LE BILAN DE LA 1re  DECADE DE L’INDEPENDANCE (1961-1972) 

LE RWANDA REPUBLICAIN S’ENGAGE DANS L’AVENIR 

 Les préliminaires de l’Indépendance au niveau de l’O.N.U 

  1. A la veille de l’Indépendance, ne l’oublions pas, le Ministre Belge des Affaires Etrangères et du Ruanda-Urundi est M. Paul-Henri Spaak (no 773). Il conclut, avec le Président de la République Rwandaise, en date du 21 décembre 1961, un Protocole aux termes duquel le Rwanda obtenait l’autonomie la plus complète compatible avec les responsabilités que, vis-à-vis de l’O.N.U., la Belgique continuait encore à assumer dans le cadre de l’Accord de Tutelle du 13 décembre 1946.

Soucieuse, d’autre part, de voir le Rwanda accéder à l’Indépendance dans la concorde nationale, la Quatrième Commission de l’O.N.U. créa un Groupe de réconciliation, chargé de prêter ses bons offices aux représentants du Gouvernement du Rwanda et à ceux du parti d’opposition UNAR. La rencontre eut lieu le 8 février 1962 et on finit par décider l’UNAR à participer à la vie publique du pays. Elle recevra deux portefeuilles ministériels et d’autres fonctions, sauf ceux dépendant des élections (Bourgmestres et Conseillers Communaux). Le Gouvernement du Rwanda était représenté par MM. Rugira, Président de l’Assemblée Législative, Habamenshi, Ministre de l’Information et Rusingizandekwe, Ministre des Relations extérieures. Du côté de l’UNAR : MM. Rwagasana, Député, Secrétaire Général ; Kayihura, Conseiller général politique, et Rutera, représentant de l’UNAR à l’Etranger. Les membres du Groupe de la réconciliation étaient MarofAchkar de la Guinée, Angie Brooks du Libéria, Jorge Castaneda du Mexique et Faliou Kane du Sénégal (cfribd Doc. A/C. 4/532, p. 43-44). L’Accord ainsi intervenu mettait fin à la présence de pétitionnaires Rwandais à la Quatrième Commission.

  1. Le terrain étant ainsi déblayé, l’Assemblée Générale, à sa 1106è séance plénière du 23 février 1962, adopta sa Résolution 1743 (XVI) sur l’avenir du Ruanda-Urundi. L’avant-dernier alinéa du dispositif étale au grand jour le plan utopique de l’auguste Assemblée, qui n’a cessé de suggérer l’unification du Rwanda et du Burundi en un seul Etat confédéré. Voyez plutôt cette perle de la littérature Onusienne : (L’Assemblée Générale) «réaffirmant sa conviction que le meilleur avenir du Ruanda-Urundi réside dans la formation d’un Etat unique constituant une entité dans les domaines de l’économie, de la défense et des relations extérieures, sans préjudice de l’autonomie interne du Rwanda et du Burundi »…

On se rappellera ce que nous avons analysé plus haut (no 667-668) sur ce fantomatique « Ruanda-Urundi ». Peut-être l’O.N.U. eût-elle abouti à quelques résultats, au grand bien des deux pays, si elle avait insisté uniquement sur l’union économique, sans allusion au spectre de l’union politique que la tradition, de part et d’autre de la Kanyaru, rendait inconcevable.

La même Résolution 1743 (XVI) créait une nouvelle Commission pour le Ruanda-Urundi. Pour la distinguer plus aisément de celles de même dénomination qui l’ont précédée, nous l’appellerons Commission-Indépendance. L’Assemblée Générale la chargeait entre autres, de prendre toutes les dispositions nécessaires: « pour la formation et l’entraînement des forces nationales avec l’aide d’experts ou d’une mission d’instruction fournis par l’Organisation des Nations Unies, et retrait rapide des forces militaires et paramilitaires belges, retrait qui devra être terminé avant l’accession à l’indépendance ».

Cette mission sans objet, et dont la Commission-Indépendance ne tentera même pas la réalisation, indique clairement la suspicion de l’Assemblée Générale contre les intentions de l’Autorité administrante. Les discussions antérieures y avaient prédisposé les esprits et nous verrons plus loin ressurgir les mêmes appréhensions que les assurances les plus catégoriques de M. Spaak n’arriveront guère à apaiser. (no 788, 792).

