes du roi ou de la reine-mère, dans les milices, et surtout dans les écoles de pages. Certains “camps” de formation auraient admis des jeunes des trois “ethnies”, sans pour autant les mélanger. Selon leurs capacités et leur rang statutaire, ils étaient affectés au service soit des troupeaux, soit des maisons. Ils pouvaient ainsi amasser au moins en partie les avoirs nécessaires à leur future “dot”. “Les pages bahutu étaient réputés pour leur efficacité et leur nationalisme farouche”.

Le cas des ntore (“les choisis”, “les sélectionnés”) était spécial. Ils étaient retenus selon des critères physiques : stature, formes du nez, de la tête, du front, etc. Ces “pages” ou “cadets” étaient recrutés à partir de douze ans environ et restaient sous les armes jusqu’au mariage qui, en général, n’intervenait que tardivement ; puis ils constituaient une année de réserve. Ils étaient placés sous la direction d’un fonctionnaire, le “chef de la résidence du roi”, et répartis en groupes aux noms ronflants : les Victorieux, les Dominateurs, Ceux qui découragent l’adversaire, Ceux qui rivalisent d’efforts, Ceux qui sont avides de combattre, Ceux qui n’ont pas peur des ronces. Il était normal qu’un inférieur donnât ainsi ses fils à un supérieur. Mais cela permettait aussi au jeune de nouer des relations utiles à. sa promotion et de se familiariser avec des moeurs plus raffinées ; quant à sa famille, cela lui servait à avoir un ambassadeur en haut lieu.

Comme l’a souligné J. Maquet, il s’agissait avec cette “école” d’une institution capitale pour la perpétuation de l’identité de caste et la préservation de l’esprit de groupe dans la haute société. On y dispensait une éducation à la fois formelle, informelle et pratique qui avait pour but explicite de faire en sorte que ceux qui avaient passé par elle se distinguent nettement des autres.

La formation des pages était axée en premier lieu sur les arts martiaux, les techniques et les valeurs afférentes : maniement des armes, danses guerrières, sports traditionnels. En second lieu venait la formation au commandement, à la gestion des chefferies, à l’exercice de l’autorité. Enfin, en troisième lieu, au plan culturel, il s’agissait d’introduire les jeunes gens aux moeurs élégantes et cyniques de l’aristocratie, aux valeurs fondamentales liées au statut de noble et à tout ce qui faisait la supériorité de celui-ci par rapport à l’homme du peuple.

Les entraînements militaires avaient généralement lieu sur un terrain inhabité, entre les flancs de deux collines. Ils comportaient le tir à la cible (un tronc de bananier), le jet à distance des lances et des flèches, la course, le saut en hauteur, la lutte corps à corps, le maniement des armes de proximité, etc. Les concurrents lançaient leurs projectiles deux par deux et allaient voir ensuite qui l’avait emporté. On apprenait à se placer en ordre de combat et on se livrait à des chasses parfois dangereuses, comme celle du léopard. On entreprenait aussi de petites expéditions guerrières pour tester la valeur des combattants. Le duc de Mecklenburg a signalé des performances stupéfiantes qui dépassaient largement les records sportifs de l’époque en Europe. On exaltait les valeurs de courage, d’endurance, de sang-froid et de maîtrise de soi. H fallait par une véritable ascèse corporelle s’entraîner à supporter virilement la douleur, la faim et la soif, le malheur physique ou moral.

Plusieurs heures pouvaient être consacrées chaque jour aux danses. Elles n’étaient pas rythmées par le son d’instruments. Les jeunes réagissaient à des commandements, piétinaient le sol, sonnailles aux pieds, revêtus d’accoutrement spéciaux particulièrement recherchés. Ils étaient répartis en groupes de 40 à 50 qui se distinguaient par leurs parements. D’après A. Coupez et Th. Kamanzi, les débutants apprenaient, le matin et l’après-midi, trois sortes de danses, les plus anciennes du pays : celle de la lance, celle de l’arc et celle du bouclier. Contrairement aux danses nouvelles importées du Burundi sous le règne de Rwabugiri, ces chorégraphies antiques mettaient en scène un seul homme, que deux autres suivaient en l’encourageant du geste et de la voix. A tour de rôle, chaque danseur procédait au simulacre d’un combat avec les trois armes.

