39. Abakemba = les Découpeurs.

  1. L’Armée-Sociale Abakemba fut créée par CYILIMA II RUJUGIRA, le noyau en fut formé des serviteurs de sa mère encore simple reine. Leur nom vient du fait que ce groupe s’était fait la bizarre renommée de ne pas débiter la viande des vaches suivant le mode reçu, mais que, armé de son épée, chacun se taillait le morceau au hasard, à l’imitation des animaux sauvages. Comme ils découpaient ainsi les vaches de boucherie que leur donnait la reine, sans même réserver la peau, on les appela Abakemba, du verbe gukemba = emporter les morceaux de chaire à la mode des félins.

163. Mais entre cette époque-là initiale et le règne de CYILIMA II, il y aura d’abord la disgrâce de la reine KIRONGORO et l’exil au Gisaka du prince RUJUGIRA. La reine sera condamnée à Mort, mais le bourreau s’arrangera pour la cacher en attendant des temps meilleurs. Certes, après la mort de YUHI III, le prince RUJUGIRA rentrera du Gisaka et les Abakemba se regrouperont tour de lui ; mais ce sera le long inter-règne de KAREMERA I RWAKA, qui ne cèdera la place à RUJUGIRA que plusieurs années après. Ce dernier sera intronisé sous le nom de CYILIMA II,mais il prendra une Reine Mère adoptive, car il croyait que la sienne avait été exécutée sous le règne de YUHI III.Le Mutwa BUSYETE – le bourreau supposé- avait soigneusement gardé le secret sous KAREMERA I et au début du règne de CYILIMA II, car il y avait alors une farouche guerre de compétition au trône : le prince NAMA prétendait pouvoir régner à la place de RUJUGIRA.Ce fut à la défaite de NAMA, que BUSYETE alla reprendre la reine KIRONGORO et l’amener à son fils. Le monarque récompensa magnifiquement BUSYETE, en l’anoblissant et en lui conférant d’immenses fiefs. Il deviendra l’ancêtre éponyme de la Famille des Abasyete. La Milice Abakemba se retrouvait donc au complet : leurs deux anciens maîtres étaient devenus les plus grands personnages du Royaume.

164.Lorsque le monarque dut faire la guerre sur trois fronts Burundi, Gisaka et Ndorvva), il confia les Abakemba à son fils SHARANGABO, le préféré en souvenir de sa mère KARIRA; la préférée, morte avant l’intronisation de son mari CYILIMA II mélancoliquement : « On ne peut pas tout avoir à la fois ! je ne pus avoir Karira et le Karinga en même temps ! » Le prince SHARANGABO fut chargé par son père de mener l’offensive contre le Gisaka, dans la zone au Sud du lac Muhazi. La toute première Compagnie de la Milice s’appelait Uburunga = Rouge écarlate dont le Capitaine (le Directeur des combats) était CYOYA, fils de RUKIZA. Leur premier camp des Marches fut établi à JURWE dans la province actuelle du BWANACYAMBWE, à l’endroit encorede nos jours marqué par un vieil arbre appelé le Mémorial des Uburunga (imana y’Uburunga). Ils luttaient contre la Compagnie  du Gisaka qui s’appelait Imbogo= les Buffles, sous les ordres de MUDILIGI, fils de KAREMERA.

165.Lorsque mourut le prince SHARANGABO, du vivant de son père, son successeur fut son fils RUZAMBA. Sous  KIGELI III NDABARASA, successeur de CYILIMA II, nous voyons le monarque au camp des Marches établi à Munyaga, au Sud-Est du Buganza, tandis que son neveu RUZAMBA avait porté une guerre d’invasion jusqu’au Bwilili, entre les lacs Mugesera et Sake, au Sud-Ouest du Gisaka. Les Abakemba avaient ainsi fait du bon travail et acculé le Gisaka aux dimensions de l’actuelle Préfecture de Kibungo.

166.A la mort de KIGELI III NDABARASA, son successeur MIBAMBWE III SENTABYO eut à soutenir une guerre de compétition contre son demi-frère GATARABUHURA.  RUZAMBA, Chef des Abakemba, embrassa le Parti de ce dernier. Mais le monarque mourut quelques cinq ans plus tard, emporté par la variole, sans avoir osé s’atteler à l’élimination de ses adversaires. Le prétendant s’était réfugié au Gisaka, et ses partisans de l’intérieur étaient trop puissants que pour être attaqués sans grands risques de compromettre davantage la situation précaire où l’on se trouvait. Le monarque préférait temporiser.

167.A sa mort, son successeur YUHI IV GAHINDIRO n’était  âgé que de quelques mois seulement. Le prince Gatarabuhura rentra au pays et engagea la lutte finale. Grâce à la volte-face du prince SEMUGAZA, fils de KIGELI III, qui commandait la fameuse compagnie Urukatsa = les Concasseurs, Garde de KIGELI III, le jeune YUHI IV triompha : le prétendant fut arrêté dans sa fuite et exécuté. RUZAMBA put s’échapper et se réfugia Gisaka, tandis que sa Milice était donnée à son frère KAVOTA.  Celui  -ci mourut bientôt, sans laisser un héritier connu. Il avait un fils appelé KABAKA, enfant d’une servante et dont la Cour ignorait l’existence. Les Abakemba furent alors confiés à BIYANGE, fils de NGOMIRARONKA, fils celui-ci, de SHARANGABO.

