Les succès enregistrés auprès du peuple, si modestes fussent-ils, encourageaient les missionnaires à poursuivre leur oeuvre de conversion des Rwandais et d’expansion des Missions. Jusqu’en 1904, ils avaient seulement réussi à créer cinq postes, situés tous sur les périphéries du Rwanda. Mgr Hirth, malgré le refus de la Cour royale de lui accorder la permission de fonder une Mission au coeur du pays, dans le Nduga ou dans le Marangara, n’avait jamais abandonné son projet de fixer un foyer d’apostolat direct en plein milieu de l’élément tutsi. Les missionnaires de Save avaient reçu la consigne de rester “l’oeil aux aguets” et de sauter, dans le but visé, sur toute opportunité qui se présenterait.

Une occasion parut s’offrir lorsqu’en 1902, ils furent avisés par le Résident intérimaire von Béringé sur le point de se rendre de Bujumbura à Nyanza, qu’il aimerait leur rendre service, de quelque ordre qu’il fût. Sur ces entrefaites, le Père Smoor alla le rejoindre à Nyanza où il lui transmit le désir de leur supérieur, Mgr Hirth: une autorisation de fondation d’une Mission Nyanza ou dans les environs. Mais cette requête fut considérée par Béringé comme non avenue: “Musinga, disait-il, serait capable de déménager et de porter ailleurs ses pénates, si l’on voulait l’obliger à accepter le voisinage d’un temple chrétien. Quant à l’installer en pays mututsi, l’idée en est prématurée. Les nobles ne sont pas près de se convertir et il ne faut pas les heurter. Au reste, ajoutait-il, vous avez déjà trois postes au Rwanda; le gouvernement n’en a encore aucun. Le champ ne vous manque pas, où vous êtes déjà, pour de bonne besogne.”

L’attitude de Béringé, c’est-à-dire son désaccord avec le préla, nous montre qu’à cette époque, l’élite dirigeant restait encore fermée et opposée aux missions. Les Tutsi combattaient ces dernières, seuls les Hutu et les petits Tutsi pauvres pouvaient s’approcher des missionnaires (et là encore, il fallait être prudent et discret) mais jamais les « bien-nés », les «élus » de la population. Toutefois, ce n’était que partie remise car ce qui était inopportun en 1902, parut réalisable en 1905. Sachant qu’il n’obtiendrait rien du roi Musinga et de son oncle Kabare qui maintenaient fermement la défense de s’établir au centre du pays, Mgr Hirth saisit de l’affaire le nouveau Résident e Bujumbura, Von Grawert qui, gagné à sa cause, envoya le Lieutenant Von Nordeck à la cour de Nyanza sous prétexte de poursuivre un Autrichien malhonnête, il venait arracher à Musinga un consentement  la fondation projetée.

Von Nordeck devait ensuite rejoindre Mgr Hirth pour le mettre en possession réelle et effective du terrain sur lequel il aurait jeté son dévolu.

Les Pères Blancs avaient choisi Kabgayi comme site de leur premier Poste de Mission dans le Marangara. La valeur de sa position géographique se justifiait non seulement parce qu’il se trouvait dans le plein milieu de la province privilégiée des autorités du pays, mais encore parce qu’il était au centre du royaume, au carrefour des grandes voies de communication interne. Le roi aurait-il maintenu ou non sa position face à l’installation des missionnaires dans ce domaine royal? Les documents ne nous révèlent pas son attitude devant Von Nordeck. Ce que nous savons, c’est que le rendez-vous pris pour le 12 février 1905 entre le lieutenant von Nordeck d’une part, Mgr Hirth, de l’autre, assisté des Pères Classe et Lecoindre, s’est soldé par la concession du terrain aux missionnaires:

“L’officier investit le vicariat de la propriété entière et totale de la colline, d’une contenance d’environ cent vingt hectares. Il la déclara “terrain de la Couronne”, propriété de l’Empire, “vu qu’elle ne porte que peu d’habitants”. (…) Le contrat d’achat impliquant une indemnité au mwami, serait rédigé ultérieurement. Le Père Lecoindre, chargé de la fondation, fut installé d’office au nom du Résident par le lieutenant, qui lui laissa deux askaris pour monter la garde auprès de son campement, au cas Où il serait molesté par les batutsi députés.”

