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  1. La Réorganisation Des Chefferies Et L’Épuration Du Personnel Dirigeant.

Rudahigwa a prêté tout son concours à la Résidence pour réorganiser l’administration indigène et renouveler ses cadres.

Le remembrement des subdivisions territoriales, commencé en 1926, s’acheva en 1933. Il s’agissait, tout en respectant les « pays » –ibihugu-et en les maintenant dans leurs frontières historiques, de les équilibrer en tenant compte de la superficie et de la densité de population. Morceler les uns, -tels que ‘le Buganza, en plusieurs provinces ; réunir les plus petits sous un même commandement ; supprimer prestement les innombrables enclaves — ibikingi, fiefs relevant immédiatement de l’ingoma, que le caprice du souverain avait constitués au profit de ses favoris, de ses servantes même, souvent dans un but d’espionnage et de lutte contre ses propres vassaux ; assigner à chaque membre de la hiérarchie féodale un nombre suffisant de taillables et corvéables, une moyenne d’un tiers de mille au moins dans les sous-chefferies, afin qu’il pût vivre avec décence et tenir son rang, briser, en revanche, les concentrations féodales en interdisant le cumul des fiefs et en contraignant les bénéficiaires à la résidence, mettre en définitive de l’ordre, de la proportion, de la justice dans la distribution ‘des gouvernements : telle était la besogne la plus, urgente et, telle fut la tâche achevée la première. Le contribuable se trouva de la sorte affranchi des exigences des tyranneaux, trop nombreux et inutiles, l’officier subalterne fut suffisamment nanti de prestations pour n’avoir plus d’excuses.

Ce travail de remaniement de la géographie politique du Ruanda, fut facilité par l’établissement de la carte au200.000e, agrandie à l’échelle du 100.000e, avec courbes de niveau à l’équidistance de50 mètres, confiée au Service cartographique militaire belge, commencée en 1922, terminée en 1933, comportant une trentaine de feuilles pour le Territoire tout entier.

Des émoluments en espèces, à l’instar de ceux du mwami, furent constitués pour les fonctionnaires féodaux en ristournes sur l’impôt indigène, augmenté à cet effet de la contre-valeur des prestations coutumières en vivres. Les chefs se virent allouer un franc pour chaque contribuable de leur province, et dix centimes par tête de bétail les sous-chefs respectivement trois francs et soixante centimes dans leur canton. Les prestations en travail furent arrêtées annuellement pour chaque corvéable à trois journées dues au chef, à douze, soit une par mois, dues au sous-chef. Ilfut de plus en plus loisible aux intéressés de racheter leurs prestations au taux de cinquante centimes par journée, ce taux étant susceptible de relèvement proportionnellement à la perte de valeur de la monnaie. En outre, le chef de province garde un domaine propre et direct sur les collines de sa résidence principale où il remplit en même temps les fonctions et perçoit les droits d’un sous-chef.

Le Ruanda se trouva donc divisé en huit territoires, représentant les intendances de l’Administration mandataire, avec chef-lieu fixe destiné à devenir tôt ou tard une agglomération urbaine. L’administrateur, délégué de la Résidence, aura sous sa main une dizaine de chefs et une centaine de sous-chefs, rappelant les comtes et vicomtes de l’ancienne monarchie carolingienne. Il les réunit mensuellement à son poste central pour leur donner conseils et directives ; il les visite sur place par des tournées périodiques pour contrôler leur gestion. Son inspection se conjugue avec celle du mwami et, au-dessus, avec celle du Résident.