  1. Le nouveau fonctionnaire se montra indolent et la situation changea à la frontière du Gisaka. Une Compagnie du Gisaka, appelée.Abatishumba = Ceux qui ne doivent même pas éviter (les flèches)harcelait le camp des Marches établi à Munyaga. Un incident grave s’étant produit à Munyaga même, à la suite de l’incurie de ce Chef, qui séjournait en ce moment dans la province centrale du Kabagali, la Cour le destitua. Mais entre temps le jeune KABAKA, fils de KAVOTWA, avait grandi et les amis de la Famille l’avaient présenté à la Cour. Il fut nommé à la tête des Abakemba qu’il ‘commandera assez longtemps. Il prenait le commandement avec les Compagnies Rugili = le Réalisateur, le puissant et Ijuru = le Firmament recrutées sous Biyange. Les ljuru comptaient dans leurs rangs deux Aèdes, dont le Directeur des combats MUVUBYI, fils de MUTEMURA et RWABIGUGU fils de Kanyaruguru. Ces deux guerriers révolutionnèrent le genre Poétique guerrier, en introduisant la nouvelle forme des Odes, adoptée depuis et qui a fait abandonner le style antérieur à leur époque.
  2. KABAKA obtint de Yuan IV le privilège stipulant que cette Milice ne serait jamais transférée à quelque Chef que ce soit en dehors de sa descendance. L’occasion en fut donnée par une séance de hauts faits improvisée au camp des Marches de Munyaga et ayant coïncidé fortuitement avec la visite de MUHUZI(Chef de l’Armée Intarindwa = les -Irrésistibles), qu’accompagnait son  père SENDAKIZE, fils de NKOMERO. Les deux hôtes furent entraînés à y prendre part et il fut très difficile de dire lequel de tous les participants avait été le plus méritant en fait d’exploits guerriers. De Munyaga tous les participants se rendirent à la Cour et ils répétèrent la même scène devant YUHI IV, le priant de déclarer  leplus méritant. Le monarque et son entourage jugèrent en faveur de SENDAKIZE : (SENDAKIZE, le héros à la vie mouvementée : fils de NKOMERO (celui-ci fils de RUREGEYA, Roi du Gisaka), il engagea une guerree de compétition au trône contre KIMENYI IV GETURA, successeur de RUREGEYA. Vaincu, SENDAKIZE se réfugia au Burundi. Dans une bataille engagée autour du camp de Nyaruteja entre guerriers du Rwanda et du Burundi, il épargna le prince NDABARASA  qu’il aurait pu tuer : «Tu es fils de Roi, aurait-il dit ; va en paix, on ne sait jamais ce qui peut m’arriver dans l’avenir »  Rentrés au Burundi, ses compagnons d’armes l’accusèrent auprès du Roi, d’avoir épargné un prince Rwandais et d’avoir proféré ces paroles. Ayant été informé du danger qu’il courait, il s’échappaet se réfugia au Rwanda. Un homme du Burundi, appelé RUHANGA, arriva au Rwanda sous prétexte d’exil et accusa le fugitif d’être venu pour tuer  CYILIMA II.Le monarque condamna SENDAKIZEà mort, par noyade dans le confluent de la Kanyaru et de la Nyabarongo. Le prince NDABARASA s’arrangea cependant avec le bourreau et SENDAKIZE fut jeté à l’eau sans liens, de manière à lui permettre d’atteindre la rive du Bugesera. Ce dernier pays ne lui plaisant pas, il s’en fut au Ndorwa. Son accusateur du Burundi, voyant la condamnation survenue, s’en retourna secrètement en son pays, et son jeu fut enfin découvert. Il avait été envoyé uniquement pour faire tuer SENDAKIZE. Celui-Ci fut plus tard reconnu dans les rangs des guerriers du Ndorwa durant les combats que le prince NDABARASAengagea contre ce pays (n°223 sq.). Par le truchement des espions, le prince parvint à s’assurer que c’était réellement SENDAKIZE et il l’invita à une entrevue nocturne. SENDAKIZE quitta ensuite l’Armée du Ndorvra, non sans avoir tué le Chef du camp, à Muhura, et vint rejoindre les Ababito. Rentrant à la Cour du Rwanda, il fut reçu avec de grands honneurs et obtint des fiefs en proportion de ses mérites. Ce fut le récit de ces aventures qui lui mérita le prix debravoure convoité par tant de héros. YUHI IV déclara : « Le plus méritant est celui qui a triomphé de quatre Rois ».  Et il obtint le prix de bravoure en dizaines de vaches. Le Chef KABAKA, de son côtéobtint le privilège en question.
  3. L’Armée Abakemba prit part à l’expédition désastreuse de ku Muharuro, au Burundi, et elle fut la seule à rentrer au pays, sans avoir été fortement touchée. YUHI IV organisa une deuxième expédition pour venger le désastre de la première. Ce fut un nouveau désastre. L’Armée Abakemba aurait pu se replier et rentrer, mais KABAKA jugea que YUHI IV les prendrait pour des lâches. Échapper deux fois au désastre généralisé, c’était honteux à ses yeux. Il décida de combattre jusqu’au dernier, de ses sujets. Ils prirent la précaution de dégager la jeune Compagnie Inkongi = l’Incendie composée de leurs enfants, et de les faire escorter par quelques héros connus à la Cour, dont MUVUBYI l’Aède. Ces derniers étaient chargés de rapporter au Roi la décision prise par KABAKA et de lui faire connaître le testament respectif de ceux qui avaient décidé de mourir avec lui. Ainsi périit ce Chef avec l’élite de ses guerriers, auxquels il avait exprimé son seul regret : mourir sans avoir dormi ! Ses compagnons lui  donnèrent  satisfaction et il dormit profondément, tandis que le combat faisait rage autour de son camp.
  4. A KABAKA succéda son fils RWIHIMBA qui mourut sous MUTARA II RWOGERA. Il légua sa fonction à son fils RUTEBUKA mourut sous KIGELI IV RWABUGILI. Son successeur fut le Prince MUKERAGABIRO, fils de MUTARA II ; le nouveau fonctionnaire au cours de la même année, fut blessé par une vulgaire tige de sorgho et la plaie s’envenima : il en mourut, à la Cour même. On y vit la punition faisant suite à la décision de YUHI IV, qui avait promis à KABAKA que les Abakemba resteraient dans sa descendance. Nonobstant cette considération, la Cour donna la Milice au nommé RUTAMBUKA, fils de SEMUGESHI, de la même Famille que KABAKA certes, mais pas de sa descendance. Des poèmes contemporains nous ont conservé le témoignage que ce nouveau fonctionnaire commanda sa Milice durant les deux premières expéditions du règne, à savoir celle de MIRAMA (au Mpororo) et la première contre l’île Ijwi. Ce fut au cours de cette dernière, tandis que la Reine Mère et son fils résidaient à Nyamirundi dans la province des Impara, que RUTAMBUKA fut destitué. La décision intervint à l’initiative de la Milice elle-même, qui avait délégué quelques-uns de ses notables pour présenter la requête à la Cour. La Reine Mère hésita, car la requête était présentée en pleine expédition. Mais la délégation lui apprit que  la Milice avait désigné le nommé BUKI, fils de MUHABWA pour la commander, et ce notable promit solennellement que, sous son commandement provisoire, aucune autre Armée ne bataillerait mieux que les Abakemba.

172. Après cet événement, la Cour donna le commandement des Abakemba à NDAGIYIHANGU, fils de RWIHIMBA. Ce n’était plus cependant la puissante Milice d’auparavant : le processus de désintégration avait été  amorcé lors de l’investiture de RUTAMBUKA. La corporation bovine correspondante, en effet, les Imisugi, avait été alors scindée en trois tronçons; l’un avait été laissé à NDAGIHANGU lui-même, l’autre avait été attribué à RUSHEMA, fils de KARURANGA, et le troisième revenait à RUTAMBUKA placé à la tête de l’Armée sociale. Or pareille coupure ne pouvait aller sans porter atteinte à l’ensemble de la Milice car chaque section bovine suppose le retranchement des Pasteurs: personnages parfois très importants, grâce auxquels la Milice jouissait d’un prestige social et politique au milieu des organisations similaires. Le départ de ces personnages et leur rattachement à des groupements différents, ne peut laisser qu’un vide sensible et du malaise dans le groupe désavantagé.  La deuxième  étape de la désintégration était constituée par la destitution de ce même RUTAMBUKA, vu les circonstances dans lesquelles elle venait d’être arrêtée.