Ceci nous indique que la concession du terrain a été faite sans l’accord du Mwami. D’ailleurs, à l’absence de toute autorité autochtone, les

étrangers ont décidé de l’avenir d’une région comme ils en avaient pris l’habitude au cours des différentes conférences sur le partage de l’Afrique. Sur le plan de l’expansion des Missions catholiques au Rwanda, ce fait demeure d’importance. Il témoigne de la collaboration effective des adminis-trateurs coloniaux allemands avec les missionnaires, ainsi que le souhaitait et le recommandait le Dr Steebler, directeur des colonies:

“L’administration des colonies attache la plus grande importance à la bonne entente entre le corps de fonctionnaires et les missions des deux confessions (catholique et protestante). Dans le cas oû cette entente serait troublée par la faute d’un fonctionnaire, l’administration y porterait remède coûte que coûte .”

Grâce à cette intervention du pouvoir colonial allemand, les Pères purent élargir leur horizon missionnaire au Rwanda et atteindre son centre dont les portes lui avaient été barrées par les dirigeants du pays. Comme ils avaient procédé dans les cinq premières stations, ils commencèrent par s’attirer la confiance des orphelins, celle des malades, de la jeunesse et progressivement ils gagnèrent à leur cause quelques adultes hutu de condi-tion sociale et économique moyenne et aisée. Guidés par la recherche des objets exotiques dont les missionnaires étaient les seuls possesseurs dans la région, ces derniers et quelques tutsi participèrent au chantier de construction de Kabgayi ou y vinrent tout simplement y suivre les instructions religieuses Mais payées des Pères Blancs. A leur tour, ils communiquèrent à leurs voisins “ce qu’ils avaient entendu et reçu”, les convainquant à se rendre eux-mines auprès des prêtres. Ainsi débuta le recrutement des adeptes qui se poursuivit désormais sans répit. A la fin de 1931, Kabgayi était la première station de Mission qui comptait plus d’adhérents au Rwanda et au Burundi avec ses 32,000 chrétiens.

Si nous nous plaçons dans le cadre de la conquête missionnaire du Rwanda, l’acquisition de Rabgayi revit un caractère particulier. Alors que des périphéries les Pères Blancs se proposaient d’avancer vers l’intérieur, cette fois, ils allaient diriger aussi leur action du centre vers les périphéries et joindre leurs “unités” à mi-chemin entre les deux points de départ. L’occupation de Marangara rendait donc, par sa position géographique, facile voire rapide, la propagande religieuse chrétienne dans le royaume du Rwanda. Mime si en 1905 l’hostilité des autorités locales ne désarmait pas encore, leur incapacité d’empêcher l’installation de la Mission de Kabgayi présageait leur échec devant la montée des “troupes chrétiennes” composées en grande partie par l’élément majoritaire de la population rwandaise.

Face à l’action de l’administration coloniale allemande qui fut, on ne le souligne pas assez peut-être, bénéfique à l’oeuvre missionnaire catholique, nous ne devrions pas perdre de vue que les avantages dus â la collaboration des fonctionnaires coloniaux avec les Pères Blancs profitaient aussi bien au pouvoir missionnaire comme au pouvoir colonial. Les deux parties avaient à gagner de leur entente mutuelle car la réussite de l’une faciliterait la tâche de l’autre. En effet, lorsque les agents de l’Empire circulaient au Rwanda, ils prenaient presque toujours la précaution de passer leurs nuits dans l’une ou l’autre Station de Mission catholique.

Ils y trouvaient non seulement un confort moyen dont un Européen pouvait bien s’accommoder mais encore et surtout ils y recevaient de nombreux renseignements sur la population de l’endroit et ils profitaient en même temps des conseils qui leur étaient prodigués par les prêtres car ils connaissaient mieux que tout autre Blanc le pays et ses habitants. Les Pères Blancs s’étaient de plus en plus familiarisés avec la langue et les coutumes des Rwandais; ils se posaient alors comme des “experts” dans l’art de traiter avec l’autochtone et de le conduire; ils étaient des hommes capables de signaler aux colonisateurs des réalisations possibles et les imprudences à éviter.

