LES ORIGINES DE LA DYNASTIE DES BANYIGINYA, QUI CREA LE RWANDA

  1. Le fondateur de la liguée et les sources généalogiques
  1. La Dynastie des Banyiginya n’est pas comprise dans la catégorie des Hamites pionniers, auxquels nous avons fait allusion dans le chapitre précédent. Après sa consolidation à la tête du Rwanda, il y eut d’autres arrivages de Hamites qui vinrent s’intégrer à la société déjà parfaitement structuralisée. La Dynastie se situe ainsi à l’époque médiale des immigrations hamitiques qui se sont arrêtées au Rwanda.

Sa dénomination de Banyiginya signifie noblesse ancienne jointe à une fortune également ancienne. Son totem est la grue couronnée umusambi. Le nom de son clan est calqué sur celui du Roi Yuhi I Musindi ; on dit Umusindi au singulier, et Abasindi au pluriel. On peut également dire le clan des Banyiginya ; mais ceci est impropre, du fait qu’un membre sans fortune de ce clan ne répond plus aux critères rendus par le terme Abanyiginya (Umunyiginya au singulier),  

51.Les origines de la lignée se perdent dans la nuit des temps : un récit clairement mythologique tente de nous renseigner à ce sujet. C’est un Poème épique appelé ibirali =récits des origines. L’ancêtre initial de la lignée,Sabizeze, nous y est montré naissant au ciel, son corps ayant été miraculeusement tiré d’une jarre de lait. Son père, Nkuba = le Tonnere, ne voulut pas le reconnaître pour son fils, du fait que sa naissance était enveloppée de mystères. Grâce à une indiscrétion fortuite, le fils controversé finit par apprendre ses véritables origines. Irrité contre sa mère, dont les propos avaient donné lieu à l’indiscrétion, notre Sabizeze quitta le ciel et vint se poser en bas dans l’univers des terricoles. Il avait entraîné en son exode, non seulement sa soeur Nyamhundu Cris d’allégresse, mais encore son frère Mututsi— le Hamite, et un couple de Batwa céramistes. Il avait eu soin de prendre également avec lui un couple de vaches, de brebis et de poules, les trois animaux intimement liés à la civilisation de nos Hamites. A son atterrissage, il alluma son premier foyer pastoral au rocher appelé Ilkinani =l’invincible, dans la localité qu’il appela Rwanda, près de Binaga, actuellement situé dans le Parc National de la Kagera. La région était le royaume du Mubali, alors gouverné par Kabeja, de la Dynastie des Abazigaba. Il donna volontiers l’hospitalité aux nouveaux arrivants. Voilà succinctement résumé l’essentiel de ce fameux Récit.

52.Nous avons déjà indiqué (no 13) comment les Mémorialistes de la Cour nous ont transmis le genre littéraire des Récits. Ils disent que Gihanga est le fondateur de la Dynastie des Banyiginya, que ses successeurs jusqu’à Nsoro I Samukondo sont Abami b’umushumi= Rois de la Ceinture, tandis que les suivants, à partir de Ruganzu I Bwimba, — sont Abami bibitekerezo= les Rois des Récits_

Le poème généalogique Ubucura-bwenge (no 6) Nous donne 42 noms ; il faut d’emblée en soustraire les 12 placés avant Gihanga, dont le caractère symbolique est obvie. Ce sont des noms fictifs, étroitement liés à la mythologie des origines célestes de la lignée. Ils en représentent certes les ancêtres les plus reculés, mais sur un plan qui n’a rien de commun avec l’Ethno-Histoire.

  1. Parmi les 30 qui restent, il y a une option à faire concernant les 10 Rois de la ceinture : 6 d’entre eux nous sont confirmés par d’autres sources en dehors du poème généalogique, tandis que 4 autres ne sont connus par aucune autre tradition. Nous avons préféré, quant à nous, de ne pas tenir compte de ces derniers, si bien  que la liste des Rois se ramènera à 26 dont personne, à notre avis, ne pourrait raisonnablement douter de l’existence.