Les sinécures ayant été supprimées, une péréquation étant établie entre les fiefs de même caractère, l’Administration procéda au relèvement qualitatif du personnel maintenu. Cette opération fut accomplie par des destitutions et remplacements. Le droit héréditaire, inhérent au régime féodal, fut respecté. Chefferies et sous-chefferies,tenues pour des patrimoines de famille, restèrent en règle générale dans la famille. Un commandement ôté à son titulaire fut passé à l’un de ses héritiers directs. Mais on ne choisit pas nécessairement l’aîné, n’y étant pas obligé par la coutume. On donna la succession au sujet le plus digne, savoir le plus instruit, le plus ouvert, le plus probe, en principe à un élève de l’Ecole des fils de chefs de Nyanza. Pour éviter que les seigneurs fonctionnaires nus à pied ne tombassent dans l’indigence, on leur laissa l’usufruit de leur domaine propre : demeure, bananeraies, cultures, bêtail, droit d’usage dans le pâquis, tenanciers bagaragu. Rassuré moralement de ce côté, on n’hésita pas devant des coupes sombres, frappant les défaillants et lei incapables. Dans la seule année 1935, par exemple, vingt-huit chefs et sous-chefs furent révoqués pour fautes graves, exactions, abus de pouvoir, négligences coupables dans les mesures prescrites pour parer aux familles et à la propagation de la peste bovine. Grâce à de judicieuses substitutions, la proportion des lettrés parmi le millier environ de chefs et sous-chefs du Ruanda monta en 1955 à soixante pour cent Celle des chrétiens était encore plus forte. On recensait en 1935 53 chefs catholiques sur 69 contre 16 païens ; 725 sous-chefs catholiques et 24 protestants ou adventistes sur 900 contre 151 païens : soit un pourcentage de 81 chrétiens,en 1936, parmi les chefs 54 catholiques, parmi les sous-chefs 756 catholiques et 25 protestants, soit un pourcentage de 83,5 chrétiens. La proportion des païens était tombée d’une année à l’autre de 17 à 13 pour cent.

« Comme les années précédentes, lit-on dans le Rapport de 1935, la politique indigène du Gouvernement a été dominée par le souci de maintenir la stabilité des charges, tout en obéissant néanmoins à la nécessité de retirer des cadres coutumiers les éléments par trop arriérésou incapables. Dans bien des cas les notables intéressés eux-mêmes, se rendant compte qu’il leur était impossible de suivre l’évolution économique et politique du pays, ont renoncé spontanément à leur office, en demandant à être remplacés par le successeur désigné par la coutume.

« Ainsi, d’année en année, l’on assiste à une amélioration sensible de l’armature indigène. Le temps n’est pas éloigné où tous les chefs et sous-chefs seront lettrés et gagnés aux idées de la civilisation. Actuellement déjà, les administrateurs peuvent se dispenser de rassembler les notables lorsqu’ils ont à leur faire connaître des instructions : très souvent, une lettre collective suffit à toucher les chefs et les sous-chefs et à les faire agir.

« Pour cet objet, l’Administration trouve un auxiliaire dans le Kinyamateka, « Le Nouvelliste », journal, mensuel édité par le Vicariat et tiré à 5.000 exemplaires, qui renseigne sur les mesures gouvernementales et les conseils des autorités relatifs à tout ce qui touche la vie indigène : taux des impôts, préparation des peaux, récolte de la cire, entretien des caféiers, etc. Les articles sont rédigés par le mwami en collaboration avec l’administrateur de Nyanza. Ils aident puissamment à faire pénétrer dans la masse de la population les principes généreux du programme d’amélioration. »

Ainsi, dès 1933, la Puissance mandataire se trouvait pouvoir disposer d’un personnel en nombre suffisant de fonctionnaires indigènes, possédant l’autorité de la naissance, de la légitimité, de la tradition, de la fortune, de la compétence, et en plus du savoir et de la foi chrétienne. Cette noblesse de sang et de gouvernement, qui savait se faire obéir de ses administrés, était elle-même matée et disciplinée, soumise à son souverain féodal, le mwami, et aux protecteurs européens. Ses conditions matérielles s’étaient si bien améliorées que ses revenus se montaient à près d’un demi-million pour le mwami, à 50 ou 100.000 francs pour un grand chef, à5 ou 10.000 francs pour un sous-chef.  Ralliée pleinement au régime nouveau, cette aristocratie allait être un instrument de choix et de plus en plus perfectionné entre les mains de l’Administration pour réaliser la régénération politique et économique du pays.

La tâche qui s’imposait présentement comme la plus urgente consistait à sauver la race, à arracher les populations aux causes de destruction et de dépérissement, savoir aux fléaux de la famine et des contagions. C’était, surtout une question de voies de communications nombreuses et de transports faciles, de bon aménagement des cultures, de soins d’hygiène et de dépistage d’endémies. On va voir comment par de sages méthodes, par une action soutenue et énergique, la Belgique est arrivée, en faisant appel à la collaboration indigène, à résoudre rapidement ces problèmes primordiaux.

