Gouvernement et Administration

  1. Nationalité.

Le peuple Munyarwanda comprend les Batutsi, les Bahutu et les Batwa. L’aristocratie mututsi, d’origine hamite, domine la masse des Bahutu, qui sont des Bantous. Ceux-ci se livrent à l’agriculture et élèvent le bétail pour le compte des Batutsi. Les Batwa, des pygmoïdes, sont tenus à l’écart par les Batutsi et les Bahutu et tout mariage est interdit avec eux; ils sont chasseurs, forgerons ou pLeotiers.

La tradition légendaire du pays donne l’explication de l’origine de ces différentes populations : Nkuba (la foudre, premier Roi du pays et sa femme Nyagasani habitaient au ciel avec leurs deux fils, Kimanuka et Mututsi leur fille Nyampundu. Un jour, les trois enfants, descendus de leur demeure céleste, s’installèrent sur la colline Mubari dans la savane Urweya, près du Gisaka, et Kimanuka prit le nom de Kigwa : tombé du ciel). Ils vécurent là du produit de leurs chasses et connaissaient l’art de forger lances, serpettes et houes. Kigwa épousa sa soeur Nyampundu et Mututsi s’en alla ailleurs. Mais quand il apprit que son frère et sa soeur avaient des enfants, il revint chez eux et épousa une de ses nièces. Les descendants de Kigwa prirent le nom d’Abanyiginya; ceux de Mututsi s’appelèrent Abega. Ils vendirent des armes et des instruments aratoires et devinrent ainsi très riches.

Ils continuèrent à habiter sur la colline Mubari jusqu’au moment où Gihanga (le créateur), douzième Roi de la dynastie, commença à parcourir tout le pays pour écouler les produits des forges de sa famille. Ce Mwami « commis-voyageur », le premier qui exerça l’autorité supréme de façon réellement teffective, fut fort aimé de tout son peuple, qui le considéra après sa mort comme un demi-dieu.

Gatutsi reçut de son père Gihanga de nombreuses vaches. Quant à son frère Gahutu, son père n’ayant plus de bétail à suffisance, il ne put s’en voir gratifier comme Gatutsi. Aussi fut-il obligé de devenir le serviteur de Gatutsi. Gatwa, troisième fils de Gihanga, tua Gatutsi. Le poids de ce crime est retombé sur les Batwa descendants de Gatwa. Gihanga avait encore d’autres fils : Nyakarundi, ancêtre des Barundi, Kanyabongo, père du peuple des Banyabongo, qui sont à présent des étrangers pour les Banyarwanda; enfin Gahima, le premier des Bahima, habitants du Ndorwa, que les Batutsi considèrent comme des leurs.

Si les Batutsi du Ruanda considèrent aujourd’hui leurs frères de Rutshuru (Kivu) comme des Bahutu, ils regardent au contraire comme des égaux les Batutsi de l’Urundi. D’autre part, les Bahutu de l’Urundi, par le moyen du contrat d’ubugaragu, peuvent être intégrés dans la société du Ruanda(Il y a également des Bahutu banyarwanda qui se rendent dans l’Urundi pour s’y fixer). Mais si un Mututsi de l’Urundi vient s’établir au Ruanda avec ses abagaragu, tout en étant l’égal des Batutsi du pays, lui et ses gens sont considérés cependant comme des étrangers.

Jadis, au temps des guerres, les vaincus faits prisonniers étaient tués, tandis que les femmes, les garçons et les filles étaient emmenés en esclavage. Un Mututsi pouvait même épouser une captive si elle était de noble origine: les enfants suivaient la condition de leur père. Mais généralement, il la donnait en mariage à l’un de ses clients: les enfants issus d’une telle union continuaient à appartenir à la maison du maître, mais leurs descendants étaient libres et devenaient par le fait même des Banyarwanda.

Il arrivait même qu’un esclave épousât une femme mututsi. C’est ainsi que le Mwami Rwabugiri, qui avait recueilli un jeune captif appelé Rusera Muhima, lui donna plus tard comme femme sa propre fille et lui fit, cadeau de la sous-chefferie Bugarama au Bunyambiriri.

  1. Le pouvoir royal.
  • Le Mwami (Roi) est l’autorité suprême du Ruanda. Nous avonsvu que les traditions s’accordent à donner à son pouvoir une origine divine. Les annalistes de la Cour royale (abacurabwenge) attribuent à l’actuel Mwarni MutaraRudahigwa trente-neuf ancêtres qui tous, sauf le premier Nkuba resté au ciel, auraient régné sur le Ruanda (Beaucoup de noms ont certainement été oubliés dans cette liste. En admettant qu’elle soit exacte, la domination des Balutsi sur le Ruanda remonterait à près (le quatre siècles).

Les Abanyiginya et les Abega sont les familles nobles les plus influentes du pays et c’est chez elles que, depuis les temps les plus reculés, sont choisis respectivement les rois et les reines.

Les Rois du Ruanda portent deux noms, celui qui leur est donné à leur naissance (Musinga, Rudahigwa et celui qu’ils reçoivent à leur avènement (Yuhi, Mutara).

A la mort du Mwami, le pouvoir royal passe à l’un de ses fils, généralement l’un des plus jeunes. L’origine divine attribuée à la royauté et la légitiniité que confère au Roi une très longue hérédité entrainent la reconnaissance d’un troisième caractère du pouvoir royal, à savoir l’autocratie.

