1. Abakwiye = les Dignes (du Roi).

325. L’Armée-Sociale Abakwiye est communément désignée sous ce nom abrégé ; il était initialement Abakwiye-Umwam =i les Dignes du Roi. C’était le nom de la toute première Compagnie, qui avait fixé son camp des Marches à Kigembe, localité située à proximité de Nyaruteja, dans la province des Imvejuru. La deuxième Compagnie s’appelait Urugangazi = la Majestueuse Stature. La Milice était commandée par le prince RWABIKA, demi-frère de MUTARA II RWOGERA, le nouveau monarque. Dans les expéditions à l’étranger, elle formait groupe avec les Abashakamba, Garde Royale du règne précédent. Pour faire triompher son gendre NYARWAYA-URUTESI, lors de l’expédition contre le Bushi (cfr. n°196), la Reine Mère ordonna que les Abakwiyeformassent groupe avec les les Imvejuru. Ce groupe fut battu et le prince NKusi remporta la victoire avec ses seuls Imbungira-mihigo, placés sous le commandement de son frère RUBEGA.

326.Les Abakwiyeavaient été placés sous le commandement subalterne de RUHANGARANKIKO, fils de MABANO (fils, celui-ci, du prince KIMANUKA, fils de KIGELI III). Ce fonctionnaire se permit un jour des propos désobligeants sur le compte de la Reine Mère NYIRAMAVUGO II NYIRAMONGI ; les propos étaient échangés entre lui et KABINDI, fils de NYARWAYA-NYAMUTEZI. Le fait ayant été dénoncé à la Reine Mère, les deux coupables en furent avertis et ils tentèrent d’échapper à la vengeance de la Souveraine, en passant au Burundi. Ils arrivèrent ainsi chez BASOTA, fils de KIMANUKA, qui demeurait au Bugesera  ;comme il était l’oncle de RUHANGARANKIKO, les deux fuyards le mirent au courant de l’affaire. Il les arrêta et les livra à la Reine Mère. Kabindi eut les yeux crevés, tandis que son compagnon perdit tous ses biens et commandements, y compris celui de l’Armée-Bovine Amahame (H. A. B. no 129, p. 74), qui deviendra celle de la Milice Abakwiye.

327. Le prince RWABIKA légua sa fonction à son fils GACINYA ; celui-ci mourut autour de 1894, au Bunyabungo. Il fut emporté par la tuberculose. Il léguait son commandement à son fils GIHANA. Celui-ci rentra du Bunyabungo (ou Bushi) en plein dans la désertion dite Affaire de ku Mira, afin de venir accomplir chez – lui les cérémonies du deuil. Il perdit plusieurs de ses fiefs, en raison  de la décision prise contre les déserteurs ; mais il conserva le commandement des Abakwiye, à cause de la circonstance atténuante du deuil qui l’avait frappé. Rappelons que les fiefs dont GINANA fut privés alors furent les Armées-Bovines Izogeye, Imiseke et lmikara y’Amahame, et la milice Abadahigwa (n° 352). GIHANA mourut  aux environs de 1932. Il avait depuis quelques 15 ans auparavant désigné son successeur en la personne de son fils RUHAKANA, encore en vie. Sous le commandement de GACINYA soit au début du règne de KIGELI IV, les Abakwiyee avaient fixéleur camp des Marches dans le Ndorwa, en la zone de l’actuelle ville de Kabare (Kigezi, en Uganda). Prestations : aucune, d’abord pour le motif du service guerrier permanent ; ensuite parce que la Milice suivante avait été formée à cet effet. Armée-Bovine correspondante : Amahame (cfr. H. A. B., na 129-130, p. 74).

 

  1. Abazira-mpuhwe = les Sans-pitié.  328. L’Armée-Sociale Abazira-mpuhwe, litt. Ennemis de la pitié, fut créée par MUTARA II RWOGRRA comme pendant des Abakwiye ; si celle-ci était composée de Batutsi et de Bahutu, les Abazira-mpuhwe au contraire n’étaient composés que de Bahutu. Ils devaient payer au Chef et à la Cour les redevances dont les Abakiye étaient dispensés en raison du service d’ost. Le commandement supérieur des deux formations était cependant jumelé ; à ce plan, la succession s’opéra en conséquence comme il vient d’être indiqué pour les Abakwiye.

