{:fr}ATROPHIE INFANTILE

Cette maladie, soi-disant héréditaire et contagieuse de la façon que nous allons décrire, est très commune chez les habitants de la région du Bugoyi, qui l’ont reçue des gens du Buhima. Peu à peu, elle s’est répandue parmi les riverains du lac Kivu, pour continuer à descendre dans les provinces du Nyantango et du Bufundu. Elle est moins connue à l’intérieur du pays, semble-t-il. Elle peut survenir dès la première semaine de la vie — encore que l’on en tienne la chose secrète, — elle est rare après la première année. Rien d’étonnant, dirons-nous en passant, que Vuruhima ou atrophie infantile soit fréquente au Ruanda ; une femme, même bonne nourrice, croit devoir gaver son nourrisson de lait de vache entier ou de lait caillé. L’apport d’albumine et de graisse provoque maintes digestions pénibles.

On reconnaît Vuruhima à ceci : l’enfant se contorsionne ; les veines du ventre, parfois même celles de la face, quoique n’augmentant pas de volume, apparaissent fortement gonflées d’un sang foncé. Elles sont dites imiranga.

Les selles contiennent des imirandaryi, filaments semblables à du mauvais lait caillé, à odeur de fromage pourri. L’enfant crie souvent, vomit parfois et n’a pastendance, comme les bien-portants, à fermer les poings, à recroqueviller les jambes, à gigoter. La maigreur survient, si l’on n’intervient pas tout de suite, dit-on.

La maladie est héréditaire. Si l’un des parents a été atteint, père ou mère, il se peut que l’enfant hérite de Vuruhima, alors qu’un autre est indemne, ceci indépendamment des caractères physiques présentés. L‘uruhimaest contagieux ; on verra comment.

Traitement : 1) au moyen de remèdes appropriés qui ont le désavantage de coûter cher ; aussi a-t-on recours au 2) procédé barbare, radical et à meilleur marché : c’est le gucha uruhima, ce qui signifie couper ou trancher Vuruhima.

Le père, portant les ibyeru, s’en va quérir le spécialiste. Disons que les ibyeru consistent en de petits cadeaux en nature que l’on fait habituellement à ceux qui délivrent les amulettes enfantines, à celui qui sait pratiquer l’opération du gucha uruhima, etc. On offre une petite corbeille remplie de haricots, de pois, de sorgho ;

ces produits sont toujours recouverts d’une couche de farine de sorgho, d’où le sens étymologique du terme ibyeru, les choses blanches ou pures.

L’opérateur, si c’est un homme, devra se garder de tout rapport avec sa femme légitime les jours suivant l’intervention, sinon il pourrait la contaminer, non pas qu’elle en souffrirait elle-même, mais bien sa progéniture future. Pour cette raison, une jeune femme ne pourra pratiquer l’opération, à moins d’avoir eu, elle aussi, la maladie.

L’enfant est étendu sur deux feuilles de bananier bien intactes, car le sang ne peut se répandre dans la maison ou dans la cour ; les membres sont fermement maintenus. Au moyen d’un couteau bien effilé tenu de la main droite, on fait de rapides et multiples incisions sur la peau soulevée de place en place par la main gauche.

Le ventre, les flancs, le dos, la poitrine, sauf la colonne vertébrale, en sont recouverts. Comme on craint que le mal ne se cache (rurihisha \), on fait aussi des incisions aux jointures, à savoir : deux à chaque poignet, deux à chaque coude, quatre aux genoux, deux à chaque malléole. Par surcroît de précautions, on peut en ajouter au-dessus de la vessie, aux tempes, à la nuque et au front. Le sang coule abondamment. Puis l’enfant est lavé au moyen d’une infusion de la plante ikigembegembe; on lui en verse un peu dans la bouche. Enfin, on l’enduit de beurre frais et on lui enfile en bandoulière un collier fragile fait de deux bouts de tige de la plante précitée. Lors de la chute de ce collier, on se contente de le ramasser et de le cacher soigneusement. On assure qu’ainsi « traité », le nourrisson guérit promptement, le mal

étant évacué avec le sang.

Chez les montagnards de la contrée du Bufundu, on emporte le petit à la croisée des chemins = mu mayira abiri, à l’aube. On laisse sur place un morceau de la feuille de bananier recouvert de sang : le premier passant

emportera avec lui uruhima. Ailleurs, l’opération se fait à la maison ; les feuilles qui ont servi sont jetées

aux carrefours fréquentés.