  1. En effet, une fois NDAGIYIHANGU nommé, les notables qui avaient joué le rôle déterminant dans la destitution de RUTAMBUKA, trouvèrent préférable de renforcer leurs contacts directs avec la Cour et se recommandèrent au monarque. Les principaux étaient BUKI, fils de MUHABWA, que nous connaissons déjà ; puis SHAMURENZI avec son fils SERUBIBI; enfin GATEMELI, fils de KAGENZA et NYAMUGEMAHICA, fils de MUYENZI. L’exemple des principaux fut largement suivi. Ceci n’avait en soi rien d’anomal, car chaque membre de telle Armée est, par le fait même:, sujet du Roi ; le Chef d’Armée n’est, en principe, qu’un premier parmi les égaux. Il ne les maintient sous son autorité que dans la mesure où il reste fort, et que la Cour continue en conséquence à affermir son prestige. Dans le cas comme celui de NDAGIYIHANGU, la déchéance de la Milice était sans remède. Aussi le pauvre  homme fut-il dans l’impossibilité de fournir les redevances traditionnelles, ses subalternes s’étant progressivement soustrait à à son autorité. Il fut destitué autour de 1893, tandis que KIGELI  IV se trouvait à Rubengera. Il aurait même livré le malheureux au bourreau sans l’intervention du grand favori BISANGWA, qui osa faire remarquer que NDAGIYIHANGU ne manquait pas à ses obligations par mépris envers le Souverain, puisqu’il n’avait plus de contribuables à faire concourir aux prestations.
  2. Le Roi profita de l’occasion pour effectuer une nouvelle redistribution de la corporation bovine Imisugi (cfr. H ..A.B: n° 67 p. 38-39) et pour disperser la Milice Abakemba elle-même. L’opération s’effectua comme suit : 1. Notre BUKI, fils de MUHABWA, obtint les membres de la Milice qui habitaient dans les provinces du Kabagali et Bunyambilili, ainsi que la section des Bahutu appelée Imboli = les dars d’abeilles. Cette section très importante devait des prestations en soi minimes. 2. Notre GATEMELI, fils de KAGENZA, obtint le gros contingent qui habitait la province actuelle du Mayaga et dans le Rukalyi. 3. Le nommé NYAGASHI, fils de KABAKA (oncle donc de NDAGIYIHANGU), reçut le commandement sur les Abakemba résidant dans le Buganza, autour de l’ancien camp des Marches situé à Munyaga. Il obtint en plus la section dite Abajyongo, en grande partie composée de Bahutu et chasseurs renommés ; et enfin les Abakemba du Bugesera. C’était le plus favorisé, en raison certainement de sa qualité d’héritier ainsi désigné pour honorer la mémoire de KABAKA. 4. Le favori BISANGWA, fils de RUGOMBITULI obtint les Inkarankadu Bugoyi (cf r. n°366).

175. Il se produisit, en ces jours-là, un événement qui eut un certain retentissement à la Cour. A Munyaga, localité fameuse dans les traditions de la Milice (son ancien camp des Marches face au Gisaka), il existait des ficus géants, marquant les enceintes de l’ancienne résidence de KIGELI III NDABARASA (cfr. n° 166 ci-dessus). C’est à l’un d’eux qu’avait été suspendu le Collier-de-la-septaine (umudende), ou Décoration jadis conféré à ce monarque pour sept Rois étrangers tués par ses armées au cours de son règne (cfr. Code art. 195). Le fameux Collier fut trouvé gisant à même le sol. L’accident, si l’on peut ainsi parler dans la ligne de nos grands-pères, peut parfaitement avoir été arrangé  pour le besoin de la cause. Sans importance à nos yeux, il était à l’époque d’une extrême gravité.

176.Les Chefs tinrent conseil à la Cour et ils exposèrent leurs cogitations au Roi. Ils représentèrent que cet accident peut marquer le mécontentement de son ancêtre et présager des représailles qu’il était facile de prévoir. L’Armée Abakemba qui avait joué un rôle unique dans la conquête du Gisaka et qui s’était distinguée pendant des générations venait pratiquement d’être anéantie. Autant dire qu’on avait enlevé sa Distinction guerrière à KIGELI III, et qu’elle lui était tombée du cou à Munyaga même. Il fallait de toute urgence rétablir la Milice dans ses grandeurs passées. Les Chefs apprirent à KIGELI IV la décision qu’il avaient prise de le nommer lui-même le Commandant en Chef de ladite Milice. Le monarque en fut bien flatté et il accepta la tâche que les Chefs lui confiaient. Voilà donc KIGELI IV temporairement Chef de la Milice Abakemba.

177.Le résultat le plus immédiat fut que tous les « transfuges rentrèrent dans le bercail pour faire plaisir au maître ; seuls sections données à BUKI et à GATEMELI restèrent en quelque sorte en dehors, tout en formant avec la Milice une espèce de «fédération ».  Il ne fallait pas complètement défaire ce que le Roi venait de décider. Mais le monarque chargea BUKI de recruter une nouvelle Compagnie appelée Inkongi et GATEMELI mêmement une autre appelée Uburunga (soit Inkongi II et Uburunga II dans la Milice). Ce furent ces deux Compagnies qui exécutèrent à Munyaga les cérémonies au cours desquelles le fameux collier de KIGELI III fut remonté dans la branche où il pendait auparavant. Il va sans dire que les Abakemba relevant de Nyagashi formait officiellement le pivot de l’Armée.

178.Lorsque GATEMELI fut ultérieurement disgrâcié et livré  au bourreau, sa section fut donnée au prince BALYINYONZA, fils de KIGELI IV. Le nouveau fonctionnaire en fit une Milice distincte, qui s’appellera Abamaraskyika (cfr. n°372 plus loin), tandis que le fief bovin correspondant devenait Imisugi  III(cfr. H.A .B. n° 58). Le Roi avait nommé le Chef NZIGIYE comme son second dans le Commandement nouveau des Abakemba.