La gestuelle des garçons avait un “caractère libre, éclatant, spontané et comme inappris” (Chalux, cité par Pauwels). Ils se positionnaient en général en deux rangées de 15 à. 20. Ils bondissaient, la tête rejetée en arrière, le menton haut, le poitrail bombé, le buste penché en avant, la bouche ouverte et les dents serrées. Les retournements étaient opérés d’un coup de reins. La perfection dans l’exécution individuelle et les évolutions d’ensemble, les mouvements rythmiques et les ondulations des muscles, était l’aboutissement de très longs entraînements et de règles très précises.

A côté des danses guerrières, les plus significatives, il y avait encore d’autres genres, dont les thèmes majeurs étaient la vache et la dynastie, ou qui étaient fondés sur l’imitation des comportements animaux. Les plus beaux jeunes gens présents à la cour royale étaient appelés à participer à des troupes concurrentes aux costumes étincelants. Des Batwa faisaient fonction de maîtres de ballet. “Danse, poésie, histoire, jouaient dans l’Etat un rôle très précis, lié comme toujours au politique et au sacré”. Des concours étaient organisés entre troupes différentes.

A travers ces pratiques chorégraphiques on visait certes le délassement, mais aussi la concentration, l’affirmation de soi, le goût de la perfection, l’harmonie des postures et des mouvements. Elles servaient à exalter un certain modèle de corporéité fait de sveltesse, d’endurance et d’agilité. Les danses individuelles mettaient en valeur les personnalités, alors que les danses collectives exaltaient la force du groupe et l’effacement des individus en sa faveur. Pour maintenir un corps élancé on administrait de fréquents purgatifs.

Pour les cadets les plus avancés, la matinée était consacrée à. l’apprentissage de la poésie guerrière et des défis guerriers, les deux allant de pair et visant “à exalter sa propre valeur” :

“La première se récite debout, les seconds sont des textes en prose que l’on prononce accroupi avec un genou en terre. Ils comportent l’un et l’autre des exigences strictes de fond et de forme, mais c’est évidemment la poésie qui exige l’étude la plus ardue. Comme tout le monde ne naît pas poète, les débutants commencent par apprendre par coeur des morceaux composés pour eux par des spécialistes, quitte à en faire eux-mêmes plus tard. Quant au fond, il s’agit surtout, dans les deux genres, d’éviter de se ridiculiser en se prévalant d’une action qui n’est pas méritoire. La maîtrise en cette matière est indispensable à tout gentilhomme rwanda qui veut participer à une assemblée aristocratique devisant autour d’une cruche de bière, a fortiori à un futur guerrier qui devra passer de la fiction à la réalité” .

 On s’entraînait aussi à lancer des défis symbolisant l’ardeur combative. En effet, à la veille d’engagements militaires, le roi convoquait les guerriers et offrait la “boisson des défis” :

“(Il) leur expose le but de son entreprise et, faisant appel à leur amour-propre, leur dit : “Que celui qui se croit capable de tuer avant les autres l’ennemi proche, se lève et vienne boire de cette boisson !” Et chacun à son tour se lève, déclame ses hauts faits, parie sur sa vie et ses biens qu’avant un tel ou avant tous les autres il tuera l’ennemi proche, et l’on dit alors : “Un tel a défié un tel”.

Le soir venu, tout le monde était appelé à participer à la veillée chez le roi, la reine-mère ou un chef de province, en compagnie de tous les grands du royaume. A l’exception de ceux qui étaient de garde auprès du monarque, les pages pouvaient se retirer quand ils étaient pris de sommeil, mais seulement après en avoir demandé l’autorisation. Ces soirées souvent brillantes étaient encore des occasions de choix pour les familiariser avec la poésie, l’éloquence et le beau langage. On les faisait aussi assister aux grands procès et à certaines réceptions et palabres afin de les sensibiliser aux arcanes du droit et de la diplomatie.