Le Mwami est le maître incontesté de tout le pays,aussi bien du sol –champs et pâturages- et du bétail que des habitants. Il est  le seul vrai propriétaire; tous ceux qu’il gratifie de libéralités ne sont que ses usufruitiers.

Il ne possède pas nécessairement de domaine qu’il exploite en propre et il n’en a pas besoin, puisque ses revenus s’alimentent des tributs et prestations dont chacun de ses sujets est tenu vis-à-vis de lui.  Quand il est jeune, il reçoit du Roi son père une ou plusieurs provinces en apanage, du bétail et des serviteurs. A son avènement, il peut ou conserver ces provinces ou les donner à d’autres (Mutara Rudahigwa a conservé les siennes : le Nduga et le Murangara, mais il s’est déchargé de leur administration sur un umutware). Ses faveurs peuvent s’adresser à n’importe qui, à un Muhutu et même à un Mutwa qu’il peut élever sur- le-champ au rang des plus grands. Naguère encore, du temps de Musinga, ceux qui avaient cessé de plaire au Mwami ou simplement ceux dont il convoitait les biens pouvaient, du jour au lendemain et si haut placés fussent-ils, être dépossédés de tous leurs biens, déchus de toute influence et exilés du pays. Aujourd’hui, le Mwami désireux d’occuper telle ou telle colline demande à un de ses gramls féodaux de la lui céder. Celui-ci s’incline de bonne grâce et reçoit généralement du bétail en échange.

Le Mwami est un monarque absolu de droit divin qui ne connait d’autre règle que sa volonté, voire son caprice. Jadis, avant notre occupation, il pouvait impunément torturer, mutiler ou mettre à mort quiconque lui avait déplu. Ses sentences criminelles étaient conformes aux coutumes du pays, qui lui reconnaissaient ce droit redoutable, et personne ne s’imaginait pouvoir s’insurger contre ses décisions :(1e droit de vie ou de mort du Mwami a été supprimé en 1917, au moment de l’occupation du pays par nos troupes).

De même, il est grand juge et tranche en dernier ressort les différends, même les plus minces, qui surgissent entre ses sujets.

Enfin le Mwami est le législateur supreme du peuple. Il exerce avec l’aide des abiru la mission de garder le droit coutumier, mais il a seul le pouvoir de modifier la loi du pays s’il le veut et comme il l’entend.

Il proclame ses décisions (amategeko) il la porte de son rugo, où se trouvent massés des gens venus de partout pour faire leur cour ou demander justice. Des intumwa (messagers) sont alors chargés de porter les ordonnances du Mwamià la connaissance de la population des différentes provinces.

Le Mwami, en outre de son nom de Mututsi (Musinga, Rudahigwa, etc.), reçoit à son avènement un nom de Roi (Yuhi, Mutara, etc). Ces noms sont repris périodiquement; c’est ainsi que le Mwami actuel est Mutant III.

Il arrive aussi que le Roi soit désigné par un surnom, commeRwabugiri Sezisoni (miséricordieux, clément).

Souvent une interdiction s’attache à un nom de Roi : un Yuhi par exemple, ne peut traverser les grandes rivières comme la Nyabarongo. Après sa mort, le Roi devient pour les populations une sorte de divinité. Il va rejoindre dans les enfers les demi-dieux ses ancêtres.

Le Roi partage l’autorité suprême avec sa mère (umugabekazi. Elle est toute-puissante, souvent même plus puissante que son fils. Quiconque va faire sa cour au Roi, doit la faire aussi à sa mère. Elle intervient dans les procès, la distribution des terres, des troupeaux, etc. Le Roi et sa mère portent ensemble le nom d’Abami. La présence continuelle de la reine-mère à côté de son fils est essentielle (Kankazi, mère de Rudahigwa Mutara, réside sur la colline Shyogwe dans le Marangara. Cette mesure a été prise par le gouvernement belge, qui, se souvenant du rôle néfaste joué par Nyirayuhi auprès de Musinga, a voulu empêcher la mère du Roi actuel d’exercer une trop grande influence politique, et si le Roi perd sa mère, il lui sera donné une mère officielle. La mère du Roi porte le nom spécial qui est le même que celui de son fils, sauf quand celui-ci s’apelle Mutara, et que même les familiers de la cour ne peuvent lui donner (La mère Yuhi Musinga, Kanjogera, portait le nom royal de Nyirayuhi. Celle de Mutara Rudahigwa, Kankazi, s’appelle Nyiramavugo). On rend à la Mwamikazi les mêmes honneurs qu’à son fils : battements des mains trois fois répétés (gukoma mu mashyi). Après la mort du Mwami, sa mère ne joue plus aucun rôle officiel

  1. Le tambour sacré.

L’origine du Kalinga remonterait à Ruganzu Ndoli. Pendant que celui-ci, qui n’était pas encore roi, luttait contre le Karagwe (Uganda), les Abakongoro du Kivuattaquèrent le Ruanda et tuèrent le Mwami Ndahiro Cyamatare, père de Ndoli.

En revenant de la guerre, ce dernier s’arrêta à Busigi (territoire de Byumba), où un riche propriétaire, appelé Minyaruka, offrit un superbe tambour au glorieux vainqueur.