179.Lorsque KIGELI IV mourut, son successeur MIBAMBWE IV RUTARINDWA condamna à mort le Chef BAYIRAYI, fils et successeur de BUKI. En ce moment la section de la Milice qui avait été initialement attribuée à ce dernier fut rendue à NYAGASHI, devenu le Chef unique de la Milice, car NZIGIYE était mort environ une année avant KIGELI IV. Ainsi donc, après mille péripeties, l’Armée-Sociale Abakemba était rétablie dans son unité et replacée définitivement sous l’autorité d’un descendant de KAVOTWA. NYAGASHI légua sa dignité à SEMIHARE, et celui-ci à son fils MAFENE. A celui-ci, décédé sous MUTARA  III, succéda son jeune fils RUVUGWAHO.

Prestations : les Abakemba en tant que tels aucune, parce que tenus au service permanent. Mais en raison de fiefs annexes :

  1. Les Imboli = 8 cruches d’hydromel trois fois l’an ; construction et entretien d’une seule case à la Cour.

      2.  Abajyongo : une cruche de miel porté dans un hamac.

Les Inkaranka, comme nous venons de le voir, furent séparésde la Milice et seront étudiés à part (n°366). Armée-Bovine corfespondante : Imisugi ( H A .B no 55-61)

  1. Indilira=Les Assoiffés de batailles.

180.L’Armée-Sociale Indilira fut créée par CYILIMA II RUJUGIRA. La signification littérale de son nom est plus exactement ceux qui pleurent afin que (on les envoie au combat), du verbe kulira =pleurer, dont la forme causative est kulira = pleurer afi que, pour. Le substantif sous sa forme primaire est inlilira dontle premier l se change en d parce que précédé de la nasale n: inlilira= indilira.

181. Les traditions rapportent que CYILIMA IIavait envoyé une expédition dans le Nord du lac Kivu, et que ladite Compagnie encore en formation à la Cour, n’avait pas été jugée en âge de partir. L’espion, du nom de NKUNDUMWAMI (contraction de Nkunda Umwanti = J’aime le Roi), vint apprendre à CYILIMA II que  MUTAGA III SEBITUNGWA, monarque du Burundi, avait décidé une expédition contre le Bungwe (région des provinces du Nyaruguru et des Bashumba en Préfecture actuelle d’Astrida), en profitant justement du fait que les Armées du Rwanda n’étaient plus disponibles. Ses propres espions ne perdaient pas non plus leur temps. A cette nouvelle, CYILIMA IIdépêcha un messager pour aller faire revenir au moins une partie des Armées. Mais la jeune Compagnie restée à la Cour supplia le monarque de l’envoyer à la frontière menacée. CYILIMA IIrésista longtemps, jugeant que pour une mission de ce genre la Compagnie n’avait pas la formation suffisante, n’ayant pas encore été entraînée  aux combats. Les jeunes gens menacèrent finalement de partir d’eux-mêmes et obligèrent CYILIMA II à les y envoyer. Cette circonstance aurait été à l’origine de leur nom : étant jeunes, ils ontpleuré afin que, en guise de caresses, pour sécher leurs larmes, on les envoyât au combat.

182.Le Roi confia le commandement des Indilira à son frère, le prince MUCIYE, fils de YUHI  III, qui plaça à la direction des combats le nommé MIGISHA, fils de MIHANDA. On avait pris évidemment la précaution d’adjoindre aux Indilira une certaine  proportion de guerriers éprouvés, pour les initier et les soutenir aux combats, car ils avaient à lutter contre des Compagnies de renom.

  1. Les Indilira fixèrent leur premier camp des Marches au Cyafurwe ; puis ils avancèrent de quelques collines et le fixèrent à Kinyovi, près Runyinya, au-delà du poste missionnaire actuel de Kibeho. Ils se composaient alors de deux Compagnies : Indinda = les Résistants au choc (du verbe kurinda, dont le r, n’est pas distinct du len nos langues, — devient d parce précédé de la nasale n: Jnrindai = Indinda) et Impama = Grelotssonores. Parmi les batailles qu’ils engagèrent contre les Com pagnies du Burundi Intarindwa = les Irrésistibles, et Ibenga = Nappe d’eau profonde, la plus mémorable fut celle de Kinyovi à laquelle MUTAGA III SEBITUNGWA lui-même fut blessé d’un coup de lance. Repoussés du camp qu’ils avaient encerclés, les’ Barundi furent obligés de livrer le combat dans la vallée encaissée au-dessous de Kinyovi. Le sang coula tellement qu’il se mêla en grande quantité aux eaux du ruisseau, qui fut appelé depuis Amazatukura (contraction de amazi atukura) les Eaux-ensanglantées. Pendant ce temps cependant, les Armées Nyaruguru,Abashahuzi et Abadahemuka furent dépêchées sur la mêmefrontière et appuyèrent puissamment lesIndilira dans cette lutte acharnée.
  2. A la mort de MUCIYE, CYILIMA II plaça les Indilira sous le commandement de son propre fils, le prince SHARANGABOdéjà Chef des Abakemba. Le prince ne pouvait cependant diriger personnellement deux Milices activement engagées sur des frontières opposées; aussi donna-t-il les Indilira à son fils MILIMO. Celui-ci étant trop jeune, la direction effective fut confiée au nommé NYIRABITORWA, filsde MAFUKU, qui avait été initialement choisi comme messager chargé d’annoncer à CYILIMA II la première victoire de l’Armée.
  3. MILIMO légua sa dignité à son fils SEMUGESHI, auquel succéda RUNIHANGABO. Celui-ci fut destitué sous MUTARA II RWOGERA, sous l’inculpation d’avoir imprudemment fréquenté certaines femmes de son maître. Le commandement passa à son frère RUTAMBUKA. Ce dernier, pour des raisons qu’on ne sait  préciser, démissionna du commandement des Indilira ; comme il était bien vu auprès du monarque, il obtint la faveur de conserver uniquement  l’Armée-Bovine correspondante (cfr. H.A.B. 2-63, p. 40). Les Indilira furent alors donnés au prince BICUNDAMABUNO, fils de MUTARA II. Comme il était encore jeune, MUKOTANYI, fils  de RUGAGI (celui-ci ancêtre éponyme des Abagagi), lui fut adjoint pour exercer le commandement effectif de la Milice.
  4. BICUNDAMABUNO mourut dans l’île Ijwi en 1875, année qui suivit la Comète de Coggia ; il y avait accompagné le monarque qui venait de reconquérir ce territoire émancipé depuis la mort deMUTARA II. Notons que le nommé KARAMA, fils de BARAHIRA, cousin maternel de KIGELI IV, du temps où vivait encore sa tante NYIRAKIGELI IV, s’arrogea temporairement le commandement des Indilira. Ayant été investi des Nyaruguru, estima que les Indilira en formaient une annexe, ce qui, au point de vue territoire, était en partie vrai. Mais à la chute de KARAMA, le prince BICUNDAMABANO avait recouvert automatiquement tous ses droits. Nous avons estimé que cette usurpation temporaire ne constituait pas de droit une interruption dans la fonction de BICUNDAMABANO.
  5. Ce dernier laissait le commandement à son héritier MUNYUZANGABO. II fut destitué par KIGELI IV, très probablement à l’occasion de l’Affaire de ku Mira, car il perdit alors l’Armée-Bovine Imiyange (cfr. HA .B. 132), décision sur laquelle nous sommes positivement informés. Le commandement desIndilira revint àMAKABUZA, filsde MUKOTANYI, lequel exerçait déjà la fonction en subalterne sous le Chef précédent. Il fut destitué par KIGELI IV peu avant décembre 1889, tandis que le monarque se rendait à Ngeli pour la première fois. La date est indiquée par la dernière éclipse totale du soleil qui se produisit le 22 du mois cité. Motif de la destitution : la résidence du.Chef était tellement en mauvais état, que le monarque lui-même et ses Tambours-emblèmes ne trouvèrent pas un logement décent. « Comment est-on Chef, dit KIGELI IV, si on ne sait pas entretenir sa propre résidence, de manière à recevoir décemment ses sujets et ses hôtes ?
  6. Le commandement passa alors au prince CYITATIRE,fils de KIGELIIV; comme il était encore jeune, son prédécesseur gouverna les Indilira en second, car cette fonction était devenne quasi héréditaire dans sa Famille. II la léguera du reste à son  fils RUHIGIRA, qui l’exercera Sous CYITATIRE et sous SUMUTWA, le fils et successeur du prince SEMUTWA, encore en vie, n’a perdu la réalité de son commandement que par le jeu général de l’évolution socio-politique.