Le commandement subalterne. des Abazira-mpuhwe fut confié initialement à MUSHENGEZI, un Muhutu qui habitait dans le Rugondo près Tambwe, province actuelle du Nduga. Il légua sa fonction à son fils RWATAMBUGA. Ce dernier fut livré au bourreau par Kigeli IV, en même temps que le Chef RWAMPEMBWE, autour de 1873. Motif : le Roi avait donné à RWATAMBUGA la mission d’aller arrêter KABYAZA, mère de RWAMPEMBWE. Au lieu de s’y rendre, il alla en aviser RWAMPEMBE à sa résidence de Cour. Ce dernier devait être arrêté le lendemain matin et le Roi entendait lui imposer une humiliation supplémentaire en lui montrant aussi sa Mère prisonnière. Le Chef n’était-il pas impliqué dans l’affaire du meurtre de la Reine Mère ? Il avait en effet empêché l’exécution du prince NKORONKO, condamné pour ce motif (dr. eu 294). Lorsque RWATAMBUGA mit le Chef au courant de la mission dont ilétait chargé, RWAMPEMBWE lui demanda :  Et êtes-vous sûr qu’il vous sera si facile d’arrêter ma mère qui est actuellement entourée de guerriers décidés à tout ? » – « Je n’avais pas non plus l’intention d’aller l’arrêter, répondit RWATAMBUGA. Il passa donc la nuit à la Cour et il alla se présenter au Roi le lendemain matin, après avoir appris que RWAMPEMBWE venait d’être arrêté. En le voyant, le Roi lui demanda « Vous ramenez ? » — «Non, je ne l’amène pas, répondit RWATAMBUGA –  je ne m’y suis pas rendu » « Vous êtes donc aussi un mécréant ? » tonna KIGELI IV. — « Le mécréant c’est celui qui vous conseille de faire ce que vous êtes en train de faire t » répondit RWATAMBUGA.

 

  1. Il n’en fallait pas tant : le courageux fonctionnaire fut livré au bourreau séance tenante. RWAMPEMBWE fut d’abord torturé, puis finalement le Roi proposa de soumettre son cas à une assemblée d’hommes choisis à cet effet, « Si ces hommes trouvent que c’est moi qui suis dans le tort, je vous libèrerai » dit KIGELI IV. « Impossible, répondit RWAMPEMBWE ; la proposition eût été acceptable avant que je ne fusse torturé ; mon rang est tel que même les pays étrangers auront appris que j’ai été torturé ; je ne puis donc y survivre sans honte. Vous venez ensuite de tuer RWATAMBUGA à cause de moi ; si je lui survivais, lui simple Muhutu, il serait plus noble que moi». Ce fut dans cette atmosphère de courage que moururent RWAMPEMBWE et RWATAMBUGA, ce dernier ayant osé dire tout haut ce que les autres se chuchotaient.

330. A la mort de RWATAMBUGA, les Abazirampuhwe  passèrent à KIDENDE, fils de RUPFURINKWARE, un Muhutu qui habitait à Bushyantobo, dans le Bwanacyambwe. Ce dernier fut tué dans un combat privé engagé contre NYAMUGEMAHICA, fils de MUYENZI (cfr. n° 174). Celui-ci fut arrêté et torturé toute une journée sur ordre de KIGELI IV; c’était à Ngeli, en 1890. Comme le prisonnier n’était cependant qu’indirectement responsable, en tant que  Chef de la troupe dont un membre avait tué ledit fonctionnaire il fut condamné à payer 80 vaches qui furent données à NYIRANGABO, soeur de KIDENDE. En ce moment la Milice passa sous le commandement de BUSYETE, fils de SUMIRANA, un Mutwa annobli de fraîche date (cfr. N° 131). Ce fonctionnaire, au début du règne de YUHI V MUSINGA, la Cour se trouvant à Kamonyi, 1897, donna sa démission. Voyant le déroulement des événements, il avait compris que pour vivre en paix et ne pas risquer sa tête, il valait mieux être un tout petit. Non seulement, démissionna de son commandement, mais encore il sollicita de de la Cour l’autorisation — qu’il obtint — de reprendre sa condition de Mutwa. A BUSYETE succéda MATABARO, fils de GASINDIKIRA, de la Famille des Abasuka.

  1. Notons que tous ces fonctionnaires subalternes avaient à leur tour un subalterne, mais dont le commandement sur les Abazira-mpuhwe restait héréditaire. Sous MUSHENGEZI et son fils RWATAMBUGA, le fonctionnaire subalterne était BARENGA ; il légua sa fonction à son fils MUZIMA, qui passa le commandement à son fils MUZIRAMPUHWE. Ne perdons pas de vue non plus que ces deux hiérarchies étaient placées sous le haut commandement du Chef des A bakwiye.