Le Kalinga est le symbole même de la royauté (Les Banyarwanda disent : Kalinga ibuze, nta Mwamilitt: le tambour fut bridé, il n’y a pas de roi). Il convient de ne pas prendre ce proverbe au pied de la lettre. En effet, les gens du Ruanda disent, d’autre part : Haguma Umwami ingoma irabazwa (litt. : trouvez le Roi (chose importante) le tambour [chose accessoire] n’est que du bois). Il porte suspendus aux cordes qui le tendent les ibikondo, attributs virils des principaux ennemis vaincus et tués par les rois du Ruanda, et est, de plus, régulièrement aspergé du sang des victimes immolées pour la consultation des augures. On rend au Kalinga des honneurs vraiement royaux; on ne le fait pas résonner, mais les autres tambours retentissent en son honneur (Kuramutsa, saluer (le Roi). On les bat en effet chaque matin quand le Roi sort de ses appartements pour commencer sa journée d’homme public). Il est placé dans la huttee appelée rwamiringa (litt: maison des objets de

cuivre) , construite à l’intérieur du bomadu Roi et où sont conservés les trophées de guerre. Le Kalinga est gardé jour et nuit, car il est l’emblème de la grandeur des rois du Ruanda.

  1. La Cour du Mwami.

A Nyanza, résidence royale (i Bwami) se pressent en foule des gens de toute importance faisant leur cour ou venant entretenir le Mwami des affaires de leur région : manants Bahutu ou même Batwa espérant obtenir un quelconque avantage du Mwami ou de sa mère, dignitaires de rang et de rôle divers, serviteurs des deux sexes.

  1. Le Conseil des Ministre

Dans les circonstances graves: guerre, famine, le Mwami a l’obligation de convoquer les grands chefs (abatwareb’intebe) en conseil (inama). Les devins (abapfumu) consultent alors les oracles et d’après leur réponse indiquent la décision à prendre.

  1. Les « Intore »

Le prestige du Mwami veut qu’il possède une troupe d’Intore qui constituent en quelque sorte un corps de pages. Leur création remonte au Mwami Ruganzu. Ils s’appelaient alors les intrépides (ibisumizi : de gusumira, enlever par force). Les intore sont les fils des chefs d’intebe et d’abacibiri ainsi que des abagaragu du Mwami. Un père qui n’enverrait pas son enfant à la cour du Roi pour devenir intore ferait croire qu’il n’aime pas le Mwami et il lui en cuirait. C’est généralement quand ils sont ingimbi (vers l’âge de dix ans) que les jeunes garçons sont amenés à Nyanza, où ils restent jusqu’à l’âge d’homme. Ils apprennent à se battre, à sauter, à danser. En même temps, ils font leur éducation politique, apprenant les traditions légendaires et les coutumes du pays ainsi que les règles de courtoisie. Les intore campent sur une colline non loin de la résidence du Mwami et ils se réunissent le matin et le soir pour se livrer à leurs exercices.

A l’occasion des têtes, les intore revêtent un costume spécial. Ils ont alors les reins ceints d’une peau de léopard (inkindi) et portent autour de la tête un bandeau (umugara) orné de poils d’inkomo (singe noir à collerette blanche dit Colobus), retenu par des imiroto passant le long des joues. Ils ont un collier (igitako) au cou et d’autres en forme de baudrier (inzibanye). Ils dansent en tenant un arc (umuheto) d’une main, une lance (icumu) de l’autre; des grelots de fer (inzogera) sont attachés à leurs chevilles.

  1. Les « Inyambo »

Le Ruanda peut être appelé igihugu cy’inka n’ingoma(le pays de la vache et du tambour royal). Le bétail bovin, qui constitue la principale richesse des Batutsi, y est soigné avec un amour qui confine à la vénération.

Les traditions légendaires attribuent à Nyirarucyaba, lafille de Gihanga, l’introduction du bétail au Ruanda. Un jour que celle-ci était allée couper du bois, elle remarqua des taches blanchâtres sur le sol. Ayant grand soif et ne trouvant pas d’eau à proximité, elle prit son chalumeau et but le liquide blanc. Trouvant ce breuvage délicieux, elle  voulut savoir d’où il provenait. Elle s’avança dans la forêt et rencontra une bête à cornes qui perdait par ses mamelles un liquide identique à celui qu’elle venait d’absorber. Gihanga étant tombé gravement malade sur ces entrefaites, elle lui apporta du liquide blanc. Le patient le but et guérit rapidement. Il demanda à sa fille la provenance du médicament et celle-ci lui amena la bête. La vache fut appelée ingizi (de kugira neza :bien guérir). C’est depuis ces temps que les Banyarwanda ont une telle vénération pour le bétail bovin.

A côté du bétail ordinaire (inkuku), le Mwami possède des troupeaux de vaches sélectionnées minutieusement qui, sans être précisément l’objet d’un culte comme en connut l’ancienne Egypte, sont entourées d’une sollicitude particulière et figurent au premier rang dans toutes les fêtes. Ce sont les Inyambo (Le mot Inyambo » désigne une bête,  un troupeau ou l’ensemble des troupeaux).

