Un Abrégé de l’Ethno – Histoire du Rwanda

INTRODUCTION

  1. Les catégories des Traditions orales
  1. Nous devons présenter au Lecteur le présent Abrégé de l’Histoire du Rwanda. Quoique quelque peu développé, ce travail est un véritable abrégé. Nous devons le souligner ici, car il s’agit, une fois de plus, d’une simple monographie_ Si on a été attentif à la méthode que nous avons suivie jusqu’ici dans la préparation de l’Histoire du Rwanda, on se rappelle qu’elle suppose la rédaction préalable d’un certain nombre de monographies. Celles-ci doivent préalablement donner les notions et la description plus détaillées des Sources. Le détail de ces Sources ne doit pas figurer tel quel dans la rédaction de l’Histoire, mais on doit s’y référer comme à une documentation justificative. Quelques monographies ont été déjà publiées : nous en donnons d’autre part la liste et nous nous y référons au long du présent travail. Quelques autres monographies restent malheureusement à l’état, de matériaux non rédigés, faute de temps nécessaire. Nous nous y référons également, certain que les monographies déjà publiées en sont le type et le garant aux yeux du Lecteur.
  • 2. Comme nous l’avons déjà indiqué dans l’Introduction à La Notion

de génération p. 6-8, nous faisons une distinction entre les traditions purement orales et les traditions vitales.

Les premières sont constituées par les Récits = Ibitekerezo (dont nous parlons plus loin), et par les informations obtenues par voie d’enquêtes. Ces informations peuvent être utiles, à condition que l’enquêteur les obtienne objectivement, c’est-à-dire en causant patiemment, car la plupart du temps la formulation d’une question laisserait entrevoir dans quel sens on répondra pour faire plaisir à l’enquêteur, en lui servant ce qu’il souhaitait obtenir.

3.Les traditions vitales, au contraire, sont celles liées à l’existence d’un groupe humain, ou celles sans lesquelles ce groupe aurait disparu; ou celles auxquelles ledit groupe s’accroche, souvent magiquement, pour sa survie ; ou celles sous l’égide desquelles ce groupe veut se renforcer aux dépens des groupes voisins similaires. Ces traditions vitales doivent se retrouver à une variété de ni-veaux, y compris l’échelon national. Par exemple la distinction entre le Rwanda et le Burundi nous signale l’existence de traditions vitales qui ont différencié ces entités nationales. On étalera ces traditions diversifiantes en décrivant de part et d’autre les institutions politiques, sociales, familiales, etc. pour la sauvegarde des-quelles les deux pays ont lutté, non seulement l’un contre l’autre, mais aussi pour les renforcer en annexant des voisins plus faibles.

4.De même à l’intérieur de chaque pays, il est des groupes humains juxtaposés, dont l’existence repose sur des traditions analogues. Ces groupes se reconnaissent à certains critères, dont le principal est que les diverses ramifications généalogiques aboutissent au même ancêtre éponyme. Tel groupe, par exemple, est tradition-nellement hostile à tel autre, parce que, — expliquera-t-on, — le 6ème ancêtre de l’un a fait un tort grave au 6ème ancêtre de l’au-tre. Tel groupe observera un tabou limitatif des libertés individuelles, tabou que les intéressés feront remonter à l’ancêtre épony-me qui l’a décidé et l’a imposé à ses descendants, avec une malédiction comminatoire. Ainsi Yuhi III MMazimhaka imposa à ses descendants le tabou leur interdisant d’épouser des femmes du Clan des Abacyaba (cfr no 214). Aussi avons-nous constaté que les Banyiginya descendant de ce monarque observaient ce tabou, tan-dis que ceux se rattachant aux monarques antérieurs à Yuhi III n’y étaient pas obligés.

Ces exemples signalent simplement le genre que nous appelons traditions vitales. Il est évident que pareilles traditions portent un cachet spécial et ne peuvent être jugées sur le même plan que les termes d’un Récit quelconque.

Passons en revue les catégories de notre documentation qui ont servi à la présente rédaction. Nous en avons tiré les traditions vitales et les autres que nous avons essayé d’interpréter par recoupages appropriés.

  1. b) Ubwiru = Le CodeCérémonial ésotérique de la Dynastie

5.Ubwiru est sans conteste le genre littéraire le plus anciennement créé de nos traditions. Le texte se compose de plusieurs poèmes qui me furent dictés en 1945 par une dizaine de leurs détenteurs, sur ordre de Mutara 111 Rudahigwa. En même temps que le texte m’était dicté, j’obtenais la partie appelée Intekerezo =Historique et Commentaire de ces poèmes. Les Intekerezo sont plus précieux au point de vue de notre Ethno-Histoire. Non seulement ils éclaircissent certains emplois des poèmes, — sans y être contenus, — mais encore ils signalent l’usage qui en fut fait dans le passé.

Etant donné que la conservation de ces poèmes était protégée par la peine de mort pesant sur le fonctionnaire qui en eût altéré les passages par ajoute ou par omission au moment des cérémonies, on comprend que les Intekerezo ont dû former un corps distinct. Les plus éminents parmi les Détenteurs de ce Code étaient ceux qui étaient spécialistes dans les Intekerezo. Nous considérons l’en-semble de ce Code, — textes et Intekerezo, — comme l’un des documents les plus importants de notre Ethno-Histoire. L’Histoire du Rwanda ne se comprendrait pas en dehors du Bwiru, car les événements les plus décisifs y ont trouvé leur fondement, bien que les acteurs agissaient sous l’emprise d’une logique magique, si bien que les résultats réels n’avaient aucun lien avec leur cause sup-posée.

  1. c) Ubucurabwenge Poème généalogique de la Dynastie

6.Nous avons donné le texte de ce poème dans Inganji, vol. I, et nous en avons décrit la structure dans la Notion de génération p. 14-27. Son importance repose sur le fait qu’il nous a conservé l’ordre chronologique des monarques Banyiginya et que quiconque parle de notre Histoire se réfère toujours à ce poème. Dans une Culture sans écriture, en effet, la généalogie doit servir de charpente à l’Histoire en permettant de situer dans le passé les dif- 10 11

6.Nous avons donné le texte de ce poème dans Inganji, vol. I, et nous en avons décrit la structure dans la Notion de génération p. 14-27. Son importance repose sur le fait qu’il nous a conservé l’ordre chronologique des monarques Banyiginya et que quiconque parle de notre Histoire se réfère toujours à ce poème. Dans une Culture sans écriture, en effet, la généalogie doit servir de charpente à l’Histoire en permettant de situer dans le passé les dif- 10 11