Prestations : Aucune, la Milice ayant été dès le début affecté  au service guerrier permanent à la frontière. Armée-bovine correspondante : avant MUTARA IIRWOGERA : Les Inyangamuteyi (cfr. HA B. n° 62-63). Après MUTARA II aucune.

  1. Imvejuru = les Tombant du Ciel.

189. L’Armée-Sociale Imvejuru, du verbe kuva, dont le substantif (en soi incomplet) imva, — et de l’adverbe ejuru =  en  h’aut, d’où  imva-ejuru, en contracté imvejuru, fut créée par CYILIMA II. C’était tout simplement une Compagnie de l’Armée Abakemba,campant avec leurs affiés Uburunga (cfr. n°164), face à la frontière du Gisaka. Ladite Compagnie, dont le nom initial a été oublié, fut rendue autonome à la suite de l’événement que voici :

190. MUDILIGI, fils de KAREMERA, Commandant en Chef des Armées du Gisaka, avait fixé sa résidence privée à Ntunga, près Munyiginya, tout à côté du poste minier actuel de Musha, dans la province du Buganza. Cette résidence, comme il convenait avait été fortifiée à souhait, les palissades étant hérissées de branchages épineux qui rendaient impensable toute tentative d’y pratiquer une brèche sans éveiller l’attention des gardes. La- nuit, d’autre part, la résidence bourdonnait de guerriers triés sur le volet et en nombre suffisant pour la sécurité du Chef. Il en était de même dans le camp opposé, avec cette différence que CYOYA habitait à proximité de la frontière, tandis que son adversaire avait l’avantage d’avoir une plus grande marge de sécurité. Ce fut probablement cette dernière considération qui permit aux Abakemba de tenter un exploit spectaculaire. Vu cependant la distance entre le camp des Rwandais et la colline de Ntunga, il faut croire que le commando désigné par CYOYA ne put tout terminer en une seule nuit. Il aura pu les acheminer à travers la forêt de manière qu’ils se trouvassent, la nuit du lendemain, dans le voisinage immédiat de Ntunga.

  1. Ayant été informé, par ses espions, de l’état de la résdence de MUDILIGI, CYOYA qui en avait dû conférer avec la cour se fit fournir des fûts assez longs et encore flexibles de arbre umusave au pluriel imisave (markamia lutea) de taille à supporter le poids d’un homme. Après qu’on eût taillé en pointes les fûts en question, ils furent portés à la suite de la Compagnie designée. Arrivé la nuit aux abords de la résidence visée, le commando creusa des trous derrière la palissade du côté indiqué par  les espions. Les fûts y furent fixés et solidement étayés au moyen d de pierres. Les opérations se déroulèrent sans dérangement, car c’était fête à l’intérieur, où les guerriers passaient les nuits en séances de hauts faits.
  2. Ceux qui avaient été désignés eurent leurs armes attachées à la taille ; qui le bouclier et les javelines, qui l’arc et sa javeline, las deux armes étant respectivement complétées par le carquois ou le glaive. Les fûts furent successivement pliés de manière que le guerrier en saisît le bout à l’instar de levier et on poussa dans la bonne direction. Ils sautèrent ainsi successivement à l’intérieur de la résidence. Lorsqu’ils y furent en nombre suffisant; comme prévu, ils passèrent à l’attaque et semèrent la confusion. Ils ouvrirent aussi les entrées inaccessibles de l’extérieur, et leurs compagnons d’armes restés dehors, purent s’introduire dans la place forte. II y eut beaucoup de tués, mais MUDILIGI put s’échapper. Après avoir vaincu, les assaillants pillèrent la résidence et y mirent le feu avant de se retirer.
  3. Cet exploit mérita à ses auteurs les honneurs de la Cour et le Roi décida d’en faire le noyau d’une nouvelle Milice, en Souvenir de l’événement. Il leur donna la dénomination Imvejuru que les familiers de MUDILIGI auraient pour ainsi dire suggérée, en s’écriant : « Ceux qui nous attaquent vienent d’en-haut, ils descendent du ciel. » II est possible que la réflexion fut alors formulée, mais cela n’était pas nécessaire, car CYOYA et la Cour savaient parfaitement d’où les assaillants s’étaient introduits dans la place. La nouvelle Milice resta sous le commandement du prince SHARANGABO, qui le légua à son fils RUZAMBA
  4. Sous KrGELI III NDABARASA, successeur de CYILIMA II, les Imvejurufurent définitivement séparés des Abakemba. Le monarque donna la Milice à BYAVU, fils de BUHURA lorsqu’il lui accorda la main de sa propre fille, la princesse NYIRABURO. Ce fut en ce moment que la Milice reçut l’ordre de venir occuper la zone à laquelle elle a donné son nom en la Préfecture actueIle d’Astrida. Elle s’établit entre les Armées Indaraet Nyakare auSud face au Burundi, et entre les Ababanda et Nyaruguru au Nord. Le camp des Marches fut fixé à Gaharanyonga, tandis que celui de Nyaruteja était réservé aux Compagnies de la Cour.