L’origine des Inyambo remonte au Mwami Mazimpaka. Ce Roi choisit de belles vaches hautes sur pattes, aux longues cornes, à la robe d’un brun foncé luisant (ibihogo), et leur adjoignit un jeune et vigoureux taureau. Ce troupeau sélectionné fut mis à l’écart dans la province du Rukoma, près de la rivière Nyabarongo. Ces vaches se multiplièrent et l’on continua à choisir parmi elles les plus beaux sujets. Sous le Mwami précédent, Yuhi Musinga, les inyambo étaient divisés en deux troupeaux seulement appelés l’un agakanda, l’autre indoha.

 Musinga en ajouta un troisieme et leur donna les noms respectifs d’Inyubahiroo (les respectables)ou troupeaude Gihanga, Inshya(les nouvelles)  ou troupeau de Kigeri Ndabarasa, qui comptait un taureau remarquable nommé Rushya; enfin Igabe (les dominatrices), ou troupeau de Kigeri Rwabugiri.

Les trois troupeaux réunis furent appelés insanga. A la nouvelle lune de juin, ils étaient conduits processicinnellement chez le Mwami, au milieu des danses et des cris d’allégresse (gukura gicurasi : litt : enlever le mois de mai : (Le mois  de mai au cours duquel suivant la tradition, le Mwami

Gihanga était mort, était considéré comme un temps de deuil. Il était alors interdit de se marier).

En tout temps, un taureau appeléRusangaet cinq vaches de chacun des trois troupeaux Insanga se trouvaient dans un enclos spécial à l’intérieur du boma de Musinga, et le Roi venait souvent les caresser et leur parler affectueusement.

Les Inyambo séjournent maintenant dans la province de Buganza, pays de beaux pâturages et de collines mollement ondulées, parceque se sont sont des bêtes délicates qui ne supportraient pas le climat des hautes altitudes. Le Mwami remet ses troupeaux à l’Umutware w’intebe, celui-ci les confie à son tour à un chef de colline ou à de simples Batutsi qui, bien que dépourvus de commendement, sont d’origine plus noble que certains chefs, et ainsi sont parlicillièrement qualifiés pour veiller sur ce bétail de choix.

Les Inyambo sont des animaux de grande taille, hauts sur pattes, ayant le fanon moins développé que le bétail ordinaire, plus de coffre, le flanc long, la croupe anguleuse, maigre et sèche. Les cornes, démesurément longues, atteignent souvent près de un mètre soi\xante-quinze; elles  sont disposées en forme de lyre ou de croissant; l’écartement entre les pointes peut être parfois de deux mètres et même plus. La robe est rouge vif (igaju), de couleur froment (igitare), mais surtout brun foncé (ibihogo).

Les Inyambo rentrent au kraal tous les soirs et sont toujours littées, tandis qu’il en est rarement ainsi pour le bétail ordinaire, même chez les riches propriétaires.

Elles ne sont pas traites comme les vaches ordinaires. On ne leur prend chaque jour que la quantité de lait nécessaire à leurs gardiens bahutu. Quant à celles qui ont un veau, leur lait est réservé aux jeunes animaux. Le produit des Inyambo est par le fait même inyambo. Même la progéniture des vaches ordinaires peut le devenir.

Si dans un troupeau d’inkuku se trouve une génisse dont les caractéristiques sont semblables à celles des Inyambo, les Banyarwanda font saillir cette génisse par un taureau inyambo. Le veau né de ce premier croisement porte le nom d’imilizo. Si les éleveurs jugent que les qualités d’inyambo se retrouvent dans cette bête, ils la font également saillir par un taureau inyambo et ce produit est alors considéré comme étant digne d’entrer dans le troupeau des Inyambo.

Les femelles inyambo ne sont jamais abattues ou vendues pour quelque motif que ce soit : malformation ou stérilité, par exemple; elles meurent toutes de maladie ou de vieillesse. Pour les mâles, il n’en va pas de même; quand ils sont devenus adultes, les meilleurs sont conser-vés pour la reproduction; les autres sont vendus, tués ou placés dans des troupeaux ordinaires. La viande des taureaux abattus et des vaches mortes est consommée ou vendue par les gardiens. La castration n’existe pas: elle est même interdite par la coutume.

Les Inyambo sont conduites chez le Mwami à l’occasion des fêtes et des réjouissances publiques. Elles sont escortées par le Mututsi, chez qui elles sont en pension, et par leurs gardiens. Pour la circonstance, la plus belle bête(inyamibwa) porte sur le front un ornement de perles (amaraba), à la base de chacune de ses cornes trois fils de perles (amashyongoshyo) et aux pointes, des touffes de fibres de bananier (amakamba); une lanière couverte de perles rouges et noires lui entoure le cou; enfin au bout de la queue sont attachées des touffes de fibres de palmier portant le nom (ubuhivu). Six vaches portent un ornement de perles blanches (inigi) entre les cornes et au cou. Deux autres ont deux inigi et en outre un collier de perles plus long que l’inigi appelé imiheja. Enfin, le reste des inyamho a simplement une touffe de fibres à la queue.

Arrivées à Nvanza, les Inyambo défilent devant le Mwami pendant que les gens de leur escorte poussent des cris de joie (urwamo), agitent des bâtons (gucyura inka:faire rentrer le bétail) et vantent les qualités des Inyambo. Puis ils font aligner celles-ci (kumurika Inyambo : litt : montrer les Inyambo) et ils renouvellent leurs éloges.