Prestations : Impôts vivriers à la récolte des haricots et du sorgho. Année-Bovine correspondante : Amahame(celle des Abakwiye).

  1. Inzira-bwoba =les Sans-peur.  332 L’Armée-Sociale Inzira-bwoba litt, les Ennemis de la peur, fut créée sous MUTARA II, par la Reine Mère NYIRAMAVUGO II NYIRAMONGI, et donnée au prince NKORONKO, frère puîné du monarque. Comme il était encore jeune, le commandement effectif fut exercé par MUGANZA, fils de MUTEMURA. Les deux premières Compagnies, Inzira-bwoba et Itanganika -= Vaste nappe d’eau furent chargées de défendre la frontière du Buhanga (Préfecture d’Astrida), contre les incursions répétées des Ibihura-mutwe, groupe guerrier du Burundi, qui terrorisait la zone. L’Armée Ababanda, devenue désormais très secondaire, qui se trouvait sur place, avait été incapable de réagir efficacement (cfr. n°243). La nouvelle Milice fixa son camp à Iramba près de Gakoma, et mit rapidement fin aux attaques des Ibihura mutwe = Ceux qui donnent des coups de tête (comme des béliers). Le prince NKORONKO, devenu grand et grand guerrier aussi par ses exploits personnels, fit tant et si bien les choses, qu’il réussit à faire émigrer les Ibihura-mutwe et à les incorporer à sa propre Milice. Ce fut alors au tour de la région en face, du Burundi, à être soumis au terrorisme par des incursions opérées surtout de nuit.

 

  1. Les Inzira-bwoba se signalèrent également, non seulement contre le Burundi, mais aussi dans des expéditions contre le Nkole. On narre surtout l’expédition au cours de laquelle le prince NKORONKO, attaqué dans son camp, batailla si bien de son propre arc, que la corde dut lui écorcher l’avant-bras et lui causa une plaie dont il garda la cicatrice bien visible. Il fut ensuite chargé d’aller établir un camp des Marches à Hunga, dans la province actuelle du Buyaga, où il resta plus d’une année. Cet éloignement de la Cour n’était cependant qu’un prétexte : il venait d’épouser MURORUNKWERE, fille de MITALI, et cela sur l’ordre du Roi et de ses conseillers dynastiques. Le prince fut éloigné, pour permettre au monarque d’entretenir des relations suivies et exclusives avec la nouvelle mariée. Elle était désignée comme Reine Mère, mais la Reine Mère d’alors, NYIRAMAVUGO II NYIRAMONGI, ne permettait pas à son fils d’épouser une autre qui ne fût du Clan des Abega. Elle entendait que le règne suivant fût également dévolu à son groupe familial. Mais les Abiru déjouèrent de la sorte ses ambitions qui allaient à l’encontre du testament concernant la succession des Clans (Quelques Clans, jouissant du titre de « matri-dynastique » fournissaient à tour de rôle les Reines Mères à la lignée régnante. Cette succession des Clans au pouvoir était destinée à contrebalancer la force politique des Familles, Celle qui devenait trop puissante n’obtenait que rarement cet honneur ; entre temps en bénéficiaient les Familles moins puissantes, que les Reines Mères de leur sang — sans rien savoir elles-mêmes du Code ésotérique, lequel était interdit aux femmes — accomplissaient le rôle qu’on attendait d’elles : elles enrichissaient leurs parents. Ceux-ci, devenus politiquement puissants, équilibraient automatiquement les forces politiques du pays. Ce testament — la détermination des Clans qui donneront à tour de rôle les Reines — n’était établi qu’une seule fois toutes les quatre générations, à savoir par les monarques MUTARA et CYILIMA. Comme elle agissait sur le plan purement politique, ignorant le premier mot et l’existence même de ce testament ésotérique, les Détenteurs du Cade -ésotérique s’en moquèrent bien et, sans aucune difficulté, déjouèrent ses plans). Le règne suivant était destiné au Clan des Abakono. Une fois MURORUNKWERE devenue mère, le prince NNKORONKO fut rappelé chez lui pour imposer le nom nom à l’enfant et il l’appela SEZISONI (le futur KIGELI IV RWABUGILI). Lorsque cet enfant devint grand, le monarque dit à son frère : « J’aime bien votre fils SEZISONI, et toi tu aimes le mien  RUKANGANKAGWE ; faisons l’échange ». Le prince NKORONKO accepta la proposition et SEZISONI devint officiellement: fils (adoptif) de MUTARA II. Ni le prince NKORONKO, ni sa mère l’ambitieuse NYIRAMAVUGO II, n’y pouvaient rien comprendre. Cette dernière ne pouvait surtout pas songer qu’un fils adoptif pat devenir prince héritier. Des conseillers dynastiques, au nombre de trois, étaient seuls au courant. Cette mystification sera à l’origine des prétentions du prince NYAMWESA (Ce fut une mystification, certes, mais ce fut un résultat de cette hantise qu’avait la Reine Mère pour la présence de sa propre Famille à la tête du pays, Elle avait donné à son plus jeune fils, le prince NKORONKO, une puissance exorbitante, qui en faisait le premier personnage du pays, au détriment même du prestige de MUTARA II. Celui-ci haïssait de ce fait NKORONKO, mais ne pouvait trouver un moyen pour s’en venger. Ce moyen lui fut fourni par la Reine Mère, Celle-ci eut la curiosité de connaître le nom du futur monarque du Rwanda, afin d’en informer NKORONKO. Elle commit l’imprudence de vouloir aller jusqu’au bout et elle posa la question à ce sujet, à deux Détenteurs du Code ésotérique, qu’elle jugeait être au courant du secret. Ceux-ci lui demandèrent un moment de réflexion et ils allèrent aussitôt en parler au Roi. MUTARA II répondit : Elle désire donner l’information à son fils NKORONKO, afin qu’il se lie d’amitié avec mon successeur. Eh bien !répondez que mon futur successeur est mon fils aimé NYAMWESA. Sa mère est la nièce de la Reine Mère et il est lui-même très ami de NKORONKO. Je le regrette pour mon fils, mais NKORONKO ne manquera pas de se servir de l’information ; IL se condamnera à mort ainsi sous mon successeur I » — Tout se passa comme prévu NKORONKO une fois informé par sa mère, informa à son tour le prince NyYAMWESA. Les Détenteurs du Code éso-térique, auxquels  MUTARA II en avait donné la recommandation, poussèrent le prince NKORONKO, après la mort du monarque, à prononcer le nom de NYAMWESA, dans une assemblée convoquée en vue de publier le nom du nouveau Roi. Après tout cela, le prince NKORONKO était définitivement compromis. On temporisera certes, à cause de sa puissance d’alors ; mais lorsque KIGELI  IV verra son pouvoir solidement affermi, il s’attaquera à lui. Les fautes que NKORONKO y ajoutera dans la suite ne pourront que faire déborder la coupe, déjà pleine au départ) et de la pertedeNKORONKO lui-même, qui avait été surpris de voir « son » fils tronisé, à l’encontre des règles reçues.