 

  1. Le Chef BYAVU fut tué au Burundi, sous YUHI IV GAHINDIRO, lors du désastre de ku Muharuro. Son fils et successeur NYARWAYA- URUTESI, sous MUTARA II RWOGERA, fut un n personnage de premier plan. La Reine Mère était de sa Famille et le Chef en était le grand favori. Elle lui donna en mariage la princesse SHONGOKA, dont MUTARA II était le frère puîné.

196.Sousce règne, un poème épique de grande beauté nous montre ce Chef, à la tête des Impama = Grelots sonores — première Compagnie connue de la Milice —, jetant le gant au prince NKUSI, fils de YUHI IV et demi-frère de MUTARA II. Le prince NKUSI, Chef de l’Armée A bashakamba = le Tourbillon, avait alors une Compagnie d’élite appelée Imbungira-mihigo = les Rechereheurs des hauts faits. Pour juger de la valeur guerrièredes deux Chefs et de leurs MiliCes, le Roi les envoya en expédition, contre MAKOMBE, monarque du Bushi. Les exploits de NKUSI et de ses Imbungira-mihigoéclipsèrent ceux des Imvejuru.

197.Le ChefNYARWAYA-URUTESI, grand favori de sa belle- mère, se fit à la longue détester de son beau-frère MUTARA à cause du défaut qu’avait le Chef de semer la mésentente à la Cour et, par ses délations, de provoquer la Reine Mère aux pires excès. Aussi le Roi le tua-t-il, de sa propre main, d’un coup de javeline, à la suite d’une nouvelle vague de teneur que le coupable venait de provoquer. Il léguait ses biens à son fils MURARANGADO; comme il était encore jeune, le commandement fut exercé par son oncle RUGEREKA, fils de BYAVU, qui épousa SHONGOKA en secondes noces. Lorsque MUTARA II mourut de tuberculose, on accusa RUGERERA et sa Famille de l’avoir empoisonné pour venger la mort de NYARWAYA -URUTESI. C’était autour de 1853.

  1. A l’avènement de KIGELI IV RWABUGILI, RUGEREKA et ses partisans, les Abagereka, furent proscrits. Le Roi et sa Mère se trouvaient alors à Mwima, tandis que RUGEREKA avait sa résidence à Rwesero, les deux localités bien connues dans le centre de Nyanza. La bataille dura au moins une démi-journée, car RUGEREKA avait décidé de lutter. Finalement battuspar les Armées Inzirabwoba et Abashakamba, les Abagereka se retranchèrent dans la vaste résidence et y mirent le feu. Ils se suicidèrent ainsi collectivement dans les flammes. La princesse SHNGOKA en fit autant, dans sa résidence de Rwaniro, province actuelle du Busanza-Sud.
  2. Le commandement des Imvejuru fut alors donné à RUTEZI, fils de MITALI et frère de la nouvelle Reine Mère, NYIRAKIGELI IV MURORUNKWERE.RUTEZI démissionna en faveur de son neveu BIZURU, fils de BARAHIRA (fils, celui-ci de MITALI). Mais le nouveau fonctionnairetrempa dans les intrigues qui provoquèrent la mort de la Reine Mère ; aussi dans la suite au nombre de ceux qui le payèrent de leur vie. Son successeur fut MBONYUWONTUMA, fils de MURENGEZI. Il sera destitué et exécuté en 1875 (année qui suivit la Comète de Coggia). Son successeur RUBIBI, fils de KAYIRU, tomba en disgrâce et fut livré au bourreau dans l’île Ijwi.

200. KIGELI IV nomma alors KAMURALI, fils de RUBILIMA (neveu de NYARWAYA-URUTESI). Mais le nouveau fonctionnaire ne put même pas entrer en possession de son fief : quelques jours après la nomination, le Roi fut témoin des exploits de BIYENZI, frère de KAMURALI, un guerrier de premier ordre. « Je me suis trompé, s’écria le monarque ; le commandement aurait dû être donné à un brave de cette classe ! » Ainsi dit, ainsi fait. Sans l’avoir voulu, BIYENZI supplanta son frère. Mais il faillit être livré au bourreau, aux environs de 1890 et n’y échappa que de justesse.

Le Motif : un Muhutu du Burundi, appelé NKIRAMACUMU, avait été investi du commandement de la Milice Inzirabwoba (cfr. n°338). Cet homme, ivre de la faveur que lui témoignait KIGELI IV, se permit de mobiliser sa Milice et d’envahir le territoire des Imvejuru. Arrivé à Shyanda, où habitait RUBILIMA, père de BIYENZI, NKIRAMACUMUse permit de souffleter le vénérable vieillard et de le dépouiller de ses vêtements.

201. Lorsque la nouvelle en parvint à BIYENZI, il mobilisa les Imvejuruet attaqua à son tour NKIRAMACUMU sur le territoire des Inzirabwoba. Ces derniers ne voulaient même pas se battre: ils avaient obéi à leur étourdi de Chef dans l’intention de s’en débarrasser, car ils estimaient que le Roi ne le laisserait pas à leur tête après la magistrale faute commise en mobilisant officiellement sa Milice contre un Chef voisin. S’y était ajouté les mauvais traitements infligés à RUBILIMA : c’en était assez pour la destitution. Lorsque BIYENZI attaqua NKIRAMACUMU, celui-ci se trouva isolé et il fut tué. Le Chef des Imvejuret sous le coup de l’injure faite à son père, avait commis la même faute que NKIZAMACUMU. Il aurait dû déposer plainte, au lieu de mobiliser officiellementune Milice contre un Chef voisin. L’injure faite cependant à sai père entra en ligne de compte et lui évita la mort. Il paya une forte amende en vaches et son territoire fut amputé de l’importante colline de Shyanda, qui releva immédiatement de la Cour.

202.Ce n’était que partie remise pour le bouillant Chef ; il fut accusé quelques années plus tard, autour de 1892, d’avoir assassiné le nommé SENYAMABANO et toute sa famille, parce que le notable voulait se rendre auprès du Roi. Le Chef mettait ainsi obstacle au recours au monarque. KIGELI IV chargea son fils MUHIGIRWA, Chef des Nyaruguru, d’attaquer BIYENZI de le tuer. Mais le condamné réussit à s’échapper et à passer au Burundi, où il fut bientôt assassiné. Le commandement des Imvejurufut alors donné à MUSHIKAZI, fils de RUNIGAMUGABO; fils, celui-ci, de RUGEREKA, — le proscrit que nous avons déjà rencontré au début du règne.

203.A la mort de KIGELI IV, le prince CYITATIRE fut investi des Imvejuru par MIBAMBWE IV RUTARINDA, le jour même où à Gatovu, furent célébrées les cérémonies de la levée du deuil. La nomination n’était que l’exécution du testament de KIGELI IV.Comme CYITATIRE était encore jeune, son prédécesseurMUSHIKAZI fut chargé de le remplacer dans le commandementeffectif, ce qui dura quelques années seulement. A CYITATIRE succéda, en 1929, son fils SEMUTWA, encore en vie.