Un vieux sorcier, conscient de tous les traquenards qui guettent le voyageur mu mayira abiri, conseille de mâchonner souvent des racines d’idôma, préservatrices de toutes souillures. La poudre de racine de l’asclépiadiacée mukuru possède les mêmes vertus.

Un guérisseur de Yuruhima emploie la médecine â’ikigembegembe à chaud, feuilles cuites. On y trempe le doigt et on humecte la bouche de l’enfant avant chaque tétée ou avant toute absorption de lait de vache. Prise de cette façon, la plante agit merveilleusement, mais lentement ; elle évite le gucha uruhima, dit-on, mais on préfère le procédé plus expéditif dans lequel on a

une confiance illimitée.

On entend dire que les enfants atteints de uruhima et qu’on tarde à traiter sont des candidats à Yingonga ou athrepsie. Remarque judicieuse, car la forme la plus avancée de l’atrophie infantile, c’est l’athrepsie. Les

deux maladies sont parfois confondues, notamment dans la province du Nyakare.

AUTOPSIE

Les Ruandanais (Rwandais ndlr) pratiquent l’examen du cadavre de celui qui a été emporté par l’ascite et par la tuberculose pulmonaire, mais dans ce dernier cas, c’est vers le foie que se porte l’attention. Dans le plus grand secret, l’organe est enlevé, dûment embroché et mis à sécher au plus profond de la hutte.

Mais l’esprit du mutilé n’est pas content, il ne cessera de harceler ses proches tant que le mal n’aura été communiqué à d’autres ; cela se dit kurogesha igituntu. On agit de la manière suivante.

Quelques parcelles de foie desséché sont pulvérisées ; un peu de poudre est mélangée aux aliments, surtout à la bière que vont boire ceux auxquels on veut nuire. On croit ainsi protéger la famille des atteintes de la terrible maladie. Les indigènes sont convaincus que la contamination reste possible, même après dessication extrême du viscère.

Enfin, les Ruandanais n’hésitent pas à recourir à l’opération césarienne chez la femme décédée dans la seconde partie de la grossesse, même si une maladie connue a causé la mort. A fortiori, si la femme est victime d’un accouchement dystocique, s’empressent-ils de faire une laparotomie pour libérer le foetus.

Une sentence au Ruanda dit :

Nta uta akanyaga atagahambuye Personne n ’abandonne la plus petite gerbe sans l ’avoir déliée.

Nous remarquons là une allusion très nette aux « corps étrangers » et nuisibles, tel un foetus mort, un foie qui d’après eux est le siège de la T. P., ou bien un liquide venimeux comme l’ascite, lesquels doivent être séparés

des corps, sous peine de les voir réapparaître chez les membres d’une même famille pour y causer semblables accidents, à l’intervention des mânes ou esprits des défunts. En libérant la cause du mal, on opère une rupture.

L’opérateur que le geste a rendu impur, devra se rendre chez le purificateur qui lui fera absorber un breuvage spécial isubyo qui « chassera » la souillure. Cela lui est indispensable pour reprendre la vie normale.

L’instrument qui a servi à l’opération est devenu maléfique ; il est jeté dans un lieu écarté.

Note . Le cadavre de la femme décédée en état de grossesse visible doit être libéré du foetus, sinon son « ombre » = umuzimu reviendrait gutera, c’est-à-dire tourmenter, chercher misère aux autres femmes du mari, ainsi qu’à ses belles-soeurs, lesquelles mourraient d’un accident semblable. On ne redoute pas que la défunte revienne pour tuer son mari. Quant au foetus, il ne nuirait pas à ses frères et soeurs s’il s’en trouve.

Une autre version assure qu’on doit libérer le foetus, car il est indispensable d’en déterminer le sexe. On sait que la consultation des osselets révèle la qualité de l’esprit qui réclame une offrande propitiatoire.

AVORTEMENT

S’il se produit dans les premiers mois de la grossesse, on croit généralement que le cordon ombilical s’est rompu. Le placenta sort, mais le foetus reste. La conviction est tenace.

Les augures sont consultés. Entre-temps, la femme boit pendant deux jours de suite du jus de la plante « qui retire de l’abîme » ou nkurimwonga. On pense que le placenta ne tardera pas à se reformer. Dans ce cas, on recommande à la femme de porter une ceinture supplémentaire faite de lanières de livrée de léopard.