  1. La hantise de l’union entre les deux pays inspira le point 4 de la même Résolution. L’Assemblée Générale « Prie la Commission de réunir aussitôt que possible, à Addis-Abéba, une conférence à un niveau élevé, présidée par le Président de la Commission et à laquelle participera, pour chacun des Gouvernements du Rwanda et du Burundi, une délégation de cinq membres dirigée par le chef du gouvernement, en vue de trouver une formule mutuellement acceptable pour la création d’une union politique, économique et administrative aussi étroite que possible »…

Le seul passage de cette Résolution qui avait une signification réelle est constitué par le point 7, où l’Assemblée Générale « Envisage de fixer au 1erjuillet 1962 la date à laquelle l’Accord de tutelle prendra fin sous réserve de l’approbation de l’Assemblée générale après examen du rapport de la Commission, à la reprise de la Seizième Session, que l’Assemblée décide de convoquer durant la première semaine de juin 1962, pour examiner exclusivement la question du Ruanda-Urundi ».

La Commission-Indépendance, présidée par Mlle Angle Brooks (Libéria), se composait de 4 autres membres : Jean-Louis (Haïti), Rahnema (Iran) Sidi Baba (Maroc) et Gassou (Togo). Une fois sur les lieux, elle organisa la conférence d’Addis-Abbéba. Comme il fallait s’y attendre, il n’y avait pas moyen d’une entente possible pour l’union politique ; non seulement les deux pays vivaient dans la mentalité d’une opposition héritée des ancêtres qui avaient lutté les uns contre les autres à longueur de générations, mais encore les événements récents avaient installé au Rwanda une République en état frais de révolution, tandis que le Burundi restait avec son régime traditionnel de monarchie. Il faut avouer que New York est bien loin d’ici pour qu’on n’y ait pas pris conscience de cette dernière incompatibilité. Du moins les deux délégations, le 19-4- 1962, signèrent-elles un Accord d’Union économique.

777.C’était un Accord en principe boiteux et on allait s’en rendre compte sans tarder. Traumatisés sûrement par les circonstances dans lesquelles le prince Rwagasore avait été assassiné, les leaders du Burundi suspectaient les représentants de la Tutelle. A leurs yeux, une fois l’Indépendance acquise, ces derniers pouvaient s’appuyer sur leurs forces militaires pour provoquer dans le pays un mouvement de troubles analogues à ceux qui avaient eu lieu au Rwanda. Aussi entendaient-ils que les troupes belges fussent définitivement éloignées du pays, sans possibilité de stationner même au Rwanda. Pour obliger le voisin du Nord à adopter la même attitude, le Gouvernement du Burundi recourut à cet instrument de pression, en le déclarant, après coup, condition sine qua non de la validité de l’Accord signé à Addis-Abéba, M. Muhirwa le répéta devant la Quatrième Commission ; répondant à une question du représentant de la Syrie.

« M. Muhirwa, Premier Ministre du Burundi, souligne que tous les accords économiques comportent toujours certaines conditions et garanties- Si le Gouvernement du Burundi fait en sorte qu’il n’y ait plus de troupes (belges) sur son territoire, il semble normal que le Gouvernement du Rwanda fasse de même si l’accord signé doit rester valide »… (cfr IVe Commission, XVIèSess., séance du 13 juin 1962, A/C. 4/SR 1311, p. 2).

  1. Habamenshi, Ministre des Affaires Etrangères du Rwanda, « déclare que l’Accord a été signé après un échange de vue complet entre les deux Gouvernement et n’a été subordonné aucune condition. Son Gouvernement a naturellement l’intention d’exécuter de bonne foi les obligations qui lui incombent aux termes de l’Accord ».

En réponse à cette affirmation, M. Muhirwa, réplique « qu’à la Conférence d’Addis-Abeba, les représentants de son pays ont reçu l’assurance que le retrait des troupes étrangères était considéré comme une condition sine qua non d’une union économique durable. Il n’a jamais douté de la bonne foi du Président du Rwanda et pensait que les divergences d’opinion concernaient seulement la mise en oeuvre de l’Accord économique. C’est donc avec une grande surprise qu’il a entendu le Ministre des Affaires Etrangères du Rwanda émette des doutes quant à la portée de l’Accord conclu »… (cfribd séance du 15 juin 1962, A/C/4/SR 1314, p, 9).