204.Prestations : en tant que Milice en service guerrier permanent, les Imvejurune devaient aucune prestation à la Cour. Mais SOUS MUTARA II, à l’époque d’une disette, le Chef NYARWAYA-URUTESI se permit de faire à la Reine Mère le cadeau d’un grenier de haricots et d’un autre de sorgho. La double prestation fut ainsi introduite et la Cour la maintint à perpétuité, car une redevance payée ne devait plus manquer à l’appel (cfr. Code, art. 94). Armée-Bovine correspondante Inka-buzima (H.A.B., 110- 114).

  1. Abadahemuka = les Jamais-Félons.

205. L’Armée-Sociale ABADAHEMUKA fut créée par CYILIMA II qui la plaça sous les ordres de RUBONA, fils de RUSIMBI, de la Famille des Abatsobe. Elle fut formée très probablement à partir des serviteurs personnels du nouveau Chef. La Milice reçut l’ordre de fixer son camp face à la frontière du Burundi entre la Section Nord des Monts Ibisi et la zone confiée aux Indilira. Une autre section de la Milice fut chargée de batailler contre le Ndorwa au Nord du pays. On doit en conclure que, dès cette

époque initiale déjà, la Milice était très importante.

  1. Son Chef RUBONA était membre des Abiru(Dépositaires du Code ésotérique de la Dynastie).Ilsollicita lui-même l’honneur d’aller mourir en Libérateur-offensif contre le Burundi, et le Roi accepta la proposition. Le Libérateur-offensif = Umucengeli,comme nous l’avons expliqué en une autre étude (Code, Art 196)était le héros qui se livrait à la mort, sur le champ de bataille, afin de donner au Rwanda l’avantage des armes et le droit de conquête sur le pays visé. Le prince GIHANA, fils de CYILIMA II, était déjà mort en Libérateur-offensif contre le Burundi ; les traditions rapportent qu’après sa mort, le Burundi souffrit d’une grande sécheresse qui fut attribuée au sang du prince. Aussi y organisa-t-on son culte, en lui élevant une résidence sur une colline à laquelle on imposa le nom de Muyange-celui même de sa résidence au Rwanda – et en lui consacrant une épouse, un troupeau et une milice symbolique, répondant tous aux noms de ceux que possédait le prince, en sa patrie d’origine. Les Barundi se l’appropriaient ainsi et le Libérateur trompé se croirait exactement chez lui. Son sang ne serait plus funeste au pays qu’il croirait être sa patrie.

207.En apprenant ces événements, la Cour du Rwanda fut consternée. Ce fut alors que RUBONA se proposa en qualité de Libérateur-offensif : il se ferait tuer sur le champ de bataille contre le Burundi, et son esprit irait rappeler le prince aux réalités, lui révéler la tromperie dont il avait été la victime. Ce fut dans ses sentiments que RUBONA envahit la province actuelledu Buyenzi (au Burundi à cette époque) et fut tué à la bataille engagée à Kivu, où l’on voyait encore ces dernières années le bosquet marquant son tombeau.

208. Le commandement des Abadahemukapassa alors à sort fils RWAMBALI.II périra également en Libérateur-offensif, sous YUHI IV GAHINDIRO, dans la lutte engagée contre le Ndorwa. Sa qualité de Libérateur ayant été divulguée, les adversaires le fuyaient plutôt que de le combattre au risque de verser son sang. Il dut ruser en attaquant la nuit comme s’il se fût agi d’une bande de voleurs et il tomba à Rurangara près Gahondo. Illéguait sa fonction à son flIS SEMUZIGURA. Celui-ci mourut au cours du mois qui précéda le décès de MUTARA II, soit en 1863. Il avait désigné RUVUZACYUMA pour son héritier. Celui-ci étant encore trop jeune, le commandement effectif fut temporairement confié à son oncle RUZIGAMANZI. RUVUZACYUMA mourut sous YUHI V MUSINGA, en léguant sa fonction à son fils MACALI.Ce dernier, mort en 1960, avait déjà désigné son fils MANYWA pour lui succéder, il y a quelques 20 ans.

209.Prestations : La milice en tant que telle, aucune, en raison du service guerrier permanent aux frontières. Mais en raison de fiefs annexes :

1)Une cruche géante d’hydromel appelée Buhiye (le miel est) Alcoolisé à point, de la capacité de 4 cruches portables.

2)Une autre cruche géante d’hydromel appelée Sayinzoga (contraction de si aya inzoga) Ce ne sont pas des propos inspirés par la boisson, de la capacité également de 4 cruches portables.

Armée-Bobine correspondante : aucune. Les Urutuga, bovidés que possédait RUBONA auraient pu en former le noyau, mais il n’en fut rien parce que le sacrifice de sa vie, qu’imiteront plusieurs de ses descendants, interdisait à la Cour d’en exiger une autre prestation. L’Armée-bovine sans redevances étant sans objet, on n’en parla jamais.

  1. Urwasabahizi = les Concasseurs des rivaux.

210. L’Armée-Sociale Urwasabahizi (contraction de Urwasa-abahizi, du verbe kwasa=couper en morceau au moyen de la hache, et du substantif abahizi — antagonistes en matières guerrières), fut créée sous CYILIMA II. Le noyau en fut formé par une Compagnie du Gisaka, qui s’exila au Rwanda sous le commandement de son Chef du nom de RUTANDA, fils de NTARA. Ladite Compagnie portait déjà ce nom de Urwasabahizi.

211. On raconte que CYILIMA II avait commandé une importante quantité de flèches empoisonnées ; le fournisseur, le Roi du Bujinja, devait les lui faire parvenir par l’intermédiaire de KIMENYI IV Roi du Gisaka. Il était encore en bons termes avec CHILIMA II II. KIMENYI IV cependant, en prévision du conflit qui déjà se préparait, retint les flèches pour lui-même et en arma les Urwasabahizi. CYILIMA II ne se tint pas pour battu. Il fit croire à KIMENYI IV que RUTANDA, commandant les Urwasabahizi, l’avait trahi en soustrayant une certaine quantité des fameuses flèches et en les envoyant à la Cour du Rwanda. D’autres émissaires, agissant dans le même sens, prévinrent RUTANDA que son maître le soupçonnait de trahison et se préparait à le livrer au bourreau. Le guerrier ainsi alerté ne tarda pas à découvrir des signes de changement d’attitude entre lui et son maître. Pour se mettre en sûreté, il passa la frontière avec tous ses subalternes et vint offrir ses services à CYILIMA II. Ainsi le monarque Rwandais récupéra au centuple le montant de sa commande, puisque les flèches lui parvenaient avec toute une Compagnie prête à en servir.