 

  1. Le prince ne s’acclimata pas non plus avec facilité à l’autorité de celle qui était son épouse et qu’on lui avait arraché à l’improviste pour en faire la Reine Mère. Il trempa dans les intrigues auxquelles nous avons tant de fois fait allusion, à la suite desquelles la Reine Mère fut assassinée à Mbilima. L’enquête confiée à MUGAMBWAMBERE, fils de NYAMUTERA, révéla à KIGELI IV que NKORONKO était parmi les plus grands coupables. Nous avons déjà dit comment ce puissant prince fut condamné secrètement à mort, mais que, averti par RWAMPEMBWE, il déjoua tous les plans. L’attaquer ouvertement risquait de verser le sans àgrands flots dans les deux camps, car les Inzira-bwoba aimaient leur Chef et se trouvaient être de redoutables guerriers.

 

335. KIGELI IV et ses conseillers prirent leur temps. Ils organisèrent une propagande intense parmi les Inzira—bwoba et finirent par isoler complètement NKORONKO, ses sujets ayant en grande partie déserté pour devenir immédiatement dépendants de la Cour. KIGELI IV partit sur ces entrefaites en expédition contre le Butembo (cfr. n°302). A son retour, en 1874, année de la Comète de Coggia, la dissolution des Inzira-bwoba était chose faite. Tandis qu’il faisait construire sa capitale à Rubengera, dans la province du Bwishaza, KIGELI IV avait donné ses ordres concernant le prince NKORONKO. Celui-ci fut arrêté à Gishwero, dans la province du Kabagali, tandis qu’il se rendait à RUBENGERA. En apprenant la nouvelle, le monarque envoya MBONYUWONTUMA fils de MURENGEZI pour conduire NKORONKO avec ses enfants dans l’îlot de Nkotsi — marais de la Kanyaru — et de les mettre à mort par strangulation. Ledit Îlot se trouve au-delà de la rivière, sur le territoire du Burundi ; il ne fallait pas qu’un prince du sang périt de mort violente suri le territoire du Rwanda. Le pauvre RUKANGANKAGWE, fils adoptif de NKORONKO(n°334), périt avec lui. Seul le nommé NDANGAMYAMBI fut exclu de la sentence de mort et fut laissé pour ne pas éteindre complètement la lignée d’un parent si fameux.