Les jeunes participaient aux sacrifices, aux diverses manifestations du culte des ancêtres et aux rites de la cour. La croyance en ImanaDieu était certes sous-jacente en tout, mais la formation en elle-même ignorait toute instruction religieuse, et les valeurs morales n’étaient en rien liées à la religion.

Coupez et Th. Kamanzi ont décrit en détail la pédagogie utilisée en vue de la composition des auto-panégyriques. Le maître habituait les cadets à construire leur éloge en leur imposant pour chaque exercice un des trois thèmes consacrés – arc, lance et bouclier – sur lequel ils devaient baser leurs figures. Ceux qui atteignaient la maîtrise à ce premier niveau se composaient lm morceau personnel auquel désormais ils s’identifiaient et dont un extrait, de préférence les premiers mots, valait leur nom et pouvait éventuellement remplacer celui-ci. Les autres demandaient l’aide d’un spécialiste. Il fallait s’habituer à parler très vite, sans hésitation, avec une diction adéquate si l’on ne voulait pas endurer les moqueries de ses compagnons. Comme les actions évoquées n’étaient encore qu’imaginaires, les éloges reflétaient les goûts, le tempérament, les idéaux et les rêves d’un chacun. Ainsi se prévalaient-ils, par exemple, de discipline, de fraternité, de fidélité. A l’entraînement ils s’en servaient pour s’encourager mutuellement.

Bien entendu, ces essais tâtonnants n’étaient que simples préfigurations des poèmes et défis qu’ils étaient appelés à réciter une fois devenus de vrais guerriers. A l’occasion des exploits dont s’illustrait leur carrière, ils les retouchaient et annonçaient les prouesses qu’ils s’engageaient encore à réaliser. Ils clamaient leurs éloges en des circonstances solennelles : au combat, sur le cadavre d’un ennemi, lors des veillées d’armes qui précédaient ou suivaient les batailles, au cours de danses guerrières, ou pour exprimer leur reconnaissance à un bienfaiteur.

Ces apologies se récitaient de manière légèrement différente de celle décrite précédemment au Burundi : l’intéressé se tenait debout, les bras levés, brandissant sa lance et hurlant à pleins poumons, comme pour impressionner un ennemi. Précipitant lé débit à un rythme endiablé, il s’efforçait d’émettre le plus de syllabes possible en une seule expiration, sans tenir compte de la délimitation normale des phrases. L’intonation descendante du kinyarwanda obligeait à partir d’un registre très haut pour atteindre, avec la limite du souffle, celle de l’abaissement du son ; après une courte ii-a-use on- repartait pour un nouvel élan respiratoire. Les conventions du genre autorisaient les auteurs à se vanter sans réserve d’exploits réels ou fictifs, à exalter leur vaillance avec toute l’exagération que leur imagination les portait à déployer, secondée par des procédés stéréotypés: on mentionnait ses exploits passés et ceux qu’on rêvait d’accomplir ; on vantait sa propre prestance et sa force ; on se comparait avantageusement aux animaux sauvages les plus belliqueux. Chacun cherchait à surpasser en paroles ses compagnons d’armes. Souvent les jeunes guerriers se référaient de manière purement allusive à un événement qu’ils étaient seuls à connaître, ce qui rendait difficile l’interprétation du poème.

A côté de ces éloges, les pages s’exerçaient aussi à des discussions et à des controverses, d’ordre juridique par exemple, afin d’arriver là encore à une parfaite maîtrise de la parole.

La pédagogie en usage était essentiellement fondée sur le respect et l’obéissance dus aux supérieurs, ce qui induisait de nombreuses règles de comportement: ne jamais prendre la place du chef, ne jamais lui tourner le dos, ne pas s’en approcher de trop près, ne pas entrer à l’improviste dans sa hutte, ne pas s’asseoir sur son lit, ne pas l’appeler par son nom, ne pas lui tendre la main en premier, ne pas le regarder en face, mais détourner le regard, le laisser parler en premier, toujours se montrer prêt à servir, modeste, soigneux, propre, d’une tenue irréprochable. Les manquements à la discipline étaient punis de coups de bâton. Ces règles ne conduisaient cependant pas à des relations de type caporaliste : on mettait les jeunes gens en valeur, on se montrait poli à leur égard, on les saluait, on leur témoignait de l’attention, on leur adressait des louanges. La fréquentation assidue des aînés fournissait des modèles d’hommes accomplis qu’il suffisait d’imiter.