  1. Les Urwasabahizi furent immédiatement envoyés à la frontière du Sud, dans la zone défendue par les Abadahemuka, Nyaruguru et Indilira. Ils prirent part à la bataille de Nkanda, Où fut tué MUTAGA III SEBITUNGWA, Roi du Burundi. Les traditions affirment unanimement qu’il fut tué par RUTANDA lui-même, d’une flèche visée au front. Notons cependant que la mort de MUTAGA III n’avait pas la signification de grande victoire en soi, ni de défaite désastreuse pour les Barundi. Il avait été désigné comme Libérateur-offensif contre le Rwanda, afin que son sang annula les effets supposés que produirait celui du prince GIHANA, fils de Roi. A sang royal, sang royal devait répondre. Ainsi donc Si MUTAGA III n’avait pas été voué volontairement à la mort, les Rwandais n’auraient jamais pu l’atteindre.
  2. RUTANDA commanda donc les Urwasabahizii que CYILIMA II avait amplifiés. Les Rwandais ignorant à l’époque le secretde fabrication des flèches empoisonnées, il n’en fut plus question dans la suite. RUTANDA légua sa dignité à son frère MUHILIMA. Il en fut destitué sous YUHI IV GAHINDIRO etle commandement passa à RUZIGAMANZI, fils du libérateur RUBONA (Cfr. n°208).Il légua son fief à son fils MUGURWANGOMA, qui tomba ensuite en disgrâce et fut livré au bourreau, sous KIGELI IV RWABUGILI. Le commandement fut alors donné àNSAZIYINKA, fils de RWAMBALI,qui était lieutenant de RUVUZACYUMA à la tête des Abadahemuka. NSAZIYINKA fut condamné à mort par KIGELIIV, sous l’inculpation d’avoir pris part aux consultations divinatoires à la suite desquelles le Chef BIYENZI se décida àpasser au Burundi (n°2.03). Son dénonciateur BUCYUCYU, fils de SEMUZIGURA, obtint la succession, mais sous la dépendance de RUVUZACYUMA. A partir de ce moment, les Urwasabahizi furent pratiquement jumelés avec les Abadahemuka (paragraphe précédent).

Prestations :

1)La milice en tant que telle en était dispensée à causé du service actif permanent à la frontière.

2)En raison de fiefs annexes, elle payait des cruches de cidres de bananes et d’hydromel, mais la section en fut, ensuite détachée par KIGELI IV RWABUGILI, lors de la destitution de NSAZIYINKA, et elle fut donnée à NZIGIYE, fils de RWISHYURA, à titre de fief privé.

Armée-Bovine correspondante : aucune trace dans les traditions ; elle n’exista peut-être jamais, vu lescirconstancesdans lesquelles les Urwasabahizifurent érigés en Armée, puisque la Compagnie initiale ne fut pas créée au Rwanda,  et qu’à son arrivée dans le pays elle fut immédiatement fixée à la frontière du Burundi.

44.Abadaha = Habitants du Budaba.  

214. Armée-Sociale Abadaha fut créée par CYILIMA II.On pourrait se demander si c’est la Milice qui a donné son nom à la pronvince qu’elle habite, ou si le monarque les a ainsi dénommés parce qu’ils devaient s’y fixer. Le nom du Budaha vient du verbe kudaha=puiser (au moyen d’une calebasse) un liquide contenu dans un très grand récipient. Le verbe à l’infinitif comporte évidemment une tonalité différente, mais ceux qui cônnaissent la langue savent bien que certaines de ses formes coïncident avec la tonalité de ce nom.

215. Le monarque donna cette Milice à SERUHUGA L’ANCIEN, fils de BANYAGA, lorsqu’il lui accorda 1a main de sa fille préférée, la princesse MITUNGA. Seruhuga légua sa dignité à son fils MPARAYE surnommé SEMUHIMA, auquel succéda son fils MASHYENDEGELI. Le successeur de ce dernier fut RUHUBIRA, qui légua la fonction à son fils MPARAYE LE JEUNE. Le commandement Passa ensuite à son fils MILIMO, qui le légua à RWAMANYWA. Ce fut ce Chef qui, à RucuNsnu, décida de la victoire de YUHI V MUSINGA sur MIBAMBWE IV. Lorsqu’il arriva sur les lieux du combat, la défaite de MUSINGA était déjà certaine. Ayant lancé ses guerriers dans la bataille, la victoire changea de camp. Nous savons qu’aux premiers mois de 1905 le même Chef fut nommé à la tête des Nyaruguru, dont il fut dépossédé, aux environs de 1920, à l’intervention de la même Milice qui n’en voulait pas (cfr. n°92). Ceci n’affecta en rien les affaires de son commandement traditionnel. Il en fut destitué en 1928 par les Autorités Belges, du fait que la Milice Abadaha était liée à une circonscription administrative déterminée et rien en dehors d’elle. Son frère SERUHUGA LE JEUNE lui succéda la même aimée. Il est mort en 1961.

Prestations

1) Construction et entretien d’une seule case à la Cour.

2) Fournir une espèce de bois de chauffage dit ibyakaka, (c’est-à-dire : qui brûlent sans dégager de la fumée) destiné à faire du feu dans la case où le monarque préside aux « Veillées des hauts faits ».

Impôts vivriers à la récolte du sorgho et des haricots. Armées-Bovine correspondante : Imbaliro (voir la Milice suivante).

 

  1. Abatanyagwa = les Indépossédables.

 

  1. L’Armée-Sociale Abatanyagwa fut créée par CYILIMA II. La signification de son nom n’est pas un pur hasard : le monarque, en la donnant à sa fille MITUNGA et à son mari SERUHUGA (voir la Milice précédente), proclama l’interdiction permanente de destitution assurant à perpétuité la jouissance de ce commandement à leur descendance. Le Roi pouvait donc déposer tel fonctionnaire, mais son successeur devait toujours être son parent de la descendance de SERUHUGA.

Cette Milice était uniquement composée de Bahutuhabitant la province du Budaha. Ce fut donc la population de la région quifut collectivement élevée an rang d’Armée-Sociale. Son commandement fut, dès le début, jumelé avec celui des Abadahaprécédents.

Prestations :

1.Une cruche géante d’hydromel appelée Simugomwa= Je ne peux rien lui refuser, de la capacité de 4 cruches portables.

2.La section constituée par la Famille des Abarara (descendants de MURARA., fils de BILIHANZE) : 20 cruches de cidre ordinaire.

Armée-Bovine correspondante : Imbaliro (H.A .B. n° 83-84, p. 51).