336.A la mort de NKORONKO, le commandement des Inzina-bwoba passa à NKUNDUKOZERA, fliS de BUTARE, de la Famille des Abacumbi. Le fonctionnaire sera livré au bourreau autour de 1890, accusé fort tardivement d’avoir lui aussi trempé dans la conspiration qui avait coûté la vie au Chef NYILIMIGABO (cfr. n° 317). En ce moment les Inzira-bwoba furent donnés à NKIRAMACUMU, un Muhutu récemment immigré du Burundi et rapide ment devenu grand favori du monarque. Lorsqu’il fut tué par les guerriers de Biyenzi (cfr. n°202), son commandement passa à MBANZABUGABO, dit BIKOTWA, déjà Chef des Indara. A la mort de BIKOTWA, tué sous YUHI V MUSINGA, le commandement de deux Milices passa à KANINGU, fils de MUTANA, un Muhima fait prisonnier encore enfant et élevé à la Cour. Étant membre influent du Parti de RUHINANKIKO, il tomba en disgrâce et fut destitué en 1903; il devait être tué quelque temps après au Kabagali où il avait été exilé. En ce moment, les Indara furent donnés à RWASAMANZI, fils de NTIZIMIRA, tandis que les Inzira-bwoba qui nous intéressent ici, passaient à RUGERINYANGE, fils de NDANGAMYAMBI et petit-fils de NKORONKO. Il légua sa fonction à son fils SENYAMAMBARA, encore en vie.

Prestations : Aucune, en raison du service actif permanent ; cfr. le paragraphe suivant. Armée-Bovine correspondante : Indilikirwa (H. A. B. n° 182, p.102).

 

  1. Abazira-kugisha= les Décocheurs infaillibles de flèches.

 

337. L’Armée-Sociale Abazira-kugisha, litt. Ceux dont les fléchez ne manquent jamais le but, fut créée en même temps que les Inzira-bwoba pour en former la section non combattante, destinée à payer les redevances. Le commandement fut confié initialement à MUHIGI, fils de MUKUNZI. Le prince NKORONKO plaça la corporation sous la dépendance de sa tante MUCYABO. Celle-ci soeur de la Reine Mère, avait été également épousée par YUHI IV mais elle n’avait pas eu d’enfant. Déjà dès le règne dudit monarque, la reine stérile avait reçu le prince NKORONKO pou qu’elle  lui servît de mère. Il y eut un conflit entre MUCYABO et son subalterne MUHIGI; celui-ci fut destitué et la fonction fut donnée à son frère SEBIBAMBA, fils de MUKUNZI. SEBIBAMBA légua sa fonction à son fils SEBASHI, à qui succéda son fils HABAGATSI, père de NGENDO, le dernier titulaire sous YUHI V MUSINGA. Les fonctionnaires initiaux dépendaient du haut commandement de la Milice Inzira-bwoba, ou plus précisément du prince NKORONKO.

 

  1. A la mort de celui-ci, KIGELI IV sépara les Abazira-kugisha d’avec les Inzira-bwoba et en fit une Milice désormais autonome; il en donna le commandement à RUHINGIKA, fils de KANYANKORE (cfr. n° 146), qui légua sa fonction à son fils NZIRAGUSESWA ; à celui-ci succéda son fils RUSANGANWA, qui est encore en vie. Prestations : 50 cruches d’hydromel et des peaux d’animaux sauvages ; en 1895, KIGELI IV donna à RUHARAMANZI la section qui devait les 50 cruches d’hydromel ; la Milice ne livra plus que les peaux. Armée-Bovine correspondante; initialement, les Indilikirwa (celle des Inzira-bwoba) ; après la mort du prince NKORONKO, aucune.

 

  1. Imvuza-rubango = les Massacrereurs à coups de javelines.

339.L’Armée-Sociale Imvuza-rubango = litt. Ceux qui (sur le champ de bataille) laissent la parole à la javeline, fut créée par MUTARA II qui en apanagea son fils MUKERAGABIRO. Lorsqu’il mourut prématurément au début du règne suivant, KIGELI IV donna cette Milice à BUKI, fils de MUHABWA (cfr. n°175). De son vivant, BUKI céda le commandement à son fils MUNIGANKIKO. Ce dernier, autour de 1894, fut livré au bourreau. Motif; comme il commandait le Bufumbira (actuellement englobé dans le Kigezi, en Uganda), il avait organisé une expédition contre le Ndorwa et razzié des vaches en une zone infestée par la peste bovine dite Mulyamo. Il traversa le pays avec ce butin suspect et alla l’exhiber au Roi qui résidait à l’époque au Kinyaga (Préfecture de Cyangugu). Ce fut ce butin qui contamina le pays entier en répandant la fameuse peste bovine du Mulyamo, laquelle fait époque dans les traditions du pays.