Dans la seconde partie de la grossesse, une simple menace d’avortement n’inquiète pas outre mesure ; il en est autrement quand se produit une perte de sang qui s’exprime par « la grossesse puise » = inda ivoma. Vivement, un homme, mari ou autre, se saisit d’un glaive et va se livrer aux mystères du culte des Imandwa pour invoquer les esprits supérieurs. Il emporte une écuelle neuve remplie d’eau qui a passé la nuit dans l’atmosphère sympathique de la hutte ; il la dépose au pied d’une plante repérée à l’avance, puis il se dévêt pour donner plus de force à ses paroles.

Son invocation aux dieux terminée, il abaisse une branche, froisse les feuilles au-dessus de l’écuelle. Il est très important que la branche ne soit pas coupée, ni les feuilles arrachées.

Tandis qu’il lâche la branche qui se détend brusquement, l’homme s’écrie :

Nshibuye umusonga ! Je lâche la douleur !

Après quoi il emporte l’écuelle à la maison. Là, un enfant isugi la tient en mains. L’homme prend une lance et la pique à l’envers dans le chaume de l’auvent qui couvre l’entrée de la hutte ; l’arme restera fichée en oblique.

La femme est assise bouche grande ouverte. Un van à nettoyer le grain la dissimule aux regards. L’enfant verse un peu d’eau sur la lame de la lance d’où elle tombe dans la bouche de la souffrante. Le restant est répandu

sur sa tête et son ventre.

L’enfant n’a pu voir la femme, du reste elle lui tourne le dos derrière l’écran. Prestement, il s’esquive en annonçant

:Ichumu rikurwa n’irindi ! Une lance en enlève une autre ! C’est là une allusion très nette aux « élancements » ressentis par la femme.

Il y a des cas spéciaux ou reconnus tels par les indigènes. Par exemple, «la grossesse à la pierre» = inda y’urutare. Le foetus peut aller s’installer dans le dos et disparaître inda yakongoye. Quoique disparue, cette grossesse peut reprendre son cours, mais il faut aviser le médecin purificateur.

Enfin, la fausse grossesse dénommée ifumbi comme toute maladie indéterminée, sera traitée au jus de la plante umutarishonga ; on l’administre mélangée à la nourriture.

BABEURRE

Les habitants de la région du Nyakare l’emploient pour guérir l’athrepsie, mais pour qu’il soit efficace, ce babeurre doit provenir d’une vache du pays voisin,

c’est-à-dire de l’Urundi, attendu que c’est de là que la maladie aurait été importée au Ruanda.

En forêt d’altitude, on s’en sert contre les morsures de la vipère Atheris nischei. Au Bwishaza, dans le même cas, on s’empresse d’aller chercher du babeurre chez les Abashi, habitants de l’île Ijwi. C’est donc le babeurre étranger qui convient.

Un peu partout, la médecine vétérinaire y a recours, notamment contre la gale des veaux ibihushi.

BÂILLEMENT (PRÉSAGE DE MALADIE)

Si quelqu’un bâille plus que de coutume, on croit qu’il sera bientôt malade.

 BALAYAGE (MESURE D’HYGIÈNE)

Tel qu’il est pratiqué chez les gens du Ruanda, il risque fort de rejeter en l’air les particules dangereuses, car on n’arrose guère, pour ne pas dire jamais !

Dans la cour, on trouve toujours des cendres à l’endroit appelé mu gichyaniro, là où l’on fait le feu pour le bétail. Jadis, on ne les enlevait pas, cela aurait entraîné la disparition des bêtes. Actuellement, on emploie les cendres pour la fumure, mais on ne les mélange pas à d’autres engrais du compost ; on en conserve une partie dans l’enclos — cette partie valant pour le tout, pour la raison citée.

C’est à une personne du sexe féminin qu’incombe le soin de balayer l’enclos. Il lui est défendu de le faire en présence des bêtes qui se considéreraient comme « balayées » elles aussi ; tout le troupeau ne manquerait pas de péricliter. On prend soin d’enlever le balai avant la rentrée du bétail.

BALLONNEMENT

Il est généralement attribué à la présence de vers intestinaux. On donne aux enfants un peu de latex de l’euphorbe umukoni, dans un peu de lait trait à l’instant même. On peut employer modérément d’autres plantes comme vermifuges, tels Yumubirizi et Yumwenya.