A cette prise de position, M. Habamenshi venait cependant de développer une réponse claire à laquelle M. Muhirwa n’a pas voulu faire attention, tellement la condition sous examen était un prétexte voulu. M. Habamenshi venait d’affirmer en effet :« A l’issue de la Conférence, un Accord d’union économique a été signé… mais l’Accord a été signé sans conditions, car des conditions n’avaient plus de raison d’être une fois que l’idée de l’union politique a été rejetée. Le seul acte valable de la Conférence est l’Accord signé par les deux Gouvernements et non pas le compte rendu de ce qui a été dit au cours de la Conférence ».

778.Comme les deux Ministres maintenaient leur position, M. Gassou (du Togo), Vice-Président de la Commission-Indépendance, fut amené à préciser ce qui s’était passé en réalité à Addis-Abéba : «Il indique qu’aux séances du Comité de travail, le Gouvernement du Burundi a lié la question de la présence des troupes dans l’un et l’autre pays après la proclamation de l’Indépendance à la question de l’accord économique, M. Gassou a appelé l’attention des deux délégations sur le fait que cette question était de caractère militaire plutôt qu’économique ; mais il a ajouté que, si les deux Gouvernements le souhaitaient, cette question pourrait être discutée en séance plénière. A l’issue dei séances plénières et après des consultations officieuses entre les parties, la délégation du Burundi a proposé que cette condition ne fi-gure pas expressément dans le texte de l’Accord économique, mais soit mentionnée dans le compte rendu des séances qui serait annéxé à l’Accord. Ce compromis avait été accepté par les deux parties. Par la suite dans une lettre en date du 27 avril 1962, le Gouvernement du Burundi a affirmé sa conviction que l’Accord d’union économique ne pourrait rester en vigueur si des troupes étrangères demeuraient sur le territoire du Rwanda après la proclamation de l’Indépendance »

On ne peut supposer que le Gouvernement du Burundi pouvait confondre le texte d’un Accord signé formellement comme tel, et le texte du compte rendu des discussions préliminaires. Mais le prétexte invoqué ne manquait pas d’habileté, de la part de M. Muhirwa. Les délégués siégeant à la IVè Commission, en effet, abondaient dans ce sens et y revenaient indiscontinument tout au long des discussions sur le rapport de la Commission-Indépendance (A/5126). C’est au point qu’à la séance du 25 juin 1962 le représentant du Cameroun.

« Répondant à ceux qui demandent quel danger pourrait présenter un contingent de 450 hommes dans le territoire après l’Indépendance, M. Bindzi fait observer que ces troupes ont servi au maintien de l’ordre et qu’à ce titre elles ont droit à tous les éloges. Mais, dès l’instant où on reconnaît que ces troupes ont pu maintenir l’ordre, il faut admettre qu’elles peuvent aussi le troubler » (cfr A/C.4/SR. L.326, p. 18).

Malgré les assurances les plus explicites de M. Spaak, cette hostilité à la présence des troupes belges hantait l’esprit des délégués. M. Muhirwa se savait donc bien épaulé. 

  1. 789. Mais le plus curieux de l’affaire était que le Gouvernement du Rwanda avait, à l’égal de celui du Burundi, la détermination d’éloigner de son territoire les troupes belges. Dans un chapitre précédent (cfr no 679), nous avons noté que nos Révolutionnaires Rwandais avaient engagé un double jeu serré vis-à-vis des représentants de l’Autorité administrative. Ces derniers étaient convaincus que le PARMEHUTU avait grandement besoin d’eux et aspirait à les retenir sur le territoire du Rwanda. Jusqu’à ce stade des négociations, l’Autorité administrante ignorait toujours l’existence du double jeu. Nous en est témoin le document que la Mission Belge auprès de l’O.N.U. présenta le 18 juin 1962 à la IVè Commission, sur le retrait des troupes belges stationnées au Ruanda-Urundi. Le document présente deux hypothèses, dont la première (en deux phrases) concerne le retrait général tant du Rwanda que du Burundi. La seconde hypothèse est libellée dans ces termes :

« Retrait des troupes d’un territoire seulement. Il s’agit d’une hypothèse qui n’a pas encore été examinée en détail, mais l’on peut faire les prévisions suivantes : a) Transport du matériel d’un territoire dans l’autre. Délai : un mois. — b) Rapatriement d’un bataillon depuis Usumbura. Délai : 3 semaines environ. Délai pour toute l’opération : 7 semaines.