Autre pilier pédagogique : la maîtrise de soi. La règle était de toujours se montrer calme, de ne jamais extérioriser ni souffrance, ni plaisir, ni peur, ni tristesse, ni joie, ni surprise ou étonnement. Le rire devait être réprimé, au besoin en cachant la bouche de la main. On entraînait les jeunes en se moquant d’eux, à quoi ils ne devaient pas réagir. On se plaisait “à piquer autrui, surtout en jouant sur les mots dont il s’est servi”.

“Il y avait dans les compagnies d’intoreun entraînement pratique à la maîtrise de soi. Par des moqueries et des plaisanteries, les camarades des jeunes Tutsi aussi bien que des adultes essayaient de les mettre en colère, et s’ils réagissaient émotionnellement, ils étaient punis par d’autres moqueries. Ainsi finalement étaient-ils capables de rester apparemment calmes et polis en des circonstances qui auraient suscité des réactions plus violentes de la part d’individus non entraînés aussi soigneusement”.

On cultivait intensivement l’art de la simulation, du faire semblant, du double langage et de l’ironie. L’émulation et la concurrence entre individus et entre groupes était méthodiquement favorisée. Le mugabo, l’homme complet, devait pouvoir affronter n’importe quelle situation avec sang-froid, habileté et souplesse.

Sans être programmée de manière systématique, mais au travers de mille occasions, une instruction à la fois théorique et pratique était dispensée concernant la géographie du pays, l’histoire idéologique de la royauté, les généalogies, la conscience civique et nationale, la rhétorique de la palabre et des procès, le maniement de la parole, les règles spécifiques qui selon l’éloquence rwanda régissaient les discours, les joutes oratoires et les plaidoyers judiciaires. Le fait de vivre en commun avec des jeunes venant d’autres clans et d’autres régions ouvrait l’esprit sur la réalité nationale dans toute sa diversité. Dans une des autobiographies recueillies par H. Codere il est raconté comment le groupe des ntore se déplaçait à travers le pays pour des manoeuvres militaires et des séjours prolongés, ce qui permettait aux jeunes de connaître les différentes régions et d’y nouer des liens.

L’éducation esthétique consistait à favoriser les belles manières, la noblesse du port, l’harmonie des gestes, le beau langage, la composition littéraire, la poésie, la danse, le respect scrupuleux de l’étiquette de la cour. Les valeurs telles la fidélité, la générosité, le sens des responsabilités étaient cultivées autant pour leur beauté que pour leur portée proprement morale. Si la référence à des modèles anciens était prédominante et donnait lieu à une certaine stéréotypie des comportements et des expressions, il y avait aussi une évidente ouverture à des modes nouvelles. La manière dont s’est implantée en 1900 la première école de type moderne réservée aux jeunes nobles à la cour de Nyanza est significative sous ce rapport.

Les cadets étaient nourris, vêtus et logés à proximité de la cour aux frais de leurs parents. Les mieux nantis disposaient d’une suite de serviteurs, de concubines et de vaches (jusqu’à vingt !) pour couvrir leurs besoins. Mais tous les parents n’étaient pas également fortunés et le nécessaire n’arrivait pas toujours à temps. Quand le fonctionnaire chargé de surveiller la vie matérielle des pages (leurs logements, leur propreté, leur alimentation) s’apercevait que l’un d’eux souffrait de la faim, il envoyait un garde prendre de force quelques vaches à son père et lui faire payer une amende .

Pour les danses publiques, les ntore recevaient une tenue officielle gardée par le chef instructeur et comprenant : un petit pagne en peau de serval, de singe ou de veau porté autour des reins et orné de dessins et de franges en peau de loutre ; une coiffure en forme de panache blanc en fibres de bananier ou en poils de colobe qu’on agitait à la manière d’une crinière pour imiter le lion ; des perles, des bandelettes, des amulettes et des coquillages ornant le buste ; une corne d’antilope portée sur la poitrine ; un arc, une lance et un bouclier de parade tenus à la main ; des anneaux de perles portés en bandoulière ; des bracelets de grelots attachés aux chevilles pour marquer le rythme.