Les pages intore se groupent alors et dansent devant le troupeau (kwinikiza). La fêle se termine par des libations de bière de banane offerte par le Mwami à tous ceux qui ont participé à la présentation des Inyambo. Si le Mwami est satisfait de la façon dont sont traitées les Inyambo, il donne des ingororano au chef de la province où les troupeaux séjournent ainsi qu’aux gens de ce dernier.

  1. Mort du Roi.

Quand le Mwami sent sa fin prochaine, il fait venir auprès de lui ses officiers de bouche (abanyagikari), des notables (abatoni)qu’il aime particulièrement et quelques gardiens des coutumes (abiru). Il leur fait connaître ses dernières volontés et leur rappelle le nom du successeur qu’il s’est choisi.

Le Roi mort, les abiru se rasent la tête, enlèvent leurs bracelets et mettent un vêtement en écorce de sycomore. Puis il choisissent huit Batutsi ou Bahutu appartenant aux familles des Abatsobe, Abagunga (nt Abanyangona, qui sont chargés du soin des funérailles (abanyamugogo litt: hommes à la grande bûche). Le cadavre est habillé comme de son vivant, roulé dans une natte et placé dans uningobyi (Panier allongé en forme de nacelle dans lequel sont portées les personnes de qualité)reposant sur une claie surélevée (urutara), installée dans une des huttes du boma royal (Jadis, à la mort du Roi, deux nobles batutsi étaient égorgés; c’est ce qui s’appelait : gusegurira Umwami (litt. faire l’oreiller du Roi). Lors du décès de l’Umugabekazi, deux grandes dames batutsi étaient pareillement mises en mort).

Pendant huit jours, les veilleurs entretiennent un grand feu sous la claie pour faire boucaner le cadavre. Dans le but d’activer l’opération, le cadavre est retourné matin et soir et pour empêcher la peau de crever, les veilleurs l’enduisent de beurre de temps à autre.

A l’aube du neuvième jour, le corps est levé par les veilleurs, accompagnés de quelques abiru, et est caché pendant la journée dans le rugo d’un Munyarwanda. La nuit venue, la petite troupe reprend sa marche. Voyageant seulement la nuit, le cortège funèbre arrive ainsi à la colline Rutare, près du lac Muhazi, terminus du voyage. Le propriétaire de chaque rugo où les porteurs ont passé la journée avec le cadavre doit boire gihango (Ce gihango est différent de celui dont il a été question dans le Pacte du sang. C’est un breuvage boueux dans lequel des herbes médicinales ont macéré et sont mélangées à de la cendre de bois et de la poudre de la corne d’un taureau qui en a tué un autre. Les Banyar-wanda croient que cette potion tue celui qui ne dit pas la vérité ou trahit un secret d’Éta), dont l’absorption le ferait mourir infailliblement s’il osait révéler cequ’il a vu.

Le sommet de la colline Rutare est couronné d’arbres, vestiges d’une ancienne forêt. C’est là que se trouve cimetière des Rois et des Reines. Les abanyamugogo y construisent une hutte, creusent une tombe et y enterrent le roi avec ses armes. La hutte est fermée à l’aide de madriers et entourée d’un enclos d’épineux pour empêcher les fauves de s’y introduire. Tout près de là, les veilleurs se batissent des habitations. Ils y séjournent pendant deux ans et sont nourris pendant ce temps par les gens des environs. Puis ils retournent chez eux après être passés par Nyanza, où ils sont comblés de cadeaux. Mais le Mwami ne peut les voir, car il mourrait dans l’année s’il apercevait ceux qui ont veillé et porté le corps de son père. Pour la même raison, les abiru qui ont accompagné ceux-ci à Rutare ne peuvent plus jamais venir à la cour de Nyanza. La croyance existe également que de l’épaule droite du Mwami défunt sort un ver (urunyo) qui, placé dans une cruche de lait, y grandit et devient un léopard qui ne tue que ceux qui sont méchants et injustes.

A la mort du Mwami, tout travail est suspendu pendant huit jours. Deux mois durant, les taureaux sont retirés des troupeaux, les enfants du Roi ne peuvent avoir de rapports conjugaux; sans que ce soit une obligation pour eux, les Banyarwanda agissent de même. Le décès de l’Umugabekazi donne lieu aux mêmes cérémonies et interdictions, mais légèrement simplifiées.

  1. Succession au trône.

Le Roi du Ruanda appartient toujours à la famille des Abanyiginya. Ses femmes sont choisies surtout dans les clans des Abega et des Abakono.

Parfois, le Souverain régnant désigne ouvertement comme son héritier même l’un de ses plus jeunes fils; il en est ainsi si celui-ci est reconnu par les devins comme devant être un Roi «magique », chargé de vaincre une épidémie, par exemple (umwami w’imitsindo). C’est ainsi que Rwabugiri ne conféra le pouvoir à son fils aîné Rutalindwa, qui prit le nom de Mibambwe, que pour le temps de la minorité de Musinga.

Le plus souvent, le nom du successeur du Roi est indiqué secrètement par ce dernier aux abiru, qui proclament ensuite l’élu.

Comme le droit d’aînesse n’existe pas, les révolutions de palais sont fréquentes à la mort des rois. Il y a lutte entre les épouses royales qui ont des enfants mâles, surtout lorsqu’elles appartiennent à des familles puissantes, afin de se hisser ainsi que leur fils au pouvoir suprême et de faire octroyer aux membres de leur famille des dignités, des terres et des troupeaux. C’est une révolution de ce genre qui, peu après la mort de Rwabugiri, renversa Mibamwe et donna le Ruanda à Musinga et à sa mère Kanjogera.