Le texte ne laisse aucun doute à ce sujet ; devant la prise de position nette du Burundi, les rédacteurs du document comptent évacuer ce pays pour se retirer au Rwanda. Et pendant tout ce temps, le matériel militaire des troupes belges était activement transféré du Burundi au Rwanda, et sans doute, — ce qui ne pouvait se voir à l’oeil nu, — les troupes elles-mêmes. Je me rappelle que le dernier camion militaire du dernier convoi arriva à Butare (alors Astrida), avec une guérite-ostensiblement attachée à l’arrière du véhicule. L’Officier qui commandait ce dernier convoi expliqua : « Cette guérite laisse comprendre que nous ne laissons rien du tout au Burundi » ! En d’autres mots, le contingent stationné déjà au Rwanda était en train de se gonfler de celui qui évacuait le Burundi aux approches de l’Indépendance.

 

  1. Dans un pays qui ne s’était pas encore remis de ses convulsions antérieures et dont le calme précaire dépendait encore de la présence des troupes de la Tutelle, il était inconcevable que les représentants du Rwanda imitassent, devant la IVè Commission, la franchise du Burundi, laquelle avait ses explications psychologiques connues de tout le monde. A ce stade des tractations, le double jeu du Gouvernement Rwandais se déroule en deux phases : la première est matérialisée par la lettre de M. Grégoire Kayibanda, Chef du Gouvernement, adressée le 14 avril 1962 à Mlle Brooks, Présidente de la Commission-Indépendance par laquelle l’auteur condamnait la présence des troupes étrangères sur le territoire du Rwanda après l’Indépendance. L’Autorité administrante a pu juger les termes de la lettre comme un camouflage nécessaire destiné aux supernationalistes de l’ O.N.U. Mais la suite démontrera que le Chef du Gouvernement Rwandais avait exprimé sa pensée réelle. Lorsque, dans les discussions ultérieures, M. Muhirwa se référait à ce document pour étayer sa thèse de « la condition sine qua non », Mlle Brooks :« parlant en sa qualité de Présidente de la Commission des Nations Unies pour le Ruanda-Urundi, rappelle que le Président du Rwanda avait indiqué que sa position était nette et irrévocable. Mais elle avait pensé à ce moment qu’il s’agissait d’une expression d’opinion plutôt que d’une condition mise à un Accord ». (cfrXVIè Ses. A/C. 415R 1314, 20 juin 1962, p. 10).
  2. La seconde phase devait se dérouler devant la IVème Commission, où MM. Rugira et Habamenshi représentaient le Rwanda. Leur tâche les plaçait entre l’enclume et le marteau ! D’un côté, en effet, ils devaient penser à la présence renforcée des troupes belges stationnées au Rwanda. Ils pensaient, dans les circonstances présentes, qu’irriter l’Autorité administrante en adoptant publiquement la thèse de la lettre précitée, pouvait risquer une prompte riposte. Celle-ci ne supposerait même pas une intervention positive : il eût suffi simplement de tout lâcher, de manière à laisser le Rwanda se replonger dans le chaos. D’un autre côté, en se maintenant sur la corde raide, — comme ils étaient chargés de le faire, — ils devenaient la cible des délégués supernationalistes et se faisaient qualifier de valets du colonialisme. S’ils avaient eu affaire à des Rwandais, leur attitude eût été interprétée correctement, car elle revenait à dire : « Mais, chers Messieurs t puisque nous comprenons parfaitement ce que vous souhaiteriez nous entendre déclarer, et que nous nous abstenons soigneusement de prendre nettement position ni dans un sens ni dans l’autre, au risque de nous faire mal juger de vous, c’est que nous sommes d’accord avec vous, mais que nous redoutons, d’une manière pratique, que notre franchise ne nous expose à un risque plus grand » t — Aussi M. Habamenshi se retrancha-t-il derrière des déclarations de principe juridiquement inattaquables, dont je ne citerai que cet échantillon :