 En outre, étant convaincues que dans les provinces frontalières surtout au nord et au nord-ouest, les opérations de police et le déploiement de forces militaires n’étaient pas bien indiqués pour y assurer la paix et la soumission du pouvoir central, les autorités coloniales allemandes firent appel à la collaboration politique des Pères Blancs, eux qui étaient parvenus à s’installer dans les coins réputés hostiles à toute personne étrangère et qui avaient plus ou moins réussi à dompter les habitants de ces régions. Aussi, pour achever la “pacification” du nord-ouest du Rwanda, le Dr Kandt, premier Résident du Rwanda, demande (en 1913) aux missionnaires catholiques d’aller fonder une mission dans le Bushiru, région restée insoumise, jusqu’à ce jour, à l’autorité de Nyanza.

Voici la lettre du Dr Kandt à Mgr Hirth:

“Monseigneur,

Les Missions que vous avez fondées au nord du Ruanda contribuent pour une grande part à la pacification de ce district. Elles facilitent grandement la tâche du gouvernement. L’influence de vos missionnaires nous a épargné la nécessité d’y entreprendre des expéditions militaires. Le district du Bushiru est resté insoumis jusqu’à ce jour. Le chef n’est pas en mesure d’y faire valoir son autorité. Le gouvernement voudrait éviter une expédition punitive… En son nom, je prie la mission catholique d’y établir un poste de mission. Sans aucun doute et en fort peu de temps les missionnaires auront gagné la confiance de cette population énergique et rendu ainsi à la civilisation un service très appréciable.” Citée dans Louis de Lacger, Ruanda, (Kabgayi, 1961).

Le 2 juillet 1914, Mgr Hirth créa, en plein Bushiru, la Mission de Rambura, située à l’altitude d’environ 2,400 mètres.  De l’appel du Résident à Mgr Hirth et de la réponse que celui-ci y réserva, sortirent des gains pour les deux acteurs. Le premier voulait engager le Bushiru dans la voie de «l’obéissance » à l’autorité centrale. Il ne voyait qu’une solution adéquate: y établir un poste de Mission qui le gagnerait à la cause du pouvoir politique ou du moins le réduirait à la soumission aux lois sans utiliser les armes et sans aucune perte de vie et de matériel. Le second trouvait dans l’invitation du Résident une occasion d’étendre plus encore sa zone d’influence. Depuis Kabgayi, il avait réussi à créer quatre nouvelles Missions: Rulindo (26 avril 1909), Murunda (17 mai 1909), Kansi (13 décembre 1910) et Kigali (21 novembre 1913). Rambura venait ainsi en onzième position. Et plus le nombre de postes de Mission croissait, plus celui d’adhérents au catholicisme, catéchumènes et baptisés augmentait non pas dans les mêmes proportions que les stations, mais d’une façon plus rapide. En effet, au fur et à mesure que les années passaient, la résistance aux Missions et aux convertis s’estompait et cédait de plus en plus de la place à l’adhésion au christianisme. Cette dernière s’accéléra surtout à partir du moment où Kabare proclama ce qu’il convient d’appeler la liberté de Religion pour les Rwandais.

 Malgré les représailles que subissaient les premiers convertis, malgré les injures, les railleries et l’humiliation qui les poursuivaient partout où ils se portaient, les gens du peuple, du pauvre au moyennement aisé, des jeunes gens aux adultes, s’approchaient du jour au lendemain des Missions et finissaient par y trouver du travail et adhérer aussi à la nouvelle religion. Ils travaillaient pour les Pères Blancs, ils devenaient leurs clients et en suivant leurs instructions religieuses, ils accédaient au baptême. En plus, quelques jeunes qui manifestaient quelques aptitudes poursuivaient leur formation au séminaire où ils recevaient des cours de langues. D’autres s’initiaient au maniement du moule à briques et à tuiles, de la truelle et du niveau d’eau, de l’aiguille et de la machine à coudre, etc. D’autres encore s’appliquaient à améliorer ou à enrichir leurs façons culturales: ils essayaient la culture des pommes de terre, des choux, du manioc et des arachides, de l’oranger et des ananas… Pour les uns comme pour les autres, les Missions étaient des oasis de progrès.