  1. A MUNIGANKIKO succéda la princesse BERABOSE, fille de KIGELI IV, et le prince NYINDO fils adoptif de ce monarque. La princesse était destinée à d’autres plans du monarque, tandis que NYINDO devait retenir définitivement le fief. Comme cependant ce dernier était encore jeune, le Chef KABARE fut nommé pour exercer le commandement effectif en attendant la majorité du prince. Les effectifs de la Milice étaient concentrés surtout dans le Bufumbira, et dans notre province du Bugoyi, en Préfecture de Gisenyi. La délimitation intercoloniale mit fin au groupement, et en ce moment le Chef BUSHAKU qui commandait la province de Bugoyi s’en appropria le reliquat de ses domaines. La Milice tenait un camp des Marches an Bukimbili, région située non loin de la ville de Kabale, au Kigezi.

Prestations : 200 cruches de miel, et 30 charges de imibavu (bois odoriférants) et une quantité indéterminée de inkati = un produit analogue aux perles de verroterie qu’on réduisait en poudre pour s’en oindre en guise de parfum. Un panier de cerceaux =ubutega (cfr. n°129 et 288), Armée-Bovine correspondante : aucune n’est mentionnée. .

 

  1. Imanzi = les Preux.

341.L’Armée-Sociale Imanzi fut créée par MUTARA II RWOGERA qui en apanagea son fils NYAMWESA. Comme il était encore jeune, le commandement fut confié à MIVUMBI (fils de MANA, fils de KAREBYA, fils de RUSHIHORE, celui-ci ancêtre éponyme des Abashihore) du Clan des Abakono. Lorsque, à l’avènement de KIGELI IV, le prince NYAMWESA s’exila au Burundi, MIVUMBI se recommanda à la nouvelle Reine Mère, laquelle le confirma temporairement dans sa fonction.

Lorsqu’elle créa cependant sa propre Milice Impama-kwica (cfr. n°362), elle en renforça la puissance par le jumelage de son commandement avec celui des Imanzii. Ce fut alors MUGABWAMBERE, fils de NYAMUTERA, qui fut à la tête des deux. A partir de ce moment, les fonctionnaires se succèdent comme il est indiqué à propos des Impamaa-kwica. (n° 362).

 

342.Prestations : une cruche géante appelée Mukorumbone (contraction de mukore-umbone) = Touche à lui et tu auras  à faire à moi. Cet avertissement comminatoire fait allusion soit au Chef, soit au monarque, auquel il ne faut pas tenter de faire du mal. La cruche était de la capacité de 4 cruches portables. Le responsable en était NDUHURA, fils GASHAYAYA, qui habitait dans l’Itabire (province actuelle du Rusenyi-Itabire). 60 cruches de miel et 60 de cidre préparé au miel. Les prestations étaient livrées trois fois l’an.  Armée-Bovine correspondante : aucune n’est mentionnée.

 

  1. Abarasa = les Décocheurs de flèches.

343.L’Armée-Sociale Abarasa fut créée par NTAMWETE, dernier Souverain du Gisaka. La dénomination Abarasa est une abréviation de Abarasa-rubaye = Ceux qui décochent des flèches dès que la bataille est formée. Dans le système du Gisaka, cette compagnie devait disparaître avec la génération de ses membres. La conquête de ce pays, aux environs de 1850, l’introduisit automatiquement dans le système Rwandais, de la Milice héréditaire. Son Chef subalterne d’alors, KABAKA, fils de KAYAGIRO, vint se soumettre à MUTARA II; l’étranger était accompagné d’une mission de son groupe. Le monarque qui se trouvait alors à Kaganza, dans l’actuelle province du Busanza-Nord, donna à chaque membre de la mission 5 vaches et 50 à KABAKA leur Chef. La dénomination guerrière des  barasa fut étendue à tous les hommes du Gisaka, habitant dans la province du Gihunya. Le prince NYAMWESA en fut nommé Chef, tandis que KABAKA fils de KAYAGIRO commandait en second.