  1. La Solution Du Problème De La Circulation Et Des Transports

 On a dit précédemment que les Allemands projetaient de drainer le trafic du Ruanda vers l’océan Indien par le moyen d’un embranchement du  Centralbahn atteignant la Kagera au Kisaka et d’un service de batellerie sur le fleuve et ses affluents. Les Belges se sont naturellement proposés d’aiguiller le courant commercial dans une direction opposée, celle de l’océan Atlantique et de leur colonie du Congo. A cet effet, ils ont développé la navigation sur les lacs Kivu et Tanganyika, équipant les ports de Costermansville-(Bukavu) et d’Albertville, en vue d’y recevoir les marchandises du Territoire en transit. Ils ont relié les deux lacs le long de la Rusizi par une double route carrossable, une sur chaque rive, de 105 kilomètres et par une ligne ferroviaire Uvira-Bukavu, qui n’était encore poussée en 1939 que jusqu’à Kamaniola à mi-chemin. Des vapeurs desservent les côtes et les îles du lac, faisant escale, au Ruanda, à Ngoma-Kisenyi, àKibuye et à Tshyangugu. Les marchandises lourdes, minerai, denrées alimentaires, bétail, embarquées au Bugoyi, au Bwishaza et auKinyaga, sont transbordées à Costermansville et par camion, ou par wagons expédiées jusqu’au Tanganyika, où elles sont rembarquées pour Albertville. Une partie du trafic, celui notamment du Ruanda Central et Oriental, emprunte la voie terrestre à travers l’Urundi, atteint Usumbura, et de là, grâce aux vapeurs du Tanganyika, gagne Kigoma d’où le Tanganyika Railway — ancien Centralbahn— le draine jusqu’à Dar-es-Salaam.

Passent par la voie de Dar-es-Salaam-Usumbura la presque totalité des voyageurs, la majeure partie du courrier postal, les marchandises importées dans la proportion de 4.700 tonnes sur 7.700 en 1936, et les peaux de bovidés exportées, toute la cassitérite ou minerai d’étain, environ 4.000 tonnes en 1938, l’or, tout le coton et presque tout le café. Le port de Kisenyi, notamment, a expédié sur Costermansville en 1936 1.225 tonnes de vivres, et celui de Kibuye 390 tonnes de cassitérite. L’inversion du trafic extérieur et international d’un océan à l’autre s’accentue toujours davantage d’année en année en faveur de l’Atlantique.

A l’intérieur du pays la Belgique a transformé en voies carrossables les pistes allemandes et a créé en outre un réseau routier à neuf aux mailles de plus en plus serrées. Aux bicyclettes purent s’ajouter dès 1925 les motocyclettes et en 1929 les automobiles et camions. A cette dernière date commença la construction des routes empierrées selon un programme arrêté : une première mise de 58 millions, fournie par l’emprunt, y fut consacrée.

Plus de 6.000 kilomètres de chemins accessibles aux voitures automobiles sillonnent aujourd’hui le Territoire sous mandat, entre le Tanganyika Territory au sud, l’Uganda et les provinces orientales du Congo Belge au nord. L’artère maîtresse Usumbura — Akanyaru Astrida — Nyanza — Kabgayi — Kigali bifurque à ce dernier relai, noeud de la circulation, au nord-ouest vers Rulindo — Ruhengeri-Kisenyi et Rutshuru au Congo, au nord vers Byumba-Kabare, au nord-est vers Kiziguru — Gabiro — Kakitumba et Kampala dans l’Uganda. Tout le long se branchent en arrête de poisson des diverticules vers l’est et vers l’ouest, en sorte que l’ensemble, au 31 décembre 1936, se décomposait pour tout le Territoire en 215 kmde routes principales, 1.750 kmde routes secondaires, 3.650 km de routes de voyageurs, 31 km de routes privées, 600 km de routes en construction déjà praticables.