 Déjà, à partir du moment où les contacts entre les autorités coloniales allemandes et les autorités locales commencèrent à se multiplier, les associés des missionnaires devinrent les interprètes entre les deux “partis” au pouvoir. Cela relevait,  incontestablement la condition du paysan. Si le travail d’interprète ou de clerc, etc. était réservé à quelques Hutu qui avaient fréquenté l’école missionnaire, il reste que tous ceux qui côtoyaient les Pères s’initiaient à l’oeuvre de la régénération intellectuelle, spirituelle et matérielle du pays. Si nous prenons seulement le caté matériel, ils façonnaient des objets jusque-là inconnus parmi les leurs (tables, sièges, ustensiles de cuisine…) et ils devenaient ainsi des travailleurs actifs, habiles, spécialisés et rémunérés.

Par conséquent, le savoir-faire des prêtres et les choses de l’Occident s’exerçaient au Rwanda au détriment du prestige de l’aristocratie. La perspective d’une crise économique et sociale due à l’installation des missionnaires dans le pays et à la montée des roturiers menaçait aussi de renverser les proportions historiques entre las ethnies et les classes. Après six à sept années de séjour des Pères Blancs au Rwanda, le mouvement de rénovation avait pris toute une ampleur que l’an 1900 ne laissait soupçonner. Kabare chef incontesté de l’équipe au pouvoir et observateur “souple et ouvert”, se demandait déjà “anxieusement” si son parti “n’allait pas se laisser dépasser, submerger, par le flot des roturiers formés par les Pères et employés par les Européens. Il sentait qu’à bref délai une conversion de front devrait intervenir, à peine pour les batutsi d’une complète déchéance.

Pour les esprits ouverts parmi les dirigeants d’alors, l’évolution des hutus convertis au christianisme demeurait un problème crucial auquel il fallait trouver une solution parce que l’avenir du régime en place en dépendait irrémédiablement. Il leur revenait alors d’indiquer la voie nouvelle à prendre. Pour Kabare, il s’imposait aux chefs de suivre leurs troupes sans quoi ils s’exposaient à être coupés d’elles et à les voir passer sous d’autres enseignés. Par conséquent, il s’avérait désormais nécessaire d’abord de laisser leurs sujets la liberté d’embrasser la Religion de leur choix et d’en permettre la pratique aisée. Ensuite, il fallait que les chefs se convertissent eux-mêmes à la Religion de leurs sujets et laissassent leurs propres enfants rejoindre les fils des Hutu à l’école du missionnaire. C’était tout un programme. Mais c’était trop demander à ce moment. Cependant, c’était là une idée forte qui hantait Kabare, l’homme le plus puissant du régime, et qu’il cherchait à imposer à tout le pays.

Il est un fait qui est testé mémorable dans les annales des Missions catholiques du Rwanda: ce fut l’accueil sympathique réservé aux envoyés du Père Léon-Paul Classe, alors supérieur de Save, par Kabare qui se trouvait à Gisanze, dans la province du Bwanamukali, aux débuts de 1907. En effet, il ordonna, au grand scandale de tout le monde, de laisser aux jeunes gens qui venaient de lui communiquer oralement le message du missionnaire, de prendre place parmi ses amis et ses clients et de boire avec le même chalumeau qu’ils utilisaient. Etonné de voir que personne ne bougeait et n’obéissait à ses ordres, Kabare lui-même consentit à boire avec ces jeunes hutu qui portaient sur leurs poitrines croix, médailles et chapelets. Ahuris, subjugués, les convives suivirent le ton de Kabare. La conversation alors reprit son cours après un lourd silence, les nouveaux invités y participant comme si de rien n’était.