Si l’on suppose que l’enfant a été envoûté au moyen d’une vipère appelée impiri (x), on tue un serpent semblable ; après trois jours, on lui coupe la tête pour

la faire porter à l’enfant sur son ventre.

BARBE (CHEZ LA FEMME)

Une femme qui s’en verrait ornée ferait la honte de son mari, lequel serait dès lors autorisé à demander le divorce. Dans le même ordre d’idée, celle dont les cheveux descendraient quelque peu au milieu du front, serait susceptible d’attirer la mort sur son mari ou son premier né.

On appelle ces cheveux umukîko ou crête. On ajoute aussi qu’une femme présentant un chiloïde transversal entre les seins aurait le même funeste pouvoir. Les jeunes filles ont l’habitude de s’enduire le front et les tempes de terre rouge de termitière ; c’est là un dépilatoire remarquable.

BÉGAIEMENT

Quand un enfant semble être atteint de ce trouble de la parole, on croit que la longueur du frein de la langue ne s’adapte plus à l’étendue des mouvements et l’on n’hésite pas à en conseiller la section.

BEURRE

Cet ingrédient est très employé en pharmacopée indigène, surtout comme excipient ; vieux de plus d’un an et épaissi, il a la préférence.

A signaler qu’il est de coutume, lors d’un décès, d’enlever précipitamment le pot à beurre itchwende (icwende ndlr) et de le déposer en dehors de l’enclos. Les funérailles étant accomplies aussi rapidement que possible, après le transport du corps, il est convenu qu’on peut rapporter l’ustensile et en utiliser le contenu. Sans cette précaution, on courrait le risque de contracter la maladie de la peau = amahumane, due à la souillure de la mort.

Notons que ce qui est vrai pour le beurre l’est aussi pour tout ce qui est consommable ; mets déjà cuits, miel, lait, eau, et les marmites servant à la cuisson de la nourriture se tiennent compagnie dehors, aussi longtemps que le défunt est dans la hutte. On n’aime pas conserver le beurre en question au-delà de la cérémonie de la levée du deuil ; la durée de ce dernier n’excède pas deux mois en général.

BÉZOARD

Les Ruandais attribuent des propriétés merveilleuses à cette concrétion pierreuse qu’on trouve dans l’intestin des vaches, des veaux et des chèvres, par exemple d’empêcher le pian tertiaire, la malaria, etc.

D’autre part, lorsqu’ils soupçonnent sa présence chez une bête, ils traitent cette dernière au moyen d’une plante qui porte le même nom que la concrétion umuruku (Tephrosia Vogelii).

BLENNORRHAGIE

L’étiologie de cette maladie est bien connue des Noirs. Le même terme imitezi désigne également la blépharite que l’on croit lui être due.

Traitement. Folioles ou racines d‘umukararambwe, avec feuilles de bugangabukari cuites avec racines d’urticacée igisura : ajouter une baie de solanée umutobotobo. Veiller à cueillir une baie qui présente cette particularité, celle d’être unique ikinege sur la branche, ceci afin que le malade soit guéri en une seule fois. Bien cuire le tout et employer le liquide en lavement. Ou bien: racines d‘umutanga (Cogniauxia), broyer,

tremper une heure dans l’eau froide, presser, extraire le jus qui sera mélangé à une calebasse de bière de bananes ; en boire deux tasses par jour. A cette cucurbitacée on peut ajouter le jus de feuilles de Cucumis = umushishiro et donner en lavement.

Ou bien : racines d’ortie igisura cuites avec feuilles d’umuhokoro (drastique) ; après cuisson, ajouter du latex de l’euphorbiacée umukoni et avaler avec une bouillie chaude.

Ou bien : quelques gouttes de latex de l’euphorbe candélabre ikiàuha à prendre dans une bouillie de sorgho.

Ou bien : cuire une baie à’umurembe ou karemba, avec feuilles d’umususa ; emploi du liquide chaud pour lavage des parties contaminées, à l’aide d’un tronçon de chalumeau provenant d’une tige creuse d’ortie. On peut remplacer ce liquide par une décoction d’ubushohêraet d’idôma, également en lavage.

Ou bien : employer le Rumex = umufumbageshi. Prélever une grosse racine et la broyer au mortier, ajouter au jus un peu de farine d’éleusine et préparer une bouillie légère à boire chaude.