Ces voies de communication restent le plus possible sur les faîtes et épousent les sinuosités des plateaux et des dos d’ânes, comme les anciennes voies romaines, ce qui allonge, il est vrai, les distances, mais réduit le nombre des travaux d’art, les vallées étant pour la plupart marécageuses et partant d’une traversée laborieuse. Les premiers viaducs furent des passerelles de bois, des caniveaux voûtés en briques, de petits ponts à arches, les cours d’eau importants n’étant passés qu’à bac. Depuis 1938 les ponts métalliques ont fait leur apparition. Le premier de cette catégorie, d’une réelle envergure, jeté sur la Nyabarongo au pied de Kigali, a été inauguré le 8 février 1938 par M. Jungers, gouverneur du Ruanda-Urundi, et M. Simon, résident du Ruanda. Son coût s’est élevé à quinze cent mille francs belges.

A la fin de 1936, le Ruanda possédait déjà une centaine de véhicules automobiles, dont un quart de camions, l’Urundi le double. Etant un pays de transit, la circulation sur sa grande artère ne saurait se mesurer au nombre encore restreint de ses engins de transport.

L’Etat fut aidé dans cette oeuvre urgente et si lestement exécutée de la circulation par les Sociétés minières, intéressées au premier chef à son avancement, et aussi grandement par les chefs indigènes, piqués d’émulation, qui étaient en mesure de fournir à cette fin une main d’oeuvre abondante. Ceux-ci, en effet, se rendaient compte du profit que le pays retirerait des facilités offertes de la sorte au trafic. Par là il serait pourvu, non seulement aux nécessités de la police, du commerce, de l’administration, mais encore aux moyens de secourir promptement les populations menacées de disette. Même en temps ordinaire l’indigène bénéficie dans une large mesure de cet outillage commercial créé par l’européen à la fois pour ses voyages, pour ses achats et pour ses ventes. Les camions le transportent en Uganda ou au Katanga lors de ses émigrations saisonnières. Ils lui apportent à meilleur compte les tissus que lui détaillent les mercantis. Ils enlèvent ses peaux, ses cafés, son coton, ses denrées vivrières, qui sont ses principaux articles d’exportation.

Des terrains d’atterrissage viennent d’être aménagés aux aéroports de Ngoma-Kisenyi, au nord du lac Kivu, et à Kamembe au sud, destinés au service régulier d’avions qui doit être assuré, dès 1939, tant par les Impérial Airways que par la Sabena (Société Anonyme Belge d’Exploitation de la Navigation Aérienne). Au Ruanda, l’étape de la traction animale et celle de la voie ferrée ont été brûlées.

  1. L’Extension Des Cultures Et La Préservation Du Bétail : L’Impulsion Initiale Donnée Par Les Missionnaires.

La population indigène étant toute entière adonnée à l’agriculture et à l’élevage, vivant exclusivement des produits du sol et des troupeaux, c’est dans le sens d’un développement en extension et en intensité de ces sources générales de l’alimentation que devait travailler la Puissance mandataire pour parer aux besoins d’une démographie en croissance rapide et au fléau sans cesse renaissant des famines. Elle n’y a pas manqué. Elle a trouvé ici des auxiliaires compétents dans l’oligarchie dirigeante, chefs et sous-chefs étant par excellence des gentilshommes fermiers.

Elle a d’abord accru la superficie des cultures en conquérant de nouveaux terrains sur les marécages. En 1936, 34.000 hectares avaient été récupérés par drainage, rectification et curement des cours d’eau’, assèchement des bas fonds, dont 30.000 étaient- mis en culture maraîchère.

Elle a introduit d’office, comme aliment d’appoint et vivres de réserve en cas de disette, le manioc, dont la racine, chargée de farine, résiste à la sécheresse et persiste à travers les années. Comme produit de vente, permettant au cultivateur de s’acquitter de ses contributions en argent et de se constituer une épargne, elle a généralisé la culture du caféier, essence autochtone d’ailleurs, découverte naguère à l’état naturel dans la savane, prospérant à souhait à l’ombre des bananeraies sur les hauts plateaux, et celle du coton dans la vallée à climat tropical de la Rusizi. Ses campagnes dans cette voie ont été couronnées d’un plein succès. Les plants de caféiers ont passé de 414.000 en 1931 à dix millions en 1936 ; la production indigène qui était de 70 tonnes à la première de ces dates était montée à 1.200 à la seconde. Quant au coton, onze mille planteurs du Territoire entier ont récolté chacun en moyenne 182 kilogrammes d’une valeur de 145 francs.