  1. Avènement du Roi

Deux jours après la mort du Mwami, son successeur est proclamé Roi par les gardiens des coutumes. Après deux mois de deuil, la foule des chefs, grands et petits, et de leurs abagaragu se rend à Nyanza. Les Inyambo y sont amenées également. Pendant deux jours, la joie la plus débridée se donne libre cours au milieu des beuveries, des danses et des jeux. Le nouveau Roi se montre à son peuple, en habits d’apparat, le front ceint d’une couronne composée de fils de perles blanches (ikamba ou igisingo) retombant sur le visage, et il reçoit de ses sujets, en don d’avènement, des indabukirano. Puis les gens retournent chez eux et le nouveau règne commence.

Si le fils du défunt est trop jeune pour régner effectivement, la mère et généralement les oncles maternels du petit prince exercent la régence (Signalons cependant que Ruganzu Bwimba, avant de partir en expédition contre les gens du Gisaka, guerre au cours de laquelle il fut tué, désigna comme régent de son fils Cyilima Rugwe, un umunyiginya, Cyenge, et non un de ses beaux-frères). De même l’umugabekazi participe aux réunions du conseil des ministres jusqu’à ce que son fils ait atteint quinze ans environ, l’âge auquel il peut exercer le pouvoir suprême. Naguère encore, les oncles maternels du Mwami, profitant de sa jeunesse et de leur situation privilégiée, avaient souvent recours à la violence et à la ruse pour arrondir leurs provinces ou augmenter le nombre de leurs troupeaux.

  1. Divisions politiques.

Les traits caractéristiques de la féodalité se retrouvent au Ruanda. L’émiettement du pouvoir et des biens, l’octroi par le Mwami à ses sujets d’avantages et de commandements toujours révocables entraîne une grande incertitude dans la condition de chacun et permet au Roi d’asseoir sûrement sa domination sur le pays.

Le Ruanda est divisé en provinces (intara) placées sous le commandement d’un chef unique (umutware w’intebe)  Cette règle souffredes exceptions. Dans le Bwishaza, par exemple, deux autres chefs se trouvent placés sous les ordres de l’umutware w’intebe : l’umutware w’ubutaka, qui exerce son autorité sur les terres et les Bahutu, etl’umutware w’umukenke, gouverne les pâturages, les troupeaux et les Batutsi. Les abatware sont nommés par le Mwami. Ils n’appartiennent pas nécessairement aux premières familles du pays. En effet, un simple Mututsi, voire un Muhutu, peut devenir chef gràce à la faveur royale qui récompense son intelligence et son dé vouement.

Jadis, au temps des guerres, les abapfumu du Mwami choisissaient parmi les abatware b’intebe l’umugaba w’ingabo(chef de l’armée). La paix conclue, celui-ci redevenait ce qu’il était auparavant.

Il est des abatware qui possèdent en propre des collines dans d’autres provinces (Depuis1924, dans le but d’unifier les commandements des chefs de province, le gouvernement s’est attaché à persuader les abatware de procéder à des échanges de collines).

 Les abacibiri, qui ne possèdent qu’une partie de province, dépendent, eux aussi, directement du Mwami, qui leur a donné leurs terres.

Les ibisonga sont placés à la tête d’une ou plusieurs collines. Ils sont les surveillants des abatware et des abacibiri et souvent aussi leurs délateurs auprès du Mwami. Des femmes peuvent être ibisonga. Ce sont, par exemple, des abaja du Mwami (servantes-maitresses) qui, en récompense de l’octroi de leurs faveurs, reçoivent une colline. Mais le cas le plus fréquent est celui d’une veuve d’igisonga sans enfant mâle qui, faisant sa cour chez le Roi, obtient de continuer à gérer la colline détenue par son mari (Citons, par exemple, Nyirarigweni, veuve de Nyantabana, grand chef de province, remplacé actuellement par Rwabutogo, qui commande la chefferie Buganza dans le territoire de Nyanza)• Chaque chef de colline a sous ses ordres un factotum appelé umuhingisha, qui désigne et délimite les champs demandés au chef par les Bahutu et peut même trancher les palabres en l’absence de l’igisonga. L’umunyabigega est hiérarchiquement subordonné au précédent. C’est le chef des greniers (ibigega) du chef dont il surveille les cultures.

Les abanyabikingi ne commandent qu’une partie, un éperon de colline. Nommés directement par le Mwami, ils jouent auprès des ibisonga le rôle de surveillant, voire d’espion pour le compte du Roi.

  1. Succession du commandement

Comme la dignité royale, la charge de chef de province est héréditaire. Elle est attribuée par le chef à celui de ses fils qu’il juge le plus digne de lui succéder. Il se peut que celui-ci devienne en même temps chef du clan, mais il n’en est pas toujours ainsi. En effet, la famille et le clan sont des entités sociales distinctes des unités politiques.

Le nouveau chef doit venir annoncer la mort de son père au Mwami en lui amenant une vache yo kubika: annonce la mort). D’autre part, il reçoit de ses gens et de ses amis des indabukirano.

Les chefs autres que les abatware sont nommés par ces derniers et confirmés dans leurs fonctions par le Mwami.