Maquet a défini  les trois composantes majeures de l’idéal tutsi qu’on essayait d’inculquer aux cadets :

ubutware, le courage militaire, essentiel pour un groupe de conquérants ; ubugabo, la qualité d’être un homme véritable (mugabo):

“Cela comprenait la fidélité à ses promesses, la générosité dans le traitement de ses amis, la libéralité vis-à-vis des pauvres, le courage moral d’accepter ses responsabilités. Dans une société où les relations d’infériorité et de supériorité étaient avant tout personnelles, en ce sens que l’autorité était rarement abstraite (une loi, un principe), mais s’identifiait généralement avec une personne (chef, roi, seigneur, etc.), ou insistait sur la fidélité dans les relations interpersonnelles.” – enfin itonde, la maîtrise de soi.

“Perdre le contrôle de soi-même, manifester des émotions violentes, était honteux. La colère particulièrement ne pouvait être exprimée avec violence. Le comportement d’un Tutsi devait toujours être digne, poli, aimable et légèrement méprisant. On considérait comme allant de soi qu’il n’y avait que des personnes vulgaires qui manifestaient ouvertement leurs émotions. Les Hutu n’étaient pas très maîtres d’eux-mêmes et étaient fortement impressionnés par la dignité extérieure des Tutsi.”

“Pour un Européen, il restera toujours impossible de décrire de l’extérieur l’esprit de cette éducation à laquelle le Roi tenait tant. Une analyse logique de son programme n’explique pas l’emprise extraordinaire qu’elle exerçait sur les jeunes âmes africaines. Elle créait l’ubupfura, c’est-à-dire un style de chevalerie intraduisible, assez proche d’une hidalguia espagnole repensée par des samouraï. Actuellement encore, personne ne résiste à un charme alliant chez des Géants tant de contraires. Impassibilité hautaine, maîtrise de soi-même, secret sur les desseins réels, subtilité infinie de l’obligeance, enserrent en des mailles soyeuses l’esprit de tout interlocuteur. Dans l’immobilité du visage qui parle transparaît un sourire délicieux. Toutefois, une impression étrange y affleure toujours : celle d’un mélange de fidélité méditée, mais aussi l’imminence possible de volte-face foudroyantes et brisantes. Une telle n’arise n’est pas donnée par des éducateurs médiocres. Elle exige de l’enfant une domination absolue de soi et un idéal humain élevé. Dans un pays où la noblesse de sang reste si honorée, la formation représente en réalité le tout de l’homme. Un adage venant du peuple le proclame : “L’éducation l’emporte sur la naissance”.

Une fois la formation achevée, les cadets pouvaient être envoyés dans des camps de frontière, soit pour répondre à des attaques ennemies, soit pour harceler les populations voisines et se couvrir de gloire.

“Ainsi se déroulait la vie des pages. La discipline était stricte, la moindre incartade était punie à coups de bâton. De religion, il n’était pas question. Parfois nos parents envoyaient un serviteur pour recueillir un peu de notre salive, ce qui leur permettait de consulter les sorciers à notre sujet. Personnellement, nous n’en avions cure. Le page ne s’intéresse à rien de ce qui se passe en dehors de sa sphère. Pour désigner un homme adulte qui néglige ses affaires et vit “dans la lune”, on dit “il est toujours resté page”… Insouciante, telle était aussi mon existence. J’avais une hutte à moi où j’étais servi par cinq serviteurs que mon père m’avait donnés avec cinq vaches laitières. Je ne manquais de rien”.

Les écoles de pages” représentaient donc un cas d’éducation hautement formalisée tel qu’on n’en trouvait que rarement dans l’ancienne Afrique subsaharienne. Elles étaient représentatives de l’esprit qui régnait dans la classe tutsi en sa composante la plus prestigieuse, celle qui avait la plus forte emprise sur le reste de la société et qui entendait non seulement la maintenir, mais aussi la renforcer.