Un reboisement systématique a été prescrit aux Communes à la cadence d’un hectare par an, rarement réalisée, les essences les plus avantageuses étant l’eucalyptus, le grevillea robusta, l’acacia black wattles. Au début de 1937, les surfaces nouvellement boisées atteignaient déjà 7.000 hectares, cela sans préjudice des plantations que fait l’indigène prévoyant autour de son kraal et des rangées d’arbres que l’administration des Ponts et Chaussées établit sur six mètres au moins à droite et à gauche des principales routes qu’elle construit.

La richesse principale du Ruanda étant son cheptel vivant, évalué à près d’un demi-million de bêtes à cornes, l’Administration s’est employée tout d’abord à le sauver d’une destruction périodique par des vaccinations contre la peste bovine et autres épizooties. A cet effet elle a créé, en 1926 à Kisenyi un laboratoire vétérinaire, dont l’action rayonne sur tout le pays par l’organe d’assistants indigènes. En outre pour le perfectionnement des méthodes de culture et d’élevage, pour l’amélioration des races indigènes, pour l’introduction de nouvelles espèces de céréales, d’arbres fruitiers, d’essences forestières, du quinquina, du théier, du cannelier, etc., elle a établi à Dendezi au Kinyaga une ferme d’expérimentation, transférée en 1928 à Rubona dans le Nduga, où l’on attèle des bœufs, où l’on élève le cheval, le porc et les gallinacées d’Europe ; elle a créé une pépinière ou arboretum auprès d’Astrida ; elle exige qu’un enseignement agricole pratique soit donné dans toutes les écoles primaires qu’elle subventionne avec champ d’expérience annexé. Des cours spéciaux d’assistance agricole et vétérinaire sont donnés dans l’École d’Astrida, que les futurs administrateurs indigènes doivent suivre, vu que tous les chefs sont tenus par état de consacrer le meilleur de leurs soins au progrès agricole dans leurs terroirs respectifs.

A vrai dire, les véritables initiateurs en agronomie ont été les Pères Blancs. Ce sont eux qui les premiers ont introduit et expérimenté sur leurs concessions froment, orge, seigle, pomme de terre, plantes potagères, agrumes, caféiers, filaos, eucalyptus, race porcine, etc. Ils ont été pendant plus de vingt ans les seuls colons européens. Leurs propriétés sont encore de vraies fermes. Que leurs exploitations agricoles ne puissent en aucune façon concurrencer et menacer la colonisation lucrative et laïque, on s’en convaincra aisément si l’on a égard qu’en 1936 les stations, tant protestantes que catholiques, étaient quarante trois à se partager deux mille hectares de terre, ce qui donne une moyenne de 46 hectares pour chacune et que par ailleurs, si, pendant la période allemande, elles pouvaient prétendre à des lots de 150 à 200 hectares, elle ne sont plus admises aujourd’hui à acquérir , pour leurs nouvelles fondations que des pièces de vingt-cinq hectares, réduites ordinairement à sept ou huit, cependant que les chapelles-écoles doivent se contenter d’un demi-hectare, encore à titre précaire. Ces propriétés, qui ne peuvent suffire aux besoins alimentaires de leurs occupants, influent néanmoins de la plus heureuse façon sur le développement du cultivateur et de l’éleveur indigène.

C’est pareillement aux missions, auprès des Frères et des Sœurs catholiques surtout, que se trouvent des écoles d’apprentis pour les arts et métiers communs. Les statistiques de 1935 relèvent que 268 maçons, 182 menuisiers, 62 charpentiers, 122 tuiliers, 611 briquetiers, 47 tailleurs de pierre, 94 scieurs de long, 8 forgerons, 23 typographes, 20 relieurs, et, parmi les jeunes filles, 75 couturières usant de la machine à coudre, 47 confectionneuses de tapis en cordes et en fibres, ont été formés par la Mission Catholique. L’énumération est d’ailleurs loin d’être complète. Ici tout était à inaugurer et à enseigner, l’indigène ne sachant pas plus gâcher le mortier que filer et tisser.

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