  1. Impôts et corvées.

A côté des obligations civiles découlant du contrat d’ubugaragu, il en est d’autres qui sont dues aux différents chefs comme tels.

  1. Obligations dues au chef de colline.

Les Bahutu qui ne sont pas abagaragu de l’igisonga doivent apporter à celui-ci, une fois par an, un grand panier de sorgho (urutete) et un petit panier de haricots (ipfukire). Naguère encore, ils étaient tenus également de culliver les champs du chef (uburetwaou uruharo) (En 1924, cette coutume a été modifiée par les autorités, pour améliorer le sort du Muhutu. Celui-ci ne fournit plus actuellement que deux jours de travail sur sep), de construire et d’entretenir chacun une partie du rugo du chef (kubaka inkike) et de luiservir de messager (gutumwa). Enfin l’igisonga garde un groupe de cinq hommes(intizo) pour ses besoins personnels et met le reste à la disposition du chef de province, qui les utilise soit à la construction ou à la réparation des ingo du Mwami et des siens, soit pour des travaux de routes, etc.

La corvée de kubaa inkike et de gutumwa incombe également aux simples Batutsi qui ne sont pas clients du chef (Les Batutsi se déchargent évidemment de ces obligations sur leur serviteurs ou leurs clients).

Les Bahutu et les Batutsi abagaragu du chef ne doivent pas l’uburetwa. On les appelle ibyanga mibyizi:ceux qui refusent le travail). Mais ils doivent apporter l’urutete et l’ipfukire. De plus, la corvée de kubaka inkike et de gutumwa leur incombe également, mais en vertu du contrat d’ubugaragu.

A tour de rôle, tous les Bahutu doivent veiller chaque nuit dans le rugo de l’igisonga (ukurarira) et fournir au chef le bois nécessaire au chauffage et à la cuisine.

  1. — Obligations dues aux chefs de province et abacibiri.

Les Bahutu qui ne sont pas abagaragu leur doivent l’urutete, l’ipfukire et également l’uburetwa, deux jours sur sept. Quand l’exécution de cette dernière prestation est difficile, voire impossible, vu la distance, les Bahutu la remplacent en apportant le produit de leurs cultures (sorgho, petits pois, haricots, éleusine, colocasses). Cet impôt porte le nom d’ibihunikwa (litt. : ce qui est mis au grenier).

 

Les clients Bahutu ne sont astreints qu’à l’uretete et à l’ipfukire.

Les Batutsi ordinaires ont l’obligation de kubaka inkike, gutumwa et kobyukurutsa, c’est-à-dire de donner des vaches dites imbyukuruke.

 

Ceux qui sont abagaragu doivent, sauf dispense, apporter au chef l’uretete et l’ipfukire. C’est aux ibisonga qu’est dévolu le soin de prélever dans chaque umuryango les impôts en nature dus respectivement aux abatware et abacibiri.

 

Les habitants du Nduga et du Marangara, provinces qui sont l’apanage du Mwami actuel, doivent l’impôt à celui-ci en sa qualité de chef de province et à lui seul.

 

  1. — Obligations dues au Mwami

Elles portent le nom générique d’ikoro ry’Umwami. Les Bahutu ont à apporter au Roi l’ikoro ry’ubutaka (litt: impôt de la terre), comprenant l’urutete et l’ipfukire, sur lesquels les chefs prélèvent une dîme(umusogongero). Ceux qui sont ses clients directs sont astreints en plus soit à l’uburetwa, soit à l’ibihunikwa.

 

Les Batutsi sont tenus de kubaka inkike, gutumwaet kubyukurutsa. Ceux qui sont abagaragu du Mwami doivent encore, à moins d’en être dispensés, fournir l’urutete et l’ipfukire. Les impôts en nature destinés au Mwami sont prélevés par les chefs chez leurs administrés.

 

Les chefs de province ont l’obligation de séjourner à Nyanza un temps plus ou moins long pour y faire leur cour, et le Roi ne manquera pas de faire attendre parfois plusieurs mois avant de congédier ceux dont il est mécontent. Ils sont encore tenus d’amener au Mwami du bétail, notamment des inkuke, un indwanyi, une ibiniha et des intorwa.

 

Le Roi a également droit à un certain pourcentage sur le produit des chasses (gusogongera). Jadis, le Mwami prélevait également un certain nombre de vaches (iminyago) sur celles qui provenaient des razzias opérées au cours des guerres.

 

Certains indigènes ne sont tenus qu’à l’ingabo. C’est le cas des artisans, des chasseurs, des agriculteurs qui fournissent au Roi et à la Cour des arcs, des flèches, des serpes, des nattes, des peaux, des tambours, du miel, de l’hydromel, etc.

 

Les Batwa ne sont astreints à aucune obligation fiscale proprement dite à l’égard des chefs et du Roi. Les potiers doivent uniquement fournir des pots et des cruches à la Cour et porter le Mwami, sa femme et l’Umugabekazi en ingobyi. Ils sont aussi les exécuteurs des hautes oeuvres du Roi. Les prestations des chasseurs consistent en ivoire, peaux et bois odorant.

 

Des sanctions pénales sont prévues en cas de non-exécution de ces obligations. Les chefs de colline et de province ainsi que le Roi font bâtonner les Bahutuet prennent des vaches aux Batutsi. Jadis, le Mwami ordonnait même parfois à ses bourreaux batwa de couper les oreilles (kubiha) aux contribuables bahutu défaillants.