Etant donné, d’autre part, que ces monarques se sont succédés de pères en fils, suivant les exigences du Code ésotérique, il nous sera possible d’indiquer l’époque approximative à laquelle ils auront respectivement vécu, en nous basant sur la moyenne de 30 à 33 ans de durée que les spécialistes ont attribuée à chaque génération (la Notion de génération ). Quant aux analyses effectuées dans la même étude en partant des éclipses de soleil de 1741 et 1763, nous les reprendrons plus loin sous un autre aspect (no 268-269).

  1. On retiendra que la durée- moyenne d’une génération ne touche en rien au problème de la longévité individuelle, ni à la durée des règle. A telle personne qui aurait vécu 100 ans, elle ne prélève que 30 ans, ce qui veut dire que si vous atteignez cet âge il y a environ un siècle que naissait votre grand-père. C’est là un fait indéniable fixé, documents en mains, par les spécialistes en sciences Généalogiques : trois générations couvrent la durée d’un siècle. Lors donc que nous situons, par exemple, Ruganzu II Ndoli autour des années 1510-1543, nous ne voudrons pas affirmer que son existence s’est déroulée réellement pendant ce laps de temps. Nous voudrons dire simplement que, vu la durée de 30 à 33 ans reconnue à une génération, il a dû prendre quelque chose sur ces an-nées-là, soit vers le début, soit vers la fin ; il vivait autour de ces années-là.
55. Voici la liste des monarques, avec les dates approximatives de leurs époques, basées sur la moyenne de 30 à 33 ans par génération :
1 — GIHANGA 1091-1124
2— Kanyarwânda I Gah’ima I … 1124-1157
3 — Yuhi I Musindi … 1157-1180
4—Ndahiro I Rityânge 1180-1213
5—? Ndoba .„. … 1213-1246
6—? Sâmêmbe … 1246-1279
7—Nsoro I Sâmiikiindo 1279-1312
8—Rugànzu J Bwirnba – 1312-1345
9 — ‘Cyllirria I Rugwe 1345-1378
10 Kigeli I Mukôlanya 1378-1411
11 — Mibàmbwe I ‘Sèkàrôngoro I Mutabâzi I 1411-1444
12 — Yuhi II Gahin* 3.a II 1444-1477
13 — Ndahiro II CyAmatare 1477-1510
14— Ruenzu II ‘Ndôli 1510-1543
15 — Mirtara I Nsoro II ‘Sémùgeshi 1543-1576
16 — Kigeli II Nyànniliêshera 1576-1609
17 — Mibàmbwe li ‘Sèkàrôngoro II Gisanura 1609-1642
18 — Yuhi III MMazimleka 1642-1675
19 — ‘Cyilima II Rùjfigira 1675-1708
20 — Kigeli III Ndàbérasa 1708-1741
21 — Mibàmbwe III Mutabàzi II ‘Sêntâbyo 1741-1746
22 — Yuhi IV Gahindiro 1746-?
23 — Mùtara II Rwôgera ? -1853
24— Kigeli IV ‘Rwàbugili • • • … 1853-1895
25 Yuhi V MusInga 1895-1931
26 — Mutara III Ch. Rudahigwa 1931-1959
  1. Entre Yuhi I Musindi et Ndahiro I Ruyange (3ème et 4ème de la liste) se placent les 4 noms dont nous ne tenons pas compte en cette étude. Non seulement aucune autre tradition, en dehors du poème généalogique, ne vient étayer l’existence de ces personnages, mais encore leurs noms semblent plutôt symboliques :
  • 3b Rumeza = Celui qui fait germer.

3c — Nyarume — Maître de la rosée.

3d — Rukûge = Barque-géante.

3e — Rubânda =le Peuple du Rwanda.

Si on devait en tenir compte, la supputation approximative de leurs époques ferait reculer Gihanga à 959-992, Kanyarwanda I Gahima I à 992-1025 et Yuhi I Musindi à 1025-1058.

Notons enfin que, entre Yuhi III Mazimpaka et Cyilima II Rujugira — se plaça Karernera I Rwaka, dont nous nous occuperons plus loin (no 207 ssv), et qu’entre Kigeli IV Rwabugili et Yuhi V Musinga régna Mibambwe IV Rutarindwa, objet du chap. VIII.