 

344. A la mort de MUTARA II, on sait comment NYAMWESA s’exila d’abord au Burundi; il rentra ensuite et il fut condamné à la crevaison des yeux. Son successeur fut alors NKUNDUKOZERA, fils de BUTARE, avec toujours KABAKA comme second. Il succèdera plus tard à NKORONKO, non seulement à la tête des Inzira-bwoba, mais encore dans le commandement des Abahilika (province du Migongo, au Gisaka), ainsi qu’à GACINYA, fils de RWABIKA à la tête des Abadahigwa (province du Milenge, au Gisaka). Il arriva donc qu’une époque vit tout le Gisaka sous la même autorité d’un Chef Rwandais. Lorsque NKUNDUKOZERA fut destitué et tué (cfr. n° 336), les Abarasa qui nous intéressent ici passèrent enfin à KABAEA, fils de KAYAGIRO, en qualité de Chef titulaire.

 

  1. KABAKA fut chargé, en 1892, d’organiser l’expédition du Bushubi, qui aboutit à l’arrestation de NSORO, Roi de ce pays, et allié cependant de KIGELI IV. Le pauvre NSORO fut exécuté à Ruganda, au Kinyaga, en 1893. Cette même année, KABAKA fut livré au bourreau. Cette mort était en partie exigée par des oracles des devins, à la suite de la mort de NSORO ; mais le Roi reprochait aussi au Chef de lui avoir déconseillé l’exportation de l’ivoire que le monarque troquait contre les marchandises des produits européens, par l’intermédiaire de GASHUSHURU Roi du Bujinja. Le Chef avait dit à KIGELI IV, que les Européensapprendraient par là la richesse du Rwanda et auraient l’idée d’envahir le pays en vue de prendre de l’ivoire. « Or, dit le Chf, j’ai appris que les Européens sont trop puissants et qu’aucun monarque n’a jamais pu les vaincre ». C’était dire, en d’autres mots; que le Chef concevait des étrangers capables de vaincre  et de soumettre le Roi du Rwanda. Ce fut l’accusation mise en avant lors de la condamnation.

 

346. A KABAKA succéda MUGUGU, fils de SHUMBUSFIO, l’un des grands favoris du règne ;il ne restait en fait de favoris que lui et BISANGWA, puisque NZIGIYE venait de disparaître. MUGUGU fut condamné à mort sous MIBAMEWE IV RUTARINDWA, en 1896; à quelques mois du Coup d’État de Rucunshu. Son commandement passa à RWAYITARE, fils de RUTISHEREKA. Ce Chef fut tué à Rucunshu, dans le camp de YUHI V MUSINGA. Son commandement fut donné à son père RUTISHEREKA, fils de SENTAMA. Nous avons déjà raconté comment iI fut tué à Mukingo, quelques années plus tard, en 1899. Les Abarasa furent alors attribués à RUHINANKIKO, Chef du Parti triomphant. Il resta à la Cour et confia l’exercice du pouvoir à son fils KANYAMIGANDA.

 

347. Ce fut durant les derniers mois de RUHINANKIKO au pouvoir que les Abarasa se révoltèrent en adhérant à RUKURA, un descendant de KIMENYI IV GETURA, qui tentait de réconquerir, l’indépendance du Gisaka. A part quelques exceptions, tous les notables de la zone se compromirent dans l’affaire. Le pauvre RUKURA ne semblait pas faire attention à la présence allemande dans le pays ; et puis, que pouvaient faire les Abarasa et les autres Milices du Gisaka contre les guerriers du Rwanda ? Ces derniers s’en chargèrent-ils, sans aucune intervention des Allemands. Ceux-ci se contentèrent de mettre l’aventurier sous leur protection et de le réexpédier au Tanganyika Territory, En ce moment tous les guerriers du Gisaka émigrèrent au Burundi, à la frontière du Rwanda. Le notable MPUMBIKA qui causa la chute de RUHINANKIKO (cfr. n°298) était plus ou moins impliqué dans cette affaire ; mais il appartenait à la Milice Abadahigwa, du  Mirenge. Les ennemis de RUHINANKIKO, voyant que l’intervention des Autorités allemandes venait de faire chanceler le potentat de la veille, lui donnèrent le coup de grâce en faisant agir les Abarasa. On leur fit envoyer une délégation à la Cour, pour expliquer que leur adhésion à l’aventurier RUKURA avait été causée par RUHINANKIKO, un Chef méchant, etc. Qu’ils voudraient bien renter dans le pays, mais qu’ils le redoutaient.