Ou bien encore du jus d‘umutanga allongé d’urine de vache, pris en boisson : provoque de la diarrhée et soulage les douleurs lombaires chez l’homme.

Au coucher du soleil, porter sur la cuisse un pancréas de vache, ou un os de squelette de Pygmée.

BLÉPHARITE

Les Ruandais ne voient pas d’autre cause prédisposante que la blennorrhagie, soit que l’inflammation résulte de la maladie contractée par l’individu lui-même, soit qu’elle provienne de ses parents.

Comme traitement, on n’essaie pas grand-chose : bain de vapeur à base de momordique ; le soir, onction au vieux beurre rance âgé de plus d’un an.

 BORGNE

Pour remédier à l’infirmité, on essaie les pointes de feu et le suc du laiteron rurira.Porter, au-dessus de l’oeil malade, une amulette faite d’une capsule rougeâtre d’érythrine corail.

BOSSE SANGUINE

Se traite par fomentations d’eau chaude simplement.

BOUILLIES

L’igikoma est une bouillie très légère composée de grains moulus (les farines ne sont jamais tamisées), de maïs, de sorgho et d’éleusine, parfois d’un mélange de ces deux derniers. Cette bouillie peut être préparée avec

des grains fermentés, elle occupe alors une place dans l’alimentation ; toutefois, les enfants âgés de moins de deux ans n’en reçoivent généralement pas ; on craint un dérangement intestinal avec diarrhée.

La bouillie faite avec des grains non fermentés ou impengeri est réservée aux accouchées et aux convalescents.

On sait que ces bouillies ne sont jamais à base de lait, attendu qu’on doit les faire passer à l’ébullition, car on est persuadé qu’en cuisant le lait, on cuit, par analogie, la sécrétion, et les vaches tariraient sans tarder.

Nous concevons que ce soit là une interdiction importante au Ruanda. On administre parfois des bouillies médicamenteuses en ajoutant de l’eau avec des poudres ou des sucs de plantes.

Pour augmenter la valeur nutritive des bouillies, on les laisse épaissir un peu plus que d’habitude ; elles sont surtout dégustées par les femmes et sont dites impana. Aux bouillies faites de grains germés, on n’ajoute pas de sel ; on assaisonne, par contre, celle de l’autre catégorie, mais en évitant de se servir de sel gemme urugera, qui a la réputation de rendre les vers intestinaux

insupportables. On raconte que ce sont eux qui refusent ce condiment et ils manifestent leur désapprobation en se dressant dans le ventre : zirabaduka. Pour ménager ces hôtes indésirables, on se sert d’un

sel de marais avoisinant les volcans appelé umunyu w’ingezi.

Ajoutons que le sorgho amasaka et l’éleusine uburo tiennent une place importante dans l’alimentation des indigènes ; ces deux graminées sont classées parmi les quatre plantes principales du pays = imbuto nkuru, à côté

de la courge uruyuzi rw’urwungwane et du Gynandropsis pentaphylla = isogi. A ce titre, on les retrouve aussi dansl’accomplissement de certains rites.

BOURDONNEMENTS D’OREILLES

Jadis, quand on avait de fortes raisons de craindre l’arrivée ou le passage de guerriers, on redoutait les bourdonnements d’oreilles = indur u z’amatwi, car le cri d’alarme porte le même nom indiiru. Il était indiqué de faire claquer les doigts en les rapprochant des oreilles et de prononcer :

Induru ahandi mu mahanga yakure ! Alarme au loin à l ’étranger !

A présent, les bourdonnements qui se répètent quelques jours durant sont présages de malheurs ; on croit qu’ils annoncent une mort prochaine dans la famille.

BRONCHITE ET TOUX

A du lait crû, ajouter du jus de baie de Solanum incanum = inchunshu et boire.

Verser, dans un petit pot à lait, du jus de feuilles de Cassia didymobotrya, traire par-dessus un peu de lait de vache ; à boire. Boire du jus de feuilles de la plante « qui interrompt » umwanzuranya, avec un peu d’eau.

Mâchonner des écorces ou les feuilles de la tête de l’arbre umusave (Markhamia phatycalix).

Passer à la flamme une branchette de Y Euphorbia Tirucalli — umuyenzi (celle-là dont on aime à clôturer lesenclos) ; ou mâchonner les folioles seulement, sansavaClhere zl else sd éecnhfeatns.ts. Capturerun gros pigeon sauvage,

le vider ; on prépare un bouillon assez concentré que l’enfant boit.