Ce geste de Kabare, dicté non pas par son inclination pour la Religion chrétienne, mais par la recherche de la sauvegarde des intérêts de son équipe dirigeante, ne fut pas sans échos. Le lendemain, de colline en colline, les gens faisaient circuler la rumeur “stupéfiante” que Kabare avait bu et fait boire chez lui avec les chrétiens. C’était un scandale aux yeux surtout de la Cour royale. Aussi se vit-il convié à s’expliquer à Nyanza sur les taisons et la portée de son attitude. Non sans quelque cynisme, il répondit:

“La prohibition d’adhérer à la nouvelle religion n’a-t-elle pas émané de moi? Sont-ce des mutins ou des sujets obéissants? Quelle raison y a-t-il de les bafouer? Eh quoi? les Chrétiens sont-ils oui ou non des Banyarwanda? Le Mwami a-t-il interdit de s’instruire (…)? Voulez-vous en faire des révoltés?”

Ces paroles prononcées avec une telle suite logique et issues d’une bouchée si autorisée étaient lourdes de conséquences pour l’avenir de la chrétienté rwandaise. D’ores et déjà, l’ancien “non licet” était retiré, chaque Rwandais pouvait pratiquer la Religion chrétienne sans crainte de raillerie, d’humiliation et de représailles. Désormais aussi, la classe dirigeante pouvait accéder au baptême sans que cela fût un acte de félonie et d’incivisme. Cependant les préjugés restaient toujours ancrés dans le monde des grands, et ni Musinga, ni sa mère, ni les vieux notables n’étaient encore à même de comprendre “l’urgence d’un tel désaveu” du passé. C’est pour cette raison que la conversion de l’élite traditionnelle ne s’est pas déclenchée aussitôt que Kabare a proclamé la liberté de Religion pour tous les Rwandais. Lui-même mourut, en 1911, encore païen et sans avoir vu triompher le mouvement qu’il avait esquissé.

 Dans le domaine de la conversion du peuple rwandais à la Religion chrétienne, Kabare a été comme un poteau indicateur qui montre aux autres la route à prendre sans les suivre. Toutefois, la population n’a pas laissé se refermer la porte qu’il avait entrebaillée. Le retrait du “non licet” permit aux gens d’exercer ouvertement leur prosélytisme dans le recrutement de nouveaux catéchumènes, de fréquenter sans crainte les Missions et de pratiquer, aux yeux de tous, leur Religion nouvellement choisie. Dès ce moment, ceux qui avaient gardé leur distance à l’égard des missionnaires par peur de représailles et d’humiliation s’en approchèrent librement. Ils ne voulaient pas nécessairement connaitre leur Religion, ils étaient surtout attirés, comme leurs congénères qui les avaient précédés, par quelques avantages matériels dont jouissaient les chrétiens et les catéchumènes.

Devant le nombre croissant de nouveaux adeptes, les Missionnaires continueraient-ils à prodiguer perles, cotonnade, centimes? Puisque telle était la principale base de l’adhésion à la Mission, si les ressources venaient à manquer à cause de la grande demande, n’allions-nous pas assister à un refroidissement de Conversion du peuple? Au fur et à mesure que les convertis augmentaient en nombre, les Pères Blancs diminuaient divers cadeaux distribués à leurs ouailles car de plus en plus, quelques éléments parmi les chrétiens bénéficiaient de quelques salaires de commis et de clercs des Missions ou de l’administration coloniale allemande, de maçons ou aides maçons, de cuisiniers… A un autre niveau, quelques premiers jeunes hutu devenaient des catéchistes, des moniteurs d’écoles élémentaires; d’autres se préparaient à devenir des prêtres. Toutes ces activités rémunératrices, toutes ces nouvelles valeurs alléchaient les hommes du peuple. Tous ceux qui allaient à la Mission n’y accédaient pas, mais ils s’y rendaient avec l’espoir d’y trouver quelque chose, ne fût-ce qu’assurer un bel avenir à leurs enfants. Toutefois, la période coloniale allemande au Rwanda resta caractérisée, à ce qui a trait à l’expansion missionnaire, par l’adhésion faible de la Population au catholicisme: au 30 juin 1913, il y avait seulement 19,094 convertis (12,561 baptisés et 6,533 catéchumènes) dans tout le Pays. Elle fut aussi marquée par le refus catégorique de la Religion des Pères Blancs par l’élite dirigeante rwandaise.