 

  1. La Cour envoya le notable KANUMA les rassurer du pardon total et les faire rentrer au pays. Le bouc émissaire universel avait été trouvé : c’était RUHINANKIKO. Ce même KANUMA, fils de BYABAGABO, fut nommé à la tête des Abarasa auprès desquels il avait si bien accompli la mission de pacification que la cour souhaitait ardemment. KANUMA, en 1984, démissionna en faveur de sou petit-fils GACINYA, fils de NYILINKWAYA. Ce fonctionnaire, encore en vie, ne fut destitué qu’à la suite des événements de novembre 1959. Prestations : aucune, en raison des origines et du service guerrier permanent. Armée-Bovine correspondante : Ingaju z’i Sakara( H . A. B. le 197, p. 109).

 

  1. Abahilika = les Culbuteurs.  349. L’Armée-Sociale Abahilika,comme la précédente, fut formée dans le système du Gisaka. Il s’agissait des guerriers en activité sous le prince MUSHONGORE, Chef du Migongo, au moment de la conquête du Gisaka. MUSHONGORE vint au Rwanda se soumettre à MUTARA II, et le monarque le laissa dans ses commandements. Mais il se révolta bientôt après, lorsque MUTARA II lui demanda de livrer le Rukurura, Tambour-emblème de la Dynastie du Gisaka. Une expédition fut envoyée contre lui et il se réfugia au Bujinja, au-delà de la Kagera.

 

  1. Le prince NKORONKO qui dirigeait l’expédition fut nommé à la tête du Migongo et de la Milice Abahilika qui était recrutée exclusivement dans cette zone. Lorsque NKORONKO fut livré au bourreau sous KIGELI IV, en 1874, son commandement passa à NKUNDUKOZERA, déjà placé à la tête des Abarasa. A la chute de ce fonctionnaire, les Abahilika furent donnés à NZIGIYE, fils de RWISHYURA, l’un des grands favoris du règne. A sa mort, son fils RWATANGABO lui succéda. A partis de ce Chef, la succession s’opéra comme il a été indiqué à propos des Abarota (n°264), de MPETAMACUMU à LYUMUGABE. Prestations : aucune, en raison des origines et du service guerrier permanent. Armée-Bovine correspondante : Urugaga (H.A. B. n°194, p. 107-108).

 

  1. Abadahigwa = les Insurpassables en hauts faits.

351.L’Armée-Sociale Abadahigwa, comme les deux précédentes, était, à l’époque de la conquête du Gisaka, la Compagnie en activité sous RUSHENYI, fils de SEBAKARA, alors Chef de la province du Mirenge. Ses effectifs se limitaient à cette province. Comme RUSHENYI s’était réfugié au Rwanda, en fuyant devant NTAMWETE avec qui il était en conflit, et qu’il était devenu l’un des envahisseurs, il resta à la tête de sa Milice. Mais GACINYA, fils du prince RWABIKA, lui fut donné comme Chef superviseur.

 

352. A la mort de GACINYA, le Chef NKUDUKOZERA obtint cette fonction, qu’il exerçait déjà sur les Abarasa et les Abahilika tandis que KABAKA, fils de KAYAGIRO, était son adjoint général sur tout le Gisaka. A la chute de NKUNDUKOZERA, GIHANA, fils de GACINYA, reprit le commandement des Abadahigwa. Lors de l’affaire de ku Mira, GIHANA fut destitué et KIGELI IV lui donna comme successeur un Muhutu du terroir, appelé RUNYANGE. Celui-Ci se choisit une Compagnie appelée lbyinigili = les Costauds, dont une soixantaine environ était armée de fusils arabes. KIGELI IV s’en servait pour la chasse, surtout das le Cyanya. C’était à ses yeux une arme sans efficacité pour les combats, à cause du temps qu’on mettait à recharger de la pondre.

 

  1. A l’avènement de YUHIV MUSINGA, RUNYANGE fut destitué en faveur de RUKANGIRASHYAMBA, fils de KANYAMUHUNGU qui exerça le commandement effectif par son fils NYAMUTEZI, puis par son autre fils RUGONDO. De son vivant, RUKANGIRASHYAMBA désigna son fils GASHAMURA pour lui succéder. GASHAMURA qui résidait continuellement à la Cour se fit représenter au Mirenge par son fils KAGANGO ; lorsque GASHAMURA fut relégué au Burundi en 1925, son fils KAGANGO lui succéda à la tète de la Milice. Lorsque KAGANGO fut destitué par les Autorités belges; l’évolution avait déjà commencé son oeuvre, et les structures ici étudiées n’avaient plus guère d’importance. Prestations : aucune, en raison des origines de la Milice. Armée-Bovine correspondante : elle ne semble pas avoir existé.