Emploi d’un bouillon de poissons. Après absorption, avoir soin de rincer la bouche de l’enfant, laver le pot, se nettoyer les mains. Pigeons et poissons ne sont pas consommés par la majeure partie des gens du Ruanda.

Pour délivrer l’enfant de sa toux, on emprisonne un petit crabe ingaru vivant dans un boîtier fait de deux petits fragments de calebasse et on le suspend au cou du malade. On peut agir de même avec un autre petit crustacé, la Nêpes ou Nyiramugezi, enfermé dans un fragment de roseau.

Pour grands et petits qui toussent, un roseau de l’espèce umuseke ayant poussé dans le lac Kivu sera très efficace porté au cou.

On peut, si la bronchite traîne, faire des pointes de feu, mais il ne faut pas avoir recours aux ventouses.

On dit aussi que le jus de la momordique umwishywa peut guérir la bronchite.

La bronchite chronique est appelée amatchwa (amacwa ndlr) ; elle atteint celui qui a consommé du beurre parfumé et vieilli, préparé pour les soins de la peau et conservé habituellement dans un vase dénommé itchwende, de là le nom de la maladie.

BRÛLURES

Pour les gens du Ruanda, les brûlures sont des plaies produites seulement par le feu ou un liquide brûlant. Nerentrent pas dans cette catégorie les coups de soleil et les brûlures dues à la fulguration.

Traitement. Froisser, presser des feuilles de la plante « qui éteint le feu » = ikizimyamuriro ; mettre le jus dans un tesson de pot. Flamber un roseau vieux d’un an et mélanger la poudre à l’extrait. Faire épaissir sur le feu, et déposer ce baume sur la brûlure, sans couvrir.

Triturer ensemble des feuilles de Solanum incanum = igichunshu et de potiron ikyungwane (icyngwane ndlr), appuyer, presser sur la plaie pour empêcher le suintement.

Se procurer des poils de queue de lièvre ou bien du duvet de chauve-souris et en recouvrir la brûlure, saupoudrer ensuite un peu de farine prélevée sur les bords de la marmite après cuisson de la pâte de sorgho. Le lendemain, si le suintement continue, ajouter de la charpie de poils de lapin. Si la farine fait défaut, griller quelques touffes de cheveux et saupoudrer de même.

Griller de l’éleusine, moudre, saupoudrer largement. Emploi de mousse humide urubobi ; renouveler.

Jus de tabac frais. Herbe rampante umuryanyoni, écraser et presser sur la plaie. Crème de lait de chèvre.

Guetter le moment où une limace rouge = ikinyamujonjorerwa sort les cornes, en frotter vivement la brûlure ;la jeter ensuite au loin.

Prier la mère de deux jumeaux de sexe identique, de laisser couler un peu de son lait sur l’endroit malade. Écraser un peu de terre de termitière igisindu, y

ajouter un peu de sang frais de boeuf, en enduire la plaie. Cendre de l’arbre umuhanga (Maesa rufenscens) en application. Guhanga veut dire créer. Les soins donnés à une brûlure sont dits gupfubya.

Le même verbe s’emploie aussi pour une chose non réussie, avortée ; on profite de cette synonymie dans le traitement. Si l’endroit le permet, on passe et repasse la brûlure sous le menton d’une femme en disant :

Pfubya, pfubya,                    Avorte, avorte,

Nk’akanwa k’umu gore !      Comme la barbe de la femme !

 On accomplit la même tactique sur les seins d’un homme :

Pfubya, pfubya,                    Avorte, avorte,

Nk’amabere y’umugabo !      Comme les seins d’un homme       !

Le cagneux est dénommé Nyamitego ; on dit aussi ugendera mitego en parlant de lui. Il en est de même pour le bancal (imitego = pluriel de umutego : piège).

On croit pouvoir affirmer que la mère de cet infirme a brûlé, alors qu’elle était enceinte, un piège ou un rondin quelconque.

Il n’est pas indiqué non plus qu’elle passe par-dessus ces objets, mais si elle le faisait par inadvertance, il lui resterait la ressource d’en prélever un éclat et de le porter au cou jusqu’à la naissance de l’enfant, et celui-ci ne présentera pas de malformation des jambes.

 

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