« D’une part, jusqu’à l’Indépendance, la question du maintien ou du retrait des troupes belges ne concerne pas le Gouvernement du Rwanda. La présence actuelle de ces troupes dans le pays est liée à l’existence du régime de tutelle et, quelle que soit la décision prise par les Nations Unies et la Belgique à cesujet, le Gouvernement n’interviendra en aucune manière. D’autre part, à dater du jour de l’Indépendance, la question de la présence de troupes étrangères sur le territoire du Rwanda, ainsi que la décision à prendre à ce sujet, relèveront au premier chef de la responsabilité du Gouvernement du Rwanda, pour ne pas dire de lui seul. Il appartiendra alors au Gouvernement du Rwanda de prendre définitivement position et de se prononcer en pleine souveraineté, compte tenu des conditions existant dans le pays, ainsi que des besoins réels et des intérêts supérieurs des populations,et conformément au principe selon lequel la présence de troupes étrangères sur le territoire d’un pays indépendant est contraire à la libre détermination de de pays. La délégation rwandaise ne peut pas et ne veut pas préjuger les .circonstances qui existeront après I’Indépendance et, en tout état de cause, elle entend réserver formellement à son Gouvernement son droit légitime d’agir dans la li-berté et la souveraineté les plus complètes, dans l’intérêt supérieur de la République ». (cfr séance du 14 juin 1962, A/C.4/SR. 1313. p. 7-8).

Ce sera la même prise de position que la délégation du Gouvernement Rwandais va ressasser au long des trois séances des 14 et 15 juin, sous le feu concentrique des délégués qui restaient sur leur faim. Mais il n’y avait rien à redire sur les principes qui ne servaient qu’à camoufler la véritable position du Rwanda concernant les troupes belges après la proclamation de l’Indépendance. Une fois que le pays recouvrera sa souveraineté, l’évacuation de ces troupes sera l’un des premiers problèmes à être réglé : le Gouvernement ne retiendra à la Garde Nationale qu’un nombre très restreint de techniciens-instructeurs.

792.Finalement, en date du 27 juin 1962, l’Assemblée Générale vota sa Résolution 1746 (XVI), par laquelle (paragraphe 2) elle :« Décide, en accord avec l’Autorité administrante, d’abroger l’Accord de tutelle du 13 décembre 1946 concernant le Ruanda-Urundi le 1erjuillet 1962, date à laquelle le Rwanda et le Burundi deviendront deux Etats indépendants et souverains.

« Fait appel (paragraphe 3) au Gouvernement belge pour qu’il retire et évacue ses forces encore stationnées au Rwanda et au Burundi, pour qu’à partir du 1er juillet 1962 les troupes belges en cours d’évacuation n’aient plus de rôle à jouer et pour que l’évacuation soit terminée au 1eraoût 1962, sans préjudice des droits souverains du Rwanda et du Burundi ».

C’est ici le point stratégique, — et ceci était certainement attendu dans les milieux sur place de l’Autorité administrante, — où le Rwanda, pays désormais indépendant et souverain, se hâterait de passer avec la Belgique un Accord bilatéral concernant le stationnement, ne fût-ce que temporaire, de certains contingents des troupes à évacuer. Mais le Gouvernement Rwandais ne leva pas le petit doigt en ce sens. Ainsi le matériel militaire récemment évacué du Burundi, restait acquis, par la force des choses, à la Garde Nationale naissante. Les troupes rapatriées étaient visiblement irritées en constatant que le Gouvernement du Rwanda les avaient jouées.

Il faut ajouter, en effet, que l’Assemblée Générale (paragr. 4) avait invité le Secrétaire Général à envoyer sans délai au Rwanda et au Burundi un représentant accompagné d’un groupe d’experts chargés, entre autres, de surveiller le retrait et l’évacuation des forces belges conformément à cette Résolution. Dès lors le Gouvernement n’avait qu’à laisser faire, sans plus aucune crainte de représailles qu’aux stades antérieurs on pouvait croire possibles, puisque l’opération se passait devant les témoins de l’ O.N.U. Le même paragraphe 4, en son alinéa b chargeait le représentant et ses experts d’aider les Gouvernements du Rwanda et du Burundi à assurer la mise en oeuvre de l’Accord sur l’union économique auquel ont abouti les deux Gouvernements le 19 avril 1962 à Addis-Abéba. Cette disposition mettait le Gouvernement du Burundi au pied du mur, puisque sa fameuse condition sine qua non était automatiquement réalisée. Mais que pouvait désormais l’Assemblée Générale une fois l’Indépendance acquise par les deux pays ? Pouvait-on désormais convoquer l’un et l’autre Gouvernement pour leur demander compte au sujet d’un certain Accord naguère signé à Addis-Abéba ? Il est curieux, en conséquence, que le vaste aréopage de New York ne se soit pas rappelé que ce qui arriverait après 1er juillet 1962 lui était tabou et que chacun des deux Gouvernements choisirait à sa guise et à huis dos ce qu’il croira correspondre à ses intérêts, sans possibilité d’une intervention extérieure dans ses propres affaires intérieures !