Un droit de péage (ihoro) est perçu par les passeurs d’eau. Pour le passage d’une rivière plus importante, telle que la Nyabarongo, la taxe est versée au chef de province, qui en ristourne une partie aux bateliers. Les commerçants doivent également verser un ihoro aux chefs dont ils traversent le territoire.

  1. Sociétés secrètes.

La secte dite Nyabingi (ou Biheko) tire son origine du nom de la reine du Ndorwa, tuée par les guerriers du Mwami Rwabugiri, d’où l’hostilité marquée aux Batutsi et au pouvoir royal par les descendants de la Souveraine. De plus, ceux-ci sont devenus des Bahutu par leurs alliances avec des femmes du peuple. Ce sont là autant de raisons pour que les « Baheko » aient été considérés comme des sauveurs par les Bahutu, surtout dans le Nord du Ruanda, où la résistance sinon l’hostilité aux Batutsi et à leur administration s’affirme bien plus que dans le restant du pays.

Du Ndorwa, où elle a pris naissance, la secte s’est étendue au Buberuka, Mulera, Bugoyi et même au Buganza et au Bwanacyambwe. Les propagandistes sont surtout des femmes qui se disent possédées par l’esprit de Nyabingi. Toute femme Nyabingi dispose d’un certain nombre d’abagirwa qui sont ses serviteurs, mais qui se substituent souvent à elle pour exploiter les naïfs Bahutu en exigeant d’eux des présents soi-disant destinés à honorer Nyabingi et à la remercier de les protéger contre les Batutsi, voire contre les Européens.

La secte Nyabingi exerce donc une action néfaste, non seulement parce qu’elle entretient le Muhutu dans de vaines croyances et qu’elle abuse de sa crédulité en exigeant de lui des cadeaux importants (corbeilles de pois, de haricots, de sorgho, moutons, chèvres, taurillons, génisses), mais surtout parce qu’elle prêche le respect d’une autorité indépendante du Mwami, excite la haine contre les chefs Batutsi et aussi contre le pouvoir occupant.

  1. Classes sociales.

Les Bahutu dominés par les Batutsi et auxquels s’ajoutent quelques groupes de Batwa forment le peuple des Banyarwanda.

Mais les Bahutu comme les Batutsi se subdivisent en plusieurs catégories qui portent chacune un nom spécial.

Un Muhutu pauvre, n’ayant qu’un misérable lopin de terre, s’appelle umutindi. Si son dénuement est moins grand, il porte le nom d’umugabo. Un umukungu est un homme bien nanti, possédant plusieurs champs et de nombreuses têtes de bétail.

De même, selon leur degré de richesse progressif, les Batutsi seront umukene, umukire, umutunzi, umutware Les abatware forment une aristocratie restreinte appelée imfura

Comme nous l’avons vu, la faveur du Mwami ou des grands chefs peut avoir pour effet d’améliorer sensiblement la situation sociale même d’un simple Muhutu. D’autre part, un chef important peut être réduit à la condition la plus misérable s’il a déplu au Roi ou s’il est maudit par son père. Les Batwa, eux, sont tous mis sur le même pied et sont universellement méprisés par les Bahutu comme par les Batutsi.

Jadis, les guerriers ennemis étaient le plus souvent massacrés. Les femmes nobles réduites en servitude étaient considérées comme des Batutsikazi; les femmes bahutu devenaient des abaja (servantes). Les fillettes suivaient le sort des femmes. Quant aux garçons, ils étaient traités comme des Bahutu.

Les guerriers ne constituaient pas une caste à part. Tous les hommes valides, Batutsi comme Bahutu, devaient prendre les armes quand le pays était menacé. De même, les devins, sorciers, faiseurs de pluie, pas plus que les nombreux fonctionnaires de la Cour de Nyanza ne forment pas des castes fermées.

  1. Droit de la guerre.

Le Ruanda a connu jadis de grandes guerres avec tous les pays voisins : Karagwe, Gisaka, Kivu et Urundi notamment.

Quand les gardes-frontières (abanyarugerero) remarquaient des mouvements de troupes suspects, ils avisaient le Mwami. Celui-ci réunissait le conseil des ministres et l’on procédait à la consultation des augures. Si ceux-ci étaient favorables, la guerre était décidée. Un intumwa était envoyé à la limite des deux pays et, en criant de loin, annonçait l’ouverture des hostilités. Les guerriers Banyarwanda, batutsi et bahutu, combattaient ensemble dans des corps de milices régionales. Le chef suprême de l’armée choisi pour le temps de guerre parmi les abatware portait le titre d’umugaba w’ingabo. Au combat, les troupes étaient précédées d’abahennyi, Bahutu qui entièrement nus vociféraient des insultes à l’adresse de l’ennemi.

Le Mwami mandait un émissaire pour sommer l’ennemi de se rendre. Si celui-ci consentait, un envoyé accompagnait celui du Ruanda, venait notifier la reddition au Mwami, puis retournait dans son pays.

Les prisonniers mâles étaient, généralement massacrés: leurs femmes et leurs enfants étaient emmenés au Ruanda. Le butin, consistant surtout en bétail, était partagé entre les guerriers Banyarwanda, qui devaient en remettre une partie au Mwami(iminyago). Le Roi réunissait alors à nouveau son conseil et proclamait